Archive pour le Tag 'puissance'

« L’Europe Puissance, condition de notre sécurité nationale »

« L’Europe Puissance, condition de notre sécurité nationale » 

Alors qu’Emmanuel Macron défend la notion « d’autonomie stratégique », les centristes plaident pour une « Europe puissance »Dans le maelström né de l’attaque terroriste menée par le Hamas sur le territoire israélien, le 7 octobre dernier et l’offensive balistique inédite et massive menée par l’Iran vis-à-vis d’Israël, dans la nuit du 13 au 14 avril, il nous faut retrouver la sagesse des pensées du général de Gaulle, qui en se rendant au Caire en avril 1941, « vers l’Orient compliqué, (…) volait avec des idées simples ».Cet enchevêtrement géopolitique levantin interroge en effet bien plus que l’inébranlable soutien à Israël. Le 7 octobre dernier, ce sont les juifs qui ont été attaqués comme est venu le confirmer l’attaque menée par les Gardiens de la Révolution iraniens (IRCG) en réponse à la frappe qui mis hors d’état de nuire le chef de l’IRCG, le général Reza Zahedi, le 1er avril dernier à Damas.

par Signataires :
- Hervé Morin, président Les Centristes, président de la région Normandie, ancien ministre de la Défense.

- Nathalie Colin-Oesterlé, députée européenne, porte-parole Les Centristes.
- Emmanuel Dupuy, secrétaire national Les Centristes en charge des questions de défense.

Car l’attaque massive ayant ciblé Israël fait émerger un nouvel ordre régional au Moyen-Orient. Mise en pointillé depuis la signature des Accords de Camp David de septembre 1978, de ceux de Wadi Araba en octobre 1994 et des Accords d’Abraham d’octobre-décembre 2020, la normalisation de jure et la coopération militaire de facto avec la Jordanie, l’Egypte et les Emirats Arabes Unis est apparue nettement plus clairement dans la nuit du samedi 13 à dimanche 14 avril dernier.

Dès lors, un « front » israélo-arabo-occidental a ainsi tenu fermement face à l’attaque iranienne, qui elle, ne recevait tout au mieux que les appels à la modération de ses alliés traditionnels et partenaires, parfois contraints, russes, chinois et turcs…

De ce point de vue, face à nos concurrents liés par l’adversité que leurs choix belliqueux leur imposent, il nous faut sans cesse rappeler la prégnance de nos unions – politiques et économiques – et alliances – militaires et politiques – alors que nous venons de fêter, le 25 mars dernier, le 66ème anniversaire du Traité de Rome en amont de celui de Washington créant l’Alliance Atlantique et l’OTAN le 4 avril 1949. Plus globalement, c’est en effet en Européens responsables, quoique conscients de notre relative pusillanimité et désireux de se sortir du défaitisme « munichois » mortifère, que nous devons envisager un voisinage fragilisé d’est en sud avec des crises protéiformes, mettant désormais en doute la capacité européenne d’anticiper pour prévenir autant qu’agir pour résoudre des crises qui interrogent l’universalité des valeurs qui fondent le projet communautaire lui-même.

Il nous faut, désormais, appréhender posément la réalité stratégique telle qu’elle s’impose à l’Union européenne face à des crises aux racines multiples et diverses mais aux conséquences convergentes qui engagent, dans un même élan, les habitants des rives de la mer Méditerranée, de la mer Noire et les citoyens européens.

Car c’est bien, dans cette configuration particulièrement crisogène, la même espérance humaniste, normative et régulatrice européenne qui est prise au piège et mise au défi. Pourtant, depuis son élection en 2017, le président de la République se plait à se réapproprier, la plupart du temps, des idées qui ne sont pas les siennes pour y faire face.

A la vague notion de « l’autonomie stratégique » dont Emmanuel Macron se gargarise, nous lui préférons l’affirmation d’une « Europe puissance » que les centristes ont toujours porté au firmament de leur attachement au projet européen et ce depuis le premier scrutin européen au suffrage universel en 1979 avec Simone Veil.

De cette « Europe puissance » dépend notre crédibilité comme facilitateur de paix entre belligérants, tant à l’est du continent européen qu’au Levant aujourd’hui, comme demain en Indo-Pacifique. Une nécessaire clarification s’impose donc concernant une politique étrangère et de sécurité qui, pour être véritablement commune, impose une convergence des politiques étrangères et de défense des 27 membres qui la composent. La montée en puissance capacitaire et financière de la défense européenne, tout comme l’investissement dans les technologies de ruptures et les énergies du futur, ne devraient servir que cet objectif.

Ainsi, pour éviter que le chaos actuel aux frontières terrestres et maritimes de l’Union européenne ne se transforme en champs de mine destructeur pour la cohésion communautaire et afin que ce chaos puisse se révéler davantage constructeur d’un nouvel ordre régional et international, il nous faut réaffirmer ce qui a fait l’unicité et la force du projet européen telle que la devise de l’UE l’affirme avec force depuis 2004 : l’unité dans la diversité…

Pensons donc In varietate concordia. Face à ceux qui font du 9 juin un réquisitoire contre l’Europe, comme face à ceux qui prétendent la défendre sans lui donner les moyens de sa puissance, opposons une politique étrangère commune, cohérente, et pragmatique. C’est en elle que réside la condition de notre sécurité nationale.

Signataires :
- Hervé Morin, président Les Centristes, président de la région Normandie, ancien ministre de la Défense.

- Nathalie Colin-Oesterlé, députée européenne, porte-parole Les Centristes.
- Emmanuel Dupuy, secrétaire national Les Centristes en charge des questions de défense.

À lire aussi

Illusion – « La France, première puissance industrielle…….. « décarbonée » en Europe  » ( Le Maire)

Illusion – « La France, première puissance industrielle…….. « décarbonée » en Europe  » ( Le Maire)


Faute d’être performante en matière industrielle, la France gouvernementale affirme que l’objectif est de devenir la première puissance industrielle mais….. décarbonée. Un objectif certes intéressant mais qui constitue aussi l’aveu de l’échec industriel global depuis 20 ans avec cette sanction indiscutable du déficit chronique de la balance commerciale en moyenne de plus de 100 milliards par an ( quand les Allemands dégagent , eux, un profit de 200 milliards !

Pour l’instant l’industrie verte qui va faire l’objet d’une future loi demeure évidemment un fantasme car au mieux on va réduire les émissions polluantes mais certainement pas les supprimer. En outre, sur le plan méthodologique il sera particulièrement difficile de distinguer ce qui est vert et ce qui n’est pas, ce qui est pollution locale et pollution importée.

La loi sur l’industrie verte a été ce jeudi par le président de la République. Face aux Etats-Unis et à la Chine, « la France va être la première nation en Europe à soutenir massivement son industrie et à protéger son marché », Le ministre de l’économie. Le rétablissement des comptes publics, ensuite !

L’idée n’est pas vraiment de faire un plan Marshall pour baisser les impôts, mais plutôt les dépenses publiques.

intreview De Bruno Lemaire dans la tribune

Le président de la République décline, ce jeudi 11 mai, la future loi sur « l’industrie verte » annoncée par vous-même en janvier. Combien d’emplois à la clé ? Combien de nouvelles usines ?

BRUNO LE MAIRE- Il y a deux objectifs très clairs dans ce texte sur « l’industrie verte » : produire de nouveau en France et produire mieux. Produire mieux parce que nous voulons être la première puissance industrielle décarbonée en Europe. Produire de nouveau en France parce que nous avons perdu plus de deux millions d’emplois industriels au cours des quatre décennies passées. C’est la faute économique la plus grave commise en France depuis l’après-guerre. Nous avons commencé à inverser la tendance avec la réforme de la fiscalité du capital en 2017, en créant un cadre fiscal favorable à l’industrie, notamment en baissant les impôts sur les sociétés et les impôts de production. Aucune majorité ne l’avait fait avant nous ! Avec ce projet de loi industrie verte, nous voulons accélérer la relance de notre machine à produire. C’est plusieurs dizaines de milliers d’emplois industriels supplémentaires d’ici 2030. L’enjeu est stratégique : face à la transition climatique, les grandes puissances s’organisent. La Chine soutient massivement son industrie et protège son marché. Les États-Unis, avec l’IRA, soutiennent massivement la production industrielle verte et protègent leur marché. Il faut que l’Europe fasse de même et la France, sous l’impulsion du président de la République, va être la première nation en Europe à s’engager dans cette voie.

Mais le risque de désindustrialisation reste élevé face à la concurrence américaine en raison des coûts de l’énergie trois fois plus élevés chez nous qu’aux USA…

Oui, les États-Unis ont un avantage compétitif. Mais nous avons tous les moyens pour nous défendre. Encore faut-il avoir le courage de briser un certain nombre de tabous ! Premier tabou : la fiscalité sur le capital. Oui, il faut une fiscalité sur le capital attractive si on veut réindustrialiser. Parce que l’industrie a une caractéristique, elle est lourdement capitalistique. Nous l’avons fait. Résultats : 300 usines ouvertes en deux ans et 90 000 emplois industriels créés. Deuxième tabou : l’accès à une électricité décarbonée à un coût raisonnable. La question énergétique est la grande question économique du XXIᵉ siècle. Notre réponse, c’est construire six nouveaux EPR et investir dans le nucléaire de nouvelle génération, notamment les réacteurs de petite taille. Le nucléaire doit s’accompagner d’une accélération du développement des énergies renouvelables et de sobriété.

Fumisterie- « La France, première puissance industrielle…….. « décarbonée » en Europe  » ( Le Maire)

Fumisterie- « La France, première puissance industrielle…….. « décarbonée » en Europe  » ( Le Maire)


Faute d’être performantes en matière industrielle, le gouvernement affirme que l’objectif est de devenir la première puissance industrielle mais décarbonée. Un objectif certes intéressant mais qui constitue aussi l’aveu de l’échec industriel global depuis 20 ans avec cette sanction indiscutable du déficit chronique de la balance commerciale en moyenne de plus de 100 milliards par an ( quand les Allemands dégagent , eux, un profit de 200 milliards !

Pour l’instant l’industrie verte qui va faire l’objet d’une future loi demeure évidemment un fantasme car au mieux on va réduire les émissions polluantes mais certainement pas les supprimer. En outre, sur le plan méthodologique il sera particulièrement difficile de distinguer ce qui est vert et ce qui n’est pas, ce qui est pollution locale et pollution importée.

La loi sur l’industrie verte sera détaillées ce jeudi par le président de la République. Face aux Etats-Unis et à la Chine, « la France va être la première nation en Europe à soutenir massivement son industrie et à protéger son marché », Le ministre de l’économie. Le rétablissement des comptes publics, ensuite !

L’idée n’est pas vraiment de faire un plan Marshall pour baisser les impôts, mais plutôt les dépenses publiques.

intreview De Bruno Lemaire dans la tribune

Le président de la République décline, ce jeudi 11 mai, la future loi sur « l’industrie verte » annoncée par vous-même en janvier. Combien d’emplois à la clé ? Combien de nouvelles usines ?

BRUNO LE MAIRE- Il y a deux objectifs très clairs dans ce texte sur « l’industrie verte » : produire de nouveau en France et produire mieux. Produire mieux parce que nous voulons être la première puissance industrielle décarbonée en Europe. Produire de nouveau en France parce que nous avons perdu plus de deux millions d’emplois industriels au cours des quatre décennies passées. C’est la faute économique la plus grave commise en France depuis l’après-guerre. Nous avons commencé à inverser la tendance avec la réforme de la fiscalité du capital en 2017, en créant un cadre fiscal favorable à l’industrie, notamment en baissant les impôts sur les sociétés et les impôts de production. Aucune majorité ne l’avait fait avant nous ! Avec ce projet de loi industrie verte, nous voulons accélérer la relance de notre machine à produire. C’est plusieurs dizaines de milliers d’emplois industriels supplémentaires d’ici 2030. L’enjeu est stratégique : face à la transition climatique, les grandes puissances s’organisent. La Chine soutient massivement son industrie et protège son marché. Les États-Unis, avec l’IRA, soutiennent massivement la production industrielle verte et protègent leur marché. Il faut que l’Europe fasse de même et la France, sous l’impulsion du président de la République, va être la première nation en Europe à s’engager dans cette voie.

Mais le risque de désindustrialisation reste élevé face à la concurrence américaine en raison des coûts de l’énergie trois fois plus élevés chez nous qu’aux USA…

Oui, les États-Unis ont un avantage compétitif. Mais nous avons tous les moyens pour nous défendre. Encore faut-il avoir le courage de briser un certain nombre de tabous ! Premier tabou : la fiscalité sur le capital. Oui, il faut une fiscalité sur le capital attractive si on veut réindustrialiser. Parce que l’industrie a une caractéristique, elle est lourdement capitalistique. Nous l’avons fait. Résultats : 300 usines ouvertes en deux ans et 90 000 emplois industriels créés. Deuxième tabou : l’accès à une électricité décarbonée à un coût raisonnable. La question énergétique est la grande question économique du XXIᵉ siècle. Notre réponse, c’est construire six nouveaux EPR et investir dans le nucléaire de nouvelle génération, notamment les réacteurs de petite taille. Le nucléaire doit s’accompagner d’une accélération du développement des énergies renouvelables et de sobriété.

« La France, première puissance industrielle…….. « décarbonée » en Europe « 

« La France, première puissance industrielle…….. « décarbonée » en Europe  » ( Le Maire)


Faute d’être performantes en matière industrielle, le gouvernement affirme que l’objectif est de devenir la première puissance industrielle mais des carbonée. Un objectif certes intéressant mais qui constitue aussi l’aveu de l’échec industriel global depuis 20 ans avec cette sanction indiscutable du déficit chronique de la balance commerciale en moyenne de plus de 100 milliards par an ( quand les Allemands dégagent , eux, un profit de 200 milliards !

Pour l’instant l’industrie verte qui va faire l’objet d’une future loi demeure évidemment un fantasme car au mieux on va réduire les émissions polluantes mais certainement pas les supprimer. En outre sur le plan méthodologique il sera particulièrement difficile de distinguer ce qui est vert et ce qui n’est pas.

La loi sur l’industrie verte sera détaillées ce jeudi par le président de la République. Face aux Etats-Unis et à la Chine, « la France va être la première nation en Europe à soutenir massivement son industrie et à protéger son marché », Le ministre de l’économie. Le rétablissement des comptes publics, ensuite !

et clairement, l’idée n’est pas vraiment de faire un plan Marshall pour baisser les impôts, mais plutôt les dépenses publiques.

intreview De Bruno Lemaire dans la tribune
Le président de la République décline, ce jeudi 11 mai, la future loi sur « l’industrie verte » annoncée par vous-même en janvier. Combien d’emplois à la clé ? Combien de nouvelles usines ?

BRUNO LE MAIRE- Il y a deux objectifs très clairs dans ce texte sur « l’industrie verte » : produire de nouveau en France et produire mieux. Produire mieux parce que nous voulons être la première puissance industrielle décarbonée en Europe. Produire de nouveau en France parce que nous avons perdu plus de deux millions d’emplois industriels au cours des quatre décennies passées. C’est la faute économique la plus grave commise en France depuis l’après-guerre. Nous avons commencé à inverser la tendance avec la réforme de la fiscalité du capital en 2017, en créant un cadre fiscal favorable à l’industrie, notamment en baissant les impôts sur les sociétés et les impôts de production. Aucune majorité ne l’avait fait avant nous ! Avec ce projet de loi industrie verte, nous voulons accélérer la relance de notre machine à produire. C’est plusieurs dizaines de milliers d’emplois industriels supplémentaires d’ici 2030. L’enjeu est stratégique : face à la transition climatique, les grandes puissances s’organisent. La Chine soutient massivement son industrie et protège son marché. Les États-Unis, avec l’IRA, soutiennent massivement la production industrielle verte et protègent leur marché. Il faut que l’Europe fasse de même et la France, sous l’impulsion du président de la République, va être la première nation en Europe à s’engager dans cette voie.

Mais le risque de désindustrialisation reste élevé face à la concurrence américaine en raison des coûts de l’énergie trois fois plus élevés chez nous qu’aux USA…

Oui, les États-Unis ont un avantage compétitif. Mais nous avons tous les moyens pour nous défendre. Encore faut-il avoir le courage de briser un certain nombre de tabous ! Premier tabou : la fiscalité sur le capital. Oui, il faut une fiscalité sur le capital attractive si on veut réindustrialiser. Parce que l’industrie a une caractéristique, elle est lourdement capitalistique. Nous l’avons fait. Résultats : 300 usines ouvertes en deux ans et 90 000 emplois industriels créés. Deuxième tabou : l’accès à une électricité décarbonée à un coût raisonnable. La question énergétique est la grande question économique du XXIᵉ siècle. Notre réponse, c’est construire six nouveaux EPR et investir dans le nucléaire de nouvelle génération, notamment les réacteurs de petite taille. Le nucléaire doit s’accompagner d’une accélération du développement des énergies renouvelables et de sobriété.

Grande-Bretagne : la fin d’un Empire

Grande-Bretagne : la fin d’un Empire et d’une puissance

 

 

 Les cérémonies ont sans doute célébré la fin d’Élisabeth II mais tout autant la fin parallèle de la puissance de la Grande Bretagne et de son empire colonial. Par Michel Santi, économiste (*)

Entre 1765 et 1938, la Grande-Bretagne aurait subtilisé 45.000 milliards de dollars à l’Inde, selon les calculs de l’historienne Utsa Patnaik. La puissance colonisatrice put imposer un monopole absolu sur le commerce du sous-continent par l’entremise de la Compagnie des Indes orientales (East India Co.) dont les attributions consistaient à acheter leurs marchandises aux Indiens avec leur propre argent grâce à un ingénieux subterfuge.

En effet, tandis que – préalablement à l’instauration de cette obligation en 1765 -, la Grande-Bretagne s’acquittait des biens indiens en les réglant de manière traditionnelle pour l’époque, c’est-à-dire principalement contre de l’argent-métal. East India entreprit de consacrer le tiers des recettes résultant de ses taxes imposées au peuple indien à l’achat de l’ensemble de sa riche production qui allait du textile au riz en passant par le bois. Autrement dit, le colonisateur recyclait une partie de ces impôts en réglant ses emplettes aux paysans et aux travailleurs indiens avec leurs deniers, qui plus est avec la perfidie qu’on lui connaît, car les colonisés n’y voyaient que du feu puisque l’organisme qui les taxait n’était évidemment pas celui qui achetait leurs biens.

La Grande-Bretagne profita même doublement de ce parasitage puisque ses excédents, en fer par exemple, furent ré exportés par ses soins vers le reste de l’Europe au prix fort, lui permettant ainsi de financer sa propre croissance et industrialisation. La fin du monopole de la East India Co. vers 1847 ne devait pas pour autant aboutir à l’enrichissement de l’Inde, car les exportateurs de ce pays n’eurent l’autorisation de se faire payer que par l’entremise de papiers-valeurs (Council Bills) lesquels ne pouvaient être émis que par la Trésorerie de la Couronne. Les producteurs indiens avaient certes dès cette période le droit de vendre leurs marchandises à d’autres pays, mais ceux-ci ne pouvaient régler qu’avec une monnaie qu’ils étaient contraints de se procurer à Londres en échange d’or et d’argent-métal.

En outre, les commerçants indiens étaient payés – non en Council Bills – mais en Roupies… celles-là mêmes qui leur avait été prélevées en guise d’impôts, car c’était évidemment Londres qui conservait les métaux précieux. Comme les richesses indiennes étaient détournées par la Grande-Bretagne, l’Inde était largement endettée vis-à-vis de la puissance colonisatrice alors que – en réalité – elle était largement en excédent commercial du fait des flux massifs de produits qu’elle exportait. Non contente de spolier la population indienne, la Grande-Bretagne l’asservissait donc en outre par la dette.

Des siècles de pauvreté et de misère auraient pu être épargnés aux Indiens si leur pays avait été en mesure de réinvestir le produit de ses richesses sur son propre développement, plutôt que de financer la Révolution industrielle et accessoirement les guerres britanniques qui ne purent prospérer que par la grâce de ce pillage systématique de tout un sous-continent exploité sans aucun scrupule. L’étude d’Utsa Patnaik montre sans équivoque que ces 45.000 milliards (qui représentent près de 20 fois le PIB annuel de la Grande-Bretagne d’aujourd’hui !) ont autorisé la prospérité de la puissance occupante.

D’une manière générale, ce sont les 14 pays du Commonwealth, ceux qui l’ont quitté et ceux qui n’y ont jamais adhéré après le départ du colonisateur qui ont développé la Grande-Bretagne – et non l’inverse. À cet égard, la mort d’Elizabeth II aura de profondes répercussions sur un système qui implose d’ores et déjà avec la Barbade qui a son Chef d’Etat depuis l’an dernier, la Jamaïque qui souhaite devenir une république, les Bahamas qui songent à une formule de ce type.

Et d’autres suivront qui sont également sur le point de demander des réparations substantielles à une nation où règne encore la féodalité et où la Première ministre actuelle ne l’est que par la légitimité de 80.000 votants.

______

(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d’Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l’auteur d’un nouvel ouvrage : « Le testament d’un économiste désabusé ».
Sa page Facebook et son fil Twitter.

Géopolitique de la Russie : la restauration de la puissance tsariste et soviétique

Géopolitique de la Russie : la restauration de la puissance tsariste et soviétique

Par Lukas Aubin, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières dans » the conversation » 

 

Depuis la dissolution de l’URSS en 1991, la Russie a cherché à conserver son influence sur les pays postsoviétiques, que ce soit sur les plans culturel, militaire ou diplomatique. Cette stratégie d’influence passe par la création d’outils intergouvernementaux, l’expansion de médias de propagande, mais aussi l’utilisation de soft et de hard power dans l’ensemble de la région. Le rapprochement des États baltes avec les structures euro-atlantiques et la volonté générale d’émancipation de ces pays à l’égard de Moscou s’opposent à l’idée transnationale de « monde russe ». La question de la position de la Russie vis-à-vis des pays anciennement membres de l’URSS mérite tout particulièrement d’être examinée en détail compte tenu de la guerre qu’elle a déclenchée le 24 février dernier en Ukraine.

Cet extrait est tiré de l’ouvrage de Lukas Aubin, docteur en Études slaves contemporaines, spécialiste de la géopolitique de la Russie (Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières), intitulé Géopolitique de la Russie, à paraître le 8 septembre aux éditions La Découverte. Ce passage permet de mieux comprendre l’idée d’« étranger proche », utilisée en Russie pour désigner les pays post-soviétiques et la politique du Kremlin les concernant.

Si les ambitions géopolitiques de la Russie sont mondiales, les moyens de sa puissance sont donc avant tout régionaux. Ils se cantonnent à l’espace postsoviétique ou plus précisément aux quatorze pays de l’ex-URSS, soit les anciennes marches de l’empire du tsar Nicolas II. Principale puissance économique et militaire de l’espace postsoviétique, la Russie cherche à s’y imposer dès 1991 comme l’héritier naturel de l’URSS. Cette posture du « grand frère » trouve ses origines dans l’histoire de l’Empire russe et fait preuve d’une remarquable continuité jusqu’à aujourd’hui. Dans la « carte mentale » des dirigeants russes autant que dans celle de la population, la Russie se doit d’avoir la primauté de l’influence au sein de cet espace. En décembre 2018, un sondage du centre indépendant Levada révèle ainsi que 66 % des Russes interrogés regrettent l’URSS.

Les élites du pouvoir russes se dotent très tôt du concept d’« étranger proche » (blijniéié zaroubiéjié). Si son origine est incertaine, on la retrouve chez l’ancien ministre des Affaires étrangères Andreï Kozyrev dans la première moitié des années 1990. Il désigne alors les territoires postsoviétiques sur lesquels la Russie cherche à conserver une influence.

Dès lors, afin de protéger son « glacis », le Kremlin s’efforce d’institutionnaliser sa politique d’influence dans les domaines économique, militaire et stratégique au sein de l’ex-URSS. En 1992, la création de la Communauté des États indépendants (CEI) par la Russie conjointement avec le Bélarus a pour objectif d’en être le fondement.

Regroupant douze des quinze États postsoviétiques, la CEI fait d’emblée face au refus des pays baltes qui décident de regarder à l’ouest. Déjà, cette stratégie connaît ses premiers échecs liés au fait que l’espace postsoviétique est particulièrement hétérogène et que chaque État dispose désormais de ses propres intérêts géopolitiques. Plus tard, le Turkménistan (2005), la Géorgie (2008) et l’Ukraine (2014) quittent l’organisation à la faveur de différends avec la Russie.

Malgré ces revers, l’expression « étranger proche » devient un pan entier de la politique étrangère russe sous Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev. En 2016, l’article 49 du Concept de politique étrangère de la Fédération de Russie décrit le « développement de la coopération bilatérale et multilatérale avec les États membres de la Communauté des États indépendants (CEI) et le renforcement ultérieur des structures d’intégration actives dans l’espace de la CEI qui impliquent la Russie » comme les axes prioritaires du pays à l’étranger.

Pour concrétiser cette ambition, les autorités russes cherchent également à construire un espace économique commun dans la région. En 1995, l’Union douanière est créée entre le Bélarus, le Kazakhstan et la Russie. Rapidement renommée Zone de libre-échange (1996), elle participe à l’édification de l’Union économique eurasiatique (UEEA) en 2014 qui regroupe l’Arménie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Bélarus et la Russie.

Ces cinq pays intègrent parallèlement un commandement militaire commun à l’initiative du Kremlin en 2012 par l’intermédiaire de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), créée en 1992. Selon les autorités russes, ces trois organisations (CEI, UEEA et OTSC) ont pour objectif de souder l’espace postsoviétique autour de la Russie et de construire une ceinture de protection militaire, économique et diplomatique face à l’OTAN et l’UE. Il est impératif pour le Kremlin que la Russie conserve une zone d’influence privilégiée sous peine de voir l’OTAN, l’UE et les États-Unis se rapprocher dangereusement du territoire russe.

Ces craintes se concrétisent dans les années 1990 et 2000, qui voient le déploiement de l’OTAN jusqu’aux portes de la Russie. Alors que Mikhaïl Gorbatchev souhaitait l’avènement d’une « maison commune européenne », la nouvelle maison post-URSS se construit sans la Russie par l’intermédiaire du déploiement de l’OTAN et l’UE vers l’est. À la faveur de vagues d’élargissement successives initiées en 1999, tous les anciens pays du pacte de Varsovie rejoignent l’Alliance atlantique. De plus, en 2004, cette dernière accueille sept nouveaux membres dont les pays baltes. Pour Moscou, l’intégration d’anciennes républiques soviétiques à l’OTAN marque un tournant.

Dès lors, la zone tampon géopolitique qui existait entre la Russie et le monde dit occidental disparaît et les bases militaires américaines se déploient aux frontières du plus grand pays du monde. Selon Vladimir Poutine, cette stratégie pilotée par les États-Unis est une violation d’un accord verbal entre le secrétaire d’État américain James Baker et Mikhaïl Gorbatchev sur la non-prolifération de l’Alliance atlantique vers l’est datant du 9 février 1990. « Ils nous ont menti à plusieurs reprises [...] avec l’expansion de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord vers l’est, ainsi qu’avec le déploiement d’infrastructures militaires à nos frontières », déclare le président russe le 18 mars 2014, justifiant par là même l’annexion de la Crimée.

Face à ce qui est perçu comme une agression, la Russie hausse le ton. Afin de conserver et d’exercer son influence, le Kremlin lie le concept d’« étranger proche » à celui de « monde russe » (rousski mir). Ce dernier correspond à une idée civilisationnelle transnationale qui dépasse les frontières de la Russie. Selon le chercheur Louis Pétiniaud, la notion de « monde russe » est une « représentation géopolitique aux racines multiséculaires, réaffirmée dans la sphère politique russe dans les années 1990, qui suggère l’existence d’un espace civilisationnel centré autour des valeurs, voire de l’ethnogenèse du peuple russe [...]. Le monde russe comprend la diaspora russe présente dans certaines républiques postsoviétiques » (Pétiniaud, in Limonier et Pawlotsky, 2019).

En effet, en 2020, la diaspora russe dans le monde est comprise entre 25 et 30 millions de personnes dont la majorité est située en ex-URSS. Ainsi cette forte proportion de Russes ethniques (autrement appelés russophones) devient-elle pour le Kremlin un levier d’influence culturel et politique vital. Dès 2001, Vladimir Poutine résume sa stratégie en s’adressant à ceux qu’il appelle les « compatriotes de l’étranger » lors du premier congrès mondial éponyme. Selon lui, les dizaines de millions de personnes parlant, pensant et se sentant russes qui vivent à l’étranger doivent « marcher ensemble » et « aider la patrie dans un dialogue constructif avec les partenaires étrangers ».

Dès lors, l’objectif est de transformer « la présence des Russes à l’étranger en influence de la Russie à l’étranger » Souslov, 2017. C’est ainsi que les créations consécutives de Russia Today _(2005), de la fondation Rousski Mir (2007) et de l’agence fédérale Rossotroudnitchestvo (2008) consacrent cette volonté politique. En disposant désormais de structures d’influence à l’étranger, le Kremlin peut déployer sa stratégie en ex-URSS via le « monde russe » pour orienter la politique des États ciblés.

D’une part, la Russie renforce ses accords économiques (notamment gaziers et pétroliers) avec la plupart des États postsoviétiques. Héritière structurelle de l’URSS, elle reste le centre énergétique, militaire et cybernétique de son territoire néocolonial et les États tiers en sont souvent dépendants. Les conflits gaziers réguliers entre la Russie et l’Ukraine (2005‑2006, 2007‑2008, 2008‑2009 et depuis 2013) révèlent les usages géopolitiques des ressources par Moscou avec l’« étranger proche ».

Pourtant, les forces centrifuges de l’« étranger proche » sont à l’œuvre depuis 1991 et nombreux sont les États et les peuples qui souhaitent s’émanciper du joug russe en rejoignant l’Occident. En 1997, l’Organisation pour la démocratie et le développement (GUAM), qui regroupe la Géorgie, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan et la Moldavie, naît d’une volonté des quatre États d’intégrer les structures européennes. Plus tard, les pays baltes, qui comptent d’importantes minorités russophones, rejoignent l’UE et l’OTAN en 2004. À la suite, les « révolutions de couleur » (révolution des roses en Géorgie, 2003 ; orange en Ukraine, 2004 ; des tulipes au Kirghizistan, 2005 ; en jean au Bélarus, 2005) voient les peuples postsoviétiques affirmer leurs espérances démocratiques et ébranler un peu plus la stratégie d’influence de la Russie au sein de l’ex-URSS.

Perçues à la fois comme une tentative d’ingérence occidentale et une tentative d’affranchissement de l’espace russe, ces révolutions entraînent un durcissement de la part des autorités russes. En Lettonie, en Ukraine ou même au Kazakhstan, les médias russophones se déploient en masse afin de prêcher la bonne parole et diffuser l’aura du Kremlin. La rhétorique de la protection du « monde russe » maltraité par des gouvernements « nazis » est par exemple devenue monnaie courante pour justifier un conflit diplomatique(pays baltes) ou une intervention militaire (Ukraine).

L’intervention américaine en Yougoslavie en 1999, qui a conduit à la dislocation du pays et au déploiement des bases militaires de l’OTAN, constitue un scénario que les autorités russes ne souhaitent pas voir se reproduire au sein de l’espace postsoviétique.

Que ce soit durant la guerre en Géorgie en 2008, la guerre en Ukraine depuis 2014, ou la guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie en 2020 à propos du Haut-Karabakh, la Russie est depuis 2000 partie prenante de tous les conflits qui se tiennent sur son territoire de prédilection. La guerre en Géorgie en août 2008 est probablement un marqueur important de cette nouvelle stratégie conduite par le régime. En gelant le conflit par l’intermédiaire de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud-Alanie, le pouvoir russe crée des zones tampons où elle conserve une autorité certaine puisqu’elle est de facto et de jure l’un des seuls pays à les reconnaître et à les perfuser économiquement et militairement.

Désormais, ces États de facto sont nombreux et reflètent ces conflits dits « gelés » où les solutions n’ont toujours pas été trouvées, mais où l’influence russe est dominante : Transnistrie, Abkhazie, Ossétie du Sud, Haut-Karabakh, Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk, et même Crimée. Ce mélange entre hard power et soft power dans des zones stratégiques proches de la Russie peut désormais être assimilé à ce que certains chercheurs appellent du smart power Nossel, 2004, c’est-à-dire la capacité de la Russie à utiliser à la fois l’intimidation militaire et l’influence culturelle dans des espaces russophones pour peser sur les décisions politiques de pays tiers.

En outre, à l’échelle de la Fédération de Russie, l’« activation du syndrome postimpérial » à partir de 2014 par le régime russe a également pour objectif de réunir et mobiliser la population des « quatre Russies » (Zoubarevitch, 2015) autour d’un but commun : la restauration de la puissance tsariste et soviétique.

_________

Par Lukas Aubin, Docteur en Études slaves contemporaines : spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Vers la fin de la toute puissance américaine

Vers  la fin de la toute puissance américaine

Les États-Unis se présentent encore comme la première puissance mondiale… La réalité est désormais toute autre : depuis plusieurs années, le pays subit un déclin relatif – lent mais inévitable. Par Manlio Graziano, Sciences Po dans the conversation 

 

Depuis des décennies, les États-Unis connaissent un déclin relatif, politique, intellectuel et économique, avec la perspective d’être un jour dépassés par une puissance rivale. Leur principal problème, cependant, n’est pas ce déclin relatif en lui-même, qui est un phénomène naturel, mais bien l’incapacité à le reconnaître, que ce soit par orgueil, par calcul électoral ou par simple ignorance.

En 1986, dans son ouvrage magistral The Rise and Fall of the Great Powers, Paul Kennedy expliquait que les grandes puissances émergent et tombent précisément à cause de leur croissance inégale : c’est donc la relation entre leurs différents taux de croissance qui, « à long terme », est déterminante.

À l’exception de quelques brèves périodes de récession, les États-Unis n’ont jamais cessé de croître. Depuis les années 1950 cependant, leur croissance est plus lente que celle de la plupart des autres pays du monde : ils connaissent donc un déclin relatif.

Entre 1960 et 2020, leur PIB réel (c’est-à-dire en dollars constants) a été multiplié par cinq et demi, mais, au cours de la même période, le PIB du reste du monde a été multiplié par huit et demi : ainsi, alors que l’économie américaine a continué à croître en termes absolus, celles de ses rivales ont progressé plus rapidement. De plus, si on la compare à son principal rival, la Chine, l’écart de croissance est abyssal : alors que l’économie américaine connaissait une croissance multipliée de cinq fois et demi, celle de la Chine était multipliée par 92 fois. En d’autres termes, en 1960, l’économie américaine équivalait à celle de 22 fois la Chine or, en 2020, elle ne « pèsera » que 1,3 fois la Chine.

Ce déclin relatif du poids économique et productif des États-Unis se traduit finalement par un rétrécissement des marges d’action politique, en raison du phénomène dit d’« overstretching », qui est à l’origine de la chute de certains grands empires (de l’Empire romain à l’Empire russe). La surextension (overstretching) a lieu quand les ressources à disposition ne permettent plus de tenir les engagements pris lorsque les ressources étaient supérieures.

En d’autres termes, les intérêts et obligations mondiales que les États-Unis pouvaient se permettre de défendre avec un PIB de près de 3,46 trillions de dollars en 1960, ne pouvaient pas tous être défendus simultanément en 1986 avec un PIB de 8,6 trillions de dollars, et encore moins aujourd’hui, malgré un PIB approchant les 22,9 trillions de dollars en 2021. Ce paradoxe n’est qu’apparent : alors que le PIB américain en 1960 représentait presque la moitié (46,7 %) du PIB du reste du monde, en 2020, il était devenu moins d’un tiers (30,8 %).

L’analyse prémonitoire de Paul Kennedy a malheureusement souffert d’un mauvais calendrier. Trois ans après la sortie de son livre, les régimes prorusses en Europe se sont effondrés. Quatre ans plus tard, la première des « décennies perdues » du Japon et cinq ans plus tard, la guerre du Golfe (pour laquelle Washington a réuni l’une des plus grandes coalitions militaires de l’histoire) a éclaté. À la fin de cette même année 1991, l’Union soviétique, a implosé.

La deuxième puissance économique mondiale (le Japon) connaissant un fort ralentissement, et avec la disparition de l’Union soviétique, le déclin relatif du PIB américain a bénéficié d’un (léger et bref) renversement de tendance.

En conséquence, le livre de Paul Kennedy fut oublié.

Commença alors une période où les États-Unis étaient persuadés d’être la « seule superpuissance » dans un monde unipolaire, croyant pouvoir remodeler le monde à leur image alors qu’ils n’en avaient plus la force et que de nouveaux concurrents commençaient à montrer leurs muscles. Le déclin relatif des États-Unis ne dépendait pas uniquement du Japon, et certainement pas de l’URSS, mais de la tendance inéluctable à un développement inégal. Ainsi, alors que Kennedy montrait la lune, le monde se contentait de regarder son doigt.

Certains dirigeants américains, comme George Bush et Bill Clinton, ont profité de l’accident pour s’attaquer à la substance : la guerre du Golfe fut le premier épisode, l’intervention en Bosnie fut le suivant et l’élargissement de l’OTAN à l’est en fut un autre, pour ne mentionner qu’eux.

Il faut également mentionner ici la réouverture progressive à la Chine après la crise de Tian’anmen – aujourd’hui critiquée par tout le monde en Amérique, mais largement célébrée à l’époque, ne serait-ce que pour éviter de laisser la Chine s’ouvrir aux seuls investisseurs Européens et Japonais.

L’élargissement de l’OTAN dans les années 1990 a de nouveau été propulsé au centre du débat international à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine. Pour les Russes et leurs alliés, cet élargissement est le « péché originel » dont tout a découlé, faisant porter, disent-ils, l’entière responsabilité de « l’opération militaire spéciale » de Vladimir Poutine sur les épaules de Washington.

Comme dans toutes les idéologies, il y a, dans la version russe, une pincée de vérité (qui les rend plausibles). Il s’agit là de la décision unilatérale de Washington de se positionner, par le biais de l’OTAN, dans les nations d’Europe centrale et orientale nouvellement libérées du joug russe.

Afin de remettre les choses dans leur contexte, nous devons rappeler l’expansion de l’Union européenne dans ces mêmes territoires. L’expansion de l’OTAN a toujours précédé celle de l’UE. Aux yeux des Américains, les États tampons entre la Russie et le cœur de l’Europe, qui étaient au centre des préoccupations américaines après les deux guerres mondiales et qui sont à nouveau d’une actualité brûlante, ne peuvent être laissés au contrôle exclusif de l’Union européenne car sinon ils cesseraient d’être un tampon.

Si les États-Unis ont un objectif stratégique incontestable, c’est précisément d’empêcher l’Europe (ou, pour être réaliste, l’Allemagne et/ou tout groupe de pays centrés sur l’Allemagne) d’établir une quelconque coopération avec la Russie.

Depuis qu’ils ont remplacé le Royaume-Uni en tant que puissance hégémonique mondiale, les Américains ont hérité de l’une de ses théories les plus célèbres : la théorie du « heartland » formulée par Sir Halford Mackinder, selon laquelle si l’Europe de l’Est (donc l’Allemagne) prend le contrôle du « heartland » (donc la Russie), elle dominera l’Eurasie, et donc le monde.

La thèse de Mackinder a été reprise pendant la Seconde Guerre mondiale par Nicholas Spykman, un politologue de Yale d’origine néerlandaise, qui l’a transformée en théorie du « rimland », c’est-à-dire d’un « anneau » de pays qui pourrait entourer le « heartland ».

Dans la formulation de Spykman, le contrôle de cet anneau devient crucial pour le contrôle du monde. Cette thèse a été traduite plus tard dans la politique d’endiguement formulée par George Kennan.

Après la guerre, la préoccupation concernant une éventuelle union continentale eurasienne capable de défier, et finalement de renverser, leur hégémonie mondiale était donc passée des Britanniques aux Américains. Comme Henry Kissinger l’a ouvertement confirmé :

« Dans la première moitié du XXe siècle, les États-Unis ont mené deux guerres pour empêcher la domination de l’Europe par un adversaire potentiel… Dans la seconde moitié du XXe siècle (en fait, à partir de 1941), les États-Unis ont ensuite mené trois guerres pour revendiquer le même principe en Asie – contre le Japon, en Corée et au Vietnam ».

Adieu les notions de « mission civilisatrice » de « défense de la liberté », « d’arsenal de la démocratie », ou de guerre contre le militarisme, le fascisme ou le communisme…

Lorsqu’en 2011, Vladimir Poutine a lancé sa proposition d’Union eurasienne (l’une des nombreuses tentatives de recomposition de l’empire russe), destinée à devenir une « composante essentielle de la Grande Europe… de Lisbonne à Vladivostok », la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, a réagi promptement et franchement :

« Il y a un mouvement de résoviétisation de la région. On ne va pas l’appeler comme ça. Cela va s’appeler une union douanière, cela va s’appeler Union eurasienne et tout ça… Mais ne nous y trompons pas. Nous savons quel est l’objectif, et nous essayons de trouver des moyens efficaces de le ralentir ou de l’empêcher. »

Si le risque, redouté par Mackinder, Spykman, Kennan, Kissinger, et Clinton, est celui d’une possible union des forces entre une grande puissance industrielle et le « cœur » russe, il est évident que la menace pour les États-Unis vient aujourd’hui davantage de la Chine que de l’Europe ou du Japon.

Ainsi, la tentative de creuser un fossé entre la Chine et la Russie est sans aucun doute l’une des priorités stratégiques des États-Unis, sinon LA priorité stratégique.

Avec la guerre qui a commencé le 24 février, la Russie a rendu deux grands services aux États-Unis : elle a réunifié, élargi et réarmé l’OTAN, supprimant la possibilité d’un accord avec l’Europe ou même avec seulement quelques pays européens et elle a renforcé la méfiance de Pékin envers Moscou.

Les Américains en profitent, mais une stratégie ne peut être construite sur les bévues d’un adversaire. Le fait qu’il existe une stratégie imposée par les circonstances (éviter « la deuxième place pour les États-Unis d’Amérique », selon les mots d’Obama) ne signifie pas pour autant qu’il y ait une stratégie consciente et clairement définie.

« Il n’y a pas de vent favorable pour le marin qui ne sait pas où aller », disait sagement Sénèque, et les États-Unis ressemblent à ce marin : leur déclin relatif n’a pas encore été identifié comme tel, et sa fracture politique interne signifie que toute hypothèse stratégique possible risque d’être modifiée – voire renversée – tous les quatre ans.

En outre, une grande partie de la classe politique du pays se nourrit encore de la fable racontée par Karl Rove, conseiller de G.W. Bush, il y a près de vingt ans :

« Lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité » et pendant que les spécialistes se démènent pour étudier ou déchiffrer cette réalité, « nous agirons à nouveau (au gré du contexte NDLR), créant d’autres nouvelles réalités. »

Aujourd’hui, les quelques milliers de « Rove » présents dans la classe politique américaine rendent à leur pays le même service que les conseillers de Poutine rendent au leur : avec leurs bonnes intentions et leur ignorance des contraintes géopolitiques, ils pavent la voie vers ce qui pourrait très vite devenir un enfer.

________

Par Manlio Graziano, Assistant professor, geopolitics and geopolitics of religions, Sciences Po

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Environnement: Pas seulement une affaire de puissance publique

Environnement: Pas seulement une affaire de puissance publique 

 

Si aujourd’hui la planification écologique s’impose dans le débat public, les deux conseillers en stratégie Thibaut Cournarie et François-Régis de Guenyveau précisent, dans une tribune au « Monde » ses conditions de mise en œuvre et plaident pour une approche globale qui associe citoyens, entreprises et pouvoirs publics

 

L’écologie a gagné la bataille des idées. Elle n’a pas encore remporté celle de l’engagement. Aussi assiste-t-on, depuis quelques semaines, à l’apparition d’un nouveau concept dans le débat public : la planification écologique. Victoire sémantique de Jean-Luc Mélenchon et de son centralisme jacobin, cette planification s’incarne dans le gouvernement Borne par la création de deux ministères [transition écologique et cohésion des territoires, confié à Amélie de Montchalin, transition énergétique, dirigé par Agnès Pannier-Runacher] et d’un tout récent secrétariat général.

L’intention est louable : puisque nous soutenons collectivement la transition mais que nous ne parvenons pas à nous y plier individuellement, déléguons à l’Etat la construction d’un plan. Outre ses vertus d’ordonnancement, celui-ci aura le mérite de nous offrir un cap, ingrédient précieux pour une époque qui se cherche, tiraillée entre les crises et les revirements permanents.

L’idée a pourtant fait polémique. Qui fixe le plan ? Qui distribue les bons points ? Plus globalement, que fait-on des leçons du XXe siècle, joyeusetés bureaucratiques en tête ? Comme toute politique centralisatrice, la planification écologique péchera par sa rigidité. Entre chiffres à répétition et réglementations à rallonge, les effets de bord sont déjà connus. Ils se doublent d’une difficulté propre au sujet environnemental : quel intérêt de planifier en France s’il n’y a pas d’alignement à l’échelle mondiale ? Eternel dilemme du prisonnier…

En réalité, la question n’est pas de savoir s’il faut ou non planifier. Il le faut. Sans quoi le marché continuera d’innover dans des technologies sales, même avec des rendements décroissants, phénomène de « dépendance au sentier » bien décrit par Philippe Aghion dans ses cours au Collège de France. La question est de savoir comment compléter la planification écologique par d’autres méthodes moins dirigistes, susceptibles de créer les conditions d’une mobilisation collective de masse.

 

I

À l’occasion de la guerre en Ukraine, favoriser une Europe puissance

À l’occasion de la guerre en Ukraine, favoriser une Europe puissance

Une réflexion sur les causes de l’échec de la Communauté européenne de défense en 1954 peut aider à définir les conditions qui rendront possible une « Europe puissance », explique, dans une tribune au « Monde », Jean-Marc Lieberherr, le président de l’Institut Jean-Monnet.

 

L’élection présidentielle, marquée par un score historique des partis eurosceptiques, a révélé l’abîme qui sépare encore les Français de l’Europe. Malgré les avancées historiques réalisées au cours des cinq dernières années, l’Union européenne demeure en France un objet de défiance, y compris pour une partie de sa jeunesse. Ignorer ce rejet serait une faute ; mais considérer ce rejet comme une fatalité le serait tout autant.

« Là où manque l’imagination les peuples périssent », disait Jean Monnet (1888-1979). Il est grand temps de puiser dans la pensée et l’action des pères fondateurs les voies d’un renouveau susceptible de convaincre les Français de la nécessité de l’Union. C’est souvent en revenant à l’origine et à l’essence d’une idée que l’on peut imaginer ses développements futurs.

Les Mémoires de Jean Monnet sont à cet égard un texte fondateur d’une étonnante actualité. Il y tire notamment les leçons de l’échec de la Communauté européenne de défense (CED), en 1954, et propose une méthode pour transformer les crises successives en opportunités pour l’Europe.

Le 3 septembre 1950, alors que la guerre de Corée menace d’embraser le reste du monde, Jean Monnet adresse à René Pleven (1901-1993) [président du Conseil en juillet 1950] une lettre qui porte en elle les prémices du projet d’armée européenne : « Je vous propose d’apporter à nos associés la contribution d’une pensée forte, constructive, déterminée à créer notre défense extérieure en Europe. »

De l’aveu même de Monnet, le projet de CED venait trop tôt. La perspective d’une renaissance militaire de l’Allemagne avait précipité sa création, mais les esprits n’y étaient pas préparés. Le Parlement français devait, en 1954, rejeter ce projet. Malgré cet échec, Monnet reste convaincu que l’Europe « n’aura de conscience et de force que dans l’unité », condition d’une véritable souveraineté européenne fondée sur une capacité d’action indépendante des Etats-Unis.

En 2022, l’irruption de la guerre en Europe est venue nous rappeler que la paix, ce trésor que les Européens ont considéré comme acquis, procède d’un équilibre fragile. Le fait que l’Europe ne soit pas capable de la garantir de manière autonome est en soi une source d’instabilité. Il est donc nécessaire de se pencher sur les causes de l’échec de la CED pour définir les conditions qui rendront peut-être possible, demain, l’avènement d’une Europe puissance.

La première cause, et peut-être la plus importante, est que le projet impliquait – pour que cette défense soit indépendante – un saut politique auquel la France n’était pas prête. La dimension politique de la CED allait à l’encontre de la méthode dite « des petits pas » lancée par Monnet avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA).

 

Puissance étatique et démocratie

Puissance étatique et démocratie

Dans son ouvrage, prix du livre de géopolitique attribué par le Quai d’Orsay, le politiste Frédéric Encel dresse un état des lieux de la puissance étatique, de ses usages et de son expression la plus extrême, la force.

 

Livre.

 

L’agression russe en Ukraine vient rappeler que, y compris dans une Europe qui se pensait préservée, l’usage de la force reste un facteur majeur dans les relations entre Etats. Elle est l’expression la plus extrême de la puissance. Mais l’ampleur des protestations internationales, les sanctions économiques, la mobilisation des opinions publiques en montrent aussi clairement toutes les limites. Filmée en direct et aussitôt relayée par les réseaux sociaux, cette guerre est la première guerre mondialisée. La lecture du livre de Frédéric Encel Les Voies de la puissance. Penser la géopolitique au XXIe siècle est à cet égard particulièrement éclairante. Son propos est de traiter non pas de la puissance en tant que telle mais « des voies qui y mènent, des critères qui la caractérisent, des conditions requises pour espérer l’atteindre, des capacités qu’elle confère et de la nécessaire appréhension de sa relativité ».

Longtemps expression du droit du plus fort, la puissance n’a plus bonne presse alors que, pendant des siècles, elle fut consubstantielle à la souveraineté. Aujourd’hui, l’attention se porte avant tout sur le statut de la victime et, comme le note ce maître de conférences à Sciences Po et membre du comité de lecture de la revue Hérodote, même des puissances clairement agressives comme la Russie ou la Chine « insistent lourdement sur les préjudices qu’[elles] auraient subis ou subiraient et s’en prévalent à des fins revendicatrices ». Les discours du Kremlin sur le génocide dont seraient victimes les Russes d’Ukraine sont un exemple caricatural.

Si l’abus de la puissance – et a fortiori son hubris – est condamnable, son usage peut être dans certains cas nécessaire. Loin de tout irénisme, cet ouvrage, salué par le Prix du livre de géopolitique attribué chaque année par le Quai d’Orsay, rappelle « qu’il y a des guerres justes et des usages légitimes, salvateurs et multifacettes de ce que procure la puissance ».

Un livre sur ce sujet – largement traité depuis des lustres par les philosophes du politique comme par les spécialistes de géopolitique et de relations internationales – tient de la gageure. Ecrit d’une plume alerte, l’ouvrage de Frédéric Encel rappelle les fondamentaux, et notamment l’importance de la géographie. Ainsi le grand atout que représente l’« insularité stratégique » – qui ne signifie pas nécessairement être une île comme la Grande-Bretagne –, dont les Etats-Unis sont le plus parfait exemple avec leur immense territoire entre deux océans protégé au sud et au nord par des pays alliés.

Le Monde

Le fantasme de la grande puissance française

Le fantasme de la grande puissance française

Le fantasme de la grande puissance française revient alors que le pays est condamné à demeurer un pays très moyen. Du coup, le fantasme est teinté de conceptions réactionnaires Souvent imprégné de xénophobie, le concept émerge à partir du XVIIIe siècle en opposition aux révolutions et au progrès social et politique.

Par Ariane Ferrand du Monde (extrait)

Histoire d’une notion. Pour les progressistes, le terme « réaction » est une insulte fourre-tout, qualifiant une partie de leurs ennemis de droite et surtout d’extrême droite. Et, de la Révolution française à nos jours, la réaction a pris de multiples visages…

« Vous vous souvenez du pays que vos parents vous ont décrit… », s’attriste Eric Zemmour, dans son clip de lancement de campagne, aujourd’hui retiré. Il y glorifie le passé, celui d’une France conquérante et puissante, une France qui donnait le la sur le plan culturel. Mais face à ce passé idéalisé, l’heure est, selon lui, au déclin : le « grand remplacement » nous menace (culturel, démographique), de même que le « grand déclassement » (la France serait en voie de « tiers-mondisation »). Cette rhétorique est un parfait exemple de ce qu’on nomme la « réaction ». Mais d’où vient cette notion ?

Le couple « action-réaction » de Newton

« A chaque action, une réaction égale et opposée » : voilà comment le mathématicien et physicien Isaac Newton (1643-1727) introduit à la fin du XVIIe siècle le couple « action-réaction » en mécanique. Cette idée se diffusera ensuite dans d’autres domaines, le mot réaction se colorant d’un sens politique, d’emblée péjoratif, avec la Révolution française. Dans le nouveau couple « progrès-réaction », cette dernière représente l’opposition au changement – englobant dans une certaine mesure les « conservateurs » – et la volonté de retourner à un passé réel ou fantasmé.

Ainsi, la réaction se construit « contre ». Et en particulier, explique le socioéconomiste Albert Hirschman dans son ouvrage devenu canonique, Deux siècles de rhétorique réactionnaire (Fayard, 1991), contre les trois progrès majeurs : l’acquisition de droits civils (prérogatives attachées à la personne), politiques (extension du suffrage) et sociaux (création de l’Etat-providence), respectivement aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles.

« La réaction est une insulte politique, à géométrie variable, qui qualifie des adversaires », explique Gilles Richard, historien spécialiste des droites en France soulignant que « c’est donc un terme assez fourre-tout, relevant de la polémique politique au jour le jour ». Qui a-t-il visé ? « Les réactionnaires furent d’abord, pour les républicains, des contre-révolutionnaires, des partisans de l’Ancien Régime, des anti-Lumières, affirme l’historien, ce qui les inscrit d’emblée à droite, ou plutôt à l’extrême droite. » Parmi leurs grandes figures, on compte le Savoyard Joseph de Maistre (1753-1821), l’un des pères fondateurs de la philosophie contre-révolutionnaire : la révolution est pour lui un crime contre l’ordre naturel ; il prône un retour à la monarchie absolue.

 

Covid Europe : une montée en puissance inquiétante (OMS)

Covid Europe : une montée en puissance inquiétante (OMS)

Selon les calculs de l’AFP, établi à partir de sources officielles, il y a eu 2.125.775 contaminations la semaine dernière. Jusqu’ici, le plus grand nombre de cas avait été enregistré  l’an dernier, entre le 2 et le 8 novembre 2020, avec près 1.988.507 cas en sept jours.

D’après l’OMS, l’Europe est à nouveau le continent l’épicentre de la pandémie. La hausse actuelle est portée notamment par cinq pays qui représentent à eux seuls plus de 50% des nouveaux cas hebdomadaires: la Russie, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Turquie et l’Ukraine.

Au sein de l’union européenne certains pays présentent des dangers particuliers. Parmi les 27, la Belgique, la Pologne, les Pays-Bas, la Bulgarie, la Croatie, la République Tchèque, l’Estonie, la Grèce, la Hongrie et la Slovénie sont dans la catégorie de préoccupation la plus élevée. Dans les pays figurant dans la catégorie « inquiétante », on trouve l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la Finlande, l’Irlande, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Roumanie et la Slovaquie.  Trois pays sont dans la catégorie « inquiétude modérée » (France, Portugal, Chypre) tandis que quatre pays sont en inquiétude faible (Italie, Espagne, Suède et Malte).

Les limites de la puissance humaine

Les limites de la puissance humaine

 

Dans un texte écrit pour « Le Monde », le sociologue et philosophe Edgar Morin revient sur le siècle écoulé, durant lequel s’est accrue « de façon inouïe la puissance humaine, en même temps que, de façon non moins inouïe, l’impuissance humaine ».

Avant de considérer la crise que nous vivons depuis 2020 puis d’en supputer les suites, essayons de la situer dans la phase extraordinaire de l’aventure humaine qui a commencé il y a soixante-quinze années et a connu des imprévus eux-mêmes extraordinaires. C’est une période où s’accroît de façon inouïe la puissance humaine, en même temps que, de façon non moins inouïe, l’impuissance humaine.

En 1945, la bombe sur Hiroshima annonce la possibilité d’anéantissement de presque toute l’espèce humaine, possibilité qu’accroît par la suite la multiplication des armes nucléaires, notamment dans des Etats hostiles les uns aux autres. En cas de guerre nucléaire mondiale ne subsisteraient que quelques îlots de survivants. Ce déchaînement de puissance nous réduit à l’impuissance.

En 1972, le rapport Meadows avertit l’humanité du processus de dégradation de la planète tant dans sa biosphère que dans sa sociosphère. Les cinquante années suivantes voient son aggravation continue. La conscience de cette menace se fait très lentement et demeure insuffisante, tandis que les ravages se poursuivent dans l’atmosphère, les rivières, les océans, les terres stérilisées par l’agriculture industrialisée, l’alimentation, les villes polluées, la vie humaine.

 

A partir de 1980, le mouvement transhumaniste, né en Californie, se répand dans les élites de la technique et de l’économie. Il prévoit une métahumanité dotée de l’immortalité et une métasociété harmonieusement réglée par l’intelligence artificielle. Animé par la conscience des possibilités de nouveaux pouvoirs technoscientifiques qui permettent de concevoir le prolongement de la vie humaine et un homme augmenté dans ses pouvoirs, le transhumanisme reprend et développe le mythe occidental de maîtrise illimitée du monde extérieur et l’utopie d’une société rendue harmonieuse par l’usage managérial de l’intelligence artificielle éliminant les désordres, donc les libertés. Il annonce, en fait, une métamorphose de l’humanité tant individuelle que sociale en une post-humanité ou surhumanité.

En 1989-1990 s’opère l’invasion du capitalisme en ex-Union soviétique et en Chine communiste, en même temps que la diffusion mondiale des moyens de communication immédiate. Cette mondialisation ou globalisation crée une communauté de destin pour les humains de tous continents, face aux périls communs (nucléaires, écologiques, économiques). Cette communauté de destin permet d’entrevoir la possibilité d’une métamorphose non pas transhumaniste mais panhumaniste, allant dans le sens non pas d’un homme augmenté mais d’un homme amélioré dans une Terre-patrie qui engloberait sans nullement supprimer nos patries nationales – cela à la condition préliminaire qu’apparaisse une nouvelle pensée politique humaniste.

 » Pour une puissance politique et militaire européenne « 

«  Pour une puissance politique et militaire européenne « 

Pour sauver la démocratie, partout menacée, l’heure n’est plus aux batailles fratricides mais à resserrer les rangs entre les Etats-Unis et l’Union européenne, qui doit enfin se doter d’une défense commune, plaident, dans une tribune au « Monde », l’eurodéputé Bernard Guetta et vingt-six autres membres du groupe Renew du Parlement européen.

 

Tribune.

 

 Le temps presse. Les défis que nous avons à relever, nous, démocrates européens et américains, sont immenses car le respect des droits de l’homme et la concertation entre les nations, les valeurs et principes sur lesquels l’ordre international avait été refondé aux lendemains de la défaite nazie sont maintenant contestés par des puissances politiques et des courants intellectuels toujours plus nombreux.

Il y a la Chine, la Turquie, les Philippines ou la Russie, mais les Etats-Unis connaissent, eux, la montée du complotisme, tandis que l’Union européenne doit compter avec des « démocraties illibérales » et l’enracinement d’extrêmes droites nationalistes séduites par les régimes les plus autoritaires. Partout menacée, la démocratie peut perdre la bataille, et cette seule possibilité nous interdit le luxe des querelles secondaires et de la division.

Parce que nous sommes dans la même tranchée, nous ne pouvons plus, nous, démocrates américains et européens, laisser les différends commerciaux des Etats-Unis et de l’Union européenne dégénérer en empoignades fratricides. Entre nous, la règle ne doit plus être la rétorsion mais le compromis. Loin de nous autoriser tous les coups, la compétition entre nos industries doit nous conduire, au contraire, à nous imposer des règles communes en matière d’aides publiques, d’environnement et de fiscalité, afin de pouvoir resserrer nos rangs sur la scène internationale.

Les Etats-Unis n’ont plus d’intérêts à défendre en Europe

C’est la première des révolutions culturelles que nous avons à opérer et, parallèlement, nous ne pouvons plus faire, nous, les Européens, comme si l’élection de Joe Biden nous garantissait la même protection militaire qu’au temps de la guerre froide. Ce ne serait qu’illusion car les Etats-Unis n’ont plus d’intérêts vitaux à défendre en Europe. Ils n’ont même plus d’approvisionnements pétroliers à s’assurer au Proche-Orient, et leurs priorités d’aujourd’hui – ils le disent, nous le savons – sont le Pacifique et l’Asie, la zone où ils doivent relever le défi chinois.

Sauf à nous retrouver nus face aux nostalgies des empires défaits, aux chaos des mondes musulmans, au terrorisme djihadiste et à la poussée de la Chine, nous devons donc nous doter d’une défense commune. Dans aucune des capitales de l’Union, cette perspective n’est plus l’absolu tabou qu’elle avait constitué. Pourtant, nous ne nous hâtons guère de passer aux actes.

Certains d’entre nous craignent de renouer avec la puissance militaire. D’autres ne veulent pas risquer de précipiter un désengagement américain. D’autres encore, souvent les mêmes, ne se résolvent pas à accroître leurs difficultés budgétaires en augmentant leurs dépenses militaires et, sans même se l’avouer, beaucoup des Etats membres persistent à croire que, la parenthèse Trump refermée, le parapluie américain se rouvrira, comme au bon vieux temps.

« Europe puissance » : une utopie ?

« Europe puissance » : une utopie ?

(Le groupe de réflexions Mars ( groupe de réflexion sur la défense stratégique) pose la problématique  de la souveraineté et de l’autonomie, et du sens donné à l’Europe de la défense ( chronique dans la Tribune)

 

« La France a longtemps espéré que l’Europe lui offre un démultiplicateur de puissance. La vision mitterrando-gaullienne de la construction européenne s’appuie sur cet espoir, né au lendemain des décolonisations, comme un relais des valeurs universelles de la nation française. C’est la vision d’une « Europe puissance », contestée par ceux qui n’y voient qu’un vaste marché. On sait comment l’ambition initiale des Pères fondateurs d’une Europe unie, modèle de paix et de prospérité, a glissé, faute d’approfondissement, au fur et à mesure d’élargissements politiquement inévitables, vers un modèle a minima, celui d’un marché unique où le respect des Quatre Libertés tient lieu de vision d’avenir.

La France est seule à croire à « l’Europe puissance ». Ses partenaires européens n’en veulent pas parce qu’ils n’en ont pas besoin, croient-ils. L’idéal européen, c’est la confédération helvétique à l’échelle du continent, un îlot de paix et de prospérité à l’écart du tumulte du monde. Il y a cependant un biais à ce raisonnement : historiquement, c’est par la guerre et la dissuasion militaire que la Suisse a construit son modèle. Il en reste encore des traces dans la garde d’honneur du Saint-Siège et l’expression bien française « pas d’argent, pas de Suisse », qui précéda la métaphore du « nerf de la guerre ». A contrario, une Europe prospère sans défense ne peut qu’attirer les prédateurs.

Les yeux des autres Européens finiront-ils à se dessiller concernant la volonté réelle des États-Unis à les défendre ? Comment l’Europe peut-elle se défendre seule ?

La France et le Royaume-Uni gardent un rang singulier

Membres du P5 (cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU) et États dotés de l’arme nucléaire (EDAN) reconnus par le traité de non-prolifération (TNP) aux côtés des trois grands, la France et le Royaume-Uni sont des puissances en déclin mais encore capables militairement. Leur principale ambition stratégique est de maintenir leur rang, héritage à la fois de leur reconnaissance au nombre des vainqueurs de la Deuxième guerre mondiale et de leur ancien empire colonial. La France et le Royaume-Uni ne sont plus les grandes puissances qu’elles étaient jusqu’en 1940, mais elles gardent un rang singulier dans les relations internationales et dans la hiérarchie des puissances militaires.

L’Allemagne, quelle que soit sa puissance économique, ne peut prétendre au même rang, de même que le Japon, précisément pour ces raisons. C’est sans doute pourquoi certains prêtent aux Allemands l’intention d’acheter les attributs de la puissance dont jouit la France : son siège au P5 au profit de « l’Europe » (au mépris de la Charte de l’ONU qui ne connaît que les États) et sa dissuasion nucléaire.

L’Europe, un marché uniquement

Les institutions européennes, nées au lendemain de l’échec du projet de CED (communauté européenne de défense), n’ont pas été conçues pour prendre en compte la dimension sécuritaire de la défense, qui n’est vue qu’en tant que marché ou, au mieux, secteur industriel. Dès lors que le réarmement de l’Allemagne, voulu par les États-Unis, se faisait sous le contrôle de l’OTAN, c’est cette organisation intergouvernementale qui devenait seule responsable de la défense du continent. C’est ainsi que les traités européens interdisent la conception d’un outil de défense en-dehors de l’OTAN.

C’est pourquoi la création d’une (très hypothétique) « armée européenne » supposerait avant toute chose la modification (tout aussi hypothétique) des traités. « L’Union européenne de défense » (selon la terminologie allemande) n’est donc que la compilation d’initiatives dispersées (« on ne fait ensemble que ce pour quoi on est d’accord »), intéressantes en soi mais dont la seule coordination est un enjeu majeur pour la bureaucratie bruxelloise, sans considération pour ses résultats.

Un espoir avec Thierry Breton

Le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton espère que  »la crise nous permettra d’aller plus loin en contribuant à lever les réticences de certains États » en matière d’Europe de la défense. « On se rend de plus en plus compte que, même si nous pouvons avoir des alliances, nous sommes de plus en plus seuls en ce qui concerne notre autonomie et notre défense« . La création du fonds européen de défense (FEDef) illustre cependant à la perfection l’impossibilité originelle pour l’UE à prendre en charge la sécurité des Européens.

Conçu initialement comme un moyen d’encourager les États membres à développer des capacités autonomes vis-à-vis des équipements américains, le FEDef risque de devenir un outil de redistribution interne des capacités industrielles de défense, au nom de l’inclusivité et conformément à la logique de redistribution sectorielle des financements communs selon la logique du « juste retour »L’ambition initiale de renforcement des capacités industrielles européennes est perdue de vue, pour ne rien dire de l’amélioration des capacités opérationnelles. Mais, encore une fois, l’enjeu n’est pas opérationnel, puisque l’OTAN est toujours là. Et quand bien même les États-Unis quittaient l’OTAN, l’organisation pourrait subsister, au moins en théorie, comme l’UE survivra au Brexit. L’enjeu du FEDef est essentiellement politique : inciter les autres Européens à s’intéresser à l’autonomie stratégique en matière de défense.

L’OTAN, un club destiné à vendre du matériel américain

L’OTAN fonctionne en effet comme un club, dans lequel on entre avec une cotisation des plus modestes et qui ne demande en pratique aucun effort démesuré, pourvu que l’on achète l’essentiel de ses équipements auprès des fournisseurs américains. Comme le dit l’adage, « quand c’est gratuit, c’est vous le produit ». Cette situation n’a pas vocation à évoluer tant que la Russie constituera une menace pour ses anciens alliés du Pacte de Varsovie. La constitution d’un vrai pilier européen autonome en termes capacitaires est illusoire, du fait de la tutelle de fait exercée par les États-Unis sur les orientations de l’outil militaire, même si le principe du consensus préserve les apparences d’une alliance entre égaux au niveau politique. Au total, 27 des 30 États membres (seuls les États-Unis, la Turquie et la France font exception) dépendent à 100% de l’alliance pour leur défense, et son organisation militaire reste le cadre naturel d’engagement de leurs forces armées.

Il paraît illusoire d’envisager un changement, sauf si les États-Unis décidaient officiellement de se retirer de l’OTAN. Or ils n’y ont aucun intérêt, ni bien sûr sur le plan économique, ni même sur le plan opérationnel, car quelle que soit la faiblesse des alliés européens, l’OTAN permet de « fixer » l’essentiel de la capacité militaire russe et ainsi de neutraliser ce « compétiteur stratégique ». Un autre intérêt de l’OTAN est d’éviter l’engrenage des traités d’assistance mutuelle bilatéraux. Quant à la France, son intérêt n’est pas non plus de quitter une organisation militaire qui, à défaut d’améliorer sa sécurité, produit de l’interopérabilité « à toutes fins utiles ».

En dehors de l’OTAN, la France souffrirait sans doute de son isolement militaire, sans même évoquer les possibles mesures de rétorsion économique. La France des années 2020 n’est plus celle des années 1960 ; elle a perdu son indépendance économique, la recouvrer à tout prix demanderait sans doute de grands sacrifices. La France doit donc rester dans l’OTAN, quel que soit l’avenir de l’alliance atlantique. Elle ne doit cependant pas lui abandonner sa souveraineté en matière de défense.

Indispensable modernisation de la dissuasion nucléaire

La modernisation des deux composantes de sa dissuasion nucléaire est plus que jamais nécessaire au maintien de son rang et de sa liberté face aux tentations hégémoniques des trois grandes puissances et aux ambitions éventuelles des autres puissances nucléaires, notamment à l’encontre de l’outremer français. La protection militaire du territoire est également une priorité que tout le monde comprend, d’autant qu’elle n’est pas la plus coûteuse.

Il en va de même des capacités en matière de renseignement. La modernisation des moyens de protection et de renseignement dans tous les milieux (terre, air, mer, espace et cyber) est donc tout aussi urgente, quitte à définir une nouvelle fonction stratégique axée sur la résilience de la nation. Il est en effet probable que notre pays, surtout s’il n’est plus respecté en tant que puissance, subisse plus de coups qu’il ne puisse en donner. Cela suppose que les armées disposent de moyens redondants disponibles à tout moment en cas de crise inopinée, au rebours de la logique managériale de « juste insuffisance » qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui.

Restent deux « fonctions stratégiques », qui pourraient faire les frais d’éventuelles coupes budgétaires : la prévention et l’intervention. De quoi s’agit ? Ce sont les deux faces d’une même médaille, la puissance militaire. La prévention, avec le déploiement permanent de forces prépositionnées et la participation régulière à des missions de maintien de la paix et à des exercices internationaux de haut niveau, représente le volet « pacifique » de la puissance militaire. L’intervention en est le volet « offensif » aussi indispensable au maintien de la crédibilité de la dissuasion, qui est un continuum, que d’un certain rang parmi les puissances.

 

Sans reprendre les concepts fumeux et inappropriés de « défense de l’avant » ou de « profondeur stratégique », il s’agit aussi de rester en permanence capable de défendre nos intérêts (d’où les notions de moyens redondants et de réserve stratégique), ou ceux d’un allié qui le demande, n’importe où dans le monde, par tout moyen, y compris de vive force, seul ou « en premier » dans le cadre d’une future coalition.

La France doit entretenir une force expéditionnaire

La simple évocation des espaces de confrontation potentielle du fait l’étendue des eaux placées sous notre souveraineté tendrait à montrer que les besoins opérationnels sont avant tout d’ordre naval. Dans la « zone indo-pacifique », théâtre de l’affrontement sino-américain, l’ambition de la France est de réaffirmer sa présence en tant que riverain de la zone, au titre de la présence de 1,5 million de ressortissants français (dont 7.500 militaires) dans les neuf millions de km² de ZEE dans le Pacifique sud et dans la zone sud de l’océan indien (FAZSOI). Cette présence réaffirmée, aussi pacifique soit-elle, nécessite des moyens militaires et une politique active de partenariats stratégiques avec les puissances régionales (Inde, Australie, Émirats Arabes Unis).

L’Afrique, privée de véritable puissance régionale, constitue par ailleurs un espace stratégique relativement négligé des grandes puissances, où seule la France semble capable d’empêcher durablement une aggravation des « risques de la faiblesse ». De même, seule la France semble en mesure de tracer des lignes rouges à la politique agressive de la Turquie en Méditerranée orientale et à les faire respecter.

L’armée française doit donc entretenir une capacité expéditionnaire adaptée à la menace locale. Le maintien d’un « modèle d’armée complet » permettant l’entrée en premier semble ainsi plus que souhaitable. Il en résulte un impératif de remontée en puissance des capacités militaires françaises, y compris pour le combat de haute intensité, aussi autonomes que possible, les relations d’interdépendance entre Européens devant être strictement délimitées. Cela prendra du temps, mais dans cette perspective, mieux vaut dès à présent chercher à redéfinir avec la Russie une nouvelle architecture de sécurité, sans illusions ni naïveté. Cela sera toujours plus économique qu’une course au réarmement.

————————————————-

* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.

12



L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol