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Quelle politique migratoire européenne ?

Quelle politique migratoire européenne ?

 

Pour Margaritis Schinas, Vice-président de la Commission européenne, : «L’Europe ne peut pas se permettre de ne pas avoir de politique migratoire» (Interview dans l’Opinion)

 

 

Faut-il s’inquiéter de voir, aujourd’hui, le Premier ministre « illibéral » de la Slovénie assurer la présidence tournante de l’Union européenne ?

C’est vrai que le gouvernement slovène est idéologiquement très chargé. Il semble tenté de vouloir imposer ses idées politiques alors qu’une présidence européenne est avant tout un exercice de compromis. Il sera sans doute obligé d’évoluer vers le centre. Il va vite s’en rendre compte à l’image de Janez Jansa, le Premier ministre slovène, attendu de pied ferme ce mardi par le Parlement européen. Cela reste néanmoins à mes yeux un gouvernement qui peut travailler pour l’Europe.

Y a-t-il un problème avec les anciens pays de l’Est ?

Je ne crois pas qu’il faille un « homo europeus » qui agirait et penserait de la même façon. Je ne prêche pas pour une uniformité de vue en Europe. En revanche, je pense qu’il existe un « corpus europeus » autour des valeurs. Il y a un certain modèle de société et de démocratie qui pousse tout le monde à travailler ensemble. Alors, oui, il y a quelques gouvernements qui n’ont pas évolué vers cette défense universelle de notre modèle ; qui mettent sur la même ligne Bruxelles et Moscou ; qui simplifient les choses et polarisent l’opinion. Plusieurs clivages (villes contre territoires, religions, etc.) sont encore très présents dans cette Europe « illibérale ». Tous les pays européens sont passés par là. Il y aura demain une nouvelle génération en Hongrie, en Pologne et en Slovénie qui poussera vers le courant dominant et partagera nos valeurs.

En attendant cela bloque l’UE…

Oui, parfois. Cela gêne comme on l’a vu lors du dernier conseil européen sur la question des LGBT ou de la Russie. Mais ces blocages peuvent aussi aider l’Europe. Ils donnent des arguments à ceux qui veulent avancer plus vite en ayant recours, par exemple, à la majorité qualifiée ou à des formules alternatives. Ce n’est pas facile de bloquer l’UE. Prenez les vaccins ou le plan de relance ! Qui aurait dit, il y a quelques mois, que nous allions acheter quelque 4 milliards de doses pour l’ensemble des pays membres. Il faut voir la partie positive des choses.

L’immigration fait partie des points de blocage. Comment voyez-vous la situation ?

Le principal problème, c’est que nous n’avons pas de politique européenne en matière de migrations. Tous les événements auxquels on assiste dans les îles grecques, à Calais, aux Canaries, à Ceuta en sont le résultat. Or, il y a de quoi s’alarmer alors que 20 millions de personnes en Afrique du nord n’ont pu travailler dans le tourisme du fait de la pandémie ; que les talibans sont en train de reprendre la main en Afghanistan et que le dérèglement climatique pousse les gens à l’exil. C’est pourquoi nous avons mis sur la table, en septembre, le « pacte sur la migration et l’asile ». Il comprend trois volets. Le premier vise à nouer des accords très poussés avec les pays d’origine et de transit. On ne peut pas gérer la situation en interne si on ne le fait pas en externe. Le second volet concerne le renforcement de Frontex et des frontières européennes avec des procédures très claires et des retours rapides. Le troisième touche à la solidarité avec la mise en place d’un système de partage du fardeau sans recourir à des quotas. Dès qu’un Etat membre sollicitera de l’aide, l’idée est de lui offrir, sans conditions, le niveau de solidarité requis. Cela peut être une présence immédiate pour tenir la frontière, des délocalisations rapides ou l’envoi d’équipes pour gérer sur place les demandes d’asile, etc. Au cas où une demande ne serait pas totalement satisfaite, la Commission aura le droit d’imposer aux Etats membres la partie de solidarité manquante. Mais, à mon avis, ce ne sera pas nécessaire car il y aura tout un éventail de types de solidarité.

Quand ce paquet sera-t-il adopté ?

Je compte sur la présidence française pour faire avancer le dossier, tout du moins dans ses premiers mois. La France comme l’Allemagne est favorable à cette proposition mais je suis conscient qu’il puisse y avoir des limites en période de campagne électorale comme ce sera le cas dans les deux pays dans les semaines et mois à venir. Ce serait bien d’arriver à un accord complet d’ici à un an. L’Europe ne peut pas se permettre de ne pas avoir de politique commune en la matière.

Un an, n’est-ce pas déjà trop tard avec la pression qui monte ?

Nous sommes en début de budget, nous avons donc de l’argent pour intervenir dans ces pays. Nous pouvons aussi mobiliser les visas, les préférences commerciales, les bourses Erasmus… Il faut des partenariats gagnants-gagnants pour aider ces Etats à garder les migrants chez eux. Nous devons aussi les pousser à mieux assumer leurs contrôles aux frontières. Ce point fait consensus. C’est moins le cas pour le reste du paquet. Or, certains Etats membres ont indiqué qu’il n’était pas question de faire de la vente à la découpe. C’est tout ou rien.

Comment évoluent les relations avec la Turquie ?

C’est un voisin difficile. Mais comme dans chaque copropriété, il faut bien vivre avec ses voisins. Les Turcs continuent d’accueillir 3,5 millions de réfugiés syriens. Nous travaillons au renouvellement de l’accord avec Ankara, pour un montant d’environ 3 milliards d’euros. Pour la première fois, nous pourrions verser une partie de cette somme directement aux autorités qui gèrent la crise et plus uniquement aux ONG.

Et avec le Maroc et la Libye ?

Il y a eu des tensions avec l’Espagne mais dans l’ensemble, le Maroc joue le jeu. Je ne le vois pas comme un problème systémique. Ni la Libye où pour la première fois nous avons un gouvernement, donc un interlocuteur. Espérons en revanche que l’Afghanistan reste gérable.

Combien de migrants pourraient arriver dans le pire des scénarios ?

Le scénario noir, c’est celui dans lequel on ne sait pas. D’où la nécessité de trouver le plus rapidement possible un accord sur le pacte européen. L’absence de régulation des flux migratoires est aujourd’hui la première force d’attraction pour les trafiquants. Une aubaine !

Vous êtes aussi responsable du risque cyber. Que propose la Commission ?

C’est pour nous la priorité des priorités. La cybersécurité n’est plus cantonnée au silo technologique, c’est une question de sécurité nationale. L’attaque cyber contre le pipeline aux Etats-Unis, qui s’est traduite par une attaque sur une infrastructure physique critique, a servi de « wake up call » au Conseil européen. Tant qu’il ne se passait rien, on regardait le dossier de loin. Dès le mois de novembre, nous avons proposé avec Thierry Breton un paquet cyber qui est aujourd’hui sur la table du législateur. Il comprend une directive pour la sécurité des réseaux, une autre pour la protection des infrastructures critiques (ports, aéroports, nucléaire, réseaux d’énergies…) et la création d’une « cyber unit », un réseau d’experts européens. Notre écosystème doit être capable de répondre automatiquement à toute attaque transnationale.

Ethiopie: Quelle démocratie ?

Ethiopie: Quelle démocratie ?

 

Pour l’universitaire Eloi Ficquet, « la promesse enchantée de prospérité et de développement n’est plus qu’un mirage »(Interview dans l’Opinion)

 

 

Les législatives éthiopiennes, dont on attend les résultats, se sont tenues le 21 juin alors que l’armée fédérale est en guerre contre les forces de défense tigréennes. Historien et anthropologue spécialiste de la Corne de l’Afrique, maître de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), Eloi Ficquet revient sur les enjeux de ce scrutin.

Quel sens donner aux législatives en Ethiopie ?

Les élections devaient sanctionner un nouvel horizon, le retour de l’optimisme, un dépassement du conflit. Malgré de grandes difficultés d’organisation, obligeant à plusieurs reports, il faut reconnaître au final que le scrutin s’est plutôt bien déroulé, dans le calme, là où il a pu se tenir. Cela marque – ou aurait dû marquer – l’installation au pouvoir du Premier ministre Abiy Ahmed, et de son nouveau parti, le Parti de la Prospérité, après trois années de transition. Il a fait campagne sur le potentiel de développement de son pays, particulièrement dans le domaine agro-industriel. Il a fait l’apologie d’un futur prometteur pour effacer un présent qui n’est pas satisfaisant. Trois ans après son arrivée au pouvoir à l’issue d’une succession au sein du précédent parti majoritaire, son but était d’obtenir une légitimité par les urnes alors qu’il était fragilisé par le conflit au Tigré. Le pouvoir a ainsi cherché à dresser un rideau d’illusion démocratique pour expliquer que la crise est terminée. Le jour même du vote, Abiy Ahmed déclarait à la BBC qu’il n’y avait pas de famine au Tigré, que le conflit serait vite réglé. Mais les poches de résistance ont été plus fortes que ce discours de dissimulation. Une semaine après le vote, l’armée a décrété un cessez-le-feu unilatéral et abandonné ses positions à Mekele, la capitale régionale, immédiatement reprises par les forces de défense tigréennes.

Ces dernières menacent de poursuivre leur offensive dans le territoire amhara et jusqu’en Erythrée pour chasser l’armée de ce pays, qui combat aux côtés des forces fédérales éthiopiennes… Est-ce du bluff ?

Les forces de défense tigréennes maîtrisent le terrain. Elles s’étaient repliées dans les zones intérieures de montagne. C’est un paysage de vallées escarpées comparable à l’Afghanistan. Il est propice à des mouvements de guérilla, qui se déplacent discrètement et ont la confiance des populations. Ces forces ont largement repris le contrôle de leur région et ont poussé leur avantage en menant des opérations en région amhara où se trouvent stationnées des garnisons des forces fédérales. Elles ne souhaitent pas s’y établir de matière permanente mais veulent obtenir une position de force dans les négociations politiques à venir. Par ailleurs, le président érythréen, Issayas Afewerki, a envoyé toutes ses troupes, faites de conscrits de force, dans cette opération pour détruire ses rivaux historiques du Tigré. Après trente années de repli nationaliste et totalitaire, il se voyait en empereur de la Corne de l’Afrique. Son aventurisme militaire semble désormais voué à l’échec. Il pourrait le payer politiquement si son armée décidait de se retourner.

Le soutien populaire dont s’est prévalu Abiy Ahmed au début de son mandat n’est-il pas en train de s’éroder ?

Outre la situation de conflit, très largement occultée par la communication officielle, la population est affectée par la situation économique qui s’est fortement dégradée. La monnaie se déprécie. On échange un euro contre 60 birrs, soit 20 birrs de plus qu’avant le conflit. Celaa provoqué l’inflation des produits importés et a des conséquences sur le pouvoir d’achat des ménages. L’insécurité augmente dans la capitale, Addis Abeba ; le petit banditisme et la criminalité progressent. La promesse enchantée de prospérité et de développement n’est plus qu’un mirage.

«Le discours des Tigréens est constant: ils ne sont pas dans une logique séparatiste mais veulent exister de façon plus autonome dans un Etat fédéral. En réalité, l’Ethiopie n’est pas encore une nation unifiée»

Comment le Premier ministre a-t-il perdu le soutien des forces politiques et militaires du Tigré ?

Il y avait déjà des rivalités au sein de l’ex-Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF, alliance de quatre partis ethniques dominée par le Front de libération du peuple du Tigré-TPLF). C’était un pouvoir monopolistique sous la direction de Meles Zenawi, l’ancien Premier ministre décédé en 2012. La seule expression tolérée de voix d’opposition était incorporée dans le parti. En 2018, face au mouvement grandissant de mécontentement des Oromo, la majorité démographique du pays, la composante tigréenne a accepté d’abandonner sa position hégémonique pour se recentrer sur sa région afin de gouverner d’une manière plus décentralisée. Elle a confié le pouvoir aux Oromo. Ils ont à leur tour désigné en leur sein Abiy Ahmed. Ce dernier a ensuite dissous l’EPRDF et l’a remplacé par une nouvelle formation, le Parti de la prospérité, tout en permettant une ouverture politique aux partis d’opposition en exil. Une fois en poste, il a tenté de conserver les leviers politiques au niveau fédéral, ce qui a déclenché la révolte d’une partie des Oromo, puis des Tigréens.

Existe-t-il un risque de partition de la région tigréenne ?

On a surestimé l’avènement d’un scénario de dislocation de l’Etat, comme dans l’ex-Yougoslavie. C’est un risque, des factions extrémistes qui peuvent pousser dans ce sens-là. Mais pour l’instant, le discours des Tigréens est constant : ils ne sont pas dans une logique séparatiste mais veulent exister de façon plus autonome dans un Etat fédéral. En réalité, l’Ethiopie n’est pas encore une nation unifiée. C’est une forme de société impériale de type austro-hongrois qui a connu une série de révolutions des peuples, sans être encore stabilisée. Il faut laisser le temps à la construction d’un Etat indépendant tenant compte à la fois des polarités identitaires et de nombreuses zones de mixité. Les acteurs doivent trouver la définition du juste niveau de coordination fédérale. Cette crise doit pouvoir se régler à condition que tous les acteurs se mettent autour d’une table et prennent le temps de travailler pour définir de nouveaux équilibres. Or Abiy Ahmed a organisé la transition à son seul profit, en allant très vite. Cette crise est aussi une crise de l’accélération à l’échelle globale. Il faut faire un travail de réinvention politique, territoire par territoire, en trouvant les solutions idoines. Les Ethiopiens ont une culture politique fondée sur une histoire très profonde. Les acteurs diplomatiques internationaux et régionaux peuvent aider. Les militaires peuvent aussi amener le Premier ministre à la négociation. Ils ont mal vécu le fait d’être sous commandement érythréen dans la guerre au Tigré.

Russie et Chine s’opposent à l’adoption d’une résolution du conseil de sécurité de l’ONU sur l’Ethiopie. Est-ce un soutien à Abiy Ahmed ?

La Russie et la Chine exercent un blocage de principe depuis qu’elles estiment avoir été trompées par les Occidentaux lors de l’intervention de l’Otan en Libye. Cela ne doit pas être interprété comme un appui direct au régime d’Abiy Ahmed qui ne souhaite pas d’ingérence extérieure. Ces deux puissances sont dans une position d’observation. La Chine a beaucoup investi en Ethiopie qui est endettée à son égard. Elle est prudente et ne va pas s’aventurer dans une option incertaine. Pour les Occidentaux, le Premier ministre est une désillusion. Ils estiment avoir été abusés. Abiy Ahmed était proche de Mike Pence, l’ex-vice président américain, dans une alliance entre chrétiens évangéliques fanatiques porteurs de vérités alternatives. Tout son discours provient de ce registre d’exaltation religieuse et messianique. L’administration Biden ne le soutient plus. Même les Emirats arabes unis, qui l’ont appuyé au début dans sa guerre, ont commencé à prendre leurs distances.

Quelle stratégie industrielle de santé ?

Quelle  stratégie industrielle de santé ?

Nicolas Bouzou, économiste, auteur de Homo Sanitas (XO) et Olivier Bogillot, président de la Fédération française des industries de santé é voquent les perspectives d’une stratégie industrielle de santé innovante dans l’Opinion. (Une contribution intéressante mais avec un certain parfum de corporatisme assez contradictoire quand les labos Française ux-mêmes ont externalisé la plus grande partie de leur production l’étranger NDLR)) 

En France, le débat public sur la santé se focalise beaucoup sur la prise en charge des patients et peu sur la production des innovations en santé. Au début des années 2000, la France était le premier producteur de médicaments en Europe. Elle est aujourd’hui en 4e position. Ce déclassement est d’autant plus surprenant que la France pourrait, si elle s’en donnait les moyens, être à nouveau une terre d’innovation et de production enviée en matière de médicaments et de dispositifs médicaux.

Il faudrait pour cela définir ce que serait une politique industrielle volontariste et se donner les moyens de la faire appliquer. Le prochain Conseil stratégique pour les industries de santé (CSIS) qui rendra ses conclusions au gouvernement à la fin du mois, doit porter cette ambition. Evidemment, la prise de conscience sur la nécessité de muscler nos capacités d’innovation et de production en santé s’est largement faite à la faveur de la crise de la Covid-19. A ce titre, l’initiative portée par la France, l’Allemagne et l’Union européenne intitulée « Résilience de l’industrie médicale et pharmaceutique » annoncée le 31 mai dernier est une formidable opportunité.

Développer le secteur productif de la santé en France et en Europe est justifié car nous détenons au moins deux avantages compétitifs majeurs dans ces domaines. En amont, le capital humain européen en la matière est tout à fait exceptionnel, tant dans la recherche fondamentale qu’appliquée. Nous avons des chercheurs de très haut niveau en médecine, biologie, génétique, mais aussi en intelligence artificielle, informatique, mathématiques, qui sont les nouveaux outils pour développer des plus rapidement les innovations en santé.

Un grand nombre des chercheurs les plus demandés dans le monde ont été formés sur notre continent, y compris sur l’ARN messager révélé par la Covid-19, malheureusement, ils le quittent souvent, et nous devons tout faire pour les retenir. En aval, notre marché est attractif. Les pays européens accueillent des Etats providence dont le contrat social propose à chaque ressortissant les soins les plus adaptés, y compris quand ils sont innovants. Dans ce domaine, la France possède des atouts comme son système d’ATU (autorisations temporaires d’utilisation) qui permet à des patients souffrant de pathologies graves d’avoir accès à des traitements avant leur AMM (autorisation de mise sur le marché).

Qualité de la recherche, taille du marché, essais cliniques et autorisations temporaires d’utilisation sont autant d’actifs à valoriser

Avantages compétitifs. Malheureusement, nous n’exploitons pas suffisamment ces avantages compétitifs, comme en témoigne la désindustrialisation française en matière de santé mais aussi la relative faiblesse de l’implantation de grosses sociétés de biotechnologies. L’Allemagne possède 6 licornes en biotechnologie, dont 2 déca-cornes, la France aucune. Cette situation n’est pas inéluctable car notre pays possède deux domaines d’expertise exceptionnels dans lesquels elle peut développer des sociétés de biotech et acquérir des parts de marché significatives : la cancérologie et les thérapies géniques.

Nos centres de lutte contre le cancer, comme l’Institut Gustave Roussy ou l’Institut Curie, qui sont des structures privées (à but non lucratif), échappent en partie aux rigidités du public tout en se positionnant en pointe dans l’innovation. Ce sont dans leur discipline des pôles de référence mondiaux en matière de recherche et de soins. Dans les thérapies géniques, nos équipes de recherche sont réputées et une vingtaine d’entreprises françaises sont actives dans ce secteur.

Qualité de la recherche, taille du marché, essais cliniques et ATU sont autant d’actifs à valoriser. Dans ce domaine particulièrement innovant, l’excellence des soins découle de la localisation d’une chaîne de valeur (recherche, développement, production, commercialisation, parcours de soin, suivi des patients à long terme…) colocalisée à proximité des hôpitaux.

Co-investissement. Pour valoriser ces atouts, nous proposons trois solutions. Premièrement, les co-investissements entre secteur privé et pouvoirs publics doivent être généralisés avec des moyens conséquents, exactement comme les Etats-Unis l’ont fait il y a un an avec les vaccins. Les thérapies géniques ou les nouveaux médicaments en cancérologie, qui s’adressent à des cohortes de patient peu nombreux, se prêtent particulièrement bien à ce type de coopérations.

La France doit clairement revendiquer que c’est chez nous que les innovations sont lancées en premier au niveau international à un prix satisfaisant

Deuxièmement, la France doit s’appuyer sur le système des ATU, et clairement revendiquer que c’est chez nous que les innovations sont lancées en premier au niveau international à un prix satisfaisant. Un accès au marché rapide et une croissance attira les industriels du monde entier.

Troisièmement, la fixation des prix des innovations doit intégrer des incitations économiques à localiser recherche et production sur le sol français. Si la France redevient un marché en croissance pour les industriels, notre économie doit en tirer des contreparties en termes d’investissements et d’emplois. Après ce traumatisme collectif que fut cette crise, il serait formidable de faire de la France un phare pour l’innovation et la production en santé. Les avantages seraient économiques et symboliques. Et c’est possible !

Nicolas Bouzou, économiste, auteur de Homo Sanitas (XO) et Olivier Bogillot, président de la Fédération française des industries de santé.

Quelle intégration des musulmans dans la République ?

Quelle intégration des musulmans dans la République ?

« Nous devons tout faire pour que nos concitoyens, musulmans ou pas, comprennent la dimension culturelle de l’islam, sa part dans l’histoire de notre pays, et ainsi surmonter la dimension politique portée par un islam dévoyé »explique dans l’Opinion Sadek Beloucif est candidat à la présidence de la Fondation de l’islam de France.

 

 

Candidat à la présidence de la Fondation de l’islam de France (FIF), Sadek Beloucif a été reçu récemment par le Bureau central des cultes du ministère de l’Intérieur pour présenter sa vision. Chef du service d’anesthésie-réanimation à l’hôpital Avicenne de Bobigny et président du Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP), cet ancien membre du Conseil consultatif national d’éthique se confie sur le sens de sa candidature.

Pourquoi vous portez-vous candidat à la FIF dont vous dirigez le conseil d’orientation ?

Jean-Pierre Chevènement a porté ce projet sur ses fonts baptismaux. Les objectifs sont excellents : éducation sociale, aide à la recherche pour des doctorants, formation profane des imams, promotion de la laïcité et de la culture musulmane… La FIF est toutefois ensablée. Elle connaît un déficit de notoriété et de moyens financiers pour accomplir ses missions. Il faut combler ces lacunes avec autant d’humilité que de détermination. La FIF est un formidable outil qui, bien utilisé, peut servir la France et l’islam.

Que proposez-vous?

Les lettrés connaissent la FIF mais une grande partie de nos concitoyens n’en ont jamais entendu parler. La FIF doit être populaire. Elle doit parler aux Français non musulmans qui ne connaissent pas vraiment cette religion. Il faut s’adresser aussi aux Français musulmans, ceux de la majorité silencieuse, qui sont paisibles et qui ont une forte volonté d’intégration dans la communauté nationale. Certains, une petite minorité, sont tentés par un séparatisme. Sa réalisation marquerait la fin du projet d’intégration. Notre pays n’est pas communautariste mais a vocation à être universaliste. La religion relève du domaine privé, celui de l’intime. Lorsque Jean-Pierre Chevènement m’a demandé de prendre la tête du conseil d’orientation de la FIF, j’ai plaidé avec succès pour que des personnalités non musulmanes, fines connaisseuses de la culture d’islam, y entrent. Il est important que l’islam soit compris non seulement comme une foi mais aussi comme une question culturelle.

Quelle place doit avoir la FIF dans la structuration de l’islam de France ?

La FIF, par son expertise culturelle, va aider une telle structuration. L’islam de France doit comporter d’abord une instance « ordinale » (comme l’Ordre des avocats ou des médecins), ce que voulait représenter le Conseil français du culte musulman (CFCM). Celle-ci doit inclure des pouvoirs de « police du culte », même s’il n’y a pas, en islam sunnite, de clergé au sens hiérarchique du terme. Nous n’aurons pas l’équivalent d’un pape ou d’un grand rabbin. Mais nous aurons un Conseil des imams et nous avons une charte des principes pour l’islam de France, essentielle, car elle reprend les principes éthiques et républicains devant être approuvés par tous. Enfin, il faut aussi une instance de financement des fidèles pour le financement des aspects cultuels, un peu comme le denier du culte. Au sein de cet ensemble, la FIF a vocation à utiliser la culture pour promouvoir le dialogue au sein de la communauté nationale entre la République et les citoyens de culture musulmane, au bénéfice de tous les Français.

«La FIF doit être financée par une nouvelle génération de citoyens engagés acceptant de donner lors de leur déclaration de revenus à des organismes d’intérêt général et de bénéficier ainsi d’une part de réduction fiscale»

Les mécènes sont rares. Comment remédier à ce problème de financement?

D’abord faire appel à la générosité publique pour résoudre ce manque de notoriété et de moyens. D’autres fondations d’utilité publique aident à la lutte contre la pauvreté, la protection de l’enfance, la recherche médicale. La FIF doit être financée par une nouvelle génération de citoyens engagés acceptant de donner lors de leur déclaration de revenus à des organismes d’intérêt général et de bénéficier ainsi d’une part de réduction fiscale. Il faut aussi frapper aux portes des entreprises. Total est en train d’investir 17 milliards de dollars au Mozambique, pour un projet de grande ampleur, actuellement troublé par une minorité intégriste agissante. Nos champions de l’industrie ont tout intérêt à mieux connaître cette religion. Louis Vuitton possède plusieurs magasins à Singapour. Un tel développement mondial a forcément été réalisé en comprenant la culture locale… D’autres opportunités existent en sollicitant nos Grandes écoles de commerce et d’ingénieurs, les chambres de commerce, les conseils régionaux…

L’Association musulmane pour l’Islam de France (Amif) est destinée à mobiliser les ressources pour le financement du culte…

Son président, Hakim El Karoui, est un homme talentueux. Je l’ai invité l’année dernière au CFCM pour que l’on travaille ensemble à la réalisation d’un modèle de mobilisation des ressources financières (N.D.L.R. : taxes sur le pèlerinage et le halal notamment) pour financer le culte musulman. Nous sommes encore dans les discussions pour arriver à monter cette instance unifiée, commune pour tous les musulmans.

La peur de l’islam est instrumentalisée politiquement. Que faire?

Il faut que la France puisse résoudre cette nouvelle « question d’Orient » en interne pour pouvoir avancer. Plusieurs éléments montrent que nous sommes en train d’y arriver. Le modèle anglais est plus communautariste. La France, c’est une communauté de destins, une citoyenneté. Quand j’étais petit à l’école, on m’apprenait que le soleil ne se couche jamais sur l’Empire. La France est un condensé du monde. Pour être présente et influente dans les domaines politique, économique, culturel et sociétal, elle doit comprendre ses différentes racines. La marche des Beurs en 1983 a montré la volonté d’une génération montante d’être des Français à part entière. L’intégration de la communauté musulmane dans la République est un vecteur de « faire ensemble », plus difficile à réaliser que le simple « vivre ensemble ». Pour y contribuer, nous devons tout faire pour que nos concitoyens, musulmans ou pas, comprennent la dimension culturelle de l’islam, sa part dans l’histoire de notre pays et de notre civilisation, et ainsi parviennent à surmonter la dimension politique portée par un islam dévoyé.

Vous revendiquez votre appartenance à un humanisme éclairé?

Je ne sais pas si je suis un musulman éclairé. Je suis dans l’islam des familles. Je n’étale pas mon appartenance religieuse, mais je ne tais pas ma foi. On dit en islam : « ​Il ne faut pas que l’ignorant garde son ignorance et il ne faut pas que le savant garde pour lui seul sa science ​». Tout homme a un impératif de perfectionnement, d’apprentissage des cultures, de partage. C’est la raison d’être de l’association L’Islam au XXIe siècle que je préside. La situation est trop difficile pour que l’on ne fasse pas « ​société ensemble ​» quand on voit le traumatisme provoqué par les attentats. La FIF doit expliquer l’importance d’une citoyenneté commune, d’une part aux Français qui en ont parfois peur et d’autre part aux musulmans de France pour un islam pleinement inséré dans la République.

Comment jugez-vous le bilan du président actuel de la FIF, Ghaleb Bencheikh ?

C’est un homme de qualité, doté d’une finesse d’esprit, mais il est affaibli. La FIF a du mal à avancer, pâtit d’un déficit de notoriété et ne dispose pas des ressources financières suffisantes pour mener à bien ses projets. Elle manque d’indépendance et son président a voulu composer en attirant des financements de la Ligue islamique mondiale (N.D.L.R. : sous tutelle de l’Arabie saoudite)

Quelle pérennité des cryptomonnaies ?

Quelle pérennité des  cryptomonnaies ?

Un article dans le Wall Street Journal de Peter Santilli, Caitlin Ostroff et Paul Vigna 

 

Les cryptomonnaies comme le bitcoin, l’ether et le dogecoin ont atteint des pics que peu d’investisseurs auraient imaginé il y a un an. Même les traders les plus optimistes ne peuvent pas s’empêcher de s’interroger sur la pérennité de ce rebond.

Les forces sous-tendant cette ruée vers les cryptomonnaies rappellent celles qui ont fait grimper les actions GameStop cette année. Le surplus d’argent des chèques d’aide pour soutenir les plus démunis a également alimenté les comptes en Bourse sans frais de courtage. Par ailleurs, dans le monde entier, les gens ont passé davantage de temps chez eux, face à des écrans, alors que les entreprises étaient fermées en raison de la crise sanitaire.

Les restrictions imposées au trading d’actions par certaines maisons de courtage cette année ont peut-être poussé certains boursicoteurs de Reddit à se tourner vers les cryptomonnaies, estiment des investisseurs. L’adoption du bitcoin et d’autres monnaies numériques par le patron de Tesla, Elon Musk, et l’introduction en Bourse à Wall Street de la plateforme d’échange de cryptomonnaies Coinbase ont également nourri ce rebond.

Au-delà du bitcoin

L’appétit pour les jetons non fongibles (ou NFT) a abouti à une explosion d’activité sur Ethereum, le réseau informatique reposant sur la blockchain sur lequel s’appuie la plupart des NFT. Le prix de l’ether, la monnaie interne du réseau, a atteint des records, alors que davantage de personnes ont adopté cette technologie. Les NFT sont des actifs comparables à des bitcoins reliés à des œuvres d’art numériques ou d’autres objets physiques et vendus comme bien numérique unique.

Au cours d’une année où des investisseurs particuliers ont fait grimper le prix de certains actifs, aucune évolution sur les marchés des monnaies numériques ne définit plus le pouvoir des mèmes Internet que l’essor du dogecoin. Cette cryptomonnaie lancée comme une plaisanterie a néanmoins gagné plus de 10 000 % en 2021 en date de vendredi 14 mai.

La valorisation du dogecoin a dépassé 80 milliards de dollars lors de son pic de 2021 atteint en mai, contre 600 millions de dollars à la fin de l’année dernière. L’attention portée à cette monnaie par Elon Musk et le rappeur Snoop Dogg, entre autres, a transformé les utilisateurs des réseaux sociaux en investisseurs et a encouragé de nouveaux acheteurs à faire leur entrée, avec l’objectif de faire grimper la cryptomonnaie à 1 dollar. Elle s’échange actuellement à 50 cents.

Les créateurs du dogecoin n’avaient jamais prévu qu’il prenne une valeur significative. Mais les investisseurs spéculent sur un futur rallye basé uniquement sur les effets des réseaux sociaux. Cela peut les rendre plus vulnérables aux pertes et aux fortes fluctuations, une fois le buzz essoufflé.

Les fortes fluctuations du dogecoin représentent aussi un avertissement pour les investisseurs en bitcoins. Si les promoteurs de la première cryptomonnaie soulignent son utilité pour se protéger de l’inflation ou s’en servir comme valeur de réserve, aucun historique à long terme ne confirme ses mérites dans ces deux fonctions, et sa valorisation est étroitement liée au sentiment du marché. Si l’opinion générale lui devient défavorable, le cours de la monnaie peut chuter, alors que la hausse du cours du bitcoin constitue son principal attrait pour les nouveaux investisseurs.

Les investisseurs haussiers sur le bitcoin aiment mettre en avant l’adoption croissante de la cryptomonnaie par les investisseurs institutionnels comme un moteur du rallye, mais des signes indiquent que la demande des institutionnels a fléchi au cours des derniers mois, bien que le cours ait continué de grimper. Le nombre de grosses transactions sur le bitcoin, typiques des gestionnaires de fonds professionnels, a légèrement reculé au premier trimestre, par rapport au trimestre précédent, selon un rapport de la plateforme de trading de cryptomonnaie OKEx. Les flux dans les produits négociés sur les plateformes d’échange de crypto ont également baissé, après avoir atteint un pic en janvier, selon CoinShares, une société de gestion d’actifs basée à Londres.

Le volume d’échanges a augmenté pendant la pandémie, car un nombre croissant d’investisseurs ont eu accès aux marchés crypto par le biais de différentes plateformes. A noter que la valeur du volume des produits dérivés a dépassé celle du marché spot, les investisseurs ayant placé plus de 200 milliards de dollars en paris sur les actifs numériques lors des journées les plus actives de l’année.

Le recours de plus en plus fréquent aux produits dérivés sur les cryptomonnaies est significatif, car les investisseurs peuvent utiliser ces marchés pour faire des paris sur de fortes sommes en n’avançant qu’une petite partie de l’argent, profitant de l’effet de levier, selon la méthode d’emprunter pour amplifier le rendement. Une grande partie de la hausse de l’activité sur les contrats à terme et options intervient sur des plateformes de dérivés de cryptomonnaies peu réglementées, qui autorisent un levier plus important que des marchés à terme américains comme CME Group. Le recours à un effet de levier important peut accélérer les pertes pour les investisseurs en cas de baisse des cours.

Gonflée par l’essor du bitcoin, de l’ether et du dogecoin, la valorisation des cryptomonnaies a grimpé à plus de 2 000 milliards de dollars, contre 260 milliards de dollars, il y a un an. Avec une valorisation d’environ 67 milliards de dollars, à lui seul, le dogecoin vaut plus que 75 % des entreprises cotées au S&P 500. Bien que les monnaies numériques aient bondi au cours des derniers mois, cette catégorie d’actifs ne représente qu’une fraction des marchés des actions, des obligations et de l’or.

Malgré ses progrès, le bitcoin peine à trouver un autre rôle que celui d’outil de spéculation. Certains observateurs du secteur estiment qu’il doit gagner du terrain en tant que moyen de paiement pour devenir plus universel. Il n’est pas facile de le dépenser et son utilisation est généralement réservée à des achats haut de gamme.

L’un des obstacles majeurs réside dans les frais de transaction intégrés dans le code du réseau, qui varient selon le trafic. Les utilisateurs paient des commissions plus élevées pour placer leur transaction au début de la file de traitement. Les tarifs ont grimpé en flèche avec l’explosion de popularité des cryptomonnaies, limitant l’intérêt de recourir au bitcoin pour de petites transactions.

Au fil des ans, beaucoup d’entreprises ont révélé leur intention d’accepter le paiement en bitcoin à l’avenir, avant d’abandonner ce projet. Même Elon Musk a annoncé mercredi sur Twitter que Tesla allait suspendre le mode de paiement en bitcoin pour ses véhicules électriques.

L’entrepreneur milliardaire a évoqué un autre défi pour le secteur : les inquiétudes autour de l’impact environnemental du minage de la cryptomonnaie.

Le bitcoin dépend du travail de différents ordinateurs en concurrence pour débloquer de nouvelles unités en résolvant des problèmes mathématiques pour sécuriser le réseau, un processus appelé minage. Le rallye du bitcoin a engendré une augmentation du nombre d’ordinateurs tentant de débloquer de nouveaux bitcoins, et la rentabilité du minage a doublé depuis le début de l’année.

Cette évolution a fait naître des craintes que l’essor du bitcoin ait un impact écologique plus lourd que les autres cryptomonnaies, car davantage d’ordinateurs sont déployés pour trouver des bitcoins, et ils consomment plus d’électricité qu’auparavant.

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Astrid Mélite)

La gauche : quelle utilité ?

La gauche : quelle utilité ?

Invité du «Talk Le Figaro», le sénateur du Val d’Oise et porte-parole du PS s’est interrogé sur l’utilité de la gauche.

Pour le sénateur du Val d’Oise et porte-parole du PS,  jeudi, sur le plateau du «Talk Le Figaro». «La politique, c’est de la dynamique autour d’un projet», a-t-il rappelé, se félicitant que les forces de gauche décident de se parler.

 

Sur une hypothétique union, «l’enjeu n’est pas d’avoir une coalition de logos, mais un projet pour la France», défend encore le sénateur socialiste du Val-d’Oise. Pour lui, peu importent les étiquettes, tous ceux qui souhaitent participer, sont les bienvenus, pour travailler, pour commencer à construire une majorité. À ce stade, selon lui, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Si plusieurs leaders de gauche se disent déjà candidats à présidence de la France, «la date de dépôt des candidatures à l’élection présidentielle, n’est pas arrivée», souligne le porte-parole du PS. Il rappelle aussi que l’automne est généralement propice aux ambitions, mais qu’ensuite «chacun devient raisonnable».

 

Rachid Temal estime que le progrès est indispensable aux classes moyennes et populaires, «ceux pour qui on se bat», pour faire avancer leur condition. Il y a aussi la question de la République et de la laïcité, sur laquelle le socialiste se dit «très intransigeant». Il estime que la République est une chance, que la gauche «porte l’émancipation». 

«La gauche n’est pas morte, elle existe», soutient fermement Rachid Temal. Aujourd’hui plus que jamais, face aux politiques de droite, «il faut que la gauche démontre son utilité pour les Français», abonde-t-il. Le problème évidemment c’est que 80 % de la population dans un récent sondage considèrent que la gauche est dans un très mauvais état. Pire, que le parti socialiste au mieux récupérerait autour de 6 % des voix aux élections présidentielles.

L’armée française veut recruter : mais pour quelle guerre ?

  • L’armée française veut recruter  : mais pour quelle guerre ?

 

 

  • L’armée commence sa grande opération Orion qui vise à mettre en valeur son armée auprès de l’opinion publique pour servir son image mais aussi faciliter le recrutement. L’armée française manquerait en effet de bras pour la guerre du futur. Le seul problème qui se pose est de savoir justement quel est ce futur. Or dans les milieux corporatistes de l’armée ont misé surtout sur une armée de métiers, une armée qui s’appuie essentiellement sur des moyens technologiques. Pour simplifier, la technique pour remplacer notamment l’infanterie.
  • La question centrale qui se pose est de savoir quelle sera la cible potentielle future. Il n’est pas certain que la guerre de demain prenne une tournure uniquement technologique. Première observation, la guerre se déroule aussi sur place à l’intérieur même des pays avec des extrémistes sous influence étrangère qui met en cause la sécurité.
  • L’opération Sentinelle effectuée dans le cadre du plan Vigipirate coûte environ un million d’euros , elle mobilise environ 10 000 soldats ce qui est considérable sur un total de 60 000.
  • En fait il s’agit surtout d’opérations de maintien de la sécurité interne dans le cadre de l’opération Vigipirate et du plan sentinelle. Des opérations de police. La France intervient aussi dans au moins une douzaine de théâtres d’opérations externes (au Sahel en particulier avec l’opération barkhane). Là encore ce sont surtout des forces classiques qui sont nécessaires car là aussi on se bat surtout contre des extrémistes et surtout des islamistes comme à l’intérieur des frontières.
  • Contrairement à ce que pense la majorité des autorités militaires la guerre prochaine ne sera pas forcément uniquement technologique mais traditionnelle pour assurer la sécurité en France et dans les pays avec lesquels nous entretenons des liens. De ce point de vue, la France manque cruellement d’hommes. Témoin les difficultés de l’opération barkhane  au Sahel où l’on tente d’assurer la sécurité d’une zone immense 10 fois plus grande que la France avec seulement 5000 soldats français ! Il en faudrait évidemment au moins 10 fois plus. C’est-à-dire à peu près la totalité des effectifs de l’armée. Tout cela renvoie à la question de l’intérêt du rétablissement du service militaire car pour l’essentiel la fonction centrale de l’armée sera d’assurer la sécurité et tout simplement des missions de police.

Quelle transparence de la monnaie électronique

Quelle transparence de la monnaie électronique

Surveillance, souveraineté et propriété des données, tels sont trois enjeux cruciaux liés à la monnaie électronique, détaille la sociologue Jeanne Lazarus dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune. 

 

L’affaire semble entendue : l’argent liquide est voué à disparaître au profit des moyens de paiement électroniques, de la carte bancaire à la puce greffée en passant par les QR codes scannés avec les téléphones portables et les prélèvements automatiques. En parallèle, les cryptomonnaies concurrencent les monnaies nationales et affichent pour ambition de remplacer les banques traditionnelles par des systèmes indépendants des Etats.

Les fintech – ces entreprises qui ont fleuri grâce aux avancées technologiques et à l’ouverture du marché des paiements à des acteurs non bancaires par les directives européennes de 2007 et 2015 – ne cessent d’améliorer la fiabilité et la facilité d’usage de leurs services. L’argent liquide coûte cher à fabriquer et à entretenir, il est falsifiable, incontrôlable et peut servir à des activités illégales, du travail au noir, du blanchiment ou de l’évasion fiscale : les gouvernements auraient donc tout intérêt à le remplacer par de l’argent électronique, plus facile à tracer.

Pourtant, à y regarder de plus près, l’argent liquide fait plus que résister. La Suède, exemple sans cesse mis en avant d’un pays sur le point de supprimer le cash, a promulgué une loi, le 1er janvier 2020, exigeant « l’approvisionnement d’un niveau suffisant de services pour obtenir de l’argent liquide ». En effet, utiliser l’argent électronique exige de savoir utiliser les outils qui en sont le support, excluant potentiellement les plus âgés, les personnes porteuses de certains handicaps ou les enfants. Mais au-delà de l’aspect technique, ces modalités de paiement nécessitent l’enregistrement dans les réseaux administratifs sur lesquels ils s’appuient, ce qui signifie qu’il faut renseigner son identité, posséder un compte en banque et une adresse stable. Le potentiel d’exclusion des paiements électroniques est plus important qu’il n’y paraît.

Dans la zone euro, d’après les chiffres de la Banque centrale européenne (BCE), le cash reste majoritaire pour les paiements dans les magasins : 79 % d’entre eux en 2016, 73 % en 2019. Si la crise sanitaire a renforcé les paiements sans contact – le geste barrière du paiement –, elle n’a pas supprimé le cash, bien au contraire. Il y aurait même un « paradoxe du billet de banque », selon les analystes de la BCE : la quantité de billets en circulation ne cesse de croître dans la zone euro, alors même que les paiements en argent liquide diminuent. L’explication est que ces billets servent de « réserve de valeur ». Autrement dit, ils sont conservés dans des coffres ou sous des matelas. La crise, comme les taux d’intérêt négatifs, renforce sans doute cette pratique.

 

Monnaie électronique: quelle transparence ?

Monnaie électronique: quelle transparence ? 

 

Surveillance, souveraineté et propriété des données, tels sont trois enjeux cruciaux liés à la monnaie électronique, détaille la sociologue Jeanne Lazarus dans une tribune au « Monde ».

 

 

Tribune.
 L’affaire semble entendue : l’argent liquide est voué à disparaître au profit des moyens de paiement électroniques, de la carte bancaire à la puce greffée en passant par les QR codes scannés avec les téléphones portables et les prélèvements automatiques. En parallèle, les cryptomonnaies concurrencent les monnaies nationales et affichent pour ambition de remplacer les banques traditionnelles par des systèmes indépendants des Etats. 

Les fintech – ces entreprises qui ont fleuri grâce aux avancées technologiques et à l’ouverture du marché des paiements à des acteurs non bancaires par les directives européennes de 2007 et 2015 – ne cessent d’améliorer la fiabilité et la facilité d’usage de leurs services. L’argent liquide coûte cher à fabriquer et à entretenir, il est falsifiable, incontrôlable et peut servir à des activités illégales, du travail au noir, du blanchiment ou de l’évasion fiscale : les gouvernements auraient donc tout intérêt à le remplacer par de l’argent électronique, plus facile à tracer.

 


 

Pourtant, à y regarder de plus près, l’argent liquide fait plus que résister. La Suède, exemple sans cesse mis en avant d’un pays sur le point de supprimer le cash, a promulgué une loi, le 1er janvier 2020, exigeant « l’approvisionnement d’un niveau suffisant de services pour obtenir de l’argent liquide ». En effet, utiliser l’argent électronique exige de savoir utiliser les outils qui en sont le support, excluant potentiellement les plus âgés, les personnes porteuses de certains handicaps ou les enfants. Mais au-delà de l’aspect technique, ces modalités de paiement nécessitent l’enregistrement dans les réseaux administratifs sur lesquels ils s’appuient, ce qui signifie qu’il faut renseigner son identité, posséder un compte en banque et une adresse stable. Le potentiel d’exclusion des paiements électroniques est plus important qu’il n’y paraît.

Le « paradoxe du billet de banque »

Dans la zone euro, d’après les chiffres de la Banque centrale européenne (BCE), le cash reste majoritaire pour les paiements dans les magasins : 79 % d’entre eux en 2016, 73 % en 2019. Si la crise sanitaire a renforcé les paiements sans contact – le geste barrière du paiement –, elle n’a pas supprimé le cash, bien au contraire. Il y aurait même un « paradoxe du billet de banque », selon les analystes de la BCE : la quantité de billets en circulation ne cesse de croître dans la zone euro, alors même que les paiements en argent liquide diminuent. L’explication est que ces billets servent de « réserve de valeur ». Autrement dit, ils sont conservés dans des coffres ou sous des matelas. La crise, comme les taux d’intérêt négatifs, renforce sans doute cette pratique.

Géants du numérique : les Etas-Unis veulent un accord mondial, mais de quelle ampleur

Géants du numérique : les Etas-Unis veulent un accord mondial,

mais de quelle ampleur ?

 

Les Etats unis soutiennent l’idée d’un  accord mondial actuellement en discussion sur les géants du numérique à l’OCDE. Le problème est de savoir quelle en sera l’ampleur car les soit surtout visées sont essentiellement américaines (plus certaines chinoises).

 

La taxation pourrait être assez symbolique pour ne pas remettre en cause l’hégémonie américaine dans ce domaine.

Dans un communiqué, le département américain du Trésor a indiqué que Janet Yellen avait souligné le soutien des Etats-Unis pour une reprise économique solide et présenté les projets de l’administration de Joe Biden pour appuyer l’emploi et les investissements aux Etats-Unis.

En janvier, le ministère français de l’Economie avait fait état d’une précédente discussion entre Bruno Le Maire et Janet Yellen lors de laquelle les deux représentants étaient convenus de la nécessité de trouver des solutions multilatérales en matière de taxation des entreprises multinationales.

Quelle est la valeur de l’eau ?

Quelle est la  valeur de l’eau ?

 

La valeur de cette ressource ne doit pas se mesurer à l’aune des bénéfices économiques qu’elle engendre, mais en prenant pleinement en compte ses retombées sanitaires, sociales et culturelles, fait valoir l’Unesco dans un rapport.( un article de la Tribune)

 

 

Alors que l’eau est essentielle pour la survie de l’être humain, plus de 2 milliards d’entre eux restent confrontés à un stress hydrique. Le constat est d’autant plus alarmant que, pour ceux auxquels elle ne fait pas défaut, « elle est trop souvent tenue comme une évidence acquise, traitée sans parcimonie ni égards », regrettent les auteurs du rapport 2021 de l’Unesco sur la question. Publiée ce lundi à l’occasion de la Journée internationale de l’eau, l’étude déplore son gaspillage et sa mauvaise gestion par les Etats. « L’importance de cette ressource vitale ne transparaît pas de façon appropriée dans l’attention politique et les investissements financiers propres à de nombreuses régions du monde », peut-on lire.

Pourtant, l’eau douce fait de plus en plus figure de ressource rare. Près de 4 milliards de personnes vivent ainsi « dans des zones touchées par une grave pénurie d’eau au moins un mois par an ». Quelque 3,4 milliards d’êtres humains, soit 45% de la population mondiale, n’ont toujours pas accès à des installations d’assainissement suffisamment fiables. Et cela ne va pas en s’améliorant : des études indépendantes établissent que, d’ici à 2030, il nous manquera 40% de l’eau dont nous aurons besoin, à l’échelle planétaire.

Des services écosystémiques mal pris en compte

Pour y remédier, l’Unesco réclame que l’eau soit considérée à sa juste valeur, « souvent largement sous-estimée ». D’abord à sa juste valeur économique puisque l’OMS estime que, dans 136 pays à revenu faible et intermédiaire, le manque de service d’eau et d’assainissement entraîne des pertes économiques annuelles de 260 milliards de dollars – l’équivalent de 1,5% de leur PIB. Mais aussi, plus largement, en ayant en tête la myriade de retombées positives de cette ressource vitale, qui répond à la fois à « un rôle sanitaire, social et culturel, au cœur des sociétés humaines », rappelle la directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay. Souvent jugée au prisme de son prix ou de son coût, elle rend pourtant des « services écosystémiques », mal pris en compte par des Etats qui les connaissent mal.

« Souvent utilisée pour orienter les décisions politiques, la comptabilité économique classique tend à estimer la valeur de l’eau de la même manière que la plupart des autres biens — c’est-à-dire, en se basant sur le prix ou les coûts de l’eau lors de transactions économiques. [...] Si la valorisation monétaire présente l’avantage d’être pratique et facile à lire dans l’agriculture et l’industrie, elle présente l’inconvénient de sous-estimer, voire d’exclure, d’autres aspects plus difficiles à monétiser. Comment quantifier la signification des 443 millions de jours d’école manqués chaque année en raison de maladies liées à l’eau ? », interrogent les auteurs.

Sortir du prisme économique

Mais aujourd’hui, les outils à disposition pour estimer la valeur de l’eau « ont tendance à la réduire à son seul aspect économique », note l’étude. « Ils sont à la fois imparfaits et mal utilisés. » Pour contrôler l’utilisation des ressources, il faut pourtant contrôler la manière dont est établie leur utilité. « Ne pas [leur] attribuer assez de valeur dans tous ses emplois constitue une cause majeure, voire un symptôme, de la négligence politique vis-à-vis de l’eau de la mauvaise gestion de celles-ci », assure l’Unesco. Elle défend ainsi la mise en place de méthodes d’évaluation plus fiables, afin de mesurer « ce que nous offrent les écosystèmes naturels, et ce dont on se prive en les détruisant ».

En s’éloignant de l’approche par les coûts et les rendements financiers, cette démarche pourrait donner « plus de poids aux processus écologiques », et recentrer les efforts sur le partage des bénéfices, plutôt que d’affecter des quantités d’eau à des priorités de plus grande valeur économique. Les auteurs incitent ainsi à valoriser son utilisation à la fois directement dans l’environnement, mais aussi par l’amélioration des infrastructures hydrauliques. En effet, près de 1,6 milliard de personnes subissent une pénurie d’eau « économique », ce qui signifie que même si l’eau est physiquement disponible, cette population ne dispose pas des aménagements nécessaires pour y accéder. Par ailleurs, le rapport appelle à agir sur les services d’approvisionnement, d’assainissement et d’hygiène, ou encore sur l’optimisation de l’eau dans des secteurs très consommateurs, à l’instar de l’agriculture.

Optimiser l’utilisation de l’eau dans l’agriculture

Pour cause, cette dernière concentre 69% de l’eau prélevée sur terre, essentiellement à des fins d’irrigation, mais aussi pour l’élevage et l’aquaculture. Un taux qui peut atteindre les 95% dans certains pays. Surtout, selon des estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), basées sur un scénario de maintien du statu quo, le monde aura besoin d’environ 60 % de nourriture supplémentaire d’ici à 2050. « Au cours des prochaines décennies, de nombreuses parties du monde risquent d’être confrontées à des conditions de pénurie d’eau absolue ou saisonnière, causées par une compétition croissante entre l’agriculture et les autres secteurs, et à une disponibilité en eau plus variable à cause du changement climatique », alerte l’Unesco.

Mais dans ce secteur, ce n’est pas parce que la ressource hydrique est nécessaire que les producteurs lui accordent une valeur tarifaire importante. Là encore, cette dernière prend seulement en compte les bénéfices économiques, en délaissant les avantages socioculturels ou environnementaux. Et dans de nombreuses régions, l’eau destinée à la production alimentaire est utilisée « de manière inefficace ». Ce qui entraîne une dégradation majeure de l’environnement, notamment l’épuisement des nappes aquifères, la réduction du débit des rivières, la dégradation des habitats de la faune et la pollution.

Déforestation : quelle prise en compte de l’intérêt général ?

Déforestation : quelle prise en compte de l’intérêt général ?

A l’occasion de la Journée internationale des forêts, dimanche 21 mars, le botaniste Francis Hallé dénonce, dans une tribune au « Monde », la « bienveillance » envers l’abattage et le commerce du bois, et prône une compensation pour les dommages causés à la nature et à l’humain.

Un fait banal pour commencer : un propriétaire forestier ou un exploitant abat ses arbres ou exploite une parcelle de forêt qui lui appartient, puis il vend son bois à un prix qui dépend de l’essence considérée et qui est fixé par les règles du marché. Il est le seul bénéficiaire de l’opération et cela nous paraît normal, puisque cet homme est propriétaire de la ressource.

Depuis des siècles, les choses se passent ainsi et jamais personne n’a protesté contre la déforestation – à l’exception de quelques philosophes ou de quelques poètes : Ronsard, Hugo ou Giono. Cette relative bienveillance envers les abattages et le commerce du bois se justifiait par le fait que, jusqu’à une époque récente, ces activités étaient artisanales et que leurs conséquences restaient discrètes, voire imperceptibles.

Mais les temps ont changé, les abattages se sont industrialisés et les contraintes écologiques de notre époque amènent à questionner un processus d’exploitation qui fonctionnait bien dans le passé, mais qui paraît maintenant trop simple ; car s’il y a un bénéficiaire, il y a aussi des perdants.

« Les arbres absorbent le CO, fixent le carbone atmosphérique, nous fournissent de l’oxygène, régulent le débit des eaux, ils ont une influence bénéfique sur notre santé physique et mentale… »

Des perdants ? Qui sont-ils ? Nous tous, car les arbres abattus représentaient un patrimoine qui nous garantissait un environnement viable, et même agréable ; ces arbres absorbaient le COqui réchauffait l’atmosphère, ils fixaient le carbone atmosphérique, ils nous fournissaient de l’oxygène, agrémentaient nos paysages, inspiraient les peintres et les poètes, régulaient le débit des eaux, amélioraient la fertilité des sols et les protégeaient contre l’érosion ; en outre, ils avaient une influence bénéfique sur notre santé physique et mentale, tout en favorisant le développement et le maintien d’une diversité biologique dont nous savons maintenant qu’elle est vitale pour l’espèce humaine.

A notre époque, n’est-il pas devenu anormal, voire insupportable, que l’industrie du bois tue et détruise des êtres vivants sans tenir aucun compte des services qu’ils nous rendaient ?

Nous devons prendre conscience que le fonctionnement de cette industrie repose sur une comptabilité fallacieuse puisque, dès lors que la nature est détruite, nous cessons de bénéficier de tous les services qu’elle assurait gratuitement, sans que nous recevions quoi que ce soit en échange, et sans qu’aucune disposition juridique ou financière ne garantisse que les dommages écologiques seront compensés par ceux qui en sont les responsables.

Actionnaires activistes : quelle régulation ?

Actionnaires activistes : quelle régulation ? 

Dans le journal l’opinion la journaliste Muriel Motte analyse le rapport parlementaire d’Éric Woerth sur l’activisme actionnarial. 

 

 

Les entreprises françaises ne sont pas à l’abri des fonds activistes. Eric Woerth, président LR de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, et Benjamin Dirth, co-rapporteur (LREM) ont rendu publiques mercredi les conclusions de leur mission sur le sujet. Paris Europlace, qui défend les intérêts de la place financière parisienne, a lui aussi créé un groupe de travail sur le sujet.

Comme prévu, Suez a présenté mercredi les conclusions de sa revue stratégique. « Shaping Suez 2030 » prévoit notamment plus de 1 milliard d’euros d’économies qui contribueront à doper sa rentabilité. Ce plan vise à « accroître la création de valeur pour toutes les parties prenantes avec des résultats tangibles dès 2021 », promet le champion de l’environnement.

Mardi soir, c’est Pernod Ricard qui annonçait une réorganisation interne, la fusion de Pernod et Ricard. L’union des forces au sein d’une nouvelle filiale, Pernod Ricard France, vise à « retrouver le chemin de la croissance » sur ce marché où les ventes de pastis et de Ricard sont en chute. L’Hexagone est le seul pays où le numéro deux mondial des spiritueux derrière Diageo, entretenait encore des équipes concurrentes de commerciaux.

Ces deux fleurons du CAC40 affirment l’un comme l’autre suivre leur propre feuille de route, et ne pas se plier aux revendications des actionnaires activistes qui ont fait irruption à leur capital. Amber Capital (chez Suez) et Elliott (chez Pernod Ricard) illustrent en tout cas parfaitement le deuxième type de campagnes activistes recensées par la mission parlementaire menée par Eric Woerth (LR), dont les conclusions ont été rendues publiques ce mercredi. Ces actionnaires « cherchent la création de valeur dans une société dont ils estiment qu’elle possède des marges de progression importante ».

Dialogue stratégique. Faut-il s’en méfier, les interdire, les encadrer ? Le sujet agite les esprits chez Paris Europlace et à la puissante Afep (Association française des entreprises privées), même s’il reste encore marginal en France où une poignée de campagnes sont en cours actuellement : outre Pernod Ricard et Suez, Muddy Waters a beaucoup fait parler de lui chez Casino ; Elliott est récemment entré au capital d’Altran, lui-même objet d’une offre de rachat de Cap Gemini. Ciam conteste quant à lui la gouvernance de Scor… « Il est normal et sain que les actionnaires soient actifs et s’engagent dans un dialogue stratégique avec les sociétés cotées », note le rapport, qui s’inquiète en revanche des cas dans lesquels l’activisme « prend des formes excessives et nuisibles. »

Dans son viseur, notamment, « les activistes “short” qui vendent à découvert les titres d’une société pour en faire baisser le cours et peuvent compliquer notablement son rétablissement. » L’Américain Carson Block, fondateur de Muddy Waters, se reconnaîtra. Ce fut sa méthode pour alerter sur la situation financière du groupe de Jean-Charles Naouri dès 2015. La mission parlementaire formule une série de recommandations, en posant deux préalables : d’une part, « le corpus réglementaire existant est déjà largement adapté à la régulation des activistes. D’autre part, il est essentiel de « ne pas nuire à l’attractivité de la place financière de Paris. »

« L’excitation est en train de monter sur ce sujet. On pouvait s’inquiéter de voir comment les politiques allaient s’en emparer. Finalement le rapport remet le débat sur l’activisme à sa place, sans pénaliser l’attractivité des groupes français, estime Olivier Diaz, avocat chez Gide et conseil de Pernod Ricard. Il formule des recommandations raisonnables, et insiste bien sur la principale problématique, qui est la vente à découvert ». Quatre de propositions visent justement à encadrer le « short selling ». Notamment, l’introduction d’une « présomption de fonctionnement anormal du marché dans le cas où l’ampleur de la vente à découvert d’un titre dépasserait une certaine limite (volume traité, pourcentage de la capitalisation, du flottant) ». 40 % du capital de Casino a, un moment, fait l’objet de ventes à découvert ! Le rapport propose aussi de revoir les modalités du prêt/emprunt de titres, qui sous-tend la mécanique du « short selling »

Transparence. Au chapitre de la transparence, le rapport propose d’abaisser le niveau de déclaration de franchissement de seuil de 5 % actuellement à 3 %, et de renforcer les sanctions en cas de non-déclaration, à la hausse ou à la baisse. Il veut aussi introduire une procédure de « référé » devant le gendarme de la Bourse, pour qu’il traite les situations d’urgence. Ou encore permettre aux entreprises de répondre rapidement à des « campagnes les mettant en cause publiquement ».

« Avec 2 % ou 3 % du capital, un activiste a, à première vue, peu de chance de déstabiliser une entreprise. Mais il peut y arriver s’il parvient à être plus convaincant que ses dirigeants auprès des investisseurs institutionnels, là est le grand sujet de l’activisme », constate Olivier Diaz. L’avocat suggère donc un code de bonnes pratiques dans lequel les grands investisseurs actionnaires s’engageraient à ne pas soutenir un actionnaire activiste « qui n’aurait pas engagé un dialogue loyal avec l’émetteur. » Sur les marchés financiers, travailler en bonne intelligence vaut souvent mieux que force et rage.

Quelle sorte d’union européenne ?

Quelle sorte d’union européenne ?

Adriaan Schout (1961) professeur à la Radboud University et un expert européen au Clingendael Institute pose la problématique de la nature de l’union européenne dans le journal lOpinion.

 

 

L’Union européenne est clairement une fédération et c’est une bonne chose. Mais quel type de fédération? Evolue-t-elle dans la bonne direction au vu du contexte européen actuel ? Est-ce le genre d’Union voulue par les Pays-Bas ? Le fait que Bruxelles parle d’intégration européenne et Amsterdam de coopération souligne les tensions auxquelles fait face l’UE. Cela accentue les différences entre les Pays-Bas et le président Macron qui pousse à une plus grande intégration alors que le général de Gaulle était le champion de la coopération.

L’UE a montré qu’elle était susceptible de connaître des crises profondes et variées. Celle de la zone euro est latente, il y a une crise en matière d’Etat de droit, les pays d’Europe de l’Est ne respectent pas les accords en matière migratoire et la coopération dans le domaine de la santé bafouille. Il y a aussi un fort mécontentement à l’égard de petits Etats membres, dont les Pays-Bas, qui favorisent l’évasion fiscale.

L’UE est tellement sujette aux crises que l’ancien président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, se targuait de faire face à des «polycrises». Dans des termes alarmants, il décrivait la Commission qu’il présidait comme celle de la dernière chance. Ursula von der Leyen qui lui a succédé sent elle aussi la pression pour faire avancer la protection des citoyens face aux crises économiques, à un monde imprévisible et aux menaces sur la santé publique. Mais les Etats membres s’opposant à une plus grande intégration, elle essaie de passer par-dessus les chefs d’Etat et de gouvernement, via de larges consultations, pour impliquer plus étroitement les citoyens aux ambitions européennes.

« La majorité des pays de la zone ne connaissent pas de croissance suffisante. S’ils sont capables de réduire leurs dépenses, il leur est plus difficile de procéder à des réformes structurelles pour améliorer leur productivité »

Réformes structurelles. Le financement des plans européens, y compris le récent plan de redressement lié à la Covid-19, est encore en débat. Il oppose les Etats membres sur la question de savoir s’il doit être remboursé et si des taxes spécifiques pourraient être utilisées. Sachant que ce plan a été établi pour calmer certains pays comme l’Italie et la Grèce qui estimaient que l’UE ne faisait rien pour eux et réclamaient plus de solidarité. Ce sont les différences fondamentales qui existent entre Etats membres, en termes d’histoire, de traditions, de valeurs etc. qui rendent l’Europe sujette aux crises.

Il y a d’énormes différences en matière économique. Quand a surgi la pandémie, l’an dernier, seuls sept des dix-neuf pays de la zone euro avaient le contrôle de leur endettement. La combinaison avec un chômage persistant explique les difficultés de l’euro. La majorité des pays de la zone ne connaissent pas de croissance suffisante. S’ils sont capables de réduire leurs dépenses, il leur est plus difficile de procéder à des réformes structurelles pour améliorer leur productivité. Les plus faibles d’entre eux n’ont pas la force pour adopter un cadre législatif et des politiques en faveur du marché du travail, de l’éducation et des infrastructures.

C’est la raison pour laquelle le ministre néerlandais des affaires étrangères, Stef Blok, a récemment demandé à un groupe d’experts comment encourager les Etats membres à se réformer. Ce qui témoigne du sérieux de la situation. L’euro est arrivé à tel un point que le gouvernement de La Haye, d’habitude toujours prompt à amender la politique européenne, ne sait plus comment procéder. Ce ne sont pas les tentatives qui ont manqué pour renforcer l’euro. Ces trente dernières années, les règles ont été constamment réduites, resserrées, voire simplement abandonnées. Le complexe dispositif de contrôle et de pénalités figurant sur le site web de la Commission ressemble à une sorte d’arbre de Noël. D’autres décrivent l’édifice comme une cathédrale médiévale avec ses niches, ses ailes et ses chapelles.

En dépit de toutes les tentatives, les Etats membres ont divergé. Dès lors qu’une intégration étroite ne semble pas marcher, nous sommes clairement sur la mauvaise voie. Il faut donc se poser la question suivante : quelle sorte d’Union européenne construisons-nous ? Les politiques préfèrent éviter la question de la finalité de l’Europe parce qu’elle implique une confrontation. La politique des petits pas est moins transparente et n’amène pas à un référendum. Cela n’empêche que nous avons besoin de savoir quel modèle fédéral nos dirigeants ont en tête. Dans le Sud de l’Europe une fédération centralisée ne pose pas de problèmes. Mais les pays du Nord aiment agir d’une manière pragmatique, ce qui crée des solutions parcellaires.

« Il y a deux problèmes avec le modèle d’intégration. Une trop grande intégration verticale ne marche pas et les Etats membres tiennent à garder leurs fonctions »

Narratif. Jean-Claude Juncker disait qu’il ne voulait pas d’un super-Etat européen même si ses propositions tendaient dans cette direction. Les Pays-Bas veulent une coopération horizontale (entre Etats membres), mais expliquent en même temps qu’un accord est un accord, ce qui implique une forte autorité européenne. Il y a d’autres exemples de confusion de ce genre: la Commission européenne veut être un superviseur indépendant et un organe politique en même temps. Mais on ne peut être le juge et le politique… Il n’y a pas de cohérence entre stratégies (ambitions) et capacités administratives (structures). Dans le monde des affaires, ce manque de vision serait considéré comme de la mauvaise gestion.

Dans le parler européen, la finalité européenne se retrouve dans le mot intégration utilisé par la Commission et la plupart des Etats membres. Mais côté néerlandais, tous les documents se réfèrent à la coopération européenne, c’est-à-dire pour le Premier ministre Mark Rutte une coopération entre pays financièrement indépendants. Ce sont des visions totalement différentes.

Il y a deux problèmes avec le modèle d’intégration. Une trop grande intégration verticale ne marche pas et les Etats membres tiennent à garder leurs fonctions. Reste aux Pays-Bas à convaincre qu’une coopération offre une meilleure base d’interconnections entre les diverses nations européennes. Une centralisation des activités ne fonctionne pas dans une organisation complexe comme l’UE. Les grandes organisations doivent recourir à la décentralisation. Au bout du compte, c’est la force de chacun qui détermine la force de l’ensemble, intérieurement comme extérieurement en termes géopolitiques. La coopération amène au succès.

La faiblesse néerlandaise tient à son absence de narratif sur la manière de réformer les Etats membres. Il n’y a pas assez de confiance entre chacun. Pire, la plupart des Etats membres n’ont pas confiance en eux-mêmes et attendent de ce fait beaucoup de l’UE. Il est éloquent de voir que 21 des 27 Etats membres ont plus confiance dans l’UE qu’en eux-mêmes.

« Il faut responsabiliser les gens, les politiques et les fonctionnaires. C’est la raison pour laquelle il est dangereux de tout centraliser au niveau de la Commission »

Vision managériale. La seconde raison pour prendre au sérieux l’idée néerlandaise de coopération c’est que cela va amener à un renforcement des Etats membres. C’est la coopération qui a permis de résoudre les crises au sein de l’UE et de donner naissance à des « success stories » européennes. Les secteurs dans lesquels l’intégration européenne a débouché sur des succès sont l’aéronautique, les médicaments ou la politique de la concurrence. C’étaient des secteurs dans lesquels les Etats membres se sont affrontés des décennies durant pour des raisons économiques, politiques et culturelles. Moyennant quoi, la maladie de la vache folle a menacé la santé publique, la confiance dans l’industrie agroalimentaire est tombée au plus bas, des barrières douanières ont été érigés et des Etats membres ont refusé l’inspection de leurs abattoirs. Aujourd’hui, la réputation alimentaire de l’Europe est reconnue partout dans le monde. Les choses peuvent marcher en Europe.

A chaque fois que des crises ont été résolues, l’effort a porté sur la coopération. Les Etats membres étaient contraints de partager leurs expertises, de mener les contrôles conjointement et de mettre sur pied des structures de gouvernance pour permettre aux Etats les plus faibles de participer. Cela crée une culture professionnelle dont l’UE a besoin. Cela crée une nouvelle base de pouvoir, horizontale. Via des politiques, des standards et une coopération organisée, vous créez les bons environnements organisationnels. La coopération, c’est l’intégration européenne par la base. Regardez les réformes fiscales pour voir comment cela marche. La coopération renvoie les Etats membres à leurs responsabilités et c’est alors aux innombrables représentants nationaux de prouver qu’ils sont fiables. C’est en renforçant les coopérations que l’UE a été capable de travailler au renforcement des secteurs nationaux et à créer de la confiance.

Il faut responsabiliser les gens, les politiques et les fonctionnaires. C’est la raison pour laquelle il est dangereux de tout centraliser au niveau de la Commission. La crise de l’euro persiste parce que Bruxelles contrôle les politiques économiques des Etat membres plutôt que de laisser ces derniers se contrôler les uns les autres d’une manière transparente et professionnelle. Ce dont l’UE a besoin c’est d’une vision managériale pas intégrationnelle. En corollaire, la subsidiarité ne devrait pas être interprétée verticalement en termes légaux, mais horizontalement d’une manière administrative. C’est le début d’un nouveau paradigme européen qui offre plus de perspectives qu’un plaidoyer pour une plus profonde intégration. Espérons que le président Macron écoutera ces arguments.

Adriaan Schout (1961) est professeur à la Radboud University et un expert européen au Clingendael Institute. Ce texte est une adaptation de sa lecture inaugurale comme professeur à l’European Public Administration (Nijmegen, 25 février 2021).

Quelle régulation et quel stockage de l’électricité renouvelable

 Quelle régulation et quel stockage de l’électricité renouvelable

 

Stefan Ambec et Claude Crampes, Toulouse School of Economics évoque dans la Tribune la problématique du stockage d’électricité renouvelable et sa régulation.

 

 

. Tant que la demande d’électricité ne sera pas capable de s’adapter aux fluctuations de l’offre, l’équilibrage en temps réel du réseau nécessitera une grande flexibilité de l’offre, et notamment le stockage/déstockage de l’énergie électrique produite par le soleil et le vent. Dans le système électrique, on entend par stockage d’énergie « le report de l’utilisation finale de l’électricité à un moment postérieur à celui auquel elle a été produite, ou la conversion de l’énergie électrique en une forme d’énergie qui peut être stockée, la conservation de cette énergie et la reconversion ultérieure de celle-ci en énergie électrique ou son utilisation en tant qu’autre vecteur d’énergie» (Article 2(59) de la Directive (EU) 2019/944).

La définition est très large, n’excluant apparemment aucune technologie, aucun acteur ni aucune utilisation de l’énergie stockée. Mais selon le niveau des aides publiques qui seront accordées au stockage, il faut s’attendre à des discussions plus ou moins animées entre les différentes parties prenantes de l’industrie. Par exemple, faut-il considérer les ballons d’eau chaude qui équipent 11 millions de foyers en France comme des équipements de stockage ? Oui puisqu’il s’agit de chauffe-eaux électriques à accumulation, programmables pour chauffer en heures creuses l’eau utilisable à tout instant. Non car les heures creuses sont essentiellement nocturnes et ce ne sont donc pas les panneaux photovoltaïques qui permettent d’alimenter les cumulus, alors que la réglementation européenne vise explicitement à renforcer l’intégration de l’électricité produite à partir de sources renouvelables. Ainsi, pour l’Ofgem, si l’énergie thermique n’est pas reconvertie en électricité avant usage, elle n’est pas considérée comme du stockage. Les véhicules électriques quant à eux sont présentés comme des moyens de stockage décentralisé, mais selon les heures de recharge des batteries et les lieux de branchement, leur rôle peut se révéler bénéfique ou néfaste pour le système électrique ; ils sont donc à encourager ou à décourager selon leur usage temporel et spatial.

En ce qui concerne les installations de taille industrielle, pour l’heure l’essentiel du stockage se fait dans les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). Mais les choses sont en train de changer. Aux Etats-Unis, il est prévu de faire passer la puissance de stockage installée de 1,2 gigawatts en 2020 à 7,5 gigawatts en 2025 avec des super-batteries lithium-ion dont le coût a fortement baissé grâce au décollage des ventes de véhicules électriques. Mais ces installations ne sont utilisables à pleine puissance que pour des durées de l’ordre de 4 heures. Elles ne permettront donc pas de résoudre les problèmes posés par les fluctuations saisonnières de la production d’électricité à partir de ressources renouvelables.

Stockage et réseau

Tout le monde n’est pas autorisé à se lancer dans l’activité de stockage. D’après les article 36 et 54 de la Directive (EU) 2019/944, les gestionnaires de réseau de distribution et de transport ne peuvent pas être propriétaires d’installations de stockage d’énergie, ni les développer, les gérer ou les exploiter… sauf si aucun tiers n’est prêt à investir dans des installations nécessaires à l’accomplissement des tâches du distributeur ou du transporteur, et à condition que l’opérateur du réseau n’utilise pas ces installations pour faire de l’arbitrage sur les marchés de l’électricité. Pourquoi l’opérateur d’un réseau de distribution ou de transport est-il autorisé à posséder des installations de stockage seulement pour assurer la sécurité du réseau ? Pourquoi ne peut-il acheter ou vendre de l’électricité sur les marchés ? On peut avancer deux raisons : l’une est d’éviter les subventions croisées entre le stockage d’énergie et les fonctions réglementées de distribution ou de transport. La seconde est le risque de voir le gestionnaire d’une infrastructure user de sa position de contrôleur du réseau pour biaiser l’accès d’autres opérateurs et assurer ainsi à ses propres installations des profits abusifs sur le marché de l’électricité.

En effet, un réseau électrique est un monopole naturel puisque sa duplication est plus coûteuse qu’une installation unique, mais c’est aussi une « infrastructure essentielle » puisque, en l’état actuel des connaissances techniques, les producteurs d’électricité doivent passer par le réseau pour alimenter leurs clients. Cela fait deux bonnes raisons pour que la distribution et le transport soient des activités régulées, avec des niveaux de qualité de service et des tarifs d’utilisation fixés par une administration publique, en France la CRE. En revanche, le stockage est une activité économique concurrentielle … ou du moins devrait le devenir avec la baisse du coût des batteries. Donc, de même que les distributeurs et transporteurs d’électricité contrôlés par le régulateur sectoriel ne sont pas autorisés à produire d’énergie, ils ne sont pas autorisés à la stocker pour vendre sur les marchés de gros ou de détail, activités surveillées par les autorités de la concurrence.

La Directive citée prévoit même que les autorités de régulation doivent organiser au moins tous les cinq ans une consultation publique portant sur les installations existantes de stockage d’énergie afin d’évaluer la disponibilité et l’intérêt potentiels à investir dans ces installations. Si la consultation publique montre que des tiers sont en mesure d’être propriétaires et d’exploiter de manière rentable des installations, l’autorité de régulation demande au gestionnaire de réseau concerné de cesser progressivement son activité dans ce domaine dans un délai de 18 mois, éventuellement contre compensation pour récupérer la valeur résiduelle des investissements réalisés.

Stockage et marché

En plus des opérations d’équilibrage du réseau pour lesquelles une rémunération spécifique peut être arrêtée par le régulateur, les installations de stockage permettent de dégager des bénéfices sur les places de marché en achetant quand le prix est bas et en vendant quand le prix est élevé. Puisque les opérateurs de réseau sont exclus de ces transactions commerciales, les candidats potentiels sont tous les autres acteurs de l’industrie électrique (producteurs, commercialisateurs, agrégateurs, consommateurs), mais aussi les équipementiers, sans oublier les fabricants de véhicules électriques (voir le billet du 2 juin 2020). La question de savoir s’il faut en passer par la création d’un statut ad hoc d’opérateur de stockage reste ouverte (CRE).

Pour accéder aux places de marché, les opérateurs des installations de stockage ont besoin bien sûr d’une connexion physique, mais aussi d’une autorisation. Aux Etats-Unis, il a fallu plusieurs années de bataille juridique et une ordonnance de la Cour d’appel du district de Columbia donnant raison au régulateur fédéral (FERC) pour autoriser les exploitants d’installations de stockage situées dans un réseau de distribution ou derrière un compteur de détail à participer directement aux marchés de gros alors qu’ils étaient interdits d’accès par les autorités de régulation des États.

On sait que les marchés de gros fonctionnent par classement des offres et demandes par « ordre de mérite » et détermination d’un prix d’équilibre pour chaque tranche horaire ou bihoraire. L’insertion des enchères soumises par les exploitants d’installations de stockage devrait se faire selon les mêmes principes, sachant bien entendu qu’une installation peut à chaque instant se présenter comme acheteuse si le prix est bas et vendeuse s’il est élevé, donc intervenir sur les deux côtés du marché. Cette insertion passe par le calcul dynamique de la valeur de l’énergie contenue dans le « réservoir » et la comparaison de cette valeur interne avec le prix de marché, en tenant compte des pertes provoquées par la double transformation de l’énergie électrique. Reste l’épineuse question des risques de manipulation de prix par les gros opérateurs du stockage, et les gros producteurs ou les gros consommateurs d’énergie. L’intérêt d’interdire ou d’autoriser une intégration verticale producteur/stockeur ou consommateur/stockeur dépend de la configuration du réseau puisque selon le degré de congestion des lignes la même capacité d’injection ou de retrait d’électricité peut avoir des effets différents sur l’équilibre des marchés.

La progression de l’industrie du stockage d’électricité poussée par le développement des énergies renouvelables va demander une répartition claire des tâches entre les organismes de régulation. Il ne sera pas toujours facile de distinguer entre les installations entièrement dévolues à la sécurité du réseau, donc sous contrôle du régulateur sectoriel, et celles utilisées pour participer aux marchés, donc surveillées par les autorités de la concurrence. Beaucoup d’acteurs économiques sont intéressés par cette activité puisque l’appel à contributions sur le stockage de l’électricité par batteries lancé par la CRE au début de 2019 a suscité près de 50 réponses. Le recours au système du « bac à sable réglementaire » donne la possibilité d’encourager l’émergence de nouvelles idées pour encadrer de façon efficace les innovations proposées par les parties intéressées.

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