Archive pour le Tag 'prospective ?'

Page 2 sur 4

L’Enjeu de la prospective

L’Enjeu de  la prospective

Par Jean-Eric Aubert (président de la Fondation 2100), Thierry Gaudin (président d’honneur de la Fondation 2100)

 

Ceux qui font profession de prévoir le futur, autrement dit qui s’adonnent aux métiers de la prospective, courent en général deux risques : le premier est de se tromper, le second est d’avoir raison trop tôt. La pandémie de Covid-19 nous en offre un exemple tout frais. De nombreux travaux scientifiques ont évoqué la possibilité de la survenue d’un tel épisode sanitaire bien avant qu’il n’apparaisse. Des auteurs ont écrit des livres prémonitoires comme le grand épidémiologiste américain Michael Osterholm (« Deadliest Enemy : Our War Against Killer Germs », 2017), la CIA a alerté, sans parler de Bill Gates qui a sonné l’alarme sur la survenue probable d’une grande et mortelle pandémie. Et pourtant, aucun pays n’a accordé d’importance à ces signaux avancés et tous ont été surpris et largement impréparés.

Est-ce une raison suffisante pour que les prospectivistes changent de métier ? Certainement pas. C’est même le contraire. L’humanité fait face à de tels défis - réchauffement climatique, révolutions technologiques, basculements géopolitiques, transitions démographiques… - qu’il est plus nécessaire que jamais d’en comprendre les enjeux, d’anticiper leurs conséquences et d’agir pour prévenir les catastrophes. Cet horizon peut paraître éloigné, mais les enfants qui naissent aujourd’hui seront, pour la plupart, encore en vie à la fin du siècle. Leur laisser une planète vivable implique de s’engager dans cette prospective opérationnelle et mondiale dès maintenant - d’autant que l’adaptation des sociétés humaines à de profonds changements prend toujours du temps.

Projeter une vue d’ensemble

Comprendre les phénomènes à l’oeuvre, c’est d’abord chercher à en projeter une vue d’ensemble. Une approche partielle, influencée par les conformismes et les consensus, ne permet pas de saisir la complexité de ces phénomènes et leurs interactions. Et lorsque les visions sont inspirées par des idéologies ou des modes, celles-ci biaisent la perception. Soit par excès d’optimisme, par exemple dans les possibilités des technologies vantées par les « transhumanistes ». Soit par excès de pessimisme, avec les perspectives d’effondrement mondial prophétisées par les « collapsologues ».

Prospective-Grande distribution en 2030

Prospective-Grande distribution en 2030

Jean-Philippe Kosmala, consultant dans le secteur de la grande distribution, imagine l’état du secteur à l’aube de la prochaine décennie. Selon lui, les enseignes qui n’auront pas anticipé leur nécessaire transformation auront disparu.(Tribune dans les Échos)

 

 

« L’épidémie de Covid-19 des années 2020 aura été destructrice pour la grande distribution. La plupart des enseignes, fondées durant les «Trente Glorieuses», ont continué de fonctionner selon leur ancien logiciel : c’est l’emplacement qui définit le succès d’un commerce.

Or l’envol du commerce en ligne, qui frôle en cette année 2030 les 25 % de part de marché (contre moins de 10 % en 2020) et l’évolution des comportements change profondément la donne. Les Français réclament des magasins plus proches de chez eux, moins grands (fini la corvée de course de plusieurs heures le samedi !) et qui proposent dans un délai de 24 à 48 heures tout ce que l’on trouve sur internet.

Plombées par leurs actifs surdimensionnés (immobilier et équipes centrales pléthoriques, peu agiles et mal formées au e-commerce) la plupart des enseignes ont multiplié les plans de départ et les cessions d’actifs sans réussir à redresser la barre durablement. C’est ainsi qu’un de nos fleurons de la grande distribution à la française a été vendue à la découpe en 2028, sur fond de déboires financiers.

Puisque qu’il y a dans chaque crise une opportunité, certaines enseignes ressortent gagnante de cette décennie 2020 de grande chambardement. Les magasins à bas prix se multiplient : Lidl et Aldi, Zeeman, Action, Normal et leurs semblables. Leur point commun : des coûts compressés (notamment au niveau du personnel et des structures centrales) et un assortiment à bas prix, mais suffisamment qualitatif (présence de marques nationales par exemple) pour attirer les classes moyennes et populaires appauvries par une dix années de stagnation économique.

A l’autre bout du spectre, Amazon et Alibaba bien sûr, mais également les enseignes françaises et européennes ont su prendre le virage serré du phygital [contraction de commerce physique et digital, NDLR]) en investissant dans des outils web efficaces et en redimensionnant leur parc immobilier pour multiplier les formats de proximité. Sans oublier les marques-enseignes ayant su par leur assortiment différenciant et leur image créer une relation préférentielle avec les Français : Ikea, Picard ou Decathlon, mais également une myriade demarques née du numérique, pour la plupart inconnues ou balbutiantes 10 ans auparavant.

Entre ces deux modèles, un vaste cimetière. La «retail apocalypse», née aux Etats-Unis avec la faillite de mastodontes tels que Sears ou Toys’R'Us (2018) a fini par atteindre l’Europe, condamnant les enseignes n’ayant pas compris ou pas su prendre le virage qui s’imposait pourtant.

Acteurs de la distribution français, où vous situerez-vous dans 10 ans ? Êtes-vous sûr d’avoir identifié les profonds changements économiques, sociologiques et comportementaux qui font que vos clients de demain seront radicalement différents de ceux d’aujourd’hui ? Quelle évolution de votre positionnement avez-vous prévu en conséquence ? En avez-vous identifié les moyens, les chantiers et les ressources à mettre en œuvre ? Ou espérez-vous simplement passer entre les gouttes, trop pris par le quotidien pour penser à un avenir si compliqué ?

Jean-Philippe Kosmala est consultant dans le secteur de la grande distribution.

La planification: une prospective et une coopération des secteurs clés

La planification: une prospective et une coopération des secteurs clés 

L’historien Patrick Weil dresse un parallèle, dans une tribune au « Monde », entre la France de la première guerre mondiale et celle de la pandémie, montrant ce que la Grande Guerre a à nous apprendre aujourd’hui.

Tribune. La lutte contre le coronavirus n’est pas une « guerre », mais la comparaison faite avec la première guerre mondiale n’en est pas moins instructive. Comme en 1914, face au danger de défaite ou de mort, la vie de l’ensemble des citoyens est immédiatement bouleversée, ainsi que la production et l’économie des Etats engagés dans le conflit.

 

Surtout, comme aujourd’hui, les dirigeants politiques de la France n’étaient pas prêts quand l’épreuve survint. Ils avaient pensé à une guerre, mais de courte durée. Dès septembre 1914, malgré le sursaut de la Marne, la France est au bord du gouffre. Le général Joffre, chef de l’armée, fait savoir qu’il sera à court de munitions d’ici cinq semaines. De Bordeaux, où le gouvernement s‘est replié, Alexandre Millerand, le ministre de la guerre, lance alors une coopération avec l’industrie privée, afin de multiplier par dix la production d’obus pour le canon de 75. Renault et Citroën transforment leur production. Albert Thomas, chargé d’organiser la production d’armement, parcourt la France à la recherche de projets locaux. Dans tout le pays, les ateliers, les usines et les ouvriers sont mobilisés pour la fabrication d’obus ou de produits nécessaires à la guerre. Mais l’occupation par les troupes allemandes de dix départements du Nord-est prive vite la France d’une grande partie de ses matières premières (fer, acier et charbon). Le blé manque aussi pour nourrir la population. 

 

A Bordeaux, une rencontre décisive a lieu entre Jean Monnet, devenu affréteur maritime de 26 ans, et René Viviani, président du Conseil. Monnet trouvait étrange que Français et Britanniques, qui font la guerre ensemble, achètent séparément, et donc en concurrence, les biens nécessaires à leurs armées et aux civils. Il rencontre Viviani et le convainc, puis part pour Londres et y négocie avec une société privée, la Hudson Bay Company, un gigantesque contrat d’approvisionnement de la France en blé, métaux, fil de fer barbelé et bateaux. A partir de 1915, il est l’envoyé à Londres d’Etienne Clémentel, ministre du commerce, qui, à la fin de la guerre, sera chargé de tout le ravitaillement du pays. La coopération franco-britannique se renforce au point qu’en 1917, l’ensemble des navires des deux alliés sont mis en commun, de même que l’achat des produits de première nécessité, du blé à l’acier. Quand l’Amérique rejoint la guerre, en 1917, les navires ainsi libérés peuvent transporter vers la France les soldats qui contribueront à la victoire. 

 

 

 

 

Société: L’urgence d’une réflexion prospective et d’une vision (G. Bessay, expert en prospective)

Société: L’urgence d’une réflexion prospective et d’une vision   (G. Bessay, expert en prospective)

Rien de fondamental ne pourra être résolu sans adhésion  à la complexité de la crise qui est à la fois une crise, économique, sociétale, environnementale, culturelle et maintenant sanitaire.   Par exemple , cette crise sanitaire est liée à certains phénomènes de mondialisation tout autant qu’à des rapports déséquilibrés avec l’environnement et notamment la biodiversité. Cette crise est systémique car  les transformations internes interagissent les unes sur les autres. Un des problèmes réside dans le fait qu’il n’existe pas de formation scientifique de type généraliste pour tenter de comprendre et d’expliquer les évolutions du système global dans lequel nous évoluons. D’une certaine façon au contraire,  nous assistons à un éclatement des connaissances qui certes s’approfondissent de façon spectaculaire mais de manière de plus en plus éclatée ; même si certaines découvertes d’un champ peuvent indiscutablement profiter à un autre. Ce qui est en cause, c’est  la nature des changements et aussi leur rythme. Jamais sans doute dans l’histoire humaine les transformations n’ont été aussi importantes et aussi rapides. Les changements ont été plus importants en quelques dizaines d’années que pendant des siècles et des millénaires, ils ont été encore plus rapides au cours de la dernière dizaine d’années. Les changements les plus médiatisées et les mieux connus du grand public concernent les domaines économiques et technologiques  avec leurs conséquences sociales. Les processus de production sont aujourd’hui complètement éclatés dans plusieurs pays qui se spécialisent sur un des éléments de la chaîne. Les grandes marques  se contentent  surtout du montage final voire  seulement du pilotage numérique de l’ensemble du système de production. C’est  valable d’abord évidemment pour l’industrie, mais cela affecte progressivement l’agriculture et surtout les services. Tout cela entraînant d’énormes gaspillages de transport et de logistique qui participent  au dérèglement climatique et aux bouleversements de la biodiversité. (Exemple la déforestation de pays en voie de développement pour nourrir le bétail des pays développés). Finalement,  le concept de nationalité d’un produit n’a plus beaucoup de sens. Le made in France par exemple est une fiction puisqu’il peut se limiter à l’apposition d’une étiquette ou d’un couverte pour que le produit importé devienne français. Il en est de même par exemple pour l’industrie automobile française  dans la plus grande partie vient de l’étranger. Autre exemple, celui de l’industrie pharmaceutique française, l’une des plus puissantes au monde mais dont plus de 50 % des molécules sont fabriqués en Asie notamment en Chine. Cet éclatement est surtout le fruit de distorsions de concurrence relatives aux coûts sociaux, à la fiscalité et aux normes environnementales et sanitaires. La recomposition du produit final et sa distribution génèrent évidemment des gaspillages incalculables qui affectent l’environnement. Un simple yaourt peut nécessiter par exemple 1000 km de transport. On ne peut nier cependant certains aspects indiscutables du progrès matériel qui a permis à de plus en plus de populations de mieux se nourrir, se vêtir, s’instruire ,  se loger et vivre plus dignement. Par contre si le niveau moyen de satisfaction matérielle a augmenté, on ne peut contester l’augmentation des inégalités. Avec d’un côté des géants industriels, financiers ou des géants du numérique qui non seulement brassent  des milliards de profits   mais surtout imposent  une domination économique et culturelle. Dans l’agriculture,  l’industrialisation a permis de multiplier par 5 ou par 10 les rendements grâce à la mécanisation mais aussi à l’utilisation de cocktails chimiques dont  on ne pourra mesurer les effets sur la santé que dans des dizaines d’années par exemple concernant le développement des affections neurovégétatives ou des cancers. Cette  agriculture chimique a tué 80% des insectes et autant d’espèces animales en quelques dizaines d’années bouleversant aussi la biodiversité. Or les coronavirus par exemple naissent  à 80% parmi les animaux dont les atteintes à environnement empêchent l’auto-immunisation d’antan. Concernant les inégalités,  il faut citer l’accès au logement de plus en plus difficile dans les grandes métropoles qui rejettent dans les banlieues lointaines ou les zones rurales les catégories les moins favorisées. Ce phénomène de super concentration urbaine n’est pas étranger aux crises sanitaires et environnementales en raison de l’excessive densité des populations. En France par exemple,  les couches moyennes sont progressivement chassées de Paris où il faut en moyenne 1 million d’euros pour un appartement à peu près décent. C’est un peu le même phénomène dans le monde entier ou dans des métropoles françaises de province. Les inégalités se développent aussi en matière de formation même si globalement les effectifs scolarisés augmentent et vont de plus en plus loin dans les études. Des études très approfondies pour certains ( notamment les écoles d’ingénieurs et certaines disciplines universitaires)  mais des études qui débouchent sur des diplômes fictifs pour d’autres condamnés à des emplois de faible qualification ou au chômage, un phénomène particulièrement français qui culturellement pointe l’apprentissage comme une sorte de tare sociale. D’un point de vue social, il n’est pas admissible que des pays développés comptent autant d’inégalités voire de pauvreté sans parler des gens dans la rue. Le domaine culturel est aussi affecté  avec d’un côté des productions de grande qualité mais de l’autre des productions de masse de type industriel faites  pour abêtir, endoctriner ou endormir. Pour s’en persuader, il suffit  d’analyser le contenu des 200 ou 300 chaînes de télévision disponibles en France. La complexité qui mériterait d’être bien davantage appropriée   crée une sorte de refuge vers  l’individualisme. Faute de réassurance identitaire, nombre de personnes se réfugient  dans le mirage d’un passé illusoire avec le fol espoir qu’il  prendra la place du  futur. Ce qui explique aussi les nouvelles résistances face aux flux migratoires considérés comme des facteurs anxiogènes économiques mais aussi culturels. Cela d’autant plus que les capacités d’intégration se sont considérablement affaiblies pour ne pas dire parfois écroulées dans certaines zones   D’où le développement de formes  de populisme  voire de néopoujadisme  et de nationalisme. Une sorte de reflexe  face à la peur des changements. Ce repli réactionnaire et individualiste remet en cause le ciment et le dynamisme qui fonde une nation ; une  nation dont l’unité est mise en cause également  par le refuge dans des groupes identitaires religieux autant que civils. Un refuge qui peut se même se réduire à la cellule familiale voire encore moins. En bref,  la dimension collective fout le camp sauf dans quelques cercles très restreints. Ceci étant, tout cela se nourrit aussi de l’injustice,  des dysfonctionnements de l’anarchie des marchés et des flux  qui souffrent d’un manque évident de régulation et d’équité ;   Non seulement à  l’échelle européenne mais mondiale. Les facteurs explicatifs de cette crise sont nombreux et complexes, on ne saurait les résumer dans un court papier. Mais la première démarche pour mieux comprendre consisterait d’abord à admettre cette complexité. Cela pour éviter le piège du simplisme qui ne peut conduite qu’à la caricature. Les responsables chacun à leur échelle, tentent  bien de résoudre certains des effets de la crise mais ce sont le plus souvent des actes trop partiels et de court terme là ou il faudrait des orientations plus globales qui s’inscrivent dans le temps. De ce point de vue,  la démocratie en est sans doute encore au stade néandertalien concernant le mode d’élection et les conditions d’exercice du mandat. D’où l’insatisfaction générale et souvent partout dans le monde trop de contradictions entre les intentions affichées et les réalités pouvoir : De quoi nourrir un peu plus le populisme et l’incompréhension de la crise. L’exercice de réflexion prospective constitue un préalable à la définition d’un projet qui ne peut être devenir mobilisateur sans débat sérieux et réel avec les acteurs et les  citoyens.

 

L’urgence d’une réflexion prospective et d’une vision (G. Bessay, expert en prospective)

L’urgence d’une réflexion prospective et d’une vision   (G. Bessay, expert en prospective)

Rien de fondamental ne pourra être résolu sans adhésion  à la complexité de la crise qui est à la fois une crise, économique, sociétale, environnementale, culturelle et maintenant sanitaire.   Par exemple , cette crise sanitaire est liée à certains phénomènes de mondialisation tout autant qu’à des rapports déséquilibrés avec l’environnement et notamment la biodiversité. Cette crise est systémique car  les transformations internes interagissent les unes sur les autres. Un des problèmes réside dans le fait qu’il n’existe pas de formation scientifique de type généraliste pour tenter de comprendre et d’expliquer les évolutions du système global dans lequel nous évoluons. D’une certaine façon au contraire,  nous assistons à un éclatement des connaissances qui certes s’approfondissent de façon spectaculaire mais de manière de plus en plus éclatée ; même si certaines découvertes d’un champ peuvent indiscutablement profiter à un autre. Ce qui est en cause, c’est  la nature des changements et aussi leur rythme. Jamais sans doute dans l’histoire humaine les transformations n’ont été aussi importantes et aussi rapides. Les changements ont été plus importants en quelques dizaines d’années que pendant des siècles et des millénaires, ils ont été encore plus rapides au cours de la dernière dizaine d’années. Les changements les plus médiatisées et les mieux connus du grand public concernent les domaines économiques et technologiques  avec leurs conséquences sociales. Les processus de production sont aujourd’hui complètement éclatés dans plusieurs pays qui se spécialisent sur un des éléments de la chaîne. Les grandes marques  se contentent  surtout du montage final voire  seulement du pilotage numérique de l’ensemble du système de production. C’est  valable d’abord évidemment pour l’industrie, mais cela affecte progressivement l’agriculture et surtout les services. Tout cela entraînant d’énormes gaspillages de transport et de logistique qui participent  au dérèglement climatique et aux bouleversements de la biodiversité. (Exemple la déforestation de pays en voie de développement pour nourrir le bétail des pays développés). Finalement,  le concept de nationalité d’un produit n’a plus beaucoup de sens. Le made in France par exemple est une fiction puisqu’il peut se limiter à l’apposition d’une étiquette ou d’un couverte pour que le produit importé devienne français. Il en est de même par exemple pour l’industrie automobile française  dans la plus grande partie vient de l’étranger. Autre exemple, celui de l’industrie pharmaceutique française, l’une des plus puissantes au monde mais dont plus de 50 % des molécules sont fabriqués en Asie notamment en Chine. Cet éclatement est surtout le fruit de distorsions de concurrence relatives aux coûts sociaux, à la fiscalité et aux normes environnementales et sanitaires. La recomposition du produit final et sa distribution génèrent évidemment des gaspillages incalculables qui affectent l’environnement. Un simple yaourt peut nécessiter par exemple 1000 km de transport. On ne peut nier cependant certains aspects indiscutables du progrès matériel qui a permis à de plus en plus de populations de mieux se nourrir, se vêtir, s’instruire ,  se loger et vivre plus dignement. Par contre si le niveau moyen de satisfaction matérielle a augmenté, on ne peut contester l’augmentation des inégalités. Avec d’un côté des géants industriels, financiers ou des géants du numérique qui non seulement brassent  des milliards de profits   mais surtout imposent  une domination économique et culturelle. Dans l’agriculture,  l’industrialisation a permis de multiplier par 5 ou par 10 les rendements grâce à la mécanisation mais aussi à l’utilisation de cocktails chimiques dont  on ne pourra mesurer les effets sur la santé que dans des dizaines d’années par exemple concernant le développement des affections neurovégétatives ou des cancers. Cette  agriculture chimique a tué 80% des insectes et autant d’espèces animales en quelques dizaines d’années bouleversant aussi la biodiversité. Or les coronavirus par exemple naissent  à 80% parmi les animaux dont les atteintes à environnement empêche l’auto-immunisation d’antan. Concernant les inégalités,  il faut citer l’accès au logement de plus en plus difficile dans les grandes métropoles qui rejette dans les banlieues lointaines ou les zones rurales les catégories les moins favorisés. Ce phénomène de super concentration urbaine n’est pas étranger aux crises sanitaires et environnementales en raison de l’excessive densité des populations. En France par exemple,  les couches moyennes sont progressivement chassées de Paris où il faut en moyenne 1 million d’euros pour un appartement à peu près décent. C’est un peu le même phénomène dans le monde entier ou dans des métropoles françaises de province. Les inégalités se développent aussi en matière de formation même si globalement les effectifs scolarisés augmentent et vont de plus en plus loin dans les études. Des études très approfondies pour certains ( notamment les écoles d’ingénieurs et certaines disciplines universitaires)  mais des études qui débouchent sur des diplômes fictifs pour d’autres condamnés à des emplois de faible qualification ou au chômage, un phénomène particulièrement français qui culturellement pointe l’apprentissage comme une sorte de tare sociale. D’un point de vue social, il n’est pas admissible que des pays développés comptent autant d’inégalités voire de pauvreté sans parler des gens dans la rue. Le domaine culturel est aussi affecté  avec d’un côté des productions de grande qualité mais de l’autre des productions de masse de type industriel faites  pour abêtir, endoctriner ou endormir. Pour s’en persuader, il suffit  d’analyser le contenu des 200 ou 300 chaînes de télévision disponibles en France. La complexité qui mériterait d’être bien davantage appropriée   crée une sorte de refuge vers  l’individualisme. Faute de réassurance identitaire, nombre de personnes se réfugient  dans le mirage d’un passé illusoire avec le fol espoir qu’il  prendra la place du  futur. Ce qui explique aussi les nouvelles résistances face aux flux migratoires considérés comme des facteurs anxiogènes économiques mais aussi culturels. Cela d’autant plus que les capacités d’intégration se sont considérablement affaiblies pour ne pas dire parfois écroulées dans certaines zones   D’où le développement de formes  de populisme  voire de néopoujadisme  et de nationalisme. Une sorte de reflexe  face à la peur des changements. Ce repli réactionnaire et individualiste remet en cause le ciment et le dynamisme qui fonde une n nation ; une  nation dont l’unité est mise en cause également  par le refuge dans des groupes identitaires religieux autant que civils. Un refuge qui peut se même se réduire à la cellule familiale voire encore moins. En bref,  la dimension collective fout le camp sauf dans quelques cercles très restreints. Ceci étant, tout cela se nourrit aussi de l’injustice,  des dysfonctionnements de l’anarchie des marchés et des flux  qui souffrent d’un manque évident de régulation et d’équité ;   Non seulement à  l’échelle européenne mais mondiale. Les facteurs explicatifs de cette crise sont nombreux et complexes, on ne saurait les résumer dans un court papier. Mais la première démarche pour mieux comprendre consisterait d’abord à admettre cette complexité. Cela pour éviter le piège du simplisme qui ne peut conduite qu’à la caricature. Les responsables chacun à leur échelle, tentent  bien de résoudre certains des effets de la crise mais ce sont le plus souvent des actes trop partiels et de court terme là ou il faudrait des orientations plus globales qui s’inscrivent dans le temps. De ce point de vue,  la démocratie en est sans doute encore au stade néandertalien concernant le mode d’élection et les conditions d’exercice du mandat. D’où l’insatisfaction générale et souvent partout dans le monde trop de contradictions entre les intentions affichées et les réalités pouvoir : De quoi nourrir un peu plus le populisme et l’incompréhension de la crise. L’exercice de réflexion prospective constitue un préalable à la définition d’un projet qui ne peut être devenir mobilisateur sans débat sérieux et réel avec les acteurs et les  citoyens.

 

 

 

Le retour de la prospective et de la régulation ?

Le retour de la prospective et de la régulation ?

 

La crise sanitaire a mis en évidence deux types de défaillance. D’une part le délitement et l’inefficacité de l’État ,d’autre part d’incapacité du marché à répondre à une problématique relevant de la responsabilité régalienne. La faillite de l’État n’est pas tellement due à son champ d’application mais plutôt à son efficacité car les moyens sont substantiels. Comme souvent , il y a confusion entre l’objectif de service public et la nature juridique des institutions en charge de le mettre en œuvre. Du coup, toutes les superstructures sont considérées en charge de l’intérêt public alors que beaucoup résultent essentiellement d’un phénomène de bureaucratisation qui n’a pas grand-chose à voir avec l’intérêt général. Le secteur privé aussi a failli si l’on prend pour exemple les dérives de l’industrie pharmaceutique française qui a délocalisé sa production en Asie et en Chine en particulier. Du , se repose la question de la prospective et de la régulation. Le chef de l’État a même employé un terme tabou de la planification. Il faut rappeler que la France a délibérément éliminé le concept de plan depuis des années au nom du à libéralisme. Pourtant le plan en France, sauf après la libération, n’a jamais été un instrument d’étatisation de l’économie. C’était d’abord un exercice de prospective menée avec tous les acteurs économiques et qui se traduisait par la définition de quelques priorités représentant moins de 10% de la richesse nationale mais permettant cependant de définir des priorités stratégiques. Depuis les politiques publiques naviguent à vue au gré de l’évolution des modes et des sensibilités politiques. Il serait grand temps de reprendre ce travail d’analyse des grands domaines qui vont structurer l’avenir en articulant évidemment les problématiques économiques, sociales, sociétales et environnementales. Toutes les promesses du jour d’après vont se transformer en illusion si ce travail préalable d’analyse prospective n’est pas réalisé . En effet les changements structurels ne peuvent s’inscrire que dans la durée avec l’organisation de transitions .

 

Comprendre la crise (G. Bessay, expert en prospective)

Comprendre la  crise  (G. Bessay, expert en prospective)

Rien de fondamental ne pourra être résolu sans adhésion  à la complexité de la crise qui est à la fois une crise, économique, sociétale, environnementale ,culturelle et maintenant sanitaire.   Par exemple , cette crise sanitaire est liée à certains phénomènes de mondialisation tout autant qu’à des rapports déséquilibrés avec l’environnement et notamment la biodiversité. Cette crise est systémique car  les transformations internes interagissent les unes sur les autres. Un des problèmes réside dans le fait qu’il n’existe pas de formation scientifique de type généraliste pour tenter de comprendre et d’expliquer les évolutions du système global dans lequel nous évoluons. D’une certaine façon au contraire,  nous assistons à un éclatement des connaissances qui certes s’approfondissent de façon spectaculaire mais de manière de plus en plus éclatée ; même si certaines découvertes d’un champ peuvent indiscutablement profiter à un autre. Ce qui est en cause, c’est  la nature des changements et aussi leur rythme. Jamais sans doute dans l’histoire humaine les transformations n’ont été aussi importantes et aussi rapides. Les changements ont été plus importants en quelques dizaines d’années que pendant des siècles et des millénaires, ils ont été encore plus rapides au cours de la dernière dizaine d’années. Les changements les plus médiatisées et les mieux connus du grand public concernent les domaines économiques et technologiques  avec leurs conséquences sociales. Les processus de production sont aujourd’hui complètement éclatés dans plusieurs pays qui se spécialisent sur un des éléments de la chaîne. Les grandes marques  se contentent  surtout du montage final voire  seulement du pilotage numérique de l’ensemble du système de production. C’est  valable d’abord évidemment pour l’industrie, mais cela affecte progressivement l’agriculture et surtout les services. Tout cela entraînant d’énormes gaspillages de transport et de logistique qui participent  au dérèglement climatique et aux bouleversements de la biodiversité. (Exemple la déforestation de pays en voie de développement pour nourrir le bétail des pays développés). Finalement,  le concept de nationalité d’un produit n’a plus beaucoup de sens. Le made in France par exemple est une fiction puisqu’il peut se limiter à l’apposition d’une étiquette ou d’un couverte pour que le produit importé devienne français. Il en est de même par exemple pour l’industrie automobile française  dans la plus grande partie vient de l’étranger. Autre exemple, celui de l’industrie pharmaceutique française, l’une des plus puissantes au monde mais dont plus de 50 % des molécules sont fabriqués en Asie notamment en Chine. Cet éclatement est surtout le fruit de distorsions de concurrence relatives aux coûts sociaux, à la fiscalité et aux normes environnementales et sanitaires. La recomposition du produit final et sa distribution génèrent évidemment des gaspillages incalculables qui affectent l’environnement. Un simple yaourt peut nécessiter par exemple 1000 km de transport. On ne peut nier cependant certains aspects indiscutables du progrès matériel qui a permis à de plus en plus de populations de mieux se nourrir, se vêtir, s’instruire ,  se loger et vivre plus dignement. Par contre si le niveau moyen de satisfaction matérielle a augmenté, on ne peut contester l’augmentation des inégalités. Avec d’un côté des géants industriels, financiers ou des géants du numérique qui non seulement brassent  des milliards de profits   mais surtout imposent  une domination économique et culturelle. Dans l’agriculture,  l’industrialisation a permis de multiplier par 5 ou par 10 les rendements grâce à la mécanisation mais aussi à l’utilisation de cocktails chimiques dont  on ne pourra mesurer les effets sur la santé que dans des dizaines d’années par exemple concernant le développement des affections neurovégétatives ou des cancers. Cette  agriculture chimique a tué 80% des insectes et autant d’espèces animales en quelques dizaines d’années bouleversant aussi la biodiversité. Or les coronavirus par exemple naissent  à 80% parmi les animaux dont les atteintes à environnement empêche l’auto-immunisation d’antan. Concernant les inégalités,  il faut citer l’accès au logement de plus en plus difficile dans les grandes métropoles qui rejette dans les banlieues lointaines ou les zones rurales les catégories les moins favorisés. Ce phénomène de super concentration urbaine n’est pas étranger aux crises sanitaires et environnementales en raison de l’excessive densité des populations. En France par exemple,  les couches moyennes sont progressivement chassées de Paris où il faut en moyenne 1 million d’euros pour un appartement à peu près décent. C’est un peu le même phénomène dans le monde entier ou dans des métropoles françaises de province. Les inégalités se développent aussi en matière de formation même si globalement les effectifs scolarisés augmentent et vont de plus en plus loin dans les études. Des études très approfondies pour certains ( notamment les écoles d’ingénieurs et certaines disciplines universitaires)  mais des études qui débouchent sur des diplômes fictifs pour d’autres condamnés à des emplois de faible qualification ou au chômage, un phénomène particulièrement français qui culturellement pointe l’apprentissage comme une sorte de tare sociale. D’un point de vue social, il n’est pas admissible que des pays développés comptent autant d’inégalités voire de pauvreté sans parler des gens dans la rue. Le domaine culturel est aussi affecté  avec d’un côté des productions de grande qualité mais de l’autre des productions de masse de type industriel faites  pour abêtir, endoctriner ou endormir. Pour s’en persuader, il suffit  d’analyser le contenu des 200 ou 300 chaînes de télévision disponibles en France. La complexité qui mériterait d’être bien davantage appropriée   crée une sorte de refuge vers  l’individualisme. Faute de réassurance identitaire, nombre de personnes se réfugient  dans le mirage d’un passé illusoire avec le fol espoir qu’il  prendra la place du  futur. Ce qui explique aussi les nouvelles résistances face aux flux migratoires considérés comme des facteurs anxiogènes économiques mais aussi culturels. Cela d’autant plus que les capacités d’intégration se sont considérablement affaiblies pour ne pas dire parfois écroulées dans certaines zones   D’où le développement de formes  de populisme  voire de néopoujadisme  et de nationalisme. Une sorte de reflexe  face à la peur des changements. Ce repli réactionnaire et individualiste remet en cause le ciment et le dynamisme qui fonde une n nation ; une  nation dont l’unité est mise en cause également  par le refuge dans des groupes identitaires religieux autant que civils. Un refuge qui peut se même se réduire à la cellule familiale voire encore moins. En bref,  la dimension collective fout le camp sauf dans quelques cercles très restreints. Ceci étant, tout cela se nourrit aussi de l’injustice,  des dysfonctionnements de l’anarchie des marchés et des flux  qui souffrent d’un manque évident de régulation et d’équité ;   Non seulement à  l’échelle européenne mais mondiale. Les facteurs explicatifs de cette crise sont nombreux et complexes, on ne saurait les résumer dans un court papier. Mais la première démarche pour mieux comprendre consisterait d’abord à admettre cette complexité. Cela pour éviter le piège du simplisme qui ne peut conduite qu’à la caricature. Les responsables chacun à leur échelle, tentent  bien de résoudre certains des effets de la crise mais ce sont le plus souvent des actes trop partiels et de court terme là ou il faudrait des orientations plus globales qui s’inscrivent dans le temps. De ce point de vue,  la démocratie en est sans doute encore au stade néandertalien concernant le mode d’élection et les conditions d’exercice du mandat. D’où l’insatisfaction générale et souvent partout dans le monde trop de contradictions entre les intentions affichées et les réalités pouvoir : De quoi nourrir un peu plus le populisme et l’incompréhension de la crise.

Prospective ou utopie: vers l’autonomie alimentaire des villes ?

 

Une interview intéressante de  l’urbaniste Sabine Becker et le chercheur François Rouillay à l’occasion de la sortie de leur livre publié le 11 février intitulé « En route pour l’autonomie alimentaire ». Cependant, le  concept d’agriculture urbaine qu’ils prônent semblent faire l’impasse sur  l’existence des campagnes qui comme les villes structurent notre pays. On ne saurait réduire l’aménagement du territoire aux seules zones fortement agglomérées même entourées  de jardins supposés nourrir la population. Une vision assez réductrice voire caricaturale  de l’aménagement du territoire. Un concept d’agriculture urbaine d’abord utopique ensuite qui légitime une vision concentrationnaire d’un aménagement du territoire sous domination des villes. Une vision assez écolo bobo.  ( Interview dans la Tribune)

 

 

La notion d’autonomie alimentaire, à laquelle vous consacrez votre livre, est de plus en plus souvent évoquée dans le débat public autour de l’alimentation. Qu’est-ce qu’elle désigne?

 

SABINE BECKER et FRANÇOIS ROUILLAY - Liée à la nécessité d’une alimentation respectueuse du vivant, l’autonomie alimentaire renvoie à la perspective d’une « terre d’avenir » sur le territoire: c’est-à-dire d’une terre vivante en capacité de nourrir et maintenir en bonne santé ses enfants. Trois idées sont donc imbriquées dans cette notion: le respect du sol et de la biodiversité, le maintien de la santé, et une alimentation nécessairement locale.

Elle vise à restaurer le lien entre producteurs et mangeurs, qui aujourd’hui est coupé à deux endroits. Les producteurs sont en effet exposés à une concurrence mondialisée. Leurs produits voyagent des centaines, voire des milliers, de kilomètres avant d’atteindre les mangeurs, et sont parfois massivement gaspillés. Les producteurs ne voient donc plus la nourriture au travers du territoire et de leurs habitants, mais des comptes d’exploitation et des marchés. Les consommateurs pour leur part regardent la nourriture par le biais de la publicité, du temps pressé, de leur four à micro-ondes… Ils ne prennent plus le temps de travailler des produits bruts et de rencontrer les producteurs. Ils cherchent une facilité nutritive accentuée par les colorants, les exhausteurs de goût. Il faut donc un changement de regard pour induire un changement de comportement.

 

Quelle est justement l’utilité politique – en entendant le mot « politique » au sens large – de cette notion d’autonomie alimentaire?

Elle peut notamment permettre de transformer positivement les politiques d’aménagement du territoire. Pendant les 50 dernières années, l’étalement urbain a eu lieu au mépris du respect des zones de production de nourriture autour des villes. Les villes, qui auparavant étaient autosuffisantes, dépendent désormais de la chaîne alimentaire mondialisée pour se nourrir. Elles ne disposent plus que de trois jours de stock d’aliments en moyenne. Mais les risques de rupture de cette chaîne mondialisée sont divers: incendies, inondations, conflits sociaux, maladies… On peut donc affirmer que les villes sont aujourd’hui en situation d’insécurité alimentaire.

Les maires des communes ont ainsi la responsabilité politique de prendre des mesures pour assurer la sécurité alimentaire de leurs villes, pour en garantir la résilience en cas de rupture de la chaîne alimentaire, en créant, à côté des zones d’activité économique ou commerciale, des zones d’activité nourricière. Ils n’ont d’ailleurs besoin d’aucune autorisation pour faire cela. Ils peuvent acquérir des terres, comme l’a fait à Val-de-Reuil la Communauté d’agglomération Seine-Eure, afin de développer une agriculture biologique sur 110 hectares situés sur le périmètre de protection de captage de sa ressource en eau. La collectivité a même transformé un ancien bâtiment industriel, de 10.000 mètres carrés, en « pôle alimentaire », où les producteurs commercialisent leurs produits, les conditionnent, partagent des outils agricoles, organisent des cours de cuisine… En un an, cela a permis de recréer les 59 emplois détruits à cause de la fermeture de l’ancienne usine.

 

Tout repose donc sur les épaules des maires?

S’alimenter est l’affaire de tous. La partie se joue donc à quatre: l’apprentissage et l’organisation des 21 actions que nous suggérons dans notre livre réunissent élus locaux, monde économique, paysans et habitants. L’association Réseau Cocagne a par exemple créé 102 fermes biologiques d’insertion et 6 structures agroalimentaires autour de la France. Elles emploient plus de 5.600 personnes et génèrent 16,3 millions d’euros de chiffre d’affaires annuels par la seule vente de légumes. A Amiens et Bayonne, les habitants retournent le gazon des HLM pour y construire des potagers.

La transition alimentaire implique d’ailleurs la transition agricole. Et dans cette transition les paysans, qui aujourd’hui vivent une crise terrible, doivent être accompagnés. Les structures de maraîchage du futur seront participatives et écologiques. C’est déjà le cas au Québec, ou des communautés de communes achètent des terres et y emploient des formateurs qui apprennent aux enfants, aux personnes en insertion, aux citoyens, à cultiver, conserver et cuisiner les produits.

Mais l’agriculture urbaine peut-elle vraiment nourrir les villes dans un monde de plus en plus urbanisé et où la population ne cesse de croître?

Afin d’assurer l’autonomie alimentaire des villes il faut inclure le territoire autour, celui compris dans un rayon permettant de les approvisionner en une heure. Et déjà aujourd’hui, 75% de la production agricole mondiale vient de petites exploitations.

Mais le développement de nouvelles techniques de régénération végétale permet désormais d’augmenter significativement la productivité de l’agriculture urbaine, et donc de mener des expériences de production intéressantes sur de petites surfaces, de mettre à profit les interstices cultivables. Des chercheurs à Rennes ont ainsi constaté que l’agriculture urbaine peut apporter beaucoup à l’autonomie alimentaire des villes, en permettant de réduire le périmètre d’approvisionnement. Sans compter ses autres atouts: l’éducation, la réduction des pollutions, la régénération des sols.

Cette autonomie alimentaire peut-elle coexister avec une économie mondialisée?

Oui, mais elle représente un monde séparé, fondé non plus sur la compétition, les marchés, les valeurs monétaires, mais sur le partage, la coopération, la proximité, le respect du vivant. Il s’agit tout d’abord de débrancher de la prise de la mondialisation, en se nourrissant sobrement. Ensuite, l’apprentissage de l’autonomie et de la coopération peut inspirer la mise en place d’autres biens, services, voire de systèmes monétaires locaux. Le partage créé l’abondance. Alors, les vents des marchés et de la finance peuvent passer au-dessus de ce monde sans impact.

À la veille des municipales, trouvez-vous que les Français sont demandeurs d’une telle transition?

Cela fait des années que nous suivons ces thématiques Et depuis quelques mois, nous avons constaté un véritable bond dans l’intérêt qu’elles suscitent. Deux thèmes reviennent en force dans quasiment tous les débats locaux en vue des municipales: l’environnement et l’alimentation.

Ces mêmes Français vous semblent-ils prêts à faire les sacrifices impliqués par l’autonomie alimentaire?

Toute transition conduit nécessairement à faire des choix. Retrouver le lien avec le sol et l’assiette demande de travailler davantage au profit du vivre ensemble que de la productivité. Et au départ, il y a certes un acte de courage, inhérent à la prise de conscience individuelle et collective de la nécessité d’un changement de cap. Mais les « sacrifices » demandés par le parcours de l’autonomie alimentaire ne sont pas si importants: on peut bien se passer de café ou de bananes… Il nous rend d’ailleurs en retour d’autres formes de confort, en dessinant des territoires où les gens ont envie de s’installer car la qualité de vie y est meilleure.

 Crise climatique : un coût  15.000 milliards de dollars d’ici 2050

D’après  étude  de WWF, d’ici 2050,si  rien n’est fait pour endiguer le déclin de la nature, la crise  pourrait se chiffrer à au moins 479 milliards de dollars par an en termes de PIB mondial, soit près de 15. 000 milliards d’ici à 2050. C’est ce que révèle cette étude menée dans 140 pays en collaboration avec les experts des universités américaines de Purdue et du Minnesota. Un travail de deux ans de recherche et de développement grâce à la contribution inédite de scientifiques, économistes et experts politiques du monde entier.

En revanche, des efforts ambitieux pour protéger et restaurer la nature amélioreront considérablement les résultats économiques. Il est encore possible d’inverser la tendance, avec une meilleure utilisation des terres et en préservant mieux les écosystèmes et la biodiversité», stipule le rapport. Les experts évaluent une augmentation du PIB mondial à 490 milliards de dollars par an si les États se tournent vers ces systèmes plus durables et conservent «les services écosystémiques des milieux naturels».

Les plus importantes pertes économiques – 327 milliards de dollars par an – seraient dues à l’érosion des côtes..

Les autres services fournis par la nature seront également durement impactés si rien n’est fait. Le rapport chiffre les pertes inhérentes à la déforestation à 128 milliards de dollars: avec des forêts réduites à peau de chagrin, c’est tout autant d’arbres qui n’aspirent pas de CO2 et ne joueront donc plus leur rôle naturel de réducteur de carbone. Les secteurs alimentaires et agricoles pourraient eux, connaître «des hausses de prix pour des produits comme le bois (+8%), le coton (6%), les graines oléagineuses (+4%) ou encore les fruits et les légumes (+3%)». Une montée des prix vertigineuse qui s’explique par la raréfaction de l’eau (quatre personnes sur dix en souffrent déjà dans le monde selon l’ONU), et la disparition des insectes pollinisateurs.

Transports gratuits: un champ d’expérimentation à suivre

 

Une véritable révolution en matière de transport au Luxembourg ( ailleurs aussi y compris dans quelques villes en France). . Ces derniers deviennent gratuits au Luxembourg pour le train le bus ou le tram. L’objectif est d’opérer un transfert modal significatif. Les transports collectifs sont en effet moins utilisé qu’ailleurs par exemple à Paris où 70 à 80 % des déplacements domicile travail sont effectuées via  les transports publics. Cette mesure sera à suivre de près car il y a aujourd’hui deux camps assez opposés en matière de développement des transports publics. Ceux qui prétendent qu’il convient de maintenir une tarification ne serait-ce que pour que l’usager prenne conscience du coût en tout cas d’une partie et ceux  qui sont pour une mesure plus radicale de gratuité. De toute manière,  il y a forcément un cou qui d’ailleurs est très peu couvert par l’usager puisqu’une grande partie est supportée par l’impôt notamment local. Il y a aussi le coup de perception de la tarification qui quelquefois est proche du prix payé par le voyageur.

Quelque 40 % des ménages utilisent les transports publics au Luxembourg et la gratuité, vantée par le gouvernement comme « une mesure sociale », représentera une économie estimée à environ 100 euros en moyenne par foyer et par an.

 

Pour le ministre chargé de la mobilité, l’écologiste François Bausch, « il faut vraiment changer le système »« Partout dans le monde, on doit faire le même constat : la mobilité, telle qu’elle est organisée aujourd’hui, est un échec : des embouteillages partout, l’espace urbain ne fonctionne plus, au niveau rural les gens sont délaissés », a-t-il expliqué samedi à l’AFP. Les embouteillages sont fréquents dans ce petit pays prospère de 610 000 habitants où la voiture est reine. Quelque 47 % des déplacements professionnels y sont effectués par ce moyen.

Le bus n’est utilisé que pour 32 % des déplacements pour se rendre au travail, devant le train (19 %). A titre de comparaison, à Paris, près de 70 % des travailleurs empruntent les transports publics.

Quelque 200 000 transfrontaliers rejoignent, en outre, quotidiennement le Luxembourg pour y travailler, dont 100 000 en provenance du Grand-Est. Les frontaliers représentent près d’un salarié sur deux. Tout comme la population résidente, ils utilisent majoritairement la voiture.

Prospective -«Une agriculture compétitive pour nourrir la France et la planète.» ou le triomphe de la confusion !

Prospective -«Une agriculture compétitive pour nourrir la France et la planète.» ou  le triomphe de la confusion !

 

 

 

Une tribune dans l’opinion de Sylvie Brunel, géographe, professeur à Sorbonne Université, mérite la lecture car elle caractérise les contradictions voilées de l’approche de certaines  élites politiques , institutionnelles voir intellectuelles  vis-à-vis d’une agriculture française à bout de souffle. Pour éviter d’avoir à dégager les principaux enjeux, on brosse l’agriculture dans le sens du poil en mélangeant habilement les problématiques, les banalités  et les contradictions. Pour donner un   caractère de vraisemblance à ce qui incohérent, on multiplie les évidences voire les propos de bistrot . Une approche très confuse d’inspiration macronnienne sans doute   ( Tribune dans l’Opinion)

« Nos agriculteurs tiennent notre avenir entre leurs mains. Ils maîtrisent les techniques les plus avancées pour adapter les territoires au changement climatique, capter le carbone, entretenir la biodiversité, protéger les sols. Et surtout nous nourrir ! La France fait partie du top ten des grands exportateurs agricoles, alors que plus de 150 pays dans le monde sont incapables de se nourrir. Nous devrions être reconnaissants à nos paysans de tout mettre en œuvre pour nous protéger malgré nous de maux que nous avons oubliés : la pénurie, les contaminations.

La pression parasitaire croissante, les virus et les maladies émergentes, les invasions de criquets en Afrique de l’Est nous rappellent que sans leur vigilance, les pires pestes nous menacent. Que santé humaine, santé végétale et santé animale ne font qu’un. Nos agriculteurs appliquent des protocoles d’une grande rigueur pour nous fournir les aliments les plus beaux, sains, variés. Et à un prix abordable, quand 9 millions de personnes en France, et près d’un milliard dans le monde, souffrent toujours de la pauvreté. Pour les classes moyennes mondiales, qui s’accroissent chaque année de près de 200 millions de personnes, France rime avec excellence. Pas seulement la gastronomie et les vins, mais les céréales, les semences, laitages, pommes… Tout un savoir-faire et des garanties de sécurité sanitaire.

 

Pourtant, combien d’entre nous, y compris parmi les plus éduqués, conspuent sans les connaître ceux qui nous nourrissent, en qualifiant d’agriculture « industrielle » ou « productiviste » ce qui n’est qu’une agriculture compétitive ! Il faut être compétitif pour faire face aux grands enjeux écologiques, grâce à des outils d’aide à la décision, de la cartographie satellitaire des parcelles, des analyses permettant de ne traiter qu’en dernier recours – la bonne dose au bon moment, pile sur le plant. Le paysan est le premier des écologistes : la nature est son cadre de vie et son outil de travail. La préserver est devenu sa priorité.

Il ne faut pas pour autant le confondre avec un jardinier. Vouloir renvoyer nos paysans à la pénibilité, à des modèles où l’on travaille beaucoup sans compter ses heures, où l’on produit cher et peu, à grand renfort de financements publics ou avec le soutien enthousiaste de restaurateurs étoilés, ne peut pas être une option : il faut nourrir les villes. Le bio, les circuits courts ont toute leur place, mais les généraliser serait un drame pour notre économie, pour notre indépendance alimentaire et pour les producteurs bios, déjà exposés aujourd’hui à la guerre des prix et aux importations déloyales.

Alors associons les agricultures au lieu de les opposer. Et souvenons-nous que c’est d’abord le « conventionnel » (mot insupportable, comme « pesticides ») qui nous nourrit et exporte. La troisième révolution agricole est engagée : l’agriculteur d’aujourd’hui doit tout concilier, l’agronomie et l’écologie, la productivité et la propreté, les paysages… Et la performance : à nos portes se trouvent des pays structurellement déficitaires, où le prix de la nourriture conditionne la paix sociale. La faim engendre les révolutions, la guerre, les migrations. La France doit conserver sa mission nourricière !

Soyons fiers de notre agriculture de précision, qui a toutes les solutions. Marcher pour le climat ? Marchons pour l’agriculture ! Et respectons ceux qui nous nourrissent. »

 

Prospective- L’économie ne se réduit pas aux start-ups (Fabrice Le Saché)

Prospective- L’économie ne se réduit pas aux start-ups (Fabrice Le Saché) 

 

Ce que rappelle à juste titre le vice-président du Medef, Fabrice Le Saché. En effet la mode vise à réduire l’ensemble de l’économie au développement des start-up et des licornes spécialisées dans le numérique. Or l’enjeu est sans doute encore plus important s’il s’agit de faire pénétrer davantage le numérique dans les entreprises traditionnelles. À noter que le vice président du Medef souligne aussi les inégalités des réseaux numériques dans le pays et pose finalement la question de l’aménagement du territoire et de la désertification de certaines zones

« Le numérique d’une façon générale provoque un basculement de l’économie traditionnelle vers une économie dématérialisée. Mais ces deux économies ne sont pas antinomiques. Le numérique est un prolongement de l’économie traditionnelle et doit venir en appui. On ne peut pas ignorer que beaucoup d’entreprises sont des pure players et disposent donc de plus d’agilité. Comme on ne peut pas ignorer que pour certaines entreprises traditionnelles, le numérique soit plus complexe« , pointe le vice-président du MEDEF.

Qui du coup embraye sur l’aspect encadrement législatif. Le sujet fait débat, taxation des GAFA en première ligne. « Les règles qui sont fondées sur une économie physique ont du mal à évoluer pour s’adapter à une économie numérique. Parfois même, elles créent des distorsions de concurrence. Or nous avons besoin des deux économies, nous avons besoin qu’elles s’appuient mutuellement« . Donc, « pour éviter cette distorsion, nous avons besoin que le législateur trouve un point d’équilibre« , afin d’éviter que les uns soient soumis à des charges fiscales quand ce n’est pas le cas pour les autres, une réactivité dans la remise à l’équilibre législatif qui doit être maximale.

Mais ce que dit surtout Fabrice Le Saché, c’est « qu’au-delà de toutes règles de concurrence saines et loyales, la transition numérique doit toucher tous les territoires et tous les types d’entreprises« . Certes, les « startups constituent une force pour le pays, mais cette élite numérique n’est pas l’alpha et l’omega. Au MEDEF, nous regardons aussi ce qu’il se passe dans les TPE/PME, dans les ETI et les régions« . Des entreprises – de taille, face à des croissances diverses mais qui parfois ont un point commun, celui de ne pas aller vers cette transition. « Certaines entreprises sont en retard car elles font face à des problèmes de marge, liés à une fiscalité qui représente tout de même un niveau de prélèvement le plus élevé d’Europe ». Et de rajouter que par exemple « l’industrie 4.0 ne se fait pas en un claquement de doigts, l’intelligence artificielle, les données à valoriser… tout cela coûte« .

A cela, s’ajoute la problématique de la fracture numérique, tous les territoires n’étant pas égaux face aux infrastructures de débit. Ce qui empêche bien sûr certaines entreprises installées dans ces territoires dépourvus, de basculer pleinement vers le numérique.

Société-La démocratie à l’ère néandertalienne ( Gaston Bessay, expert en prospective)

Société-La   démocratie à l’ère néandertalienne ( Gaston Bessay, expert en prospective)

 

Il est clair que les démocraties connaissent une crise existentielle relativement inquiétante quand cela  conduit au repli nationaliste sur le plan économique, social et culturel. Tous les conflits, toutes les guerres ont commencé de cette manière. La crise est double, à la fois économique mais aussi identitaire avec une interaction entre ces deux facteurs explicatifs. Le rétrécissement géographique ne peut évidemment constituer une perspective d’évolution sociétale. Pourtant certains prônent un retour au nationalisme et réussissent même à se faire élire sur cette promesse illusoire et dangereuse. En cause sans doute, l’incapacité des citoyens et des populations à comprendre les évolutions économiques, technologiques, sociales et culturelles. Des évolutions d’ordre systémique et qui affectent  l’ensemble de la planète. Malheureusement cette incapacité concerne  aussi une grande partie des classes dirigeantes organisées en oligarchie et dont l’accès au pouvoir prime et de loin sur l’objet même du mandat qui devrait normalement exclusivement viser le service de l’intérêt général. Il faut dire que les transformations de tous ordres constituent des éléments anxiogènes pour une grande partie des populations et nourrissent la mélancolie d’un passé supposé meilleur qu’aujourd’hui voire du déclinisme. La frilosité voire  le refus du changement peut se comprendre dans la mesure où nos sociétés ont connu davantage de changements en une cinquantaine d’années que pendant des siècles et des millénaires. En outre,  le processus d’évolution s’est encore accéléré au cours des 10 à 20 dernières années. Sur le plan économique,  les changements affectent à la fois la nature des biens mais aussi leur mode de production et de distribution. Témoin, l’évolution des populations actives. En 1800 l’agriculture occupée 75 % des Français, en 1900 autour de 40 %, en 1970, 10 %, aujourd’hui moins de 4 %. Pour l’industrie dans les années 50, le secteur occupait  environ 40 % de la population, aujourd’hui en France c’est environ 10 %. Par contre les services se sont considérablement développés pour représenter à peu près 80 % des emplois aujourd’hui. Des mutations qui bouleversent évidemment les activités, les qualifications les emplois aussi leur localisation.- D’une certaine façon, l’économie s’est à la fois dématérialisée et internationalisée avec des processus de production et de distribution de plus en plus complexes à telle enseigne qu’il est bien difficile de savoir quelles sont les produits réellement français tellement sont imbriquées les éléments des modes de production. L’autre facteur explicatif marquant lié aux autres est l’émergence des pays en développement dont beaucoup étaient condamnés à la quasi famine il y a une cinquantaine d’années et qui commencent à accéder à des niveaux de vie plus décents. Des pays qui deviennent parfois concurrents et qui contraignent les anciens pays occidentaux à se  spécialiser  sur des productions à plus forte valeur ajoutée. Des pays concurrents mais aussi clients qui achètent les biens de l’industrie aéronautique, spatiale, navale, automobile, ferroviaire, nucléaire ou encore du BTP et de l’armement. Progressivement, ces pays s’approprient aussi certaines techniques ce qui contraint les pays occidentaux à de nouveaux progrès technologiques. Finalement, ces échanges internationaux participent du progrès économique et social global sous réserve toutefois que les balances commerciales soient équilibrées, ce qui est loin d’être le cas pour la France dont la balance des échanges de biens est dramatiquement dans le rouge. Cela en raison des rigidités structurelles propres au pays. Notons aussi que la financiarisation des économies a largement déplacé les centres de décision et de répartition des richesses. Des mutations qui ont cependant permis un accès beaucoup plus large à des produits et services qui satisfont de nouveaux besoins. Même si on peut –et-on doit- contester l’utilité de certains produits ou de leurs conditions de production et d’utilisation qui portent atteinte à la santé et à l’environnement.  Pour l’avenir, 50 % des  emplois pourraient être supprimés ou transformés dans les 30 ans mais en même temps à peu près la moitié des nouveaux produits et services sont aujourd’hui inconnus. Face à toutes ces mutations, trois  grandes perspectives politiques émergent, soit le laisser aller qui laisse au seul marché le soin de réguler, soit le repli sur les frontières intérieures, soit une régulation qui prenne en compte la dynamique des marchés en même temps que l’intérêt général. Un dernier équilibre particulièrement difficile à trouver qui exige une grande compétence économique, aussi du courage. Il faudrait évidemment développer de manière autrement plus complète les phénomènes décrits précédemment. Du coup faute de compréhension, les populations fragilisées se réfugient  dans les discours démagogiques, simplistes, nationalistes voire xénophobes. Dernier exemple en date en Grande-Bretagne avec le vote du Brexit, celui de l’élection de Trump ou la popularité de Poutine en Russie ,  pays pourtant en pleine crise socio économique. En face de ces changements, la démocratie a peu évolué. Elle se réduit essentiellement au dépôt d’un bulletin de vote tous les quatre à cinq ans. Le plus souvent les prétendants au pouvoir ne peuvent évidemment mettre en œuvre leurs programmes démagogiques , ce qui nourrit la défiance de l’opinion vis-à-vis des systèmes politiques mais une opinion qui se rabat alors sur les candidats les plus protestataires  aux programmes les plus  illusoires engendrant à leur tour de nouvelles désillusions quand ces candidats sont élus. Il est clair qu’une autre forme de démocratie caractérisée par son interactivité reste à mettre en œuvre pour être en adéquation avec l’ampleur des bouleversements en cours et le rythme des changements. Or depuis un siècle les modalités de cette démocratie n’ont pas bougé d’un iota face aux mutations économiques, sociales, environnementales et plus généralement sociétales. La monarchie républicaine constitue le modèle de référence avec sa déclinaison dans les baronnies locales. D’une certaine manière la démocratie demeure à l’ère  néandertalienne.

 

Prospective- Vers une stagnation de la croissance (Laurence Boone , OCDE)

Prospective- Vers une stagnation de la croissance   (Laurence Boone , OCDE)

 

 

La dette, l’atonie de la demande ou les tensions commerciales vont faire stagner la croissance d’après la chef économiste de l’OCDE. En outre des facteurs géopolitiques pourraient venir faire émerger le risque de récession . ( Interview la Tribune)

 

Existe-t-il un risque de récession ?

Nous projetons une stagnation de la croissance en 2020 et 2021, puisque celle-ci serait de 2,9 % l’an prochain comme cette année et 3 % l’année suivante. Ce sont les taux les plus faibles depuis la crise financière, et les risques sont nombreux. Par exemple, il y a un large volume de dettes d’entreprises sur les marchés qui pourraient souffrir de ce ralentissement prolongé de la croissance, et dont un défaut pourrait entraîner des ventes massives. Il y a également une résurgence de produits structurés, dont le montage rappelle ceux de l’avant-crise, aux États-Unis notamment. Un ralentissement accru ou plus brutal de la Chine pèserait sur la croissance mondiale. Des tensions géopolitiques pourraient s’aggraver. Enfin, même en année électorale américaine, on ne peut exclure une résurgence des tensions commerciales.

Comment les prévisions macroéconomiques de l’OCDE ont-elles évolué pour les années 2020 et 2021 ?

Nous pensons maintenant que le ralentissement est aussi bien structurel – avec des facteurs touchant aux fondamentaux économiques de long terme – que cyclique. Au-delà du ralentissement et du rééquilibrage de la croissance en Chine, qui sont là pour longtemps, il y a les défis posés par la transformation numérique, l’urgence accrue du changement climatique et l’anxiété suscitée par les mutations du marché du travail, qui est parfois à l’origine de ce repli sur l’économie domestique. Ces facteurs sont structurels et ne peuvent être résolus avec des taux d’intérêt plus bas ou un stimulus budgétaire (du moins, pas seulement). Ils affectent les conditions de développement des entreprises, la nature et le nombre des emplois. Ils vont demander une réponse forte et active des politiques économiques. C’est ainsi que, pour la première fois dans nos prévisions, nous avons mis l’accent sur le changement climatique et les réponses à y apporter.

Quels seront les grands défis pour l’économie internationale en 2020 ?

Il s’agit, d’une part, de recréer de la confiance, un environnement plus prévisible pour les entreprises, et, d’autre part, de lancer et de bâtir les conditions d’un rebond de l’investissement, public comme privé. Pour retrouver la confiance, l’OCDE agit sur deux fronts : elle accroît la transparence en matière commerciale et elle œuvre à un nouveau système de taxation internationale, pour que chaque entreprise paie sa part juste d’impôts sur le territoire où elle réalise des profits.

Pour l’investissement, nous recommandons de créer des fonds d’investissement publics destinés aux transitions numérique et énergétique. Ces fonds doivent servir notamment à financer les infrastructures comme les autoroutes de l’information, les réseaux de distribution d’électricité indispensables au déploiement du renouvelable, et à soutenir des projets innovants dans ces deux secteurs. La gouvernance doit être rigoureuse, car il s’agit d’argent public. Il faut que cela soit contrôlé par le parlement lors du processus budgétaire tout en préservant des conditions de concurrence saine entre les entreprises, car c’est de là que vient l’innovation. On peut s’inspirer de l’agence Darpa du département de la Défense aux États-Unis, ou des PIA (programmes d’investissement d’avenir) à la française.

Quels seraient les principaux leviers à activer pour répondre à l’urgence climatique ?

Il y a plusieurs types d’instruments, dont on doit prendre en compte l’impact redistributif, c’est-à-dire notamment les effets sur les emplois, et le coût pour les ménages et les PME les plus exposées. Prenons le prix du carbone : des régions comme la Colombie-Britannique (Canada) ont réussi à l’augmenter progressivement, mais en redistribuant les recettes aux personnes et aux entreprises les plus affectées. Ainsi, on modifie leur comportement, sans les pénaliser financièrement ou dans leur quotidien. On peut également inciter les investisseurs à diriger leurs fonds vers des financements verts avec la régulation ou des tests qui mettent en évidence à quel point leurs revenus seraient menacés par des chutes de prix d’actifs, comme les actions dans des entreprises d’énergie fossile. Enfin, des investissements publics demeurent nécessaires, comme vient de le souligner la Commission européenne avec la publication de son « Green Deal ».

Les banques centrales (FED, BCE) ont-elles encore des marges de manœuvre pour répondre au ralentissement ? Les taux bas représentent-ils une menace ou une opportunité ?

Les banques centrales ont toujours des marges de manœuvre, la question à se poser est de savoir si les défis que l’on vient d’évoquer relèvent bien du domaine des banques centrales. La réponse est : « Pas vraiment. » En revanche, elles ont lancé le signal qu’elles maintiendraient des taux bas longtemps, ce qui permet d’avoir de la visibilité pour financer les investissements et effectuer des réformes qui, parfois, peuvent avoir un effet transitoire négatif. Profitons-en. Quant à la question d’une « menace », laissez-moi soulever deux points. D’une part, les politiques macroprudentielles et la supervision doivent contrôler et corriger les risques financiers plus que la politique monétaire. D’autre part, la majorité des récessions ont été déclenchées par des hausses de taux. Mais l’économie mondiale n’est pas suffisamment solide pour que les taux remontent tant que la politique budgétaire ne reprendra pas le relais de façon structurée et significative.

Les États disposent-ils encore de marges de manœuvre budgétaires ?

Les positions varient d’un pays à l’autre. Il y a des moyens d’agir pour ceux qui ont une dette élevée : s’attaquer à la composition des dépenses et vérifier que l’argent est utilisé au mieux pour la croissance et le bien être. Trop souvent, les dépenses ont été empilées sans véritable évaluation au cours du temps et ne touchent plus ni les populations qui en ont le plus besoin, ni les investissements qui sont les plus nécessaires

 

Prospective-les enjeux économiques ne se réduisent pas aux startups (Fabrice Le Saché, Medef)

Prospective-les enjeux économiques ne se réduisent  pas aux startups (Fabrice Le Saché, Medef) 

 

Un  rappel utile au réel   de la part du   vice-président du Medef, Fabrice Le Saché. En effet, la mode vise à réduire l’ensemble de l’économie au développement des start-up et des licornes spécialisées dans le numérique. Or l’enjeu est sans doute encore plus important s’il s’agit de faire pénétrer davantage le numérique dans les entreprises traditionnelles. À noter que le vice président du Medef souligne aussi les inégalités des réseaux numériques dans le pays et pose finalement la question de l’aménagement du territoire et de la désertification de certaines zones

« Le numérique d’une façon générale provoque un basculement de l’économie traditionnelle vers une économie dématérialisée. Mais ces deux économies ne sont pas antinomiques. Le numérique est un prolongement de l’économie traditionnelle et doit venir en appui. On ne peut pas ignorer que beaucoup d’entreprises sont des pure players et disposent donc de plus d’agilité. Comme on ne peut pas ignorer que pour certaines entreprises traditionnelles, le numérique soit plus complexe« , pointe le vice-président du MEDEF.

Qui du coup embraye sur l’aspect encadrement législatif. Le sujet fait débat, taxation des GAFA en première ligne. « Les règles qui sont fondées sur une économie physique ont du mal à évoluer pour s’adapter à une économie numérique. Parfois même, elles créent des distorsions de concurrence. Or nous avons besoin des deux économies, nous avons besoin qu’elles s’appuient mutuellement« . Donc, « pour éviter cette distorsion, nous avons besoin que le législateur trouve un point d’équilibre« , afin d’éviter que les uns soient soumis à des charges fiscales quand ce n’est pas le cas pour les autres, une réactivité dans la remise à l’équilibre législatif qui doit être maximale.

Mais ce que dit surtout Fabrice Le Saché, c’est « qu’au-delà de toutes règles de concurrence saines et loyales, la transition numérique doit toucher tous les territoires et tous les types d’entreprises« . Certes, les « startups constituent une force pour le pays, mais cette élite numérique n’est pas l’alpha et l’omega. Au MEDEF, nous regardons aussi ce qu’il se passe dans les TPE/PME, dans les ETI et les régions« . Des entreprises – de taille, face à des croissances diverses mais qui parfois ont un point commun, celui de ne pas aller vers cette transition. « Certaines entreprises sont en retard car elles font face à des problèmes de marge, liés à une fiscalité qui représente tout de même un niveau de prélèvement le plus élevé d’Europe ». Et de rajouter que par exemple « l’industrie 4.0 ne se fait pas en un claquement de doigts, l’intelligence artificielle, les données à valoriser… tout cela coûte« .

A cela, s’ajoute la problématique de la fracture numérique, tous les territoires n’étant pas égaux face aux infrastructures de débit. Ce qui empêche bien sûr certaines entreprises installées dans ces territoires dépourvus, de basculer pleinement vers le numérique.

 

Essayer de comprendre la crise économique et sociétale (G. Bessay, expert en prospective)

Essayer de  comprendre la  crise économique et sociétale  (G. Bessay, expert en prospective)

Rien de fondamental ne pourra être résolu sans adhésion  à la complexité de la crise qui est à la fois une crise, économique, sociétale, environnementale et culturelle. Les aspects socio-économiques sont les plus visibles (processus de production, marché du travail, technologie etc.) mais la crise est tout autant sociétale dans la mesure où elle affecte le rapport des citoyens à la démocratie et plus généralement aux valeurs notamment collectives.  Cette crise est systémique car  les transformations internes interagissent les unes sur les autres. Un des problèmes réside dans le fait qu’il n’existe pas de formation scientifique de type généraliste pour tenter de comprendre et d’expliquer les évolutions du système global dans lequel nous évoluons. D’une certaine façon au contraire,  nous assistons à un éclatement des connaissances qui certes s’approfondissent de façon spectaculaire mais de manière de plus en plus éclatée ; même si certaines découvertes d’un champ peuvent indiscutablement profiter à un autre. Ce qui est en cause, c’est  la nature des changements et aussi leur rythme. Jamais sans doute dans l’histoire humaine les transformations n’ont été aussi importantes et aussi rapides. Les changements ont été plus importants en quelques dizaines d’années que pendant des siècles et des millénaires, ils ont été encore plus rapides au cours de la dernière dizaine d’années. Les changements les plus médiatisées et les mieux connus du grand public concernent les domaines économiques et technologiques  avec leurs conséquences sociales. Les processus de production sont aujourd’hui complètement éclatés dans plusieurs pays qui se spécialisent sur un des éléments de la chaîne. Les grandes marques  se contentent  surtout du montage final voire  seulement du pilotage numérique de l’ensemble du système de production. C’est  valable d’abord évidemment pour l’industrie, mais cela affecte progressivement l’agriculture et surtout les services.

Finalement,  le concept de nationalité d’un produit n’a plus beaucoup de sens. Le made in France par exemple est une fiction puisqu’il peut se limiter à l’apposition d’une étiquette ou d’un couvercle pour que le produit importé devienne français. Il en est de même par exemple pour l’industrie automobile française  dont la plus grande partie vient de l’étranger. Cet éclatement est surtout le fruit de distorsions de concurrence relatives aux coûts sociaux, à la fiscalité et aux normes environnementales et sanitaires. La recomposition du produit final et sa distribution génèrent évidemment des gaspillages incalculables qui affectent l’environnement. Un simple yaourt peut nécessiter par exemple 1000 km de transport. On ne peut nier cependant certains aspects indiscutables du progrès matériel qui a permis à de plus en plus de populations de mieux se nourrir, se vêtir, s’instruire ,  se loger et vivre plus dignement. Par contre si le niveau moyen de satisfaction matérielle a augmenté, on ne peut contester l’augmentation des inégalités. Avec d’un côté des géants industriels, financiers ou des géants du numérique qui non seulement brassent  des milliards de profits   mais surtout imposent  une domination économique et culturelle. Dans l’agriculture,  l’industrialisation a permis de multiplier par 5 ou par 10 les rendements grâce à la mécanisation mais aussi à l’utilisation de cocktails chimiques dont  on ne pourra mesurer les effets sur la santé que dans des dizaines d’années par exemple concernant le développement des affections neurovégétatives ou des cancers.

Concernant les inégalités,  il faut citer l’accès au logement de plus en plus difficile dans les grandes métropoles qui rejette dans les banlieues lointaines ou les zones rurales les catégories les moins favorisés ( phénomène notamment de gentrification). En France par exemple,  les couches moyennes sont progressivement chassées de Paris où il faut en moyenne 1 million d’euros pour un appartement à peu près décent. C’est un peu le même phénomène dans le monde entier ou dans des métropoles françaises de province. Les inégalités se développent aussi en matière de formation même si globalement les effectifs scolarisés augmentent et vont de plus en plus loin dans les études. Des études très approfondies pour certains ( notamment les écoles d’ingénieurs et certaines disciplines universitaires)  mais des études qui débouchent sur des diplômes fictifs pour d’autres condamnés à des emplois de faible qualification ou au chômage, un phénomène particulièrement français qui culturellement pointe l’apprentissage comme une sorte de tare sociale. D’un point de vue social, il n’est pas admissible que des pays développés comptent autant d’inégalités voire de pauvreté sans parler des gens dans la rue. Le domaine culturel est aussi affecté  avec d’un côté des productions de grande qualité mais de l’autre des productions de masse de type industriel faites  pour abêtir, endoctriner ou endormir. Pour s’en persuader, il suffit  d’analyser le contenu des 200 ou 300 chaînes de télévision disponibles en France. La complexité qui mériterait d’être bien davantage appropriée   crée une sorte de refuge vers  l’individualisme. Faute de réassurance identitaire, nombre de personnes se réfugient  dans le mirage d’un passé illusoire avec le fol espoir qu’il  prendra la place du  futur. Ce qui explique aussi les nouvelles résistances face aux flux migratoires considérés comme des facteurs anxiogènes économiques mais aussi culturels. Cela d’autant plus que les capacités d’intégration se sont considérablement affaiblies pour ne pas dire parfois écroulées dans certaines zones   D’où le développement de formes  de populisme  voire de néopoujadisme  et de nationalisme. Une sorte de reflexe  face à la peur des changements. Ce repli réactionnaire et individualiste remet en cause le ciment et le dynamisme qui fonde une nation ; une  nation dont l’unité est mise en cause également  par le refuge dans des groupes identitaires religieux autant que civils. Un refuge qui peut se même se réduire à la cellule familiale voire encore moins. En bref,  la dimension collective fout le camp sauf dans quelques cercles très restreints.

Ceci étant, tout cela se nourrit aussi de l’injustice,  des dysfonctionnements de l’anarchie des marchés et des flux  qui souffrent d’un manque évident de régulation et d’équité ;   Non seulement à  l’échelle européenne mais mondiale. Les facteurs explicatifs de cette crise sont nombreux et complexes, on ne saurait les résumer dans un court papier. Mais la première démarche pour mieux comprendre consisterait d’abord à admettre cette complexité. Cela pour éviter le piège du simplisme qui ne peut conduite qu’à la caricature. Les responsables chacun à leur échelle, tentent  bien de résoudre certains des effets de la crise mais ce sont le plus souvent des actes trop partiels et de court terme là ou il faudrait des orientations plus globales qui s’inscrivent dans le temps. De ce point de vue,  la démocratie en est sans doute encore au stade néandertalien concernant le mode d’élection et les conditions d’exercice du mandat. D’où l’insatisfaction générale et souvent partout dans le monde trop de contradictions entre les intentions affichées et les réalités pouvoir.  De quoi nourrir un peu plus le populisme et l’incompréhension de la crise.

Crise économique, sociale et sociétale : admettre la complexité de la problématique (G. Bessay, expert en prospective)

Crise économique, sociale et sociétale : admettre la complexité de la problématique (G. Bessay, expert en prospective)

 

Rien de fondamental ne pourra être résolu sans adhésion  à la complexité de la crise. Une crise, économique, sociétale, environnementale et culturelle. Une sorte de crise systémique où les transformations internes interagissent les unes sur les autres. Un des problèmes réside dans le fait qu’il n’existe pas de formation scientifique de type généraliste pour tenter de comprendre et d’expliquer les évolutions du système global dans lequel nous évoluons. D’une certaine façon au contraire,  nous assistons à un éclatement des connaissances qui certes s’approfondissent de façon spectaculaire mais de manière de plus en plus éclatée ; même si certaines découvertes d’un champ peuvent profiter à un autre. Ce qui est en cause, c’est  la nature des changements et aussi leur rythme. Jamais sans doute dans l’histoire humaine les transformations n’ont été aussi importantes et aussi rapides. Les changements ont été plus importants en quelques dizaines d’années que pendant des siècles et des millénaires, ils ont été encore plus rapides au cours de la dernière dizaine d’années. Les changements les plus médiatisées et les mieux connus du grand public concernent les domaines économiques et technologiques  avec leurs conséquences sociales. Les processus de production sont aujourd’hui complètement éclatés dans plusieurs pays qui se spécialisent sur un des éléments de la chaîne. Les grandes marques  se contentent  surtout du montage final voire  seulement du pilotage numérique de l’ensemble du système de production. C’est  valable d’abord évidemment pour l’industrie, mais cela affecte progressivement l’agriculture et surtout les services. Finalement,  le concept de nationalité d’un produit n’a plus beaucoup de sens. Le made in France par exemple est une fiction puisqu’il peut se limiter à l’apposition d’une étiquette ou d’un couverte pour que le produit importé devienne français. Il en est de même par exemple pour l’industrie automobile française  dans la plus grande partie vient de l’étranger. Cet éclatement est surtout le fruit de distorsions de concurrence relatives aux coûts sociaux, à la fiscalité et aux normes environnementales et sanitaires. La recomposition du produit final et sa distribution génèrent évidemment des gaspillages incalculables qui affectent l’environnement. Un simple yaourt peut nécessiter par exemple 1000 km de transport. On ne peut nier cependant certains aspects indiscutables du progrès matériel qui a permis à de plus en plus de populations de mieux se nourrir, se vêtir, s’instruire ,  se loger et vivre plus dignement. Par contre si le niveau moyen de satisfaction matérielle a augmenté, on ne peut contester l’augmentation des inégalités. Avec d’un côté des géants industriels, financiers ou des géants du numérique qui non seulement brassent  des milliards de profits   mais surtout imposent  une domination économique et culturelle. Dans l’agriculture,  l’industrialisation a permis de multiplier par 5 ou par 10 les rendements grâce à la mécanisation mais aussi à l’utilisation de cocktails chimiques dont  on ne pourra mesurer les effets sur la santé que dans des dizaines d’années par exemple concernant le développement des affections neurovégétatives ou des cancers. Concernant les inégalités,  il faut citer l’accès au logement de plus en plus difficile dans les grandes métropoles qui rejette dans les banlieues lointaines ou les zones rurales les catégories les moins favorisés. En France par exemple,  les couches moyennes sont progressivement chassées de Paris où il faut en moyenne 1 million d’euros pour un appartement à peu près décent. C’est un peu le même phénomène dans le monde entier ou dans des métropoles françaises de province. Les inégalités se développent aussi en matière de formation même si globalement les effectifs scolarisés augmentent et vont de plus en plus loin dans les études. Des études très approfondies pour certains ( notamment les écoles d’ingénieurs et certaines disciplines universitaires)  mais des études qui débouchent sur des diplômes fictifs pour d’autres condamnés à des emplois de faible qualification ou au chômage, un phénomène particulièrement français qui culturellement pointe l’apprentissage comme une sorte de tare sociale. D’un point de vue social, il n’est pas admissible que des pays développés comptent autant d’inégalités voire de pauvreté sans parler des gens dans la rue. Le domaine culturel est aussi affecté  avec d’un côté des productions de grande qualité mais de l’autre des productions de masse de type industriel faites  pour abêtir, endoctriner ou endormir. Pour s’en persuader, il suffit  d’analyser le contenu des 200 ou 300 chaînes de télévision disponibles en France. La complexité qui mériterait d’être bien davantage appropriée   crée une sorte de refuge vers  l’individualisme. Faute de réassurance identitaire, nombre de personnes se réfugient  dans le mirage d’un passé illusoire avec le fol espoir qu’il  prendra la place du  futur. D’où le développement parallèlement de formes  de populisme et de nationalisme. Une sorte de reflexe  face à la peur des changements. Ceci étant, cela se nourrit aussi des dysfonctionnements et de l’anarchie des marchés qui souffrent d’un manque évident de régulation non seulement à  l’échelle européenne mais mondiale. Les responsables chacun à leur échelle, tentent  bien de résoudre certains des effets de la crise mais ce sont le plus souvent des actes trop partiels et de court terme là ou il faudrait des orientations plus globales qui s’inscrivent dans le temps. De ce point de vue,  la démocratie en est sans doute encore au stade néandertalien concernant le mode d’élection et les conditions d’exercice du mandat. D’où l’insatisfaction générale et souvent partout dans le monde trop de contradictions entre les intentions affichées et les réalités pouvoir : De quoi nourrir un peu plus le populisme et l’incompréhension de la crise.

1234



L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol