Une protection européenne des brevets
Le Conseil National des Barreaux propose de renforcer la protection européenne des brevets dans l’Opinion ( Extrait)
Selon un rapport publié par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et l’OCDE au mois de juin 2021, les importations de produits contrefaits dans l’UE se chiffraient à 119 milliards d’euros en 2019. Un manque à gagner certain pour les entreprises et, notamment les PME, dont la capacité à innover mais aussi à valoriser et à protéger leurs actifs incorporels participera à nos efforts de relance économique.
Or, les soubresauts politiques et autres oppositions judiciaires auront eu raison de ce lancement. Dès 2020, le Royaume-Uni, alors engagé dans les âpres négociations du Brexit, fait part de sa volonté de se retirer de l’accord européen. Une décision aux conséquences lourdes de sens qui trouvent leur origine dans le processus de ratification. L’accord de 2013 établit en effet une division centrale du tribunal de première instance à Paris, et deux autres sections, à Munich et à Londres. L’accord fait, dorénavant, davantage office de compromis politique visant à faire barrage au tant redouté Brexit qu’à un accord de raison.
Mais le compromis n’atteint pas son objectif. Le Brexit passe. Aujourd’hui, il reste donc à déterminer où, en Europe, la section londonienne trouvera sa nouvelle base. Un accord provisoire prévoit une répartition des dossiers entre Paris et Munich. S’agit-il d’un nouveau compromis bancal ? Ne serait-il pas judicieux, dans ce cas, de transférer la section londonienne dans une autre juridiction telle que Milan ?
Et alors que le Tribunal constitutionnel allemand vient, en rejetant les deux récents recours introduits, de faire sauter les derniers verrous qui empêchaient le gouvernement allemand de ratifier l’accord Européen JUB de protection des brevets, la France doit-elle de nouveau accepter ce compromis ?
Car la France, pour devenir place du droit en Europe et dans le monde, doit s’engager pleinement pour accueillir cette nouvelle instance. D’autant plus qu’elle dispose d’arguments remarquables pour faire valoir sa position.
Sur le plan de la représentation juridique d’abord, la France compte parmi ses instances les chambres commerciales internationales du tribunal de commerce et de la cour d’appel de Paris. La création de cette dernière en 2018 répondait alors à un objectif précis : faciliter l’accès aux juridictions commerciales françaises pour les entreprises internationales dans leurs litiges commerciaux.
L’argument est de taille pour les entreprises qui disposent désormais d’une procédure exécutable sur le territoire de l’Union européenne, plus rapide et moins onéreuse qu’au Royaume-Uni où se jouaient jusqu’alors les procédures relatives aux contrats internationaux.
Il apparaît pertinent que les litiges autour des brevets soient traités là où se nouent les rapprochements stratégiques
C’est également à Paris qu’est implantée la Cour d’arbitrage internationale de la Chambre de commerce internationale. Cette instance confirme ainsi la place de la France comme forum de premier plan favorable à l’arbitrage, à une époque où cette solution reste plébiscitée par de plus en plus d’entreprises pour leurs différends commerciaux.
Sur le plan économique ensuite, la France peut compter sur le dynamisme du marché des fusions et acquisitions au sein duquel le capital immatériel tient une place stratégique et influe grandement sur les valorisations.
Or, au vu du terrain fertile que représente la France pour l’innovation, ces opérations doivent faire l’objet d’une attention particulière, à la fois de la part des pouvoirs publics et des entreprises. De fait, il apparaît pertinent que les litiges autour des brevets soient traités là où se nouent les rapprochements stratégiques.
Autant d’éléments qui viennent donc appuyer la présence du tribunal de première instance de la JUB à Paris. Ce tribunal viendrait alors renforcer les efforts consentis par la France en matière d’instances commerciales internationales à une époque où les brevets européens dépassent, largement, les frontières de l’Union européenne.
En effet, depuis 2015, plusieurs pays d’Asie ou d’Afrique ont signé des accords de coopération et d’extension de la protection conférée par les brevets européens, ce qui rend ces titres incontournables sur la scène internationale.
Cette ouverture permet, assurément, de légitimer la JUB comme juridiction unique en charge du contentieux des brevets. Et à la France de conforter sa position de place de droit à l’échelle européenne et internationale.
Le CNB, la CNCPI et le Barreau de Paris en sont convaincus. Il faut maintenant agir en se mobilisant pour faire de cette future juridiction un succès et sans se satisfaire des compromis du passé.
Par le Conseil national des barreaux (CNB), la Compagnie Nationale des Conseils en Propriété Industrielle (CNCPI) et le Barreau de Paris.