Puces électroniques : un retard difficile à combler
Sarah Guillou ,directrice du département innovation et concurrence à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) explique que le retard de l’Europe notamment concernant les semi-conducteurs sera difficile à combler.(Interviews, extraits)
Comment expliquer que l’on manque tant de semi-conducteurs à travers la planète ?
Les changements de comportements durant la crise, notamment la hausse du télétravail, ont poussé la demande de semi-conducteurs pour les biens électroniques, et les producteurs ont servi cette demande au détriment d’autres industries. Comme on ne stocke pas les semi-conducteurs, aujourd’hui les constructeurs automobiles, qui avaient stoppé leur commande dans un contexte d’incertitude sans précédent, ne sont plus servis aussi aisément. Augmenter et adapter les capacités de production de semi-conducteurs ne se fait pas en deux ou trois ans, cela peut prendre dix ans. Faire une nouvelle usine, ce n’est pas juste l’ouvrir, cela demande des qualifications et un réseau de fournisseurs. Même la Chine continentale, qui y met énormément d’argent, n’arrive pas à être autosuffisante : elle a un petit producteur, Semiconductor manufacturing international (SMIC). Les Européens comme les Etats-Unis ont sollicité la plus grosse fonderie de semi-conducteurs indépendante, Taïwan semiconductor manufacturing company (TSMC), pour créer ses usines sur leur territoire. Pat Gelsinger, le PDG d’Intel, a dit récemment que la pénurie de semi-conducteurs durerait au moins un à deux ans encore.
Que faut-il faire alors ?
Les Européens, même s’ils ne le disent pas toujours clairement, cherchent à faire des choses plus ciblées et se positionner sur le segment au-dessus de la fabrication, où la rentabilité de l’investissement sera plus importante. L’Europe abrite des acteurs majeurs sur des segments à haute valeur ajoutée de l’industrie, par exemple ASML aux Pays-Bas, un leader mondial de la fabrication de machines de photolithographie indispensables pour imprimer les semi-conducteurs en les exposant à un rayonnement ultraviolet, ou encore Infineon en Allemagne et STMicroelectronics en France. Il faut conforter leur place dans la chaîne de valeur mondiale.