Guerre en Ukraine : Biden s’engage progressivement vers une guerre totale
L’activisme américain dans le conflit en Ukraine, marqué ces derniers jours sur le terrain par des livraisons massives d’armes lourdes comme au niveau de la rhétorique, ravive les questions, souligne dans sa chronique Gilles Paris, éditorialiste au « Monde ».
La visite à Kiev est devenue, deux mois après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, un marqueur politique occidental. Elle met en valeur ceux qui y sont les bienvenus, comme la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et sanctionne les responsables dont le comportement passé a été jugé trop accommodant avec la Russie de Vladimir Poutine. Le président allemand Frank-Walter Steinmeier, qui n’a pas été considéré comme le bienvenu par son homologue Volodymyr Zelensky, en a fait l’amère expérience.
La speaker (présidente) démocrate de la Chambre des représentants des Etats-Unis, Nancy Pelosi, est à ce jour la plus haute représentante de son pays à l’avoir effectuée le 30 avril, moins d’une semaine seulement après la visite conjointe, tout aussi significative, du secrétaire d’Etat Antony Blinken et du secrétaire à la défense Lloyd Austin. Sur place, le premier avait évoqué une nouvelle aide massive américaine. Elle a été concrétisée le 28 avril avec l’annonce par le président Joe Biden d’un plan massif de 33 milliards de dollars (environ 31 milliards d’euros), dont les deux tiers consacrés à des approvisionnements en armes.
Le revirement est total après le choc créé aux Etats-Unis par l’évacuation mal préparée et mal exécutée des forces américaines encore présentes sur le sol afghan, en août 2021. Ce fiasco avait été considéré comme le résumé dévastateur de deux décennies de guerres sans fin, en Afghanistan puis en Irak. Malgré l’humiliation infligée par les talibans, comparable à celle provoquée par la chute de Saïgon, en 1975, personne aux Etats-Unis n’en avait pourtant remis en cause le principe. Le pays, disait-on, était fatigué de faire la guerre.
Un peu plus de sept mois plus tard, un tout autre état d’esprit règne à Washington. Après des premières semaines extrêmement prudentes de la part de l’administration de Joe Biden quant à l’ampleur du soutien qu’elle pouvait consentir, il est alimenté par une résilience ukrainienne inattendue, ainsi que par les résultats discutables obtenus par l’armée russe.
Plusieurs ressorts expliquent cet activisme américain. Le premier relève de l’évidence : il est plus facile de s’enrôler dans une guerre par procuration, sans que la vie d’un seul soldat américain soit en jeu sur ce théâtre d’opérations. Le second n’est pas moins important. Pour la première fois sans doute depuis longtemps, les Etats-Unis sont convaincus d’être inattaquables et d’avoir l’histoire pour eux. Enfin, un soutien décisif peut permettre de restaurer en partie un crédit mis à mal par la déroute essuyée à Kaboul.