Politique: après la dissolution, la procrastination ?
Dans une tribune au « Monde », le sénateur Les Républicains Philippe Bas juge qu’Emmanuel Macron doit nommer sans tarder une personnalité indépendante et expérimentée à Matignon. La France réclame un premier ministre qui ne soit plus le subordonné du président, mais le chef d’un gouvernement autonome sachant écouter le Parlement.
Un poison toxique parasite notre démocratie depuis les législatives, celui d’une triple mystification. Il est temps d’administrer l’antidote de vérité.Première mystification : le président de la République doit attendre que les partis politiques s’entendent pour nommer le premier ministre. C’est la théorie d’Emmanuel Macron. Elle est contraire à l’esprit de la Constitution. Dans la Constitution, le chef de l’Etat nomme un premier ministre (article 8) ; l’Assemblée nationale lui accorde sa confiance ou le censure (articles 49 et suivants). Autrement dit : le président propose ; l’Assemblée dispose. Rien ne saurait dispenser le chef de l’Etat de remplir cette mission ; rien ne l’autorise à la renvoyer à d’autres. Cela revêt une grande importance dans la confusion actuelle.
Chacun sait qu’il n’y a plus de majorité à l’Assemblée pour soutenir un gouvernement. La seule chose que l’on puisse espérer, c’est qu’il n’y en ait pas non plus pour le renverser, du moins dans un premier temps. Alors, à quoi bon attendre ? Les échéances constitutionnelles pour le budget de la France approchent à grands pas. Retarder la formation d’un gouvernement n’augmente pas les chances de trouver une majorité. Le président ne doit pas ajouter la procrastination à la dissolution.
La situation est certes inédite sous la Ve République. Mais elle était courante avant, sous les IIIe et IVe Républiques. Le rôle du président fut toujours de faire émerger une combinaison gouvernementale pour qu’un budget et des réformes soient votés. Ce rôle n’a pas disparu. Il a été accru par notre Constitution. Elle a doté le président (et le gouvernement) de puissants moyens d’action pour faire face aux divisions des Français.