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Coopératives agricoles :quel avenir ?

Coopératives agricoles : quel avenir ?


Les adhérents, qui sont à la fois clients, fournisseurs, et détenteurs de parts sociales des structures coopératives, se montrent de moins en moins engagés dans les processus de décisions collectives. Par Xavier Hollandts, Kedge Business School
(dans la Tribune)

Un article intéressant qui note la dérive autocratique dans les grandes coopératives agricoles qui progressivement ont écarté les agriculteurs de base au profit d’une élite technocratique et d’intérêts financiers internationaux NDLR

Les coopératives agricoles représentent aujourd’hui la moitié des activités agricoles mondiales. Fondées par des agriculteurs, qui seront à l’honneur comme chaque année fin février à l’occasion du Salon de l’agriculture de la porte de Versailles, à Paris, les coopératives conservent un système de gouvernance original qui permet la représentation des intérêts des paysans.
Leur stratégie s’inscrit généralement dans le long terme et dans une perspective moins financiarisée que leurs homologues privés et cotés. Les choix stratégiques des coopératives sont donc déterminants à la fois pour la qualité de notre alimentation comme pour les sujets relatifs à la durabilité et à la souveraineté alimentaire.

À la différence des autres entreprises, le bon fonctionnement des coopératives repose sur un pilier essentiel, qui conditionne leur développement et leur gouvernance : l’engagement réel et effectif de leurs adhérents. Les adhérents ont la particularité d’entretenir une triple relation avec la coopérative : ils sont détenteurs de parts sociales, fournisseurs (ils apportent leurs récoltes afin qu’elles soient vendues ou valorisées) et également clients (ils achètent des produits et services à la coopérative). Du fait de cette triple fonction, l’engagement des adhérents est crucial pour que la coopérative, par le biais de sa gouvernance, soit en mesure de concevoir et de mettre en œuvre une stratégie pertinente, porteuse de sens et qui bénéficie également aux membres de l’organisation.
Or, depuis plusieurs années, des chercheurs, des observateurs mais aussi les représentants des coopératives elles-mêmes tirent la sonnette d’alarme : les adhérents sont de moins en moins engagés, désertent parfois les réunions et participent très peu aux élections jusqu’à devenir parfois des passagers « fantômes ».
Des coopérateurs de moins en moins engagés

Selon les derniers chiffres de l’Observatoire de la gouvernance des coopératives agricoles, 75 % des coopératives interrogées (764 coops soit 83 % du chiffre d’affaires du secteur coopératif), identifient un risque important lié à l’engagement des adhérents. Cela se traduit notamment par une faible participation aux instances essentielles de la coopérative (assemblée générale et/ou de section). Le taux de participation chute en dessous de 25 % des membres dès le seuil de 75 millions de chiffre d’affaires franchi.

Cette même inquiétude était partagée dans le rapport de la récente mission parlementaire portant sur « le secteur coopératif dans le domaine agricole ». Ainsi peut-on y lire :
« La faible participation en assemblée générale, parfois réduite en moyenne à 20 % pour les grandes coopératives, traduit une certaine distension du lien entre les associés coopérateurs et les coopératives, en particulier dans les plus grandes d’entre elles ».
La faible représentation des adhérents pose évidemment un problème politique majeur dans des organisations démocratiques, chaque adhérent n’ayant qu’une voix, quel que soit le nombre de parts sociales détenues. En effet, comment justifier et rendre légitime des décisions s’appliquant à l’ensemble des adhérents quand seule une petite minorité est présente à l’heure des décisions ? Cela renvoie à une forme de « tyrannie » de la minorité et interroge les fondements mêmes de la coopérative.

Face à ce constat inquiétant, comment relever le défi de l’engagement des adhérents ? La recherche en sciences sociales s’est penchée de longue date sur le sujet. L’engagement revêt trois dimensions majeures : une dimension affective (attachement émotionnel et sentiment d’appartenance) ; un engagement normatif (je me dois de rester dans l’organisation) ; et une dimension de continuité (je n’ai pas d’autres choix que de rester ou si je souhaite partir cela m’est relativement coûteux).

La situation idéale est évidemment constituée par un alignement de ces trois dimensions. En revanche, si une des dimensions est manquante ou pénalisée, c’est l’engagement global des individus qui peut être significativement affecté.

Au terme d’un travail de terrain, notre recherche récente nous a permis de dégager une typologie des adhérents de coopératives. Le désengagement se manifeste de diverses façons. Au-delà des adhérents les plus désengagés (les « absents »), deux cas de figure intermédiaires relèvent de formes intermédiaires et pernicieuses du désengagement.

Nous avons observé des adhérents faisant plus ou moins acte de présence mais qui ne s’investissent jamais dans leur structure ou ne participent pas à l’effort collectif, ce sont en quelque sorte des présents « passifs » et très peu moteurs (les adhérents « passifs »).

À l’inverse, nous avons observé des adhérents investis sur le terrain ou auprès de leurs collègues mais peu présents dans les instances ou ne souhaitant pas exercer de fonction ou de mandat (les adhérents « discrets »).

Or, il est absolument vital que les coopératives puissent s’appuyer sur des adhérents qui s’investissent, consacrent du temps et de l’énergie à leur coopérative et qui participent en même temps aux assemblées afin de légitimer la prise de décision qui en découle. À défaut, c’est bien un véritable cercle vicieux du désengagement qui est susceptible de se mettre en place.
En effet, les adhérents risquent d’être insatisfaits et d’être encore moins représentés, ce qui les conduit à ne plus croire au système politique de la coopérative et les incite à se désengager davantage au point de devenir des adhérents fantômes. Dans ce cas de figure, la coopérative est vidée de sa substance réelle, de sa nature coopérative et se retrouve livrée au bon vouloir d’une poignée d’élus ou de dirigeants. Il y a alors un risque fort de dérive « autocratique » ou de personnalisation du pouvoir, à l’opposé des principes coopératifs, qui sont, par essence le collectif et la démocratie.

Face à ce constat (qui certes simplifie la diversité des situations), les coopératives, les élus et les adhérents peuvent cependant explorer quelques pistes.
En premier, sur ce qui fonde l’engagement des individus. Les coopératives doivent permettre le développement de la triple dimension de l’engagement : affectif, normatif et continuité. Concrètement, cela passe par la fierté et le sentiment d’appartenance. Ce qui suppose que les adhérents se sentent bien « traités » (notion de justice) et qu’ils se projettent avec fierté dans les projets portés et développés par leur coopérative.

À cette condition, ils seront en mesure d’avoir un engagement normatif et de s’inscrire dans une relation de continuité voulue et non subie avec leur coopérative. Au-delà du contrat liant juridiquement l’adhérent à sa coopérative, un « contrat psychologique », qui comprend les attentes non formalisées, se superpose et peut éventuellement évoluer en devenant de nature plus transactionnelle alors qu’il est idéalement de nature relationnelle.

Mais tout ne repose pas uniquement sur l’animation de la vie coopérative. Dès l’accueil des nouveaux adhérents comme à certains moments clés de l’année, il peut être utile de rappeler ce que « participer » veut réellement dire. On a la chance de pouvoir s’appuyer sur les travaux de la philosophe Joëlle Zask qui a clarifié ce concept de participation : il s’agit de prendre part (participer à une aventure collective et être associé à un destin commun) ; d’apporter une part (apporter sa contribution qui permet au collectif d’exister) et enfin de bénéficier d’une part (sa participation est reconnue).

Ces quelques pistes brièvement esquissées constituent des pistes permettant d’avancer vers une véritable stratégie construite et pertinente pour faire « garantir » un contexte favorable à l’engagement réel, durable et contributif des adhérents à leur(s) coopérative(s). Car il en va au fond de la « survie » effective d’un modèle qui pèse 40 % du système agroalimentaire français et la moitié de l’agriculture mondiale.
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Par Xavier Hollandts, Professeur de stratégie et entrepreneuriat, Kedge Business School
Cet article s’appuie sur une étude terrain à laquelle ont été associés Rodolphe Bonsacquet et Elsa Bonnard, ingénieurs agronomes, ayant évolué au contact de nombreuses coopératives et leurs adhérents.

Quel rapport entre âge de la retraite et santé


Quel rapport entre âge de la retraite et santé

En attendant l’examen des amendements portant sur le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans, les députés d’opposition ont fait échec à la proposition gouvernementale de création d’un index senior, au grand dam des ministres en charge du dossier. L’idée était d’obliger les entreprises à publier leurs statistiques d’embauche de salariés en fin de carrière pour les inciter à embaucher ou garder en emploi des salariés plus âgés, sans toutefois les y contraindre, en réponse à des craintes pour l’emploi des seniors. Des participants au débat, pensifs quant à l’utilité du dispositif, ont notamment avancé que les travailleurs seniors ont un risque assez élevé de se retrouver en congés maladie de longue durée ou en situation d’invalidité.

C’est sur ce point que nos travaux récents ont porté, proposant une évaluation des effets de la réforme de 2010 sur les absences maladie des seniors.
Une équation financière pas systématiquement positive

La principale mesure de cette réforme avait été l’augmentation de 2 ans des âges légaux, d’ouverture des droits comme d’annulation de la décote. Ils sont passés respectivement de 60 et 62 à 62 et 64 ans, et ce, dans un délai remarquablement court, 5 ans.

Étaient visées une réduction de la charge des pensions et une augmentation du taux d’activité des seniors pour limiter le déficit des caisses d’assurance-retraite. Le nouveau texte a, de fait, induit une augmentation des taux d’activité des seniors. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la proportion des personnes âgées de 60 ans en emploi s’est accrue de 17 points de pourcentage pour les hommes et de 16 points pour les femmes tandis que la proportion au chômage s’est accrue de 7 et 6 points de pourcentages, respectivement.

En fin de carrière, cette hausse du chômage est même mesurée à 13 points de pourcentages par d’autres études. Combiné à une hausse de l’invalidité de 6 points, cela pèse sur les régimes d’assurance sociale alternatifs à la retraite. La Cour des comptes n’a pas manqué de le relever dans un rapport de 2019. Elle pointe une croissance notable des dépenses pour le risque maladie : dans les années qui ont suivi la réforme, le coût des indemnités journalières liées à l’absence pour maladie a augmenté en moyenne chaque année de 4,2 % pour atteindre 8 milliards d’euros en 2017. Une part non négligeable de cette hausse est attribuée au vieillissement de la population des salariés.

En même temps qu’elle prolonge la durée de cotisations à l’assurance-retraite, l’allongement de la vie semble en même temps augmenter, dans une moindre mesure toutefois, d’autres dépenses. Au-delà d’un enjeu financier pour des organismes publics, c’est aussi, pour les entreprises, des absences plus fréquentes de salariés qu’il leur faut pallier.
Des arrêts maladie plus fréquents, plus longs et plus nombreux après 60 ans

Pour le documenter, nous avons, dans nos travaux, mobilisé une base de données administratives dans laquelle les mêmes individus sont suivis sur plusieurs années : le panel Hygie sur la période 2005-2015, mis en place par l’Irdes après un appel d’offres de la Drees, direction statistique du ministère de la Santé. Il combine des données administratives de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse avec celles de la Caisse nationale de l’assurance maladie.
Pour mesurer l’impact d’un décalage de l’âge légal de départ sur la fréquence des absences maladie, il faudrait pouvoir observer ce qui se serait passé chez ceux qui ont pu prendre leur retraite à 60 ans s’ils avaient travaillé jusqu’à l’âge 62 ans, ce qui est impossible. On peut néanmoins trouver moyen de trouver une approximation pour cet élément de comparaison que l’on appelle, en statistique, le contre-factuel.

En comparant les toutes premières générations concernées par la retraite à 62 ans (les individus nés entre 1952 et 1954) avec les toutes dernières à y avoir échappé (1946-1951), on peut ainsi réduire un certain nombre de biais. On peut en effet supposer plus de ressemblance entre la trajectoire réelle des individus nés en 1952 avec celle, fictive, des individus nés en 1950 que si l’on comparait les générations 1940 et 1958.
L’idée est la suivante. Avec des départs en retraite, une génération voit logiquement le nombre d’individus concernés par un ou plusieurs arrêts maladie chuter (puisqu’on n’est pas arrêté pour maladie lorsque l’on est retraité). Cela survient à 60 ans avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2010, à 62 ans après. Si l’on compare donc nos deux groupes entre 60 et 62 ans, l’un aura connu cette chute et pas l’autre. La différence s’expliquera donc a priori largement par un décalage de l’âge légal.

La méthode dite de « régression avec discontinuité ». Author provided
Pour rendre les deux groupes aussi comparables que possible du point de vue de leurs caractéristiques individuelles, toute autre que l’âge de départ en retraite, on va également tenir compte de ces dernières dans nos calculs. Parmi ces caractéristiques figurent le salaire des individus, le temps qu’ils ont passé au chômage durant l’ensemble de la carrière ou encore leur catégorie socioprofessionnelle.

Nous avons ainsi pu mettre en regard entre nos deux groupes, la probabilité de connaître au moins un arrêt de travail sur une année, la durée annuelle cumulée d’arrêts-maladie et le nombre d’épisodes d’arrêts-maladie dans l’année d’observation. Les analyses économétriques confirment bien que la hausse de l’âge d’ouverture des droits explique une large part de l’augmentation significative de la probabilité, après 60 ans, d’être arrêté pour maladie sur une année de l’ordre de 1,7 point de pourcentage. Le nombre annuel cumulé de jours d’arrêt augmenterait, lui, d’un peu plus d’un jour et le nombre annuel d’arrêts maladie, de 0,02.

De manière générale, une grande hétérogénéité apparaît au-delà de ces moyennes. Il s’avère notamment que la réforme des retraites de 2010 a effectivement eu un effet plus fort sur la probabilité d’arrêt pour les individus considérés en mauvaise santé et ayant connu des événements de santé comme les accidents de travail et maladies professionnelles conduisant à des absences maladie de longue durée par le passé (hausse de 2,2 points de pourcentage contre 1,2 point de pourcentage pour ceux en bonne santé). L’effet de la réforme sur le nombre de jours annuel de maladie est également plus important pour ces individus en mauvaise santé avant le report de l’âge légal d’ouverture des droits entraînant une augmentation de 1,8 jour environ.
Les différences semblent, en outre, plus marquées pour les femmes que pour les hommes s’agissant de la probabilité d’arrêt ou du nombre d’épisodes d’arrêt. Elles restent toutefois moins importantes en ce qui concerne le nombre annuel de jours d’arrêt.

Pareilles observations suggèrent l’importance pour des projets d’évolution des paramètres de retraite, comme la réforme en débat actuellement, de mesures permettant de tenir compte de l’hétérogénéité des situations parmi la population active, avec une prise en compte de la pénibilité et de l’état de santé des salariés. Cela peut passer par des mesures de prévention, une amélioration des conditions de travail ou par une possibilité laissée aux salariés fragilisés par leur état de santé ou par leur parcours professionnel d’accéder à la retraite plus tôt. Il pourrait aussi s’agir d’assouplir le temps de travail des seniors, avec des possibilités de départs progressifs à la retraite, et de les affecter aux postes les moins pénibles.

Rappelons enfin qu’un recul de l’âge de départ n’influence pas seulement les absences maladie des seniors : il induit également un effet de déversement vers d’autres dispositifs alternatifs de protection sociale tels que le chômage ou l’invalidité. Seule la prise en compte de l’ensemble de ces effets éclairerait le décideur public quant à l’ensemble des retombées de réformes telles que celle actuellement en débat.

dans the Conversation par
Mohamed Ali Ben Halima
Maître de conférences, économiste santé au travail, MESuRS, CEET, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Ali Skalli
Maître de conférences de sciences économiques, Laboratoire d’Economie Mathématique et de Microéconomie Appliquée (LEMMA), Université Paris 2 Panthéon-Assas

Malik Koubi
Chercheur associé au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Grèves : Quel durcissement des syndicats?

Grèves : Quel durcissement des syndicats?

par Dominique Andolfatto
Professeur des Universités en science politique, Université de Bourgogne – UBFC dans the Conversation


Le quatrième acte de la mobilisation contre la réforme des retraites – le 11 février 2023 – a montré que celle-ci reste forte et continue à bénéficier d’un large soutien populaire. Le nombre de manifestants est même remonté à près d’un million d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur. En nombre de participants, ce mouvement est donc au niveau de des plus grandes mobilisations sociales depuis une trentaine d’années. Le 31 janvier 2023 a même constitué un record avec près de 1,3 million de manifestants (dépassant la manifestation du 12 octobre 2010, contre une précédente réforme des retraites, sous Nicolas Sarkozy, qui avait réuni plus de 1,2 million de manifestants.

Cependant, en dépit de la sortie de la crise sanitaire ou de l’augmentation du nombre de salariés, le niveau de mobilisation ne progresse pas sensiblement.
Certes, les syndicats font un important travail de communication – très unitaire –, d’organisation et d’encadrement pacifique des manifestations. Un million de personnes dans les rues c’est également au moins un tiers de plus que lors du précédent mouvement contre la réforme systémique des retraites, en 2019-2020, finalement abandonnée.

De ce point de vue, l’implication effective de la CFDT – au contraire de ce qui s’est passé en 2019 – et une unité syndicale sans faille ont permis de faire la différence. Mais il faut compter aussi avec un mécontentement social latent, en lien avec l’inflation et le surenchérissement des prix de l’énergie et de l’alimentation, qui n’est pas nécessairement encadré par les syndicats, certains manifestants préférant même défiler sous aucune bannière syndicale. Malgré cette réussite, avec plus de 2 millions de syndiqués revendiqués par les diverses organisations, il reste du potentiel pour conférer une dimension historique à la contestation.

C’est sans doute le choix d’un répertoire d’action – selon le terme du sociologue Charles Tilly – trop classique ou trop bien encadré, qu’il faut interroger : celui de la manifestation de rue, lors d’une journée, en semaine ou le week-end.

Mais peut-il en être autrement ? On voit aussi que, contrairement au calcul fait pour mobiliser davantage de gens du privé, le choix du samedi ne fonctionne pas plus qu’un jour de semaine (voire moins).
Si certains salariés du privé sont bien présents dans les cortèges, et sans doute en plus grand nombre que d’habitude (au vu de taux de grévistes plutôt en recul dans les services publics), ils restent encore minoritaires.

Ainsi, la stratégie privilégiée par les syndicats depuis plusieurs années, soit des manifestations pacifiques, fondées sur le « nombre », malgré des succès passés, ne suffit pas – pour le moment – pour trancher le désaccord social sur la réforme des retraites. Dès lors que faire ?
Durcir le mouvement ?
Les syndicats hésitent entre continuer à manifester ou faire grève. Certains se disaient favorables à ce « durcissement » depuis le début, notamment des fédérations de la CGT – cheminots, énergie, chimistes (dont les raffineurs)… – mais aussi l’Union syndicale Solidaires (qui rassemble les syndicats SUD), connues pour son radicalisme et une type de syndicalisme « à l’ancienne », fondé sur le militantisme et, souvent, le conflit ouvert.

Mais que signifie le mot « durcissement » ? Il est censé illustrer une gradation dans l’action collective. Celle-ci ne consistera plus seulement en des défilés pacifiques et intermittents – certains syndicalistes critiquant au passage des journées « saute-mouton » peu efficaces.

Il s’agira d’actions plus déterminées, voire plus violentes (même si le terme reste tabou) et continues. L’objectif est d’engendrer des désordres dans l’économie ou dans la vie sociale ou quotidienne – étant entendu que les salariés se montreront compréhensifs puisqu’il s’agit de leur bien – pour faire céder un gouvernement sourd aux seules manifestations de rue.

Tous les syndicats ne sont pas favorables à une telle évolution. Mais plus personne ne les exclut. Même la CFDT, qui a patiemment sculpté son identité réformiste depuis des années, ne la rejette pas, du moins par antiphrase

Ainsi, son leader, Laurent Berger, faisant allusion aux « gilets jaunes », s’étonnait récemment que les formes d’actions « très violentes » (et minoritaires) aient obtenu gain de cause alors que les revendications portées par des manifestations pacifiques, bien plus nombreuses, laissent indifférents les pouvoirs publics. Cela légitime implicitement des actions plus radicales. Pour autant, ce n’est pas la violence qui a caractérisé les « gilets jaunes ». Ce mouvement a innové, en révélant une France des invisibles.

Reste à passer à ces nouvelles formes d’actions : grève d’un jour, voire reconductible… Certaines sont annoncées à compter du 7 mars dans les transports publics, à la SNCF ou à la RATP. La menace de « blocages » concernant l’approvisionnement en carburant est également agitée par certains militants.

Ces actions réussiront-elles à s’installer dans la durée et à peser ? On a vu, à l’automne dernier, que le gouvernement n’était pas sans moyens juridiques, par exemple en s’appuyant sur des réquisitions.

Une « grève générale » pourrait aussi se profiler même si elle n’est pas encore annoncée comme telle. L’intersyndicale préfère l’euphémisme de « mise à l’arrêt de tous les secteurs » pour éviter d’effrayer l’opinion tout en se préservant d’un échec éventuel qui serait sans doute rédhibitoire.

Une telle grève paraît aussi hypothétique. Celles qui ont réussi – pour faire allusion au Front populaire ou à mai 1968 – n’ont pas été décrétées par les confédérations syndicales. Et le secteur privé, en particulier, ne semble pas prêt à une telle éventualité, d’autant plus que la responsabilité directe des entreprises n’est pas en cause dans la réforme. Comme une récente enquête du ministère du Travail vient de le rappeler, le taux de syndicalisation dans le secteur privé continue de reculer. Dès lors, pour les organisations syndicales, susciter et encadrer un tel mouvement paraît difficile. Les syndicats paient implicitement leur éloignement de bien des salariés à la base et notamment, des plus jeunes, même si leurs récents succès dans la rue montrent qu’ils sont bien vivants.
Le « durcissement » pourrait aussi venir d’une implication plus forte des organisations étudiantes. Présentes dans l’intersyndicale, ces dernières restent encore peu impliquées et les universités, sauf exception, ne connaissent pas de perturbations.

Les confédérations syndicales, à l’instar de Laurent Berger, insistent par ailleurs beaucoup sur ce qui serait une « révolte des sous-préfectures ». Bref, le mouvement serait particulièrement actif dans les petites villes. En fait, peu de comparaisons sérieuses ont été faites entre le nombre de manifestants actuels et passés dans ces villes.
Un examen rapide révèle que la situation s’avère contrastée. Ce surcroît de manifestants dans certaines villes s’explique, semble-t-il par l’importance locale de l’emploi public. Cela confère à ces populations des taux de syndicalisation supérieurs à la moyenne.

Ainsi, cette « révolte des sous-préfectures » révélerait d’abord les forces et faiblesses de la syndicalisation. Mais les syndicats y voient surtout des exemples à suivre, traduction d’une colère profonde dans le tissu social.

Compte tenu de cette situation, les leaders syndicaux défileront à Albi le 16 février, ville-symbole d’une riche histoire ouvrière. Cette décentralisation de l’action doit mettre en relief cette « révolte » et, peut-être, compenser des manifestations moins nombreuses en raison des vacances scolaires.

Ce moment permet aussi aux syndicats de donner une dimension plus politique au mouvement et témoigne d’une critique implicite de la gauche à l’Assemblée nationale.
Compter avec la psychologie du gouvernement

Ces 30 dernières années, les mouvements sociaux n’ont pas manqué, mais leurs résultats ont souvent été discutés. Quand on cherche à comprendre pourquoi certains ont eu gain de cause, il faut tenir compte aussi de ce qui serait la psychologie du gouvernement.

Si Alain Juppé, en 1995, ou Dominique de Villepin, en 2006, ont dû renoncer à leurs réformes c’est aussi parce que l’exécutif était partagé.
Une telle issue ne semble pas se profiler actuellement concernant la réforme des retraites. L’exécutif paraît ferme sur ses positions, malgré une communication douteuse et des arguments souvent caricaturaux. Céder à la rue pourrait faire perdre toute autorité à Emmanuel Macron pour la suite du quinquennat. Mais la rue tiendra-t-elle ?

Réforme des retraites : quel positionnement des partis de gauche ?

Réforme des retraites : quel positionnement des partis de gauche ?

Par Christophe Sente, membre du Cevipol au sein de l’Université libre de Bruxelles, ainsi que du conseil scientifique de la Feps (Fondation for European Progressive Studies). Il a récemment consacré des textes à l’évolution politique sociale américaine et européenne qui ont été publiés par la revue Social Europe et la Fondation Jaurès.

En pleine mobilisation contre le projet de réforme des retraites, les partis de gauche sont en mouvement. À entendre les réactions des responsables politiques, la direction prise relève d’une sortie du travaillisme, terme qui désigne une tendance à privilégier la recherche de compromis au service des intérêts matériels des travailleurs par rapport à une projection idéologique, même si rares sont les partis qui choisissent cette dénomination. La recherche d’un affrontement politique avec le gouvernement semble ainsi primer sur la recherche de nouveaux équilibres capables de satisfaire les intérêts des employés comme des entrepreneurs.

Du recul est nécessaire pour comprendre l’évolution en cours. Au XIXe siècle, la gauche socialiste européenne s’est organisée pour défendre les intérêts du monde ouvrier. Dans plusieurs pays dont la France ne fait pas partie, des partis socialistes ont été créés à l’initiative de syndicats pour assurer l’inscription à l’agenda parlementaire d’assurances sociales protégeant les actifs des risques liés à l’accident, la maladie ou encore à l’âge.

Au XXe siècle, la gauche française ne réussit pas à obtenir un monopole de la représentation des travailleurs qui préfèrent parfois voter pour des partis chrétiens, voire d’extrême droite, défendant aussi des programmes sociaux. Elle étend cependant cette représentation, d’abord limitée aux ouvriers, aux employés du secteur privé, aux fonctionnaires, aux retraités et aux chômeurs. Son discours anticapitaliste originel se fait discret à partir de 1945 et elle devient « travailliste ».

Autrement dit, si le travail conserve la centralité qu’il trouvait chez Karl Marx qui y voyait un facteur de production aussi important que le capital, la gauche lie désormais, le temps des trente glorieuses, le sort de ses revendications sociales au succès des entreprises capitalistes.

L’après-Seconde Guerre mondiale est caractérisé par la recherche de la paix sociale face au risque communiste. La gauche obtient alors, pour les catégories socioprofessionnelles qu’elle représente, des régimes légaux de pensions financés par la redistribution d’une part de la richesse nationale.

Cette évolution incite des observateurs à suggérer que les états démocratiques européens ne sont pas seulement caractérisés par un parlementarisme d’inspiration libérale mais aussi par un régime « néocorporatiste » c’est-à-dire une capacité des représentants du capital et du travail à assurer la convergence des intérêts de l’industrie et des salariés.
La sortie du travaillisme amorcée au XXᵉ siècle

En 2023, les discours et les choix stratégiques des partis qui forment l’opposition de gauche au gouvernement d’Elisabeth Borne indiquent une évolution en dehors du travaillisme. Celle-ci a en fait été amorcée au siècle dernier. Elle prend toutefois une nouvelle orientation. Les deux déterminants de cette nouvelle orientation ont environ cinquante ans d’âge.
Premièrement, à partir des années 1970, sous l’impulsion de la révolution culturelle de 1968 et de la théorisation de la possibilité d’un épanouissement individuel à l’intérieur d’une société post-industrielle prospère, la gauche, élargie au mouvement écologiste, intègre la revendication d’une libération du temps. Celle-ci est satisfaite par une diminution de l’horaire de travail hebdomadaire, des formules de pause dans la carrière et, en France, l’abaissement à 60 ans de l’âge de la retraite par le gouvernement de Pierre Mauroy.

Deuxièmement, au cours des années 1980, l’Europe est dans une situation de la stagflation, la croissance est en berne et l’inflation forte. Afin d’en sortir tout en optimisant leurs bénéfices, les détenteurs de la propriété industrielle et des capitaux abandonnent le compromis fordiste basé sur une consommation de masse et néocorporatiste.

La croissance est rétablie sur la base d’une stimulation des exportations et du développement des secteurs des services et de la finance. La confiance est par contre rompue entre les acteurs de l’entreprise depuis que le travail est redevenu, dans la doxa « néolibérale » anglo-saxonne, une variable d’ajustement, comme au XIXe siècle.

En 2023, l’orientation de l’opposition de gauche à Elisabeth Borne et Emmanuel Macron présente plusieurs caractéristiques qui accentuent la sortie du travaillisme.
Tout d’abord, l’orientation des partis qui forment la Nupes comme de l’extrême gauche traditionnelle comporte un double critique de la réalité économique présentée par le gouvernement. Le premier concerne les finances publiques et privées qui, selon les partisans de la réforme, ne peuvent soutenir une situation, impensée en 1945, dans laquelle le rapport entre le nombre d’actifs et de retraités tend à s’inverser.

Le second touche l’état du continent européen qui exigerait une réindustrialisation des nations pour assurer la sécurité économique, énergétique, écologique, sanitaire et militaire des populations. Or, le déploiement d’une nouvelle génération de politiques industrielles exige une mobilisation de ressources humaines dans un contexte de natalité faible et de résistances sociétales à l’immigration extraeuropéenne. C’est sur la base de l’une ou l’autre de ces considérations, voire des deux, que la plupart des états européens ont relevé l’âge de départ à la retraite et s’emploient à augmenter le taux d’emploi.

Ensuite, en dépit de la diversité du paysage salarial et des droits en matière de retraite, les forces politiques de gauche parient sur la constitution d’un front national et social du refus, incluant notamment les étudiants. À ce stade, ainsi qu’en témoignent notamment les interventions de la France Insoumise sur le sujet des recettes, elles ne misent pas sur la présentation d’alternatives abouties aux réformes envisagées par le gouvernement.

Le seul tempérament à cette opposition frontale est la revendication, encore que très générale et n’impliquant pas une reconsidération des régimes existants lorsque la nature du travail a évolué depuis l’institution de ceux-ci, d’une prise en considération de la pénibilité des métiers.

Alors que des think tanks progressistes comme la Fondation Jaurès ou Terra Nova ont présenté des modalités alternatives de réforme du système des retraites, la rhétorique de la gauche politique reste dominée par des slogans. La référence à la captation de « super profits » par des « élites » comme à la faible espérance de vie des Français les plus pauvres, est une expression de la stratégie populiste suggérée par Chantal Mouffe.

Enfin, la Nupes et l’extrême gauche refusent le débat ouvert par le président de la République sur le « dividende salarié », c’est-à-dire sur la possibilité d’augmenter les revenus que les travailleurs tirent de l’activité économique, voire leurs droits à l’intérieur de la gouvernance des entreprises. Ce refus est à la fois fondé sur une réticence à l’égard de la cogestion des entreprises et à une opposition de principe aux formes extrasalariales de rémunération qui ne sont pas intégrées aux calculs des droits en matière de chômage ou de pension.
Aux USA, ce type de proposition est notamment soutenu par Bernie Sanders, mais, à ce jour, la réactivation d’un compromis néocorporatiste n’est à l’agenda ni des partis socialiste et communiste, ni des Insoumis.

Les partis politiques qui forment l’opposition de gauche à Emmanuel Macron ne sont plus que travaillistes dans la mesure où ils acceptent, comme le 19 janvier, de défiler derrière les organisations syndicales.

Pour les partis qui défilent aujourd’hui dans la rue, la constitution d’un mouvement social est le prélude d’un débat parlementaire et au service d’un effritement de la majorité relative dont dispose Elisabeth Borne.

Cette stratégie peut être considérée comme à ce jour payante dès lors que de nombreux citoyens ont répondu aux appels à manifester et des tensions se sont révélées au sein du camp présidentiel. Elle ne sera pas nécessairement gagnante car elle expose la gauche d’opposition à deux risques.

L’un est celui d’une incapacité à canaliser le mouvement social dans un débat parlementaire. Ce scénario est celui d’un blocage du pays, le cas échéant par de nouveaux « gilets jaunes », si le mouvement échappe aux syndicats.

L’autre est celui de la concurrence, voire de la convergence, au sein de l’assemblée du Rassemblement national de Marine Le Pen, tenu jusqu’à présent à l’écart des manifestations par les organisations syndicales.

Quel avenir pour le capitalisme libéral

Quel avenir pour le capitalisme libéral ?


par André Yché, Président du conseil de surveillance chez CDC Habitat qui se prête à l’exercice d’une « Lettre d’outre-tombe » de Schumpeter ( dans La Tribune)

Je vous l’avais bien dit ! Je reconnais bien volontiers l’apport plus ou moins important des quelques économistes, ou réputés tels, que la commune renommée se plait à ranger à mes côtés dans la « cour des grands » : mon ami Keynes, ou même Alvin Hansen dont la relative notoriété tient pour beaucoup aux fonctions qu’il a exercées auprès des Présidents Roosevelt et Truman, qui auraient gagné à mieux s’entourer alors que mes travaux me laissaient quelques loisirs ; mais j’avoue que sur une question importante, celle de l’hypothèse de « stagnation séculaire », il se peut bien qu’il ait eu raison, contre moi. Cette circonstance est suffisamment exceptionnelle pour mériter d’être soulignée.

Toutefois, en dépit de tous mes efforts d’objectivité et de modestie, force est de constater que ma contribution au progrès de la théorie économique est d’une tout autre ampleur, car je suis incontestablement le premier et, à ma connaissance, le seul, à avoir su intégrer la dimension institutionnelle, sociale et même politique dans les déterminants de l’évolution économique. En d’autres termes, j’ai transformé la matière économique, qui n’était pour mes collègues qu’une discipline comptable, en sciences sociales.

Et si, depuis quelques décennies, je m’intéresse de plus en plus au cas de votre pays, c’est qu’il me paraît illustrer parfaitement l’ensemble de mon cheminement intellectuel et, tout particulièrement, l’aboutissement développé dans mon dernier ouvrage « Capitalisme, socialisme et démocratie ». Trêve des préliminaires : pour vous convaincre, entrons de concert dans le vif du sujet.

Mes premiers travaux furent consacrés à ce qui, dans l’Entre-Deux-Guerres, était un grand sujet de préoccupation : les cycles économiques qui, depuis le début du XIX° siècle, frappaient de plus en plus durement les sociétés modernes, non pas au rythme, bien connu, des crises climatiques et agricoles, mais selon les règles mystérieuses de l’industrie et de la finance.
Pour nous en tenir à l’essentiel, l’idée d’une récurrence cyclique des périodes de croissance économique suivies de crises et de récessions est due à Clément Juglar qui identifie un cycle de 7 à 10 ans qui dicte son rythme à l’évolution économique, à partir de la grande crise de 1825 qui ébranle l’économie anglaise, mal remise des guerres napoléoniennes. L’origine réside, selon lui, dans une forme de « respiration » du crédit, excessif en période d’expansion et de hausse des prix, générant un mouvement inflationniste qui inquiète les marchés et les banques qui resserrent alors exagérément leurs conditions de prêt et suscitent ainsi une crise qui assainit l’économie en éliminant les « canards boiteux », avant de permettre à la croissance de redémarrer.

Explication séduisante, mais simpliste, qui ne justifiait en rien la « longue stagnation » entre 1873 et 1896 qui atteint successivement les économies développées, tant en Europe qu’aux États-Unis.
De telle sorte que me vint l’idée de coupler ce « cycle du crédit » à un autre mouvement cyclique de l’économie réelle provoqué par des vagues d’innovations survenant tous les demi-siècles : la première révolution industrielle, autour de la machine à vapeur ; la suivante, avec l’électricité et la chimie ; puis l’atome et les technologies de l’information, etc.
Je reprenais ainsi une idée formulée par un Russe, Kondratieff, qui contredisait tellement le discours idéologique stalinien sur l’ « Homme nouveau » et sur la construction d’un monde idéal que Staline l’avait envoyé mourir en Sibérie ; mais je l’enrichissais en énonçant le thème d’un cycle d’ « innovations en grappes » et je substituais à la vieille idée des économistes classiques d’un équilibre statique, celle d’un processus dynamique de balancement entre phases de croissance et de dépression, entrecoupées de périodes d’adaptation, c’est-à-dire de crises : il en résultait que le véritable ressort du capitalisme était celui de la « destruction créatrice » des technologies et productions obsolètes par de nouveaux produits et par de nouveaux « modus operandi ».
D’autres théories du cycle ont proliféré à cette époque ; notamment celle d’un cycle court de deux à trois années, dit « de Kitchin », lié au processus de stockage / déstockage de biens intermédiaires et de produits commerciaux : le seul à s’intéresser vraiment à ce concept fut Harry Truman que sa véritable profession de marchand de chaussures prédisposait à cette conception de l’économie !

C’est ainsi que j’ai présenté sous un jour nouveau la « grande stagnation » de 1873-1896, en l’expliquant par une combinaison des cycles Juglar et Kondratieff, ce qui constituait la première explication crédible de cette période. J’expliquais ainsi les phénomènes de rechute après reprise (« Double Dip »), provoqués, comme en 1937 aux États-Unis, par un resserrement brutal du crédit destiné à combattre un pic inflationniste. Tout ceci ne vous rappelle-t-il rien, dans l’actualité économique de votre époque ? Toutefois, je n’étais pas complètement satisfait par la distinction théorique que m’imposait mon propre raisonnement entre équilibre statique et dynamique économique, et les limites de mon approche sont apparues lors du débat qui m’a opposé dans les Années Trente à Alvin Hansen et aux frères Sweezy qui travaillaient en famille, ce qui eut été une bonne idée si la fratrie avait été plus nombreuse !

Bref, le débat, inspiré bien sûr par mon seul rival et ami, Lord Keynes, et docilement endossé par Alvin, portait sur le risque d’une stagnation séculaire, suscitée par l’attrition progressive des opportunités d’investissement rentable.

Je combattais et venais à bout de cette conception d’un retour à l’économie stationnaire en théorisant le rôle de l’entrepreneur dans une conception du capitalisme fondée sur la dynamique de la « destruction créatrice » et les « Trente Glorieuses » me donnèrent raison, sans me permettre de lever tout à fait, cependant, mes doutes personnels sur mes propres conclusions. Mais il arrive souvent que l’adhésion du plus grand nombre emporte la conviction apparente du prophète éclairé et dubitatif… Ce qui, néanmoins, me conduisit à réfléchir plus avant…
Au cours de mes travaux relatifs à la « longue stagnation », j’avais noté une dimension importante de la crise qui consistait dans le décalage temporel entre les différentes économies nationales, s’agissant des phases de crise et de récession, et j’en avais déduit l’importance des facteurs institutionnels et culturels dans le fonctionnement des marchés, qui demeurait surdéterminé par le poids de l’Histoire et des préférences politiques : la France, nation agricole et conservatrice, entrait plus tardivement en crise et subissait des chocs moins violents que les États-Unis ou même l’Angleterre.

Et j’en suis venu à la conclusion, énoncée dans mon dernier ouvrage, « Capitalisme, socialisme et démocratie » qu’une forme de lassitude finirait par saisir les classes moyennes et que par le simple jeu d’une démocratie d’opinion peu éclairée par des débats médiatiques de plus en plus superficiels et de moins en moins contradictoires, le capitalisme évoluerait vers une forme de socialisme, ou de social-démocratie dirigiste et centralisatrice dont votre pays me paraît fournir la meilleure illustration.

Le corollaire de cette transformation, c’est la disparition programmée de l’entrepreneur capitaliste, ferment de l’innovation, inexorablement remplacé par une génération d’administrateurs-gestionnaires, dépourvus de vision et d’ambition. C’est alors l’État qui prend le relais, prélevant l’essentiel de la richesse produite chaque année, endettant constamment la nation, régissant, dans les moindres détails tous les champs de la vie sociale et des existences privées ; en un mot, devenant de plus en plus omnipotent et simultanément impotent, du fait de l’inextricable réseau d’injonctions contradictoires dans lequel il s’enferme inexorablement. Et dans ce contexte nouveau, je crains fort qu’Alvin et ce diable de John Maynard n’aient eu finalement raison en prédisant le retour vers l’économie stationnaire, mouvement dans lequel votre pays sera, pour une fois, parmi les précurseurs, victime, dans bien des domaines, d’une « camarilla » de « Professeurs Lyssenko » ! Et pour ma part, reconnaissant mon erreur de diagnostic devant mes adversaires d’hier devenus mes partenaires de bridge d’aujourd’hui dans notre club très fermé, je boirai mon humiliation pour l’éternité, expiant, par votre faute, la condescendance teintée d’orgueil intellectuel dont mes contemporains m’ont parfois, et fort injustement, accusé.
Croyez en mon éternelle considération,
Joseph Aloïs Schumpeter

Quel avenir pour la fusion nucléaire ?

Quel avenir pour la fusion nucléaire ?

La Russie va fournir pour le projet Iter de fusion nucléaire situé en France un énorme aimant.

La fusion nucléaire pourrait assez prochainement remplacer la fission nucléaire à laquelle on reproche surtout de produire des déchets pour l’instant impossible à recycler. par ailleurs es prochaines décennies sont d’une importance capitale pour la mise en place d’une stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

D’ici la fin du siècle, compte tenu de la croissance démographique, de l’augmentation de l’urbanisation et de l’extension du réseau électrique dans les pays en développement, la demande en énergie aura triplé. Le recours aux combustibles fossiles qui ont modelé la civilisation industrielle est synonyme d’émission de gaz à effet de serre et de pollution.

Il est urgent de trouver une nouvelle source d’énergie à grande échelle, non émettrice de CO2, pérenne et disponible. La fusion offre les avantages suivants :

Une énergie abondante : A masse égale, la fusion d’atomes légers libère une énergie près de quatre millions de fois supérieure à celle d’une réaction chimique telle que la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz, et quatre fois supérieure à celle des réactions de fission nucléaire. La fusion peut fournir l’énergie de base nécessaire pour satisfaire les besoins en électricité de nos villes et de nos industries.

Pérennité : Les combustibles de fusion sont universellement disponibles et quasiment inépuisables. Le deutérium peut être obtenu à partir de l’eau ; le tritium sera produit pendant la réaction de fusion lorsque les neutrons issus de la fusion des noyaux interagiront avec le lithium des modules placés dans la chambre à vide. (Les réserves de lithium dans la croûte terrestre permettraient l’exploitation de centrales de fusion pendant plus de 1 000 ans ; celles des océans pourraient répondre aux besoins pendant des millions d’années.)

Aucune émission de CO₂ : La fusion ne génère pas de dioxyde de carbone ou d’autres gaz à effet de serre. Le sous-produit principal est l’hélium, un gaz inerte non toxique.

Aucun déchet radioactif de haute activité à vie longue : Les réacteurs de fusion nucléaire ne produisent pas de déchets radioactifs de haute activité à vie longue. L’activation des composants d’un réacteur de fusion est suffisamment faible pour que les matériaux puissent être recyclés ou réutilisés dans les 100 ans qui suivent la mise à l’arrêt de l’installation.

Aucune prolifération : La fusion n’utilise pas de matières fissiles comme l’uranium et le plutonium (le tritium radioactif n’est pas un matériau fissile ni fissionnable). Un réacteur de fusion ne contient pas d’éléments susceptibles d’être utilisés pour fabriquer des armes nucléaires.

Aucun risque de fusion du cœur : Un accident nucléaire de type Fukushima ne peut pas se produire dans un réacteur de fusion. Les conditions propices aux réactions de fusion sont difficiles à atteindre ; en cas de perturbation, le plasma se refroidit en l’espace de quelques secondes et les réactions cessent. En outre, la quantité de combustible présente dans l’enceinte est insuffisante pour alimenter les réactions au-delà de quelques secondes et une « réaction en chaîne » est inconcevable du point de vue de la physique.

Coût : La quantité d’énergie produite par un réacteur de fusion industriel, tels qu’ils pourront voir le jour dans la seconde moitié de ce siècle, sera équivalente à celle produite par un réacteur de fission — entre 1 et 1.7 gigawatts. Le coût moyen par kilowatt d’électricité devrait aussi être du même ordre : légèrement plus élevé au début, la technologie étant nouvelle, puis décroissant par la suite dans la mesure où les économies d’échelle feront baisser les prix.

Le mix énergétique des prochaines décennies devra reposer sur une large variété de sources d’énergie différentes. En tant que nouvelle option énergétique non émettrice de carbone et non productrice de déchets nucléaires de haute activité à vie longue, la fusion répond aux défis que représentent le maintien des grands équilibres climatiques, la disponibilité des ressources et la sûreté.

Filère Hydrogène: quel avenir pour cette technologie

Filère Hydrogène: quel avenir pour cette technologie

L’annonce, en janvier 2021, de la création du Conseil national de l’hydrogène témoigne d’un renouveau de la politique et de l’ambition française vis-à-vis des technologies hydrogènes. Au cœur du plan France Relance, ces technologies sont multiples et impactent de nombreuses filières industrielles majeures, telles que l’automobile ou l’aéronautique. Quel sera le rôle de ce nouveau Conseil ? Une coordination nationale permettra-t-elle d’accélérer le développement de cette filière ? Qu’en est-il d’une coopération à l’échelle européenne ? Anne-Sophie Angelo, Directrice au sein du Cabinet dans Institut Montaigne

Le Conseil national de l’hydrogène a été créé début janvier 2021. Quel peut être son impact sur le développement de la filière française ?
Pour le moment, le gouvernement a débloqué les fonds nécessaires, défini quelques grandes priorités et décidé de la création d’un Conseil national de l’hydrogène en lui assignant des objectifs : « structurer les échanges entre l’État et les parties prenantes de la mise en œuvre de la stratégie » et de contribuer au « développement d’une filière compétitive de l’hydrogène décarboné », ainsi qu’à « l’émergence de projets collectifs visant à la structuration d’une chaîne de valeur complète sur notre territoire ou dans le cadre de coopérations européennes ». En France, rien ne se fait sans l’État et c’est donc une bonne chose qu’un solide cadre financier et organisationnel ait été mis en place : le travail peut commencer.

Concrètement, tout reste à faire. Nous ne disposons pas encore de feuille de route précise. L’Allemagne constitue en cela un modèle dont nous pourrions nous inspirer : au-delà du tissu industriel qui fait sa force, elle fait reposer son ambition de devenir le numéro 1 mondial des technologies de l’hydrogène sur un plan clairement structuré en 9 domaines d’action très concrets et 37 mesures, comprenant de premiers objectifs chiffrés à court terme et un inventaire précis des besoins, de la technologie actuellement disponible et des innovations à encourager.

Construire une filière de l’hydrogène suppose des investissements importants, mais aussi de la coordination et de l’intégration.

Construire une filière de l’hydrogène suppose des investissements importants, mais aussi de la coordination et de l’intégration. Ce n’est pas tout à fait la manière dont sont formulées les missions du Conseil National de l’Hydrogène, mais nous pouvons espérer que ses membres se saisissent du problème et trouvent, collectivement, des méthodes et des solutions efficaces et nécessaires au développement d’une filière hydrogène (décarboné) compétitive à l’échelle de tout le territoire.

Rappelons que les projets industriels dont il est ici question recouvrent de très nombreux défis technologiques et mobilisent un nombre considérable de compétences :

Acteurs privés (grands groupes, ainsi que leurs filiales ou les start-ups qu’ils financent, PME) et publics (État, régions, organismes publics de financement comme la branche investissement de l’ADEME ou la Banque des territoires, très actifs dans le financement de projets hydrogène) travaillent main dans la main pour rendre possibles des expérimentations en vue d’un déploiement industriel à plus grande échelle. Les acteurs publics jouent un rôle essentiel dans la création de débouchés et dans l’émergence d’un marché rentable pour les entreprises.

À titre d’exemple, citons le projet HyPSTER en Auvergne-Rhône-Alpes (région à l’initiative du plan Zero Emission Valley), qui prévoit le stockage souterrain dans des cavités salines d’hydrogène vert produit sur place à partir d’énergie photovoltaïque et hydraulique. Une étude d’ingénierie est menée en préalable du passage à une phase d’expérimentation en 2023, puis à l’échelle industrielle. Enjeu : faire de ce site un modèle d’écosystème hydrogène réplicable. Autre exemple : le projet Dijon Métropole Smart EnergHy, co-financé par l’ADEME, qui prévoit la production d’hydrogène à partir de l’incinération de déchets ménagers.

Derrière le mot « hydrogène » se trouve en fait une multitude d’activités industrielles. Leur intégration est clé, car l’enjeu est bien de créer des écosystèmes vertueux du point de vue écologique, à partir de l’énergie renouvelable nécessaire pour produire de l’hydrogène vert jusqu’à son usage en tant que vecteur énergétique (dans la mobilité par exemple) ou que matière première pour décarboner certains pans de l’industrie (production d’acier et d’engrais, par exemple). Inversement, la récupération de l’hydrogène dit fatal ou coproduit (résultant d’un procédé non destiné à sa production, par exemple la fabrication du chlore) pourrait constituer, à l’avenir, une source d’approvisionnement supplémentaire. Les besoins en termes d’innovation et d’infrastructure sont colossaux, et appellent à un dialogue fluide et nourri entre tous les acteurs qui permettra que la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France devienne réalité.
La récente accélération de certains acteurs du secteur automobile et aéronautique sur les enjeux d’hydrogène témoigne-t-elle d’une plus grande maturité de cette technologie ?
La volonté récente des États de soutenir massivement la filière hydrogène repose, en effet, sur l’évolution favorable des technologies de l’hydrogène. C’est d’ailleurs le constat que faisait Peter Altmaier, ministre de l’Économie en Allemagne, au moment d’annoncer les grandes lignes de la stratégie hydrogène de son pays : « le moment de l’hydrogène est venu », a-t-il affirmé dans une tribune publiée dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung en novembre 2019. Mais la disponibilité des technologies ne suffit pas. L’hydrogène vert coûte aujourd’hui beaucoup plus cher que l’électricité, le pétrole ou le gaz naturel. Comme toute innovation énergétique, il a besoin d’être subventionné au départ pour être compétitif.

La Corée offre à cet égard l’exemple d’un système de soutien public efficace dans la mobilité hydrogène. Si le constructeur Hyundai a été pionnier avec son moteur à pile à hydrogène en 2013, c’est bien l’intervention de l’État qui a rendu possible le développement d’un marché national : en 2018, le gouvernement coréen annonçait un partenariat inédit public-privé comprenant une enveloppe de plus de deux milliards de dollars sur cinq ans et la planification des actions à mener, et a récemment augmenté son budget dédié à la subvention de l’achat de véhicules hydrogène. La Corée, avec des objectifs précis sur le nombre de véhicules hydrogène en circulation à horizon 2022 puis 2030, entend répondre à un triple défi : réduire sa dépendance énergétique, lutter contre la pollution aux particules fines en milieu urbain et construire une économie de l’hydrogène dynamique, propre à assurer la création d’emplois mais aussi la place de leader mondial de la voiture à hydrogène.

Aujourd’hui, l’accélération que l’on observe s’explique par l’enthousiasme et la confiance que suscite l’hydrogène vert (produit par électrolyse à partir d’énergies renouvelables, et donc non producteur de CO2 lorsqu’il est utilisé comme combustible), dans le contexte de lutte contre le réchauffement climatique et de relance économique post-pandémie. L’urgence climatique et les ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre affichées par les États à travers le monde (par exemple, dans son plan cible en matière de climat, la Commission européenne propose de porter de 40 % à 55 % par rapport à 1990 les émissions de gaz à effet de serre ; même la Chine, responsable du quart des émissions de gaz à effet de serre mondiales, a annoncé vouloir atteindre la neutralité carbone d’ici 2030) font apparaître l’hydrogène vert une réponse pertinente aux défis environnementaux.

Aujourd’hui, l’accélération que l’on observe s’explique par l’enthousiasme et la confiance que suscite l’hydrogène vert, dans le contexte de lutte contre le réchauffement climatique et de relance économique post-pandémie.

Les plans hydrogène publiés ces derniers mois en Europe comme ailleurs (en France et en Allemagne, mais aussi au Royaume-Uni, au Canada, au Chili pour n’en citer que quelques-uns) ont un effet d’entraînement, auprès des industriels de l’hydrogène mais également des investisseurs privés. Les cours de bourse en témoignent : ils ont soudain bondi au printemps 2020, et connaissent depuis une croissance soutenue.

Rappelons enfin que les défis technologiques subsistent : en témoignent les réflexions en cours autour de l’avion à hydrogène, avec la question du poids des réservoirs et de leur niveau de sécurité. Le gouvernement français prévoit d’ailleurs de consacrer 1,5 milliards d’euros de son plan de soutien à l’aéronautique à la R&D et à l’innovation dans ce secteur.

L’hydrogène figure à l’agenda du plan de relance français, France Relance, à hauteur de 7 milliards d’euros, mais aussi dans le plan allemand à hauteur de 9 milliards. Comment expliquer cette différence ? Une action coordonnée à l’échelle européenne est-elle envisageable ?
La différence comptable tient aux deux milliards d’euros que l’Allemagne prévoit de consacrer aux partenariats internationaux. Mais la différence entre les stratégies française et allemande tient surtout à des contextes et des modalités pratiques différents :

En 2011, suite à l’accident de Fukushima, l’Allemagne a pris la décision de sortir du nucléaire et investit depuis massivement dans les énergies renouvelables, qui représentent aujourd’hui plus de 40 % de la production d’électricité du pays. L’hydrogène permettrait à l’Allemagne de stocker l’énergie solaire ou éolienne, par nature intermittente. La France, elle, compte principalement sur le nucléaire, une source d’énergie décarbonée (plus de 70 % de sa production d’électricité, contre un peu plus de 20 % pour les renouvelables).

L’engagement allemand en faveur de l’hydrogène remonte aux années 2000 : dans le cadre du Programme national d’innovation pour la technologie de l’hydrogène et des piles à combustibles, un financement d’environ 700 millions d’euros avait été approuvé sur la période 2006-2016, pouvant aller jusqu’à 1,4 milliards d’euros sur la période 2016-2026. La stratégie hydrogène dévoilée en 2020 fait donc fond sur des initiatives lancées plusieurs années auparavant. En France, le soutien public à la filière a commencé bien plus tard, en 2018, avec le plan Hulot, qui prévoyait de mobiliser 100 millions d’euros à partir de 2019, avec l’objectif d’un financement de 100 millions d’euros chaque année.

Quant aux modalités pratiques, le plan hydrogène allemand comprend 37 mesures destinées à atteindre l’objectif formulé clairement par le ministre de l’Économie : devenir le numéro 1 mondial des technologies de l’hydrogène. La France, elle, a défini de grands domaines d’action cibles (installation d’électrolyseurs en capacité suffisante, décarbonation de l’industrie, mobilité lourde, création d’emplois, R&D), et prévoit de procéder ensuite par projets financés selon des mécanismes bien identifiés (appels à projets, fonds du Programme d’investissements d’avenir, Projets importants d’intérêt européen commun, Programmes prioritaires de recherche, appels d’offres).

Au regard de la compétition internationale, un marché intégré de l’hydrogène en Europe et l’existence de champions européens seraient des atouts considérables. La coordination européenne est cependant déjà opérante, à travers plusieurs programmes de financement, tels que les projets importants d’intérêt européen commun ou Fuel Cells & Hydrogen Joint Undertaking, ce dernier finance notamment le projet Hydrogen Mobility Europe (H2ME) visant à créer un réseau de stations de recharge en hydrogène à travers toute l’Europe. La Commission européenne a également présenté en juillet dernier sa stratégie en faveur d’une « alliance de l’hydrogène propre » sur le modèle de l’alliance européenne pour les batteries en vue de coordonner les initiatives nationales. Notons enfin l’initiative de 30 industriels européens, qui ont officiellement lancé le 11 février dernier « HyDeal Ambition ». Objectif : produire à horizon 2030 un hydrogène vert compétitif par rapport aux énergies fossiles.

Hydrogène: quel avenir pour cette technologie

Hydrogène: quel avenir pour cette technologie

L’annonce, en janvier 2021, de la création du Conseil national de l’hydrogène témoigne d’un renouveau de la politique et de l’ambition française vis-à-vis des technologies hydrogènes. Au cœur du plan France Relance, ces technologies sont multiples et impactent de nombreuses filières industrielles majeures, telles que l’automobile ou l’aéronautique. Quel sera le rôle de ce nouveau Conseil ? Une coordination nationale permettra-t-elle d’accélérer le développement de cette filière ? Qu’en est-il d’une coopération à l’échelle européenne ? Anne-Sophie Angelo, Directrice au sein du Cabinet dans Institut Montaigne

Le Conseil national de l’hydrogène a été créé début janvier 2021. Quel peut être son impact sur le développement de la filière française ?
Pour le moment, le gouvernement a débloqué les fonds nécessaires, défini quelques grandes priorités et décidé de la création d’un Conseil national de l’hydrogène en lui assignant des objectifs : « structurer les échanges entre l’État et les parties prenantes de la mise en œuvre de la stratégie » et de contribuer au « développement d’une filière compétitive de l’hydrogène décarboné », ainsi qu’à « l’émergence de projets collectifs visant à la structuration d’une chaîne de valeur complète sur notre territoire ou dans le cadre de coopérations européennes ». En France, rien ne se fait sans l’État et c’est donc une bonne chose qu’un solide cadre financier et organisationnel ait été mis en place : le travail peut commencer.

Concrètement, tout reste à faire. Nous ne disposons pas encore de feuille de route précise. L’Allemagne constitue en cela un modèle dont nous pourrions nous inspirer : au-delà du tissu industriel qui fait sa force, elle fait reposer son ambition de devenir le numéro 1 mondial des technologies de l’hydrogène sur un plan clairement structuré en 9 domaines d’action très concrets et 37 mesures, comprenant de premiers objectifs chiffrés à court terme et un inventaire précis des besoins, de la technologie actuellement disponible et des innovations à encourager.

Construire une filière de l’hydrogène suppose des investissements importants, mais aussi de la coordination et de l’intégration.

Construire une filière de l’hydrogène suppose des investissements importants, mais aussi de la coordination et de l’intégration. Ce n’est pas tout à fait la manière dont sont formulées les missions du Conseil National de l’Hydrogène, mais nous pouvons espérer que ses membres se saisissent du problème et trouvent, collectivement, des méthodes et des solutions efficaces et nécessaires au développement d’une filière hydrogène (décarboné) compétitive à l’échelle de tout le territoire.

Rappelons que les projets industriels dont il est ici question recouvrent de très nombreux défis technologiques et mobilisent un nombre considérable de compétences :

Acteurs privés (grands groupes, ainsi que leurs filiales ou les start-ups qu’ils financent, PME) et publics (État, régions, organismes publics de financement comme la branche investissement de l’ADEME ou la Banque des territoires, très actifs dans le financement de projets hydrogène) travaillent main dans la main pour rendre possibles des expérimentations en vue d’un déploiement industriel à plus grande échelle. Les acteurs publics jouent un rôle essentiel dans la création de débouchés et dans l’émergence d’un marché rentable pour les entreprises.

À titre d’exemple, citons le projet HyPSTER en Auvergne-Rhône-Alpes (région à l’initiative du plan Zero Emission Valley), qui prévoit le stockage souterrain dans des cavités salines d’hydrogène vert produit sur place à partir d’énergie photovoltaïque et hydraulique. Une étude d’ingénierie est menée en préalable du passage à une phase d’expérimentation en 2023, puis à l’échelle industrielle. Enjeu : faire de ce site un modèle d’écosystème hydrogène réplicable. Autre exemple : le projet Dijon Métropole Smart EnergHy, co-financé par l’ADEME, qui prévoit la production d’hydrogène à partir de l’incinération de déchets ménagers.

Derrière le mot « hydrogène » se trouve en fait une multitude d’activités industrielles. Leur intégration est clé, car l’enjeu est bien de créer des écosystèmes vertueux du point de vue écologique, à partir de l’énergie renouvelable nécessaire pour produire de l’hydrogène vert jusqu’à son usage en tant que vecteur énergétique (dans la mobilité par exemple) ou que matière première pour décarboner certains pans de l’industrie (production d’acier et d’engrais, par exemple). Inversement, la récupération de l’hydrogène dit fatal ou coproduit (résultant d’un procédé non destiné à sa production, par exemple la fabrication du chlore) pourrait constituer, à l’avenir, une source d’approvisionnement supplémentaire. Les besoins en termes d’innovation et d’infrastructure sont colossaux, et appellent à un dialogue fluide et nourri entre tous les acteurs qui permettra que la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France devienne réalité.
La récente accélération de certains acteurs du secteur automobile et aéronautique sur les enjeux d’hydrogène témoigne-t-elle d’une plus grande maturité de cette technologie ?
La volonté récente des États de soutenir massivement la filière hydrogène repose, en effet, sur l’évolution favorable des technologies de l’hydrogène. C’est d’ailleurs le constat que faisait Peter Altmaier, ministre de l’Économie en Allemagne, au moment d’annoncer les grandes lignes de la stratégie hydrogène de son pays : « le moment de l’hydrogène est venu », a-t-il affirmé dans une tribune publiée dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung en novembre 2019. Mais la disponibilité des technologies ne suffit pas. L’hydrogène vert coûte aujourd’hui beaucoup plus cher que l’électricité, le pétrole ou le gaz naturel. Comme toute innovation énergétique, il a besoin d’être subventionné au départ pour être compétitif.

La Corée offre à cet égard l’exemple d’un système de soutien public efficace dans la mobilité hydrogène. Si le constructeur Hyundai a été pionnier avec son moteur à pile à hydrogène en 2013, c’est bien l’intervention de l’État qui a rendu possible le développement d’un marché national : en 2018, le gouvernement coréen annonçait un partenariat inédit public-privé comprenant une enveloppe de plus de deux milliards de dollars sur cinq ans et la planification des actions à mener, et a récemment augmenté son budget dédié à la subvention de l’achat de véhicules hydrogène. La Corée, avec des objectifs précis sur le nombre de véhicules hydrogène en circulation à horizon 2022 puis 2030, entend répondre à un triple défi : réduire sa dépendance énergétique, lutter contre la pollution aux particules fines en milieu urbain et construire une économie de l’hydrogène dynamique, propre à assurer la création d’emplois mais aussi la place de leader mondial de la voiture à hydrogène.

Aujourd’hui, l’accélération que l’on observe s’explique par l’enthousiasme et la confiance que suscite l’hydrogène vert (produit par électrolyse à partir d’énergies renouvelables, et donc non producteur de CO2 lorsqu’il est utilisé comme combustible), dans le contexte de lutte contre le réchauffement climatique et de relance économique post-pandémie. L’urgence climatique et les ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre affichées par les États à travers le monde (par exemple, dans son plan cible en matière de climat, la Commission européenne propose de porter de 40 % à 55 % par rapport à 1990 les émissions de gaz à effet de serre ; même la Chine, responsable du quart des émissions de gaz à effet de serre mondiales, a annoncé vouloir atteindre la neutralité carbone d’ici 2030) font apparaître l’hydrogène vert une réponse pertinente aux défis environnementaux.

Aujourd’hui, l’accélération que l’on observe s’explique par l’enthousiasme et la confiance que suscite l’hydrogène vert, dans le contexte de lutte contre le réchauffement climatique et de relance économique post-pandémie.

Les plans hydrogène publiés ces derniers mois en Europe comme ailleurs (en France et en Allemagne, mais aussi au Royaume-Uni, au Canada, au Chili pour n’en citer que quelques-uns) ont un effet d’entraînement, auprès des industriels de l’hydrogène mais également des investisseurs privés. Les cours de bourse en témoignent : ils ont soudain bondi au printemps 2020, et connaissent depuis une croissance soutenue.

Rappelons enfin que les défis technologiques subsistent : en témoignent les réflexions en cours autour de l’avion à hydrogène, avec la question du poids des réservoirs et de leur niveau de sécurité. Le gouvernement français prévoit d’ailleurs de consacrer 1,5 milliards d’euros de son plan de soutien à l’aéronautique à la R&D et à l’innovation dans ce secteur.

L’hydrogène figure à l’agenda du plan de relance français, France Relance, à hauteur de 7 milliards d’euros, mais aussi dans le plan allemand à hauteur de 9 milliards. Comment expliquer cette différence ? Une action coordonnée à l’échelle européenne est-elle envisageable ?
La différence comptable tient aux deux milliards d’euros que l’Allemagne prévoit de consacrer aux partenariats internationaux. Mais la différence entre les stratégies française et allemande tient surtout à des contextes et des modalités pratiques différents :

En 2011, suite à l’accident de Fukushima, l’Allemagne a pris la décision de sortir du nucléaire et investit depuis massivement dans les énergies renouvelables, qui représentent aujourd’hui plus de 40 % de la production d’électricité du pays. L’hydrogène permettrait à l’Allemagne de stocker l’énergie solaire ou éolienne, par nature intermittente. La France, elle, compte principalement sur le nucléaire, une source d’énergie décarbonée (plus de 70 % de sa production d’électricité, contre un peu plus de 20 % pour les renouvelables).

L’engagement allemand en faveur de l’hydrogène remonte aux années 2000 : dans le cadre du Programme national d’innovation pour la technologie de l’hydrogène et des piles à combustibles, un financement d’environ 700 millions d’euros avait été approuvé sur la période 2006-2016, pouvant aller jusqu’à 1,4 milliards d’euros sur la période 2016-2026. La stratégie hydrogène dévoilée en 2020 fait donc fond sur des initiatives lancées plusieurs années auparavant. En France, le soutien public à la filière a commencé bien plus tard, en 2018, avec le plan Hulot, qui prévoyait de mobiliser 100 millions d’euros à partir de 2019, avec l’objectif d’un financement de 100 millions d’euros chaque année.

Quant aux modalités pratiques, le plan hydrogène allemand comprend 37 mesures destinées à atteindre l’objectif formulé clairement par le ministre de l’Économie : devenir le numéro 1 mondial des technologies de l’hydrogène. La France, elle, a défini de grands domaines d’action cibles (installation d’électrolyseurs en capacité suffisante, décarbonation de l’industrie, mobilité lourde, création d’emplois, R&D), et prévoit de procéder ensuite par projets financés selon des mécanismes bien identifiés (appels à projets, fonds du Programme d’investissements d’avenir, Projets importants d’intérêt européen commun, Programmes prioritaires de recherche, appels d’offres).

Au regard de la compétition internationale, un marché intégré de l’hydrogène en Europe et l’existence de champions européens seraient des atouts considérables. La coordination européenne est cependant déjà opérante, à travers plusieurs programmes de financement, tels que les projets importants d’intérêt européen commun ou Fuel Cells & Hydrogen Joint Undertaking, ce dernier finance notamment le projet Hydrogen Mobility Europe (H2ME) visant à créer un réseau de stations de recharge en hydrogène à travers toute l’Europe. La Commission européenne a également présenté en juillet dernier sa stratégie en faveur d’une « alliance de l’hydrogène propre » sur le modèle de l’alliance européenne pour les batteries en vue de coordonner les initiatives nationales. Notons enfin l’initiative de 30 industriels européens, qui ont officiellement lancé le 11 février dernier « HyDeal Ambition ». Objectif : produire à horizon 2030 un hydrogène vert compétitif par rapport aux énergies fossiles.

Métavers: Quel avenir et quelles conséquences environnementales ?

Métavers: Quel avenir et quelles conséquences environnementales ?

 

 Entre 8 000 et 13 000 milliards de dollars d’ici 2030, voilà quel pourrait être le marché adressable total du métavers selon les analyses de Citigroup. Si l’on considère que le métavers est un espace collectif virtuel et ouvert, créée par la convergence d’une réalité physique et numérique augmentée virtuellement, alors Gartner prévoit que 25 % des personnes y passeront au moins une heure par jour d’ici 2026. Par Tony Da Motta Cerveira, Principal, Innovation Strategy chez Square Management. Dans la Tribune.

(Un pronostic qui reste encore à démontrer NDLR)

 

Pour nombreuses entreprises la question est de savoir s’il est temps d’y aller et comment car les débuts de certaines sont difficiles à l’instar de Carrefour et de son premier évènement de recrutement dans un métavers. D’autres adoptent une posture prudentielle comme LVMH qui investit le métavers via une égérie virtuelle nommée Livi. Pour tous, l’enjeu est de concevoir proactivement le potentiel économique du métavers mais est-ce la voie raisonnable ?

A ce stade le métavers offre un terrain d’expérimentation nouveau pour les marques, mais à partir de quoi construire un raisonnement stratégique afin de l’investir ?

Toujours enseignée à Harvard Business School, la théorie de la disruption de Clayton Christensen est un outil remarquable pour apprécier le potentiel conceptuel et économique du métavers. A minima deux postures stratégiques peuvent être visées pour tirer profit du métavers.

La Low-end disruption consiste à bouleverser un marché existant en proposant à des consommateurs sur-servis une offre innovante qui est plus simple et moins chère que l’offre de référence. Airbnb débute ainsi en 2007. Dans le cas du métavers, des acteurs phares de l’immobilier pourraient certainement faire partie des premiers penseurs de Low-end disruptions afin de ne pas en être de potentielles victimes. En effet la convergence que permet le métavers pourrait grandement simplifier l’expérience d’achat immobilier comme celle de la gestion immobilière. Banquiers, agents immobiliers, notaires, constructeurs ne s’y préparent pourtant pas tous avec le même sérieux. Il y aura des perdants et gagnants si le métavers est adopté.

L’autre posture stratégique, New-Market Disruption, revient à ouvrir un marché en s’adressant à des non-consommateurs, une audience exclue faute de moyens et ou de compétences. Ayons en tête la rupture conceptuelle effectuée pour passer de l’ordinateur central à l’ordinateur personnel, remémorons-nous la sortie de l’iPhone et l’émergence de la catégorie smartphone ou scrutons l’emploi des plateformes no-code. Pour simplifier il s’agit de démocratiser des usages. De nombreuses New-Market disruptions sont en conception pour révolutionner des sports, des divertissements, la santé, la culture voire la pratique des religions. Avec le métavers, des barrières à l’entrée vont tomber et faciliter la possibilité d’ouvrir des musées personnels d’art digital, des églises mais aussi des lieux de rencontres à caractères phygitaux pour le meilleur et le pire… Enfin, plausiblement il y a des places pour des palliatifs aux usages d’aujourd’hui condamnés par les conséquences du changement climatique. Virtuellement les safaris pourraient par exemple perdurer et être démocratisés au sein de métavers, dès qu’une maturité en terme de propositions sensorielles serait atteinte. C’est une question de capacité de calcul, in extenso de temps. Sans nul doute un tourisme ludique via métavers, sur terre et au-delà, fait sens en terme économique.

De facto en multipliant et hybridant les stratégies d’innovation disruptive, les opportunités économique du métavers sont innombrables.

Les autruches ne sont pas encore en voie de disparition ; D’ailleurs plus que jamais elles inspirent nombreux êtres humains, au premier rang desquels figurent les investisseurs et concepteurs de métavers qui nient le vertigineux gaspillage énergétique qu’ils occasionnent déjà.

En 2006, Nicholas Carr, journaliste économiste américain finaliste du prix Pulitzer, a estimé que la consommation moyenne d’un avatar sur Second Life était de 1752kWh/an, soit l’équivalence de la consommation moyenne d’un brésilien. 16 ans plus tard, la numérisation de la société représente 4% de l’empreinte carbone anthropique mondiale.

Pour Raja Koduri, Executive vice president and general manger of Accelerated Computing Systems and Graphics chez Intel, les métavers demanderont une telle puissance que l’ensemble des nouveaux usages engendreraient près de 10% des émissions CO2 totales d’ici 20 ans.

Face à cette réalité souvent oubliée, les fantasmes purement économiques du métavers peuvent-ils encore exister en pleine crise environnementale, sociale et énergétique ?

Plutôt que d’être le vecteur de stratégies d’innovation centrées sur le profit, le métavers peut être penser comme un moyen pour expérimenter de stratégies d’innovation responsable. L’unique question à se poser qui parait alors légitime n’est-elle pas : le métavers est-il un outil pour répondre aux défis énergétiques et un système pour décarboner nos activités ?

« Les Républicains »: Quel avenir pour ce parti ?

« Les Républicains »: Quel avenir pour ce parti ?

C’est tout le logiciel et la marque LR que nous devons réinventer», estiment deux élus parisiens David Alphand et Jean-Pierre Lecoq.

 

Les instances de LR ont décidé à une large majorité de respecter les statuts actuels et d’organiser une nouvelle élection pour la présidence de notre mouvement en décembre prochain. Echéance normale pour un parti de gouvernement, l’est-elle pour le parti héritier des mouvements gaullistes successifs qui ont structuré la vie politique française pendant plus d’un demi-siècle, avant de sombrer progressivement au cours de la dernière décennie ?

En disant cela, nous n’incriminons personne en particulier même si chacun et chacune d’entre nous (les adhérents de LR actuels et passés) avons notre part de responsabilité. N’oublions pas nos forces, notre implantation locale et régionale qui font de notre mouvement la formation la plus puissante par le nombre de ses élus locaux, ce qui se traduit au Sénat par une forte majorité etla capacité d’influer directement sur les projets de loi présentés par le gouvernement.

Le travail fait par nos élus de territoire et par nos dirigeants – au premier rang desquels nous tenons à saluer l’action de Christian Jacob – a permis de rassembler notre famille et de relancer sa force militante au second semestre 2021. Malheureusement, la campagne « covidée » du premier tour et les erreurs commises ont produit le résultat que l’on connaît : pour la seconde fois, le mouvement gaulliste n’a pas été qualifié pour le second tour de l’élection présidentielle, ne permettant même pas à sa candidate de rembourser ses frais de campagne !

Alors que faut-il faire ? Faut-il continuer comme si rien ne s’était passé, mettre la poussière sous le tapis et remonter sur son cheval sans rien changer ? On peut le faire… jusqu’à disparaître. On peut aussi se dire que rien n’est perdu et que les Français, en élisant une Assemblée représentative de l’opinion, ont confié à LR une position stratégique au Parlement, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. L’histoire s’est vengée et les Français par leur vote ont donné à LR les clés de cette seconde et dernière mandature d’Emmanuel Macron.

Alors que celui-ci a pillé le programme de notre candidate et largement contribué à son effacement, les députés LR occupent une position charnière à l’Assemblée, celle que voulait occuper Horizons, peuplé lui-même d’anciens LR partis « à la soupe » dans la perspective de 2027.

Si nous voulons véritablement peser dans cette perspective, c’est tout le logiciel et la marque LR que nous devons réinventer. Il nous faut retrouver le chemin de la France et des Français dans toute leur diversité, les rassembler autour d’un corpus commun, autour des valeurs essentielles que sont l’autorité, le travail, la reconnaissance et l’amour de notre patrie commune. Cela passe par un travail en profondeur, des Etats généraux de la refondation, un nouveau sigle et une équipe faite de toutes celles et tous ceux qui partagent cette vision commune.

L’élection prévue en décembre doit traduire cette volonté par un choix consensuel et la constitution d’une équipe soudée. Ce sera l’union ou la mort assurée !

David Alphand et conseiller de Paris du XVIe arrondissement, vice-président du groupe Changer Paris. Jean-Pierre Lecoq est maire du VIe arrondissement de Paris, conseiller régional d’Ile-de-France.

 

 

Quel modèle de financement des études de l’enseignement supérieur

 

Quel modèle de financement des études de l’enseignement supérieur

 

 

La crise sanitaire que nous venons de traverser amène à nous interroger collectivement sur le modèle de financement des études. Les jeunes les plus précaires, notamment ceux qui doivent travailler en parallèle de leurs études pour les financer, sont ceux qui ont potentiellement été les plus touchés par la crise sanitaire.  Par Léonard Moulin, Institut National d’Études Démographiques (INED).

Cette situation concerne un nombre important d’étudiants, puisqu’en France 23 % des étudiants exercent une activité rémunérée pendant l’année universitaire sans aucun lien avec leurs études (calculs réalisés à partir de l’étude publiée par l’Observatoire de la vie étudiante en 2020).

À rebours du modèle français dans lequel les étudiants ne payent pas de frais d’inscription – mais ne sont pas non plus aidés financièrement à hauteur du coût de leurs études par l’État – existent deux autres modèles de financement des études. D’un côté, nous trouvons le modèle libéral, qui caractérise les pays anglo-saxons (États-Unis, Angleterre, Australie, etc.) dans lequel les étudiants doivent s’acquitter de frais d’inscription importants, où ils peuvent s’endetter pour financer leurs études et dans lequel il existe à la fois des bourses sur critères sociaux et académiques. De l’autre côté, nous trouvons le modèle social-démocrate dans lequel les étudiants ne payent pas de frais d’inscription et reçoivent des allocations pour financer leurs études.

Dans ces deux modèles de financement de l’enseignement supérieur, libéral et social-démocrate, les taux d’accès et de réussite dans le supérieur sont relativement plus élevés que dans les pays du modèle dit conservateur, caractérisant notamment la France. La part des dépenses consacrée à l’enseignement supérieur y est également plus importante (mesurée en pourcentage du PIB, dépenses publiques et privées confondues).

Se retrouvant pris entre deux modèles antagonistes, l’un reposant sur le financement collectif et la solidarité intergénérationnelle – via notamment l’impôt sur le revenu – et l’autre sur les contributions individuelles des étudiants – via notamment le recours au crédit – le modèle français ne parvient pas à garantir des chances d’accès et de réussite des étudiants similaires à ceux des pays du nord de l’Europe.

Si la France a récemment fait le choix d’instaurer des frais d’inscription dans plusieurs établissements et filières sélectives, ainsi que pour les étudiants extra-communautaires, il est possible de prendre exemple sur ce qui se fait dans les pays scandinaves pour mettre en place un modèle de financement de l’enseignement supérieur par répartition – par analogie avec le système des retraites et par opposition à un système par capitalisation.

Un tel choix de société a justement été fait il y a plusieurs décennies au Danemark. Jusqu’au début des années 1960, le financement des parcours de formation était réservé aux étudiants méritants et issus d’une catégorie sociale défavorisée, celui-ci étant alors composé de bourses et de prêts d’une somme modeste. Le système a connu un premier bouleversement en 1970 avec la création d’une agence nationale chargée des bourses et des prêts.

Dans les années 1980, à la suite de la suppression des prêts subventionnés en 1975 (qui furent par la suite réintroduits en 1982), les dettes des étudiants ainsi que la durée des études ont augmenté sensiblement. Pour réduire l’échec à l’université et l’ensemble des problèmes lié à l’augmentation de la dette, le gouvernement décide, en 1988, de mettre en place un système de bourses universelles. Celles-ci sont assorties de conditions de réussite.

À partir de 1993, le montant de l’allocation dépend des conditions de vie de l’étudiant mais est indépendant du revenu des parents. Ce système est combiné à des prêts subventionnés par l’État et à la suppression des prêts bancaires. Bien que ce système ait ensuite connu de nombreuses réformes, sa philosophie est restée inchangée.

Si le revenu des étudiants n’excède pas 1820 euros, ceux-ci perçoivent une bourse (versée durant 12 mois) d’un montant allant de 130 à 362 euros par mois s’ils vivent chez leurs parents et de 840 euros s’ils ne vivent plus chez leurs parents (les chiffres sont issus de Eurydice - 2021). Des compléments sont octroyés aux étudiants qui deviennent parents, à ceux qui sont parents célibataires ou à ceux qui sont en situation de handicap.

Historiquement, le calcul de l’allocation délivrée aux étudiants s’est fait sur la base du budget réel des étudiants en tenant compte des besoins des étudiants dans de nombreux domaines (logements, nourriture, vêtement, assurances, sport, téléphone, etc.).

Pour preuve, pendant la crise sanitaire, les étudiants ont eu le droit à un complément de bourse d’un montant de 130 euros versé en octobre 2020. De plus, les étudiants bénéficient de nombreuses réductions dans les transports publics, pour la culture, pour les dépenses de santé et d’assurance, de déductions d’impôts, de places en résidences universitaires, etc.

Un tel système permet alors aux étudiants de se consacrer pleinement à leurs études, sans avoir besoin de travailler à côté de leurs études pour les payer. Le financement de l’enseignement supérieur au Danemark permet aux étudiants de trouver leur voie en privilégiant l’autonomie et l’égalité des chances. Il permet aux jeunes de mieux se projeter dans leur avenir.

À l’opposé d’une logique en termes d’investissement individuel entraînant des retombées monétaires, l’éducation est vue dans ce pays comme un investissement qui bénéficie à la société dans son ensemble et dont les retombées sont non seulement individuelles, mais avant tout collectives. Les étudiants eux-mêmes participent à ce financement collectif dans la mesure où leurs bourses sont sujettes à imposition.

Un tel système est-il transposable en France ? Tout d’abord, il ne faut pas perdre de vue que les caractéristiques démographiques des deux pays ne sont pas les mêmes, le Danemark comptant moins de 310 000 étudiants en 2019, quand la France en comptait plus de 2 685 000. Nous avons étudié la faisabilité d’un tel modèle dans le cas français en termes financiers. Si le coût que cela représenterait pour les finances publiques est important (24 milliards d’euros par an), il relève avant tout d’un choix de société.

Néanmoins, il est important de garder en tête que les caractéristiques des systèmes d’enseignement supérieur des deux pays sont différentes. D’une part, il existe au Danemark une sélection à l’entrée à l’université. Et, d’autre part, la bourse est délivrée sous conditions de réussite. Ces deux garde-fous sont à ne pas omettre si l’on souhaite importer dans le débat public français l’idée d’une allocation d’études pour les étudiants.

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Par Léonard Moulin, Research fellow, Institut National d’Études Démographiques (INED)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Prix interne du carbone: quel intérêt ?

Prix interne du carbone: quel intérêt ?

 

Pour satisfaire à la pression environnementale, nombre d’entreprises évaluent leur impact carbone en termes financiers. Mais une évaluation souvent de façade qui ne change pas beaucoup une orientation des investissements visant à réduire cet impact. De ce point de vue de la monétisation des conséquences carbone paraît réductrice des enjeux de cette question.NDLR

 

Raphaël Olivier, chercheur en gestion, s’interroge, dans une tribune au « Monde », sur l’usage réel du « prix interne » du carbone par les entreprises, rarement décisif dans les choix d’investissement.

 

Alors que la planification publique de la décarbonation est au cœur des débats économiques, les entreprises tentent d’anticiper. Bien qu’elles n’y soient pas formellement obligées, la plupart des firmes du CAC 40 considèrent par exemple aujourd’hui leurs émissions de gaz à effet de serre comme des coûts. Elles attribuent par conséquent un « prix interne », fictif, à tout ou partie des tonnes de carbone qu’elles émettent.

L’idée est que les émissions, ainsi transformées en données financières, les inciteront à favoriser les options d’investissement relativement moins carbonées. L’Etat utilise du reste un outil similaire pour se motiver à agir : le « jaune » budgétaire, intitulé « impact environnemental du budget », annexé aux projets de loi de finances. Cette tarification volontaire du carbone fait écho à l’obligation réglementaire qu’ont certaines entreprises de payer, cette fois pour de vrai, pour leurs émissions.

En Europe mais aussi aux Etats-Unis ou en Chine, par exemple, de nombreuses firmes, appartenant à certains secteurs d’activité doivent s’acquitter de taxes ou acheter des quotas d’émissions. Historiquement, les prix du carbone internes aux entreprises ont souvent précédé cette tarification par les autorités publiques.

Au-delà du fait qu’ils peuvent préparer les entreprises à devoir payer pour les pollutions causées, quelle est l’utilité de ces prix internes fictifs, de cet outillage comptable et financier fortement valorisé par les agences de notation extra-financière ? Une recherche menée en immersion dans une grande entreprise française du secteur de l’énergie (« Gouverner par le signal prix ? Sur la performativité des prix du carbone internes aux entreprises », thèse de doctorat en sciences de gestion, université Paris-Dauphine-PSL) montre que disposer de cet instrument ne signifie pas pour autant que l’on s’en serve pour diminuer les émissions.

Dans cette grande firme, le calcul du prix interne du carbone, utilisé depuis quinze ans, a certes sensibilisé progressivement les salariés au risque climat, mais il n’a eu qu’une seule fois un impact concret sur les choix d’investissement, et encore, le projet concerné comportait de nombreux défauts qui rendaient son approbation illusoire.

Sur cette période, la relative décarbonation de l’entreprise a en fait découlé d’une planification, avec des prises de décision volontaristes comme la fin des investissements dans le charbon, la mise en place de normes internes, notamment des objectifs d’efficacité énergétique, ou des acquisitions de sociétés spécialisées dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

Euro : quel avenir ?

Euro : quel avenir ?

 

Par Karl Eychenne, stratégiste et économiste dans la Tribune.

 

 

 

Les conditions d’existence de la devise euro dépassent les incorrigibles exubérances des marchés. Néanmoins, l’extrême sensibilité de la devise à la contingence des faits interroge.

Et si la devise euro s’était parée des plumes du paon dès le départ ? Et si l’utopie avait abusé de cache – misères afin de voiler notre ignorance depuis le 1er janvier 1999 ? Comment expliquer un tel désenchantement des investisseurs autrement que par le sentiment d’avoir été dupés ? De là le doute, et la nécessaire question Hegélienne : et si l’euro n’était qu’une ruse de la raison économique ?

Surtout ne pas tomber dans la piège de l’économiste de / bon marché qui réfute l’accusation d’euro faible et lui préfère celle de dollar fort. Le dollar s’apprécie contre toutes les devises : c’est un fait, vrai, et vérifiable. Mais on s’en moque. S’il s’agit de savoir qui monte et qui baisse, pas besoin d’analyse, les yeux suffisent.

Pour sa défense, l’économiste de / bon marché invoquera le rasoir d’Ockham qui préfère toujours l’explication la plus simple ; et il est vrai qu’il est plus simple d’expliquer la faiblesse de toutes les devises par la force d’une seule (le dollar). Mais plus simple n’est pas plus vrai, c’est juste plus simple.

On n’ira pas chercher non plus du côté de la corne d’abondance fondamentale, celle qui propose autant de valeurs intrinsèques des devises que de niveaux de marchés possibles. Soyons charitables, il y a bien des modèles plus nobles que d’autres, qui s’inspirent de la littérature théorique ou du simple bon sens. Et il est vrai qu’aujourd’hui, les devises n’ont jamais semblé autant en décalage avec les niveaux suggérés par ces modèles. Mais, l’histoire nous apprend aussi qu’il est bien difficile de convaincre l’investisseur de ramener une devise à la raison .

Ces rappels à l’ordre opèrent, certes, mais sur des horizons qui n’intéressent pas la girouette de marché, celle qui achète aujourd’hui ce qu’elle revendra demain. Ainsi, les devises reviennent effectivement à la longue vers des niveaux compatibles avec la soutenabilité des comptes courants et / ou les trajectoires de PIB potentiels. Mais « à la longue » est un horizon qui peut tutoyer l’éternité, et l’éternité c’est long (Woody Allen).

Enfin, on ira pas non plus chercher du côté des sciences occultes, celles qui manifestent une fascination pour les nombres magiques : la parité de l’euro – dollar, 1 pour 1, qui peut évoquer le « œil pour œil, dent pour dent ». Comme si il y avait un bon et un mauvais côté de la médaille euro – dollar : au-delà de 1 c’est bon, en deçà c’est pas bon.

L’investisseur atteint de Gödelite, est convaincu que la vérité se loge dans le chiffre. Encore une fois, soyons charitables, il n’y a pas que du pipeau dans le raisonnement de l’investisseur nécromant. En effet, le fait que l’euro menace de passer (est passé juste un instant) sous les niveaux de 1 contre dollar a bien des conséquences pratiques : avant, on échangeait 1 euro contre 1 dollar et quelques cents, demain on échangera 1 dollar contre 1 euro et quelques centimes. Le rapport de force s’inverse, la relation aussi : l’euro était injectif, il devient surjectif : pour chaque dollar, il existe au moins 1 euro à échanger.

La thèse Hégelienne

Alors creusons ailleurs au risque de nous égarer. Nul vérisme, juste de la curiosité. Peut être que la faiblesse de l’euro contre dollar ne s’explique pas par la force du dollar, mais par la faiblesse de l’euro ? En écrivant ces mots, je réalise à quel point le propos peut paraitre stupide : si la balançoire penche d’un côté, c’est aussi bien parce que l’un est trop lourd que l’autre trop léger. Mais creusons quand même. Peut être cette faiblesse là de l’euro n’a pas encore livré tous ses symptômes, parce que l’investisseur ne réalise pas encore ce que la crise Covid puis Ukrainienne lui ont dévoilé : une zone euro dont l’avenir chatouillant fut bien trop conditionné à la bonne volonté du monde hors euro.

On imaginait alors un monde sans conflit, sans virus, sans caprice du destin, assurant la bonne circulation des biens, des matières premières, des capitaux, des idées (les mêmes de préférence). Assurément, la zone euro n’aurait plus eu à se soucier de ces considérations bassement matérielles, et aurait pu se projeter vers le mieux vivre ensemble. Et quel meilleur label qualité que le lancement d’une devise commune pour sceller le pacte. Vu sous cet angle, l’euro ressemble alors à une ruse de la raison économique, sa seule existence suffisant à garantir la bonne santé de la bête : la zone euro pouvait exister puisque la devise euro existait.

Mais les bonnes intentions des participants ne suffisent pas toujours à aller dans une bonne direction commune. Parfois le tout fait moins que la somme des parties. Il arrive même que le tout ne soit qu’un tas, pour paraphraser la formule de Régis Debray. En vérité, il se pourrait que l’euro ne soit pas devenu faible, mais plutôt qu’il n’ait jamais été fort. Après tout, rien de bien neuf. Mario Draghi avait déjà vendu la mèche en annonçant que l’euro était comme un bourdon :

« il ne peut pas voler, mais il vole ».

Quel rapport au progrès ?

Quel rapport au progrès ?

 

 40°C degrés à la mi-juin en France, grêle paralysante à Mexico qui succède aux incendies en Amazonie, et à une kyrielle de manifestations de plus en plus impressionnantes de la crise climatique qui n’est plus une crise, mais un état d’urgence permanent. Par Par Marion Darrieutort, Présidente d’Entreprise et Progrès, Pte The Arcane et Jullien Brezun, Vice-Président d’Entreprise et Progrès, DG Great place to work.

 

Lors de la remise des diplômes à HEC, une étudiante a pris la parole et a clairement posé les enjeux. « Quel rouage du système serons-nous à l’avenir ? » a-t-elle demandé avant d’expliquer pourquoi elle avait fait le choix de travailler dans la transition écologique de notre monde. « Plus nous serons nombreux, plus nous irons vite », nous dit-elle.

Mardi 5 juillet prochain, la Première ministre Élisabeth Borne prononcera devant une Assemblée nationale morcelée son discours de politique générale. L’occasion, peut-être, d’en dire plus sur la planification écologique promise par le président de la République durant sa campagne et de poser des actes concrets pour une nouvelle vision du progrès.

Trois événements qui n’ont, a priori, rien à voir les uns avec les autres. Et pourtant ils sont liés. Ils interrogent la notion du progrès dans notre monde actuel. Ils questionnent nos habitudes. Citoyens, pouvoirs publics, entreprises, nous sommes tous concernés, interpellés et en partie responsables. Ces événements mettent en lumière nos contradictions actuelles. Au premier rang desquelles : notre rapport au progrès, de plus en plus questionné et source de défiance. Celui-ci peut-il ou non être l’outil d’une nouvelle donne tant économique que démocratique, dans laquelle cette idée ne serait plus seulement liée à une notion de croissance économique, mais aurait comme horizon ultime une meilleure entente entre les activités économiques et le vivant ?

Nous sommes persuadés qu’un chemin existe. Idéaliste ? Humaniste, plutôt, tant l’humain doit se situer au cœur de la matrice d’un progrès augmenté. Par progrès augmenté, il faut imaginer un progrès intégral qui consiste à aller de l’avant, de façon déterminée, vers un futur meilleur, pour le bien-être de chacun. Inventer des solutions et proposer de nouvelles façons de faire pour engendrer un impact positif sur le bien-être des gens, ou sur le vivant.

Songer au progrès augmenté, c’est pallier un déséquilibre. Tourné quasi exclusivement vers les résultats économiques et la croissance, le progrès tel qu’il est aujourd’hui met de côté la dimension humaine, et le rapport au vivant.

Des solutions concrètes ont été pensées et sont déjà mises en œuvre. En Islande, la start-up CarbFix développe depuis 2015, suite à l’accord de Paris, une technologie futuriste qui permet de récupérer le CO2 dans l’air, de le filtrer pour ensuite le stocker dans le sous-sol. L’Écosse, de son côté, autrefois riche en hydrocarbures des Orcades, mise de plus en plus sur les énergies renouvelables et certains archipels sont d’ores et déjà autosuffisants grâce aux parcs éoliens en mer. À Vienne, des écoquartiers imaginés par des architectes et des promoteurs immobiliers avec le concours des pouvoirs publics alliant progrès technique et sobriété voient le jour. À Besançon, 70 % des habitants ont accès au compostage, contre 30 % en moyenne en France. Résultat : les poubelles grises ont diminué de moitié. Enfin, de nombreux acteurs réfléchissent, par exemple, à l’avion à hydrogène.

La liste pourrait être encore plus longue. Elle porte en elle un enseignement majeur : l’intelligence humaine, quand elle prend en compte la dimension intégrale du progrès, trouve des solutions innovantes et pérennes.

L’urgence est là. Il faut s’y confronter. Peut-être en changeant d’état d’esprit. Si le principe de précaution est philosophiquement crucial, il peut aussi constituer un frein à notre capacité à tester des solutions nouvelles que la crise climatique oblige à imaginer. Défendre plutôt un principe de responsabilité où chaque citoyen et chaque entreprise s’engagerait à dire et à faire, et à répondre de ce qui est engendré pourrait être la première pierre d’un édifice collectif tourné vers la réalisation concrète d’un éventail de solutions nouvelles. Le temps des actes est venu. Sans jamais perdre de vue qu’une société qui ne progresse pas est une société qui n’est pas tournée vers l’avenir. Pouvoirs publics, entreprises et citoyens, débattons du futur et, surtout, agissons.

Quel placement financier dans un environnement de stagflation ?

Quel placement financier dans  un environnement de stagflation ?

Les marchés évoluent actuellement dans un environnement en complète mutation. Exacerbées par le contexte géopolitique, les tensions inflationnistes font craindre que le ralentissement actuel de la croissance ne se transforme en récession globale. Pourtant, les opportunités existent sur les marchés actions et obligataires ainsi que dans l’univers du Private Equity. Par Vincent Manuel, Chief Investment Officer chez Indosuez Wealth Management et Gilles de Foucault, Directeur des Investissements Private Equity chez Indosuez Gestion.(la Tribune)

 

La donne a changé sur les marchés alors que le contexte économique se dégrade. La hausse de l’inflation pousse les grandes banques centrales à réviser en profondeur leur politique monétaire. En Chine, le maintien d’une politique zéro Covid contribue à prolonger les tensions sur les chaînes d’approvisionnement. Les sanctions prises contre la Russie amplifient la hausse des prix du pétrole, sans que la décision de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), début juin, de relever les quotas de production ne parvienne à rétablir les équilibres antérieurs.

Or, si cette augmentation du prix du baril devait se poursuivre, elle devrait conduire à un ralentissement plus prononcé de la croissance au cours des prochains mois. Si les prévisions de croissance mondiale en 2022 restent très incertaines (estimé à 3,1% au niveau mondial, et en particulier entre 2 et 2,5% en zone euro et aux Etats-Unis et inférieure à 4% en Chine*), elles cachent néanmoins une quasi-stagnation des trimestres à venir, après un premier trimestre bénéficiant d’un effet de base qui a été très important par rapport au T1 2021.

« La tendance des dernières semaines confirme l’hypothèse d’un choc significatif, déjà constaté depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine et qui est visible dans les statistiques relatives à la confiance des ménages au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en zone euro. Ce choc inflationniste est surtout supporté par les ménages.

Cette baisse déjà visible du pouvoir d’achat conduit à une contraction des ventes de détail. Ceci contraste avec le moral des entreprises, dont les indicateurs d’activité (PMI composite**) restent encore en expansion (au-dessus de 50) malgré une décélération qui fait jour.

Celle-ci pourrait s’amplifier en écho à la baisse inquiétante du sentiment de confiance des CEO américains revenu aux niveaux de mars 2020 », prévient Vincent Manuel, Chief Investment Officer, Indosuez Wealth Management.

Inflation structurelle

Conjuguée à des perspectives de ralentissement économique, l’inflation ressort à des niveaux inédits, qui n’avaient plus été atteints depuis quarante ans (8,6% aux Etats-Unis en mai en glissement annuel, 8,1% en zone euro**) compliquant la donne pour des banques centrales et des gouvernements, qui ont perdu l’habitude d’évoluer dans un tel environnement de stagflation. En 2023, l’inflation devrait rester à des niveaux élevés (+4,6% aux Etats-Unis, +4,9% en zone euro***), s’installant dans le paysage économique et demeurant à des niveaux largement supérieurs aux objectifs des banques centrales.

« Ce choc d’inflation revêt une composante cyclique importante, liée à des déséquilibres offre / demande, aux matières premières, aux tensions salariales actuelles, qui peuvent s’inverser en cas de ralentissement.

Cependant, les facteurs de déflation structurelle observés au cours des dernières années (mondialisation des échanges, coûts modérés de l’énergie et des transports, digitalisation de l’économie, etc.) laissent une place grandissante aux facteurs inflationnistes comme l’aspiration à plus d’autonomie dans un certain nombre de secteurs stratégiques qui pourrait conduire à une régionalisation croissante de l’économie mondiale.

On peut aussi citer un consensus social plus fort pour un rééquilibrage du poids des salaires dans le partage de la valeur ajoutée dans les pays matures, et en parallèle la hausse des coûts salariaux dans le monde émergent, notamment en Chine. Enfin, la transition climatique requiert des investissements considérables et devrait à ce titre alimenter durablement les pressions inflationnistes », analyse Vincent Manuel.

Après la hausse de 75 points de base annoncée mercredi 15 juin, la Réserve Fédérale (Fed) devrait avoir remonté ses taux directeurs au-delà de 3% d’ici la fin de l’année alors que la Banque centrale européenne (BCE) s’orientera vers une sortie des taux négatifs avec une première hausse programmée début juillet. Pour autant, les taux réels restent en territoire encore négatif étant donné le niveau de l’inflation. A ce titre, il est difficile de parler de resserrement monétaire. Le terme « normalisation » convient davantage. La réduction du bilan de la Fed contribue toutefois à la remontée des taux longs (le 10 ans américain atteint 3,5%). La question est désormais de savoir jusqu’à quel point les banques centrales mèneront leurs programmes de hausse des taux tandis que le risque de récession grandit.

« Les craintes de récession et le niveau d’endettement des économies occidentales finira probablement par limiter la capacité des banques centrales à poursuivre la remontée les taux d’intérêt au-delà du début d’année 2023 », note Vincent Manuel.

L’ajustement actuel des marchés prend en compte cette hausse des taux qui affecte comme prévu les valorisations alors que les entreprises n’ont pas encore révisé à la baisse leurs prévisions de résultat, après des publications trimestrielles très satisfaisantes. On estime qu’une hausse de 100 points de base du taux 10 ans américain correspond historiquement à une baisse de 3,5 points du ratio cours/bénéfices de l’indice S&P 500**.

« La normalisation monétaire en cours conduit les investisseurs à accélérer leur désendettement. Ceci contribue à amplifier la baisse du prix des actifs », explique Vincent Manuel.

Toutefois, le momentum est propice aux titres Value, aux valeurs de rendement et aux défensives. Au niveau sectoriel, les matières premières, les banques, l’énergie ainsi que la santé, les télécommunications, les services aux collectivités permettent de construire des portefeuilles générant du rendement. Enfin, les valeurs offrant des cash-flows élevés et du pricing power restent à privilégier.

A la faveur du ralentissement économique en cours, les taux de défaut pourraient remonter au cours des prochains mois. Mais dans un contexte favorable aux valeurs de rendement, il est préférable de privilégier les obligations d’entreprises.

« Le rendement moyen des obligations d’entreprises est de l’ordre de 3% en zone euro et de 4,5% aux Etats-Unis alors qu’il peut atteindre 6% pour les obligations à haut rendement de la zone euro et 8% aux Etats-Unis** », constate Vincent Manuel.

Dans cet environnement difficile pour les marchés financiers, le marché des actifs non cotés conserve tout son attrait au sortir d’une année record en 2021. Les taux de croissance et de rentabilité sont restés à des niveaux très élevés. Plus de 1.000 milliards de dollars ont été investis l’an dernier sur les marchés du Private Equity et de la dette privée, renforçant la confiance des investisseurs sur ces classes d’actifs. Ces marchés ne se limitent plus à financer des entreprises technologiques ou évoluant dans l’univers de la santé mais s’étendent aux secteurs plus traditionnels (industrie, consommation, etc.).

« Depuis le début de l’année, les multiples de valorisation ont peu évolué. L’enjeu à plus long terme réside dans la capacité des entreprises à préserver leur croissance et leurs marges dans un contexte de ralentissement. Or, les sociétés capables d’offrir du « pricing power » et d’imposer des barrières à l’entrée devraient faire la différence », estime Gilles de Foucault, Directeur des Investissements Private Equity, Indosuez Gestion.

D’autant que la baisse du nombre d’entreprises s’introduisant en Bourse va de pair avec l’augmentation du nombre d’opérations de Private Equity, mettant en lumière un phénomène a priori durable.

« Les opportunités sont là. Le ralentissement de l’économie devrait inciter certains grands groupes à se recentrer sur leurs activités les plus rentables, leur cœur de métier. En outre, de nombreux chefs d’entreprises pourraient accélérer les processus de transmission en faisant appel à des managers ou à des partenaires extérieurs (LBO primaires).

Le contexte se prête également à l’intervention des investisseurs en quête de liquidités sur le marché secondaire. Pour les investissements en infrastructures ou en immobilier, le financement de la transition énergétique constitue un thème d’investissement attractif et pérenne », conclut Gilles de Foucault.

_____

* Indosuez Wealth Management sur la base des mises à jour d’Amundi et de Crédit Agricole SA
** Bloomberg, Indosuez Wealth Management
*** Prévisions CACIB, Juin 2022 (sous l’hypothèse d’un prix du pétrole à 123$)

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