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Former les élites à la problématique de la recherche

Former les élites à la problématique de la recherche

 

 

A l’occasion de l’ouverture du nouvel Institut national du service public, le 1er janvier, l’universitaire Elyès Jouini plaide, dans une tribune au « Monde », pour la formation des hauts fonctionnaires par la recherche.

 

Tribune. 

 

En Allemagne, une grande partie des élites est formée par la recherche : 40 % des titulaires de doctorat œuvrent notamment dans l’administration publique (hors enseignement et recherche). Ils ont consacré plusieurs années à des recherches approfondies, apportant modestement leur pierre à l’édifice des connaissances, avant de s’engager dans l’action publique et, pour certains, d’y accéder aux plus hautes responsabilités. Ainsi, Angela Merkel et Helmut Kohl étaient tous deux titulaires d’un doctorat : la première, scientifique, en chimie ; le second, littéraire, en histoire.

La situation est toute différente en France, où seulement 10 % des docteurs formés s’orientent vers la fonction publique, avec, au total, dans la haute administration, sept fois moins de titulaires d’un doctorat qu’en Allemagne.

Les conséquences sont importantes. On ne s’étonnera pas que les décideurs publics français, plus éloignés du monde de la recherche, accordent moins de valeur à la démarche scientifique au sens large que leurs homologues allemands. L’investissement public dans la recherche est, de fait, d’un montant de 20 % plus élevé en Allemagne qu’en France.

La formation par la recherche modifie par ailleurs l’approche des problèmes. Après trois à cinq ans de travaux à la pointe des connaissances, le docteur sait que les savoirs ne sont jamais définitifs. Il sait qu’il doit veiller à recueillir les meilleures expertises, les confronter entre elles et à la réalité. Il sait qu’à un problème donné il peut y avoir plusieurs solutions, et qu’une solution peut être la source de nouveaux questionnements.

L’administration gagnerait beaucoup à accueillir en son sein des hauts fonctionnaires formés à cette école de l’humilité, aux côtés des profils classiques, sélectionnés via les filières traditionnelles pour leur vélocité à résoudre des problèmes pourvus d’une solution déjà connue, et le plus souvent unique.

La haute fonction publique française trouverait également, ainsi, des personnels capables de jouer un rôle de passeur entre le monde de la recherche scientifique et celui des décideurs, rôle crucial dans une période où les politiques sont sommés de prendre des décisions dans des domaines complexes et mouvants : gestion de pandémie, choix énergétiques, régulation des réseaux, etc.

Le faible nombre de hauts fonctionnaires capables aujourd’hui de décrypter et de synthétiser les recherches les plus récentes dans l’entourage immédiat des politiques peut conduire ces derniers à s’appuyer sur des informations dépassées, ou parcellaires, voire à en tirer de fausses certitudes. Et en période de fortes turbulences, le grand public, ballotté de décision en décision, parfois contradictoires en apparence, en arrive à rejeter l’ensemble des mesures proposées.

Trop d’ignorance dans l’opinion de la problématique scientifique

Trop d’ignorance dans l’opinion de la problématique scientifique

 

La formation à la méthode scientifique reste largement élitaire et l’école n’est pas assez formatée en ce sens aujourd’hui, déplore, dans une tribune au « Monde », Yves Charpak, médecin spécialiste en santé publique et président de la Fondation Charpak, l’esprit des sciences.

 

Tribune.

 

 Il y a trois ans, le directeur de l’institut italien équivalent de notre Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) démissionnait, en raison « du rejet de la connaissance scientifique » par son gouvernement : des ministres s’étaient permis, face à des résultats scientifiques, de dire « je n’y crois pas » en se dispensant d’argumenter. Cela concernait l’efficacité des vaccins, avant même notre actuelle pandémie de Covid-19. Cette histoire révélait déjà une crise de l’autorité scientifique, aggravée aujourd’hui ! Si un esprit des sciences existe, force est de constater qu’il est loin d’être partagé.

Il y a un esprit des lois, un esprit des Lumières… mais qu’est-ce que l’esprit des sciences ? Peut-on dire que c’est ce qui est propre à la science, ce qui la constitue dans sa singularité ?

L’esprit des sciences, c’est un rapport concret au monde, fait d’enthousiasme et de vigilance attentive, de rigueur et de curiosité, de défiance à l’égard des formes trop académiques de la pensée, de liberté, de tâtonnements et d’incertitudes partagées. L’esprit des sciences, enfin, procède de la volonté de comprendre et de faire comprendre.

Avant la pandémie, déjà, la valeur accordée au temps de la réflexion baissait à mesure qu’était valorisée la performance. D’où l’affrontement de deux temporalités : le héros était rapide, c’était l’homme du coup d’éclat. Repoussé dans l’ombre, celui qui choisissait le temps long et la voie patiente et prudente de la science. La situation sanitaire a ajouté du trouble. Les spécialistes et les scientifiques sont omniprésents dans les médias. Mais l’un des effets indésirables, sans être le seul, de cette visibilité pourrait bien être que le non-initié croie pouvoir se dispenser de chercher à comprendre. Le savant détient la vérité, suivons-le, ne perdons pas notre temps à reconstituer les raisonnements qui l’ont conduit.

Mythe du génie

Le paradoxe est le suivant : jamais les scientifiques ne se sont autant exposés – à travers livres, journaux, émissions de vulgarisation scientifique – et, pourtant, la distance entre leur savoir et la population, jusqu’aux décideurs, demeure toujours incommensurable. Le mythe du génie, la confiance dans « ceux qui savent », tout cela conduit à la même attitude du non-initié que celle qui prévaut dans un régime de croyance aveugle : à la suspension volontaire du jugement.

Du coup, le fossé existe toujours aujourd’hui entre, d’un côté, la science et les chercheurs et, de l’autre, la société. Car on a fait de la science une activité distincte du reste de la société, avec des citoyens dotés d’un cerveau particulier et chargés de produire la science dont on a besoin. Pour faire image, c’est un peu comme si ne pas être un sportif professionnel justifiait de ne pas apprendre à marcher, à courir, à nager, à faire du vélo.

Présidentielle 2022: L’ignorance de la problématique économique !

Présidentielle 2022: L’ignorance de la problématique économique !

 

Les économistes Hippolyte d’Albis, Françoise Benhamou et André Cartapanis expliquent, dans une tribune au « Monde », pourquoi les propositions des candidats à l’Elysée négligent la substance économique.

 

Tribune.  

 

La campagne électorale pour la présidentielle de 2022, à peine amorcée, devrait aborder les nombreux défis qui attendent l’économie française, avec des propositions alternatives, de droite, du centre ou de gauche, soumises au jeu démocratique. Les premières mesures annoncées ne sont pas toutes dénuées de sens économique, mais leur efficacité éventuelle n’est guère argumentée ou se trouve simplement sous-entendue.

Surtout, on ne saurait voir dans ces premières propositions l’amorce de véritables stratégies de transition et d’adaptation de l’économie française, tout à la fois hiérarchisées sous l’angle des cibles visées, affichant clairement les critères normatifs qui les fondent, déclinant les politiques publiques de nature à assurer leur réussite, et précisant leur calendrier de mise en œuvre, leur efficacité escomptée, les obstacles à surmonter… Non, ce sont le plus souvent des marqueurs politiques faciles à mémoriser pour les électeurs. Ce sont des mesures hétéroclites de nature à séduire les pans les plus hésitants de l’électorat, mais dont la cohérence d’ensemble est douteuse, faisant assez peu appel aux raisonnements économiques, aux enseignements des expériences passées ou observées à l’étranger. D’où le risque d’un nouveau rendez-vous manqué entre les économistes et les politiques.

Cette préoccupation ne concerne pas seulement la France. Tout récemment, Alan Blinder, professeur d’économie à Princeton et ancien conseiller économique du président Bill Clinton, proposait à ce sujet sa « théorie du réverbère » de la politique économique : les professionnels de la politique utiliseraient les économistes comme un homme aviné face à un réverbère ; pour disposer d’un soutien ou d’un appui, et non pas pour bénéficier de l’éclairage et pour se diriger (« The Lamppost Theory of Economic Policy », Alan Blinder, Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 163, n° 3, septembre 2019). Et Dani Rodrik a démontré empiriquement, en s’appuyant sur le cas américain, que les idéologies, les discours identitaires et l’affirmation d’une vision du monde se substituent aux promesses économiques dans l’offre politique (« Economic Interests, Worldviews, and Identities : Theory and Evidence on Ideational Politics »Elliott Ash, Sharun Mukand, Dani Rodrik, NBER Working Papers Series, n° 29474, novembre 2021). La France n’y échappe pas.

Court et long terme

Les limites des programmes économiques des politiques au regard de l’expertise des économistes s’expliquent aisément. Les économistes et les politiques ne raisonnent pas de la même manière. Au calcul abstrait, déductif, innervé de données statistiques, de l’économiste, sous des formes complexes et souvent ennuyeuses, se substitue chez le politique un discours qui doit emporter l’adhésion, souvent en s’éloignant de la rigueur formelle ou en jouant avec les faits. Les économistes s’intéressent aux effets d’une mesure fiscale, d’un accord commercial, d’une hausse du salaire minimal sur la croissance et le bien-être collectif, certes en négligeant les inégalités induites. Les politiques privilégient leurs clientèles électorales et les intérêts particuliers qui en découlent. C’est un lieu commun que d’affirmer que les politiques ont un horizon temporel court, jusqu’à la prochaine élection.

 

A la présidentielle 2022: L’ignorance de la problématique économique !

A la présidentielle 2022: L’ignorance de la problématique économique !

 

Les économistes Hippolyte d’Albis, Françoise Benhamou et André Cartapanis expliquent, dans une tribune au « Monde », pourquoi les propositions des candidats à l’Elysée négligent la substance économique.

 

Tribune. 

 

La campagne électorale pour la présidentielle de 2022, à peine amorcée, devrait aborder les nombreux défis qui attendent l’économie française, avec des propositions alternatives, de droite, du centre ou de gauche, soumises au jeu démocratique. Les premières mesures annoncées ne sont pas toutes dénuées de sens économique, mais leur efficacité éventuelle n’est guère argumentée ou se trouve simplement sous-entendue.

Surtout, on ne saurait voir dans ces premières propositions l’amorce de véritables stratégies de transition et d’adaptation de l’économie française, tout à la fois hiérarchisées sous l’angle des cibles visées, affichant clairement les critères normatifs qui les fondent, déclinant les politiques publiques de nature à assurer leur réussite, et précisant leur calendrier de mise en œuvre, leur efficacité escomptée, les obstacles à surmonter… Non, ce sont le plus souvent des marqueurs politiques faciles à mémoriser pour les électeurs. Ce sont des mesures hétéroclites de nature à séduire les pans les plus hésitants de l’électorat, mais dont la cohérence d’ensemble est douteuse, faisant assez peu appel aux raisonnements économiques, aux enseignements des expériences passées ou observées à l’étranger. D’où le risque d’un nouveau rendez-vous manqué entre les économistes et les politiques.

Cette préoccupation ne concerne pas seulement la France. Tout récemment, Alan Blinder, professeur d’économie à Princeton et ancien conseiller économique du président Bill Clinton, proposait à ce sujet sa « théorie du réverbère » de la politique économique : les professionnels de la politique utiliseraient les économistes comme un homme aviné face à un réverbère ; pour disposer d’un soutien ou d’un appui, et non pas pour bénéficier de l’éclairage et pour se diriger (« The Lamppost Theory of Economic Policy », Alan Blinder, Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 163, n° 3, septembre 2019). Et Dani Rodrik a démontré empiriquement, en s’appuyant sur le cas américain, que les idéologies, les discours identitaires et l’affirmation d’une vision du monde se substituent aux promesses économiques dans l’offre politique (« Economic Interests, Worldviews, and Identities : Theory and Evidence on Ideational Politics »Elliott Ash, Sharun Mukand, Dani Rodrik, NBER Working Papers Series, n° 29474, novembre 2021). La France n’y échappe pas.

Court et long terme

Les limites des programmes économiques des politiques au regard de l’expertise des économistes s’expliquent aisément. Les économistes et les politiques ne raisonnent pas de la même manière. Au calcul abstrait, déductif, innervé de données statistiques, de l’économiste, sous des formes complexes et souvent ennuyeuses, se substitue chez le politique un discours qui doit emporter l’adhésion, souvent en s’éloignant de la rigueur formelle ou en jouant avec les faits. Les économistes s’intéressent aux effets d’une mesure fiscale, d’un accord commercial, d’une hausse du salaire minimal sur la croissance et le bien-être collectif, certes en négligeant les inégalités induites. Les politiques privilégient leurs clientèles électorales et les intérêts particuliers qui en découlent. C’est un lieu commun que d’affirmer que les politiques ont un horizon temporel court, jusqu’à la prochaine élection.

Transport logistique : la Covid a changé la problématique

Transport logistique : la Covid a changé la problématique

Alors que le secteur souffrait plutôt d’un excès d’offre ces dernières années, la crise sanitaire a tout bouleversé. Désorganisé par une demande jamais vue, confronté à une pénurie de chauffeurs inédite, le transport logistique traverse non sans mal cette période incertaine. Mais c’est peut-être pour le mieux. Par Jean-Marie Mascarenhas, PDG d’Interlog Group.( la Tribune)

Un article intéressant qui souligne le changement de rapport de force entre le monde du transport et les chargeurs ( clients Marchandises du transport). La question est de savoir si le phénomène est conjoncturel ou structurel NDLR

 

Tribune 

Dans une économie mondiale bouleversée par la crise sanitaire, le secteur du transport et de la logistique, qui s’est avéré vital lorsqu’il a fallu maintenir à flot la chaîne d’approvisionnement et permettre aux vaccins et matériels médicaux d’arriver à bon port, a été durement touché. Et alors qu’il a continué de fonctionner et fait face malgré les difficultés, il s’est progressivement désorganisé sous le double effet d’une demande toujours plus importante et d’une pénurie de produits généralisée.

Les clients ne sont plus livrés à l’heure, mais sont contraints de s’en accommoder du fait d’un marché en flux tendu qui peine à se sortir de cette situation. Des solutions de secours sont trouvées dans l’urgence et des camions reviennent à vide, alimentant la pénurie et ce cercle vicieux. Au lieu de transporter 33 palettes de marchandises, une semi-remorque fait ainsi le trajet avec la moitié ou le tiers de son chargement habituel, les clients pressés payant l’espace vide puisqu’il faut bien que l’approvisionnement se fasse.

Si la crise sanitaire a donc démontré l’importance du secteur logistique et sa fonction capitale au cœur de l’économie, elle met aussi désormais ses failles en lumière. Les camions manquent, et les chauffeurs avec eux (40 à 50 000 chauffeurs de plus seraient nécessaires en France selon la Fédération Nationale des Transports Routiers). Alors même que la demande de transport est plus forte qu’avant la crise, le secteur ne peut pas suivre. Les scènes de panique vues récemment en Grande-Bretagne dans les stations-service en sont sans doute l’exemple le plus frappant. Ce n’est pas le carburant qui manquait, mais bien les chauffeurs routiers, et l’on a ainsi assisté à des perturbations massives des chaînes d’approvisionnement, conséquences combinées du Brexit et de la pandémie de Covid-19.

Pourtant, le transport souffre plutôt depuis quarante ans d’un excès d’offre qui pénalisait jusqu’à présent les plus petites entreprises, incapables de s’en sortir face à la concurrence des plus gros. Mais la donne a changé. Les lois européennes sont aujourd’hui plus protectionnistes pour les Etats membres les plus riches, interdisant le cabotage et limitant donc de fait le nombre de chauffeurs étrangers, venus de l’Est notamment, sur leurs territoires, malgré un besoin toujours plus grand. Il est en effet devenu très compliqué de recruter de jeunes chauffeurs routiers. L’envie de travailler dans ce secteur est moindre et pour cause : comment rendre attractif un métier peu valorisé et dont les conditions de travail sont des plus difficiles (amplitudes horaires importantes, nombreux découchages) ?

Le déficit de transport logistique devrait durer plusieurs années encore. Conséquence de cette pression sur les chaînes d’approvisionnement et de cette pénurie de chauffeurs, les prix du transport routier vont augmenter, comme c’est déjà le cas dans les frets maritime et aérien où les tarifs du transport de conteneurs ont littéralement flambé dernièrement. Mais cette crise aura peut-être le mérite de recentrer l’attention sur la vraie valeur de ceux qui travaillent et produisent des richesses réelles au quotidien. Car si les prix du transport augmentent de la sorte, c’est aussi parce les salaires des chauffeurs vont augmenter en parallèle et que leurs conditions de travail vont s’améliorer, effet logique du déséquilibre entre l’offre et la demande. Une lueur d’optimisme dans cette crise dont on peine encore à bien cerner l’issue.

La problématique de régulation de l’espace numérique

La problématique de régulation de l’espace numérique

Les défis posés par le numérique à la vie démocratique, notamment en Europe, sont toujours plus complexes, et la revue « Esprit », dans sa nouvelle livraison, y consacre un riche dossier.

 

Revue des revues ( Le Monde).

 

La régulation de l’espace numérique public est un impératif majeur pour les démocraties européennes. « Le temps où l’avènement d’un Internet grand public était salué comme une révolution, non seulement technologique mais aussi démocratique, paraît loin tant le désenchantement est aujourd’hui important », relèvent les chercheurs Romain Badouard et Charles Girard en ouverture du dossier de la revue Esprit consacré à « Internet en mal de démocratie ». Les deux universitaires soulignent très clairement les termes de l’enjeu : « Il importe à la fois de protéger la communication en ligne contre les dérives qui l’affectent, de la brutalisation des échanges aux manipulations de l’information, et de contrôler les géants du Web qui ont accumulé un formidable pouvoir privé de censure mis au service d’une marchandisation de la participation. »

De l’utopie à la dystopie

Ce basculement de l’utopie à la dystopie, ce passage d’un Internet symbole de liberté à un Internet perçu comme tueur de démocratie, s’est fait en moins d’une génération. D’où la véhémence des prises de position de part et d’autre, aussi bien du côté de ceux qui croient encore en la grande utopie numérique que de ceux qui en dénoncent désormais les dérives totalitaires. « Internet ne crée pas mais reconfigure les défis inhérents à l’institution de l’espace public », rappelle Charles Girard, maître de conférences en philosophie, précisant que la liberté de communication implique plus que la liberté de choix laissée à l’internaute, mais surtout que « les acteurs qui orientent ces choix et définissent les conséquences produites par leur accumulation soient contrôlés ».

L’une des contributions les plus intéressantes du dossier est la fine analyse des « fake news » menée par Juliette Roussin, professeure adjointe de philosophie à l’université Laval à Québec, où elle souligne que le fait de relayer de tels bobards sert souvent moins à communiquer une information qu’à signaler une prise de position idéologique. « Fausses, les fake news partagées permettent d’exprimer “une vérité plus profonde” ou “une vérité d’un autre genre” – c’est-à-dire à proprement parler une émotion ou une idéologie : le sentiment de déclassement, d’absence de contrôle sur ses conditions de vie, de privilèges perdus, de défiance envers les élites et les institutions, etc. », écrit l’universitaire québécoise, soulignant que « l’adhésion aux fausses nouvelles en ligne gagne à être comprise comme un état contradictoire, proche de l’immersion dans la fiction ou le mensonge à soi-même ». Celui qui accepte une telle proposition et pense sur sa base ne croit pas forcément en sa vérité. D’où les effets pour le moins limités des réponses rationnelles et intellectuelles telles que le « fact-checking » ou l’éducation sur ce désir de croire.

Prix énergie : la problématique

Les  hausses des prix de l’énergie pourraient s’inscrire dans la durée estiment les spécialistes Thierry Bros et Anna Creti ( dans l’Opinion, extrait)

Depuis quelques mois, les tarifs de l’énergie flambent, l’indice TTF du prix du gaz (référence en Europe) a déjà plus que triplé cette année. La Commission de régulation de l’énergie a annoncé une augmentation record de 12,6 % de la facture du gaz au 1er octobre. Ces hausses pourraient s’inscrire dans la durée. Le gouvernement scrute ces hausses comme le lait sur le feu et a d’ores et déjà annoncé des mesures : « Nous allons mettre, pour le gaz et pour l’électricité, en place ce que j’appellerais un bouclier tarifaire », a déclaré le Premier ministre Jean Castex le 30 septembre sur TF1.

Dans un contexte de reprise économique mondiale post-crise sanitaire, plusieurs facteurs expliquent ces hausses de prix. « Dans le gaz, c’est assez simple, c’est une question d’offre et de demande : cette demande, je vous l’ai dit, a rebondi, décrypte Thierry Bros, professeur à Sciences Po, spécialiste de l’énergie. Quant à l’offre, elle est un peu contrainte, parce que pendant la période Covid on a fait moins de maintenance sur les installations gazières, les industriels ont eu moins d’argent en 2020 puisque les prix étaient très, très bas. »

« Et puis troisièmement, on a aussi eu un narratif de transition énergétique avec la Commission européenne et l’Agence internationale de l’énergie qui nous ont expliqué que le pétrole et le gaz étaient des énergies du passé, qu’il fallait plutôt ne plus investir, poursuit ce spécialiste. Et donc l’ensemble de ces facteurs font qu’aujourd’hui, on a des capacités de production dans le gaz qui sont plus restreintes qu’avant la crise. »

Et cette flambée du prix du gaz a entraîné dans son sillage une hausse du coût de l’électricité, dont le prix est établi sur le marché européen de l’électricité. « Dans ce marché européen, on a une sorte de mise en commun de tous les moyens de production des différents pays, dont, aussi, le nucléaire français, explique Anna Creti, professeur d’économie à l’université Paris Dauphine, directrice scientifique de la Chaire Économie du Gaz Naturel. Mais le prix, en soit, est déterminé par les coûts de ce qu’on appelle la dernière centrale appelée, donc celle qui, pour un bien qui n’est pas stockable et dont on a besoin en temps réel comme l’électricité, sert à faire l’équilibre entre l’offre et la demande. Très souvent, cette dernière unité est représentée par les centrales à gaz, d’où cette corrélation, ce lien entre les prix du gaz et ceux de l’électricité. »

« Donc on prend de plein fouet cette augmentation des prix du gaz alors même qu’on a notre indépendance en matière de production électrique », déplorait le ministre de l’Economie Bruno Le Maire le 24 septembre sur Public Sénat.

La Commission européenne veut réduire d’au moins 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Pour atteindre cet objectif, elle compte notamment sur le marché du carbone, établi en 2005 par l’Union européenne. « Il concerne 11 000 installations et la plupart des secteurs polluants dont, aussi, l’électricité et le gaz, détaille Anna Creti. Ce marché est un système d’échange, c’est-à-dire que les entreprises reçoivent certains quotas qui doivent couvrir l’intégralité des émissions de CO2 qui sont liées à leur processus de production. Si ces quotas ne sont pas suffisants, elles vont les chercher sur le marché. D’autres intervenants sur ce marché seront dans le cas inverse, donc ils vont plutôt mettre en vente ces quotas pour couvrir leur pollution ce qui fait que les prix se forment par cet échange. »

Dans un premier temps, ce système ne s’est pas montré véritablement efficace, l’offre excédant la demande avec pour conséquence un prix du carbone bas. « Pendant plusieurs années, le prix des quotas a été relativement bas, c’est-à-dire 5 ou 6 euros la tonne de CO2, parce qu’on était dans un cadre où il y avait justement plus d’offre que de demande. Le marché a été ensuite réformé pour faire face à cet excès d’offre. Cette réforme vient de commencer et il faut dire qu’elle a obtenu le résultat espéré, c’est-à-dire une hausse du prix du CO2. Et ceci se fait en même temps que la reprise économique. »

« Donc double tension aussi à la hausse sur le prix du CO2 qui aujourd’hui s’échange à des prix qui sont à peu près de 60 euros la tonne, complète la spécialiste. Et donc, aussi, un coût supplémentaire pour les producteurs de gaz et d’électricité. L’objectif du Green Deal c’est d’avoir une transition énergétique décarbonée. Et donc, pour cela, il faut effectivement mettre un prix sur le carbone qui soit incitatif pour que vous et moi, nous sortions des énergies carbonées. Et puis que les industriels nous proposent des produits décarbonés. »

De plus, le Green Deal prévoit d’élargir ce système d’échange de quotas d’émission aux secteurs du bâtiment et du transport routier. « Donc on a un contexte dans lequel on a à la fois une pression sur la réglementation visant à contenir les effets du changement climatique, à l’atténuer, et en même temps le coût de l’énergie qui augmente. Tout cela détermine une hausse qui en ce moment, à mon avis, est conjoncturelle, mais qui se dessine quand même sur des tendances à long terme », prévoit Anna Creti. Pour Thierry Bros, « cela signifie que l’énergie va valoir plus cher ».

Dans ce contexte d’augmentation historique des cours du gaz et du fait de la faiblesse de la production, le prix du pétrole augmente lui aussi. Pourquoi ? « Parce que l’Opep ne souhaite pas produire beaucoup plus, analyse le spécialiste de l’énergie. Aussi parce que, et ça ce n’est pas forcément très bon pour le climat, comme on a peu de gaz en Europe, comme on a peu de gaz en Asie et comme on a des stockages qui ne sont finalement pas suffisamment pleins, on est en train de rouvrir des centrales à charbon – c’est ce que j’évoquais avec vous tout à l’heure – mais aussi des centrales à fioul. Et donc le pétrole monte parce que la reprise est là mais parce qu’en plus, contrairement à l’année 2019, on va brûler plus de produits pétroliers dans des centrales à fioul pour générer de l’électricité, ce que l’on ne faisait presque plus en Europe. »

« Nous, en France, on s’approvisionne en électricité à partir des centrales nucléaires et de l’énergie hydraulique. Donc on a une énergie qui est décarbonée et un coût très bas », constatait Bruno Le Maire sur Public Sénat fin septembre. Pourquoi, dès lors, le nucléaire ne pourrait-il pas prendre le relais ?

« Une politique énergétique, ça se fait dans la décennie. Le nucléaire, si vous vous rappelez, le plan Messmer, c’est 1973. Le Premier ministre Messmer explique qu’à l’horizon 2000, il souhaite une électricité à 80 % d’origine nucléaire, rappelle Thierry Bros. C’est 25 ans. Donc c’est ce genre de pas de temps qu’il faut. Et ce qui freine le développement du nucléaire, je crois que c’est deux choses : c’est l’acceptabilité sociétale dans certaines populations, surtout en Allemagne. Et puis, deuxièmement, effectivement, c’est la réticence de certains politiques. Aujourd’hui, le nucléaire est celui qui émet le moins de CO2 pour l’électricité produite, et de très, très loin. »

« C’est une filière qui est extrêmement coûteuse, ajoute Anna Creti, spécialiste de l’énergie à l’université Paris Dauphine. C’est pour ça, je pense, qu’on ne peut pas vraiment dire à coeur léger que le nucléaire peut prendre la suite, peut se substituer facilement à des sources fossiles. »

« On ne peut pas demander ni au nucléaire, ni à l’éolien, ni à quoi que ce soit d’autre de résoudre le problème aujourd’hui, poursuit Thierry Bros. Grosso modo, il n’y a que les Russes qui peuvent le résoudre en nous envoyant plus de gaz mais encore faudrait-il que les autorités politiques à Bruxelles acceptent de leur demander et acceptent de changer temporairement les règles du jeu, pour leur permettre de pouvoir, effectivement, nous livrer plus de gaz. »

Dans ce contexte, doit-on craindre une crise énergétique mondiale ? « Ce que le marché aujourd’hui «price», comme on dit en anglais, c’est effectivement le fait que nous n’avons plus suffisamment d’énergie pour passer un hiver un peu froid, constate le professeur à Sciences Po Paris. Et donc il faut, ce qui en économie s’appelle une destruction de la demande : que certains acceptent de moins consommer d’électricité ou de gaz. Donc, ce qui va se produire – ce qui est moralement inacceptable mais c’est ce qui va se passer – c’est qu’on va d’abord mettre en black out certains pays qui n’ont pas les capacités financières que nous avons de pouvoir payer l’énergie cher, croit savoir thierry Bros. Et ce que l’on peut imaginer, c’est que des cargos de gaz naturel liquéfié se détournent de l’Inde, du Pakistan ou du Bangladesh pour assurer notre sécurité à nous. Le black out ne se produira qu’à la fin de l’hiver quand nos stocks seront vides. »

« Une crise de l’énergie ou les prix de l’énergie que nous avons aujourd’hui doivent surtout nous faire réfléchir à la sortie des fossiles, considère Anna Creti. Du point de vue géologique, on pourrait en extraire encore mais la rationalité, les efforts et la cohérence avec l’objectif de l’Accord de Paris et qui va être aussi rappelé dans quelques jours à la COP26, voudrait que ces fossiles restent bien là où ils sont, c’est-à-dire non exploités et donc qu’ils laissent place à un usage plus sobre de l’énergie et à un schéma sur la décarbonation. »

La problématique des prix de l’énergie

Les  hausses des prix de l’énergie pourraient s’inscrire dans la durée estiment les spécialistes Thierry Bros et Anna Creti ( dans l’Opinion, extrait)

Depuis quelques mois, les tarifs de l’énergie flambent, l’indice TTF du prix du gaz (référence en Europe) a déjà plus que triplé cette année. La Commission de régulation de l’énergie a annoncé une augmentation record de 12,6 % de la facture du gaz au 1er octobre. Ces hausses pourraient s’inscrire dans la durée. Le gouvernement scrute ces hausses comme le lait sur le feu et a d’ores et déjà annoncé des mesures : « Nous allons mettre, pour le gaz et pour l’électricité, en place ce que j’appellerais un bouclier tarifaire », a déclaré le Premier ministre Jean Castex le 30 septembre sur TF1.

Dans un contexte de reprise économique mondiale post-crise sanitaire, plusieurs facteurs expliquent ces hausses de prix. « Dans le gaz, c’est assez simple, c’est une question d’offre et de demande : cette demande, je vous l’ai dit, a rebondi, décrypte Thierry Bros, professeur à Sciences Po, spécialiste de l’énergie. Quant à l’offre, elle est un peu contrainte, parce que pendant la période Covid on a fait moins de maintenance sur les installations gazières, les industriels ont eu moins d’argent en 2020 puisque les prix étaient très, très bas. »

« Et puis troisièmement, on a aussi eu un narratif de transition énergétique avec la Commission européenne et l’Agence internationale de l’énergie qui nous ont expliqué que le pétrole et le gaz étaient des énergies du passé, qu’il fallait plutôt ne plus investir, poursuit ce spécialiste. Et donc l’ensemble de ces facteurs font qu’aujourd’hui, on a des capacités de production dans le gaz qui sont plus restreintes qu’avant la crise. »

Et cette flambée du prix du gaz a entraîné dans son sillage une hausse du coût de l’électricité, dont le prix est établi sur le marché européen de l’électricité. « Dans ce marché européen, on a une sorte de mise en commun de tous les moyens de production des différents pays, dont, aussi, le nucléaire français, explique Anna Creti, professeur d’économie à l’université Paris Dauphine, directrice scientifique de la Chaire Économie du Gaz Naturel. Mais le prix, en soit, est déterminé par les coûts de ce qu’on appelle la dernière centrale appelée, donc celle qui, pour un bien qui n’est pas stockable et dont on a besoin en temps réel comme l’électricité, sert à faire l’équilibre entre l’offre et la demande. Très souvent, cette dernière unité est représentée par les centrales à gaz, d’où cette corrélation, ce lien entre les prix du gaz et ceux de l’électricité. »

« Donc on prend de plein fouet cette augmentation des prix du gaz alors même qu’on a notre indépendance en matière de production électrique », déplorait le ministre de l’Economie Bruno Le Maire le 24 septembre sur Public Sénat.

La Commission européenne veut réduire d’au moins 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Pour atteindre cet objectif, elle compte notamment sur le marché du carbone, établi en 2005 par l’Union européenne. « Il concerne 11 000 installations et la plupart des secteurs polluants dont, aussi, l’électricité et le gaz, détaille Anna Creti. Ce marché est un système d’échange, c’est-à-dire que les entreprises reçoivent certains quotas qui doivent couvrir l’intégralité des émissions de CO2 qui sont liées à leur processus de production. Si ces quotas ne sont pas suffisants, elles vont les chercher sur le marché. D’autres intervenants sur ce marché seront dans le cas inverse, donc ils vont plutôt mettre en vente ces quotas pour couvrir leur pollution ce qui fait que les prix se forment par cet échange. »

Dans un premier temps, ce système ne s’est pas montré véritablement efficace, l’offre excédant la demande avec pour conséquence un prix du carbone bas. « Pendant plusieurs années, le prix des quotas a été relativement bas, c’est-à-dire 5 ou 6 euros la tonne de CO2, parce qu’on était dans un cadre où il y avait justement plus d’offre que de demande. Le marché a été ensuite réformé pour faire face à cet excès d’offre. Cette réforme vient de commencer et il faut dire qu’elle a obtenu le résultat espéré, c’est-à-dire une hausse du prix du CO2. Et ceci se fait en même temps que la reprise économique. »

« Donc double tension aussi à la hausse sur le prix du CO2 qui aujourd’hui s’échange à des prix qui sont à peu près de 60 euros la tonne, complète la spécialiste. Et donc, aussi, un coût supplémentaire pour les producteurs de gaz et d’électricité. L’objectif du Green Deal c’est d’avoir une transition énergétique décarbonée. Et donc, pour cela, il faut effectivement mettre un prix sur le carbone qui soit incitatif pour que vous et moi, nous sortions des énergies carbonées. Et puis que les industriels nous proposent des produits décarbonés. »

De plus, le Green Deal prévoit d’élargir ce système d’échange de quotas d’émission aux secteurs du bâtiment et du transport routier. « Donc on a un contexte dans lequel on a à la fois une pression sur la réglementation visant à contenir les effets du changement climatique, à l’atténuer, et en même temps le coût de l’énergie qui augmente. Tout cela détermine une hausse qui en ce moment, à mon avis, est conjoncturelle, mais qui se dessine quand même sur des tendances à long terme », prévoit Anna Creti. Pour Thierry Bros, « cela signifie que l’énergie va valoir plus cher ».

Dans ce contexte d’augmentation historique des cours du gaz et du fait de la faiblesse de la production, le prix du pétrole augmente lui aussi. Pourquoi ? « Parce que l’Opep ne souhaite pas produire beaucoup plus, analyse le spécialiste de l’énergie. Aussi parce que, et ça ce n’est pas forcément très bon pour le climat, comme on a peu de gaz en Europe, comme on a peu de gaz en Asie et comme on a des stockages qui ne sont finalement pas suffisamment pleins, on est en train de rouvrir des centrales à charbon – c’est ce que j’évoquais avec vous tout à l’heure – mais aussi des centrales à fioul. Et donc le pétrole monte parce que la reprise est là mais parce qu’en plus, contrairement à l’année 2019, on va brûler plus de produits pétroliers dans des centrales à fioul pour générer de l’électricité, ce que l’on ne faisait presque plus en Europe. »

« Nous, en France, on s’approvisionne en électricité à partir des centrales nucléaires et de l’énergie hydraulique. Donc on a une énergie qui est décarbonée et un coût très bas », constatait Bruno Le Maire sur Public Sénat fin septembre. Pourquoi, dès lors, le nucléaire ne pourrait-il pas prendre le relais ?

« Une politique énergétique, ça se fait dans la décennie. Le nucléaire, si vous vous rappelez, le plan Messmer, c’est 1973. Le Premier ministre Messmer explique qu’à l’horizon 2000, il souhaite une électricité à 80 % d’origine nucléaire, rappelle Thierry Bros. C’est 25 ans. Donc c’est ce genre de pas de temps qu’il faut. Et ce qui freine le développement du nucléaire, je crois que c’est deux choses : c’est l’acceptabilité sociétale dans certaines populations, surtout en Allemagne. Et puis, deuxièmement, effectivement, c’est la réticence de certains politiques. Aujourd’hui, le nucléaire est celui qui émet le moins de CO2 pour l’électricité produite, et de très, très loin. »

« C’est une filière qui est extrêmement coûteuse, ajoute Anna Creti, spécialiste de l’énergie à l’université Paris Dauphine. C’est pour ça, je pense, qu’on ne peut pas vraiment dire à coeur léger que le nucléaire peut prendre la suite, peut se substituer facilement à des sources fossiles. »

« On ne peut pas demander ni au nucléaire, ni à l’éolien, ni à quoi que ce soit d’autre de résoudre le problème aujourd’hui, poursuit Thierry Bros. Grosso modo, il n’y a que les Russes qui peuvent le résoudre en nous envoyant plus de gaz mais encore faudrait-il que les autorités politiques à Bruxelles acceptent de leur demander et acceptent de changer temporairement les règles du jeu, pour leur permettre de pouvoir, effectivement, nous livrer plus de gaz. »

Dans ce contexte, doit-on craindre une crise énergétique mondiale ? « Ce que le marché aujourd’hui «price», comme on dit en anglais, c’est effectivement le fait que nous n’avons plus suffisamment d’énergie pour passer un hiver un peu froid, constate le professeur à Sciences Po Paris. Et donc il faut, ce qui en économie s’appelle une destruction de la demande : que certains acceptent de moins consommer d’électricité ou de gaz. Donc, ce qui va se produire – ce qui est moralement inacceptable mais c’est ce qui va se passer – c’est qu’on va d’abord mettre en black out certains pays qui n’ont pas les capacités financières que nous avons de pouvoir payer l’énergie cher, croit savoir thierry Bros. Et ce que l’on peut imaginer, c’est que des cargos de gaz naturel liquéfié se détournent de l’Inde, du Pakistan ou du Bangladesh pour assurer notre sécurité à nous. Le black out ne se produira qu’à la fin de l’hiver quand nos stocks seront vides. »

« Une crise de l’énergie ou les prix de l’énergie que nous avons aujourd’hui doivent surtout nous faire réfléchir à la sortie des fossiles, considère Anna Creti. Du point de vue géologique, on pourrait en extraire encore mais la rationalité, les efforts et la cohérence avec l’objectif de l’Accord de Paris et qui va être aussi rappelé dans quelques jours à la COP26, voudrait que ces fossiles restent bien là où ils sont, c’est-à-dire non exploités et donc qu’ils laissent place à un usage plus sobre de l’énergie et à un schéma sur la décarbonation. »

Action climat : le cœur de la problématique pour l’élection de 2022

Action climat : le cœur de la problématique pour l’élection de 2022

 

Transport, logement, agriculture… A l’attention des candidats à la présidentielle, l’économiste Alain Grandjean et la physicienne Farah Hariri plaident, dans une tribune au « Monde », pour une série d’actions prioritaires à mettre en œuvre afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

 

Tribune.

 

L’envergure et l’intensité des inondations, les canicules et les incendies estivaux, la montée irréversible du niveau de la mer, le sévère rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, la poursuite de la croissance des émissions de CO2 et de méthane nous obligent à accélérer l’action climatique. Que faire ?

 

Nous avons formulé un plan en douze propositions d’actions prioritaires à mener en France. Il ne s’agit pas d’un catalogue dans lequel on pourrait piocher, mais d’un ensemble articulé pour réaliser l’objectif de neutralité carbone à 2050 que nous nous sommes donné. Nous avons la conviction que l’action climatique doit désormais être la colonne vertébrale du programme des candidats à l’Elysée. C’est également le chemin pour aller vers l’emploi pour tous, une meilleure santé publique et plus de justice sociale.

 

Les douze propositions, chacune à fort effet de levier, traitent, d’une part, des enjeux de gouvernance et de financement et, d’autre part, des enjeux sectoriels en se concentrant sur les secteurs les plus émissifs. Nous avons raisonné en fonction des priorités en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’importance en matière d’adaptation au changement climatique. Ce programme apporte des solutions nécessaires pour lever les freins culturels, économiques et politiques. Il doit être porté au plus haut niveau de l’Etat.

Nous demandons que le premier ministre rende compte mensuellement de l’évolution de l’action climatique et de ses indicateurs-clés. Un plan massif d’investissements de 2 % à 3 % du PIB annuel sera nécessaire. L’interprétation des règles budgétaires doit être adaptée de sorte que le montant de ce plan d’investissements ne soit pas comptabilisé dans le calcul du déficit public. Nous proposons qu’il soit financé par une facilité européenne dont la Banque centrale européenne (BCE) pourra assurer le refinancement. N’oublions pas que l’argent n’a pas le pouvoir de réaliser la transformation nécessaire à la transition ; c’est à l’Etat de fixer le cap et de lancer les opérations pour qu’ensuite la BCE mette l’argent à disposition. Nous proposons de conjuguer ce plan d’investissements avec une « taxonomie brune » afin d’identifier et de faire cesser les activités carbonées. Enfin, un signal-prix incitatif, calculé en fonction d’un score carbone, guidera les choix des agents économiques.

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Face aux menaces de pénuries et aux tensions géopolitiques liées aux matériaux, il faut réinventer la politique industrielle française. Relocalisation, revalorisation et résilience doivent être au cœur de la transformation industrielle à conduire. Les entreprises devront, en plus, élaborer un plan d’arrêt des activités nuisibles au climat conformément à la « taxonomie brune ». Les semi-conducteurs étant des composants incontournables pour accélérer la transition énergétique, nous proposons dans cette nouvelle optique d’installer une usine de production de semi-conducteurs bas carbone en France, et de mettre l’intelligence artificielle (IA) au service de cette transformation. En effet, l’IA a son plein potentiel à jouer tant pour comprendre finement le problème climatique que pour élaborer des solutions de réduction des GES. Enfin, l’électricité française étant bas carbone, elle permet de développer une filière de production d’hydrogène bas carbone qui devra être fléchée vers des usages bien précis : industrie, kérosène de synthèse pour l’aviation, transports maritimes.

Croissance– décroissance: Mais le PIB toujours au sens de la problématique !

Croissance– décroissance: Mais le PIB toujours au sens de la problématique !

 

L’enjeu n’est plus le développement matériel de nos sociétés, mais la transition écologique et sociale, rappelle l’économiste Aurore Lalucq dans une tribune au « Monde »(Extrait).

 

Tribune.

Le débat sur la croissance arrive à la fois au pire et au meilleur moment. Au meilleur, car il est plus que temps de nous interroger sur les finalités de notre modèle économique. Au pire, car notre débat public est incapable de supporter la moindre nuance. Or c’est bien de nuance qu’il va falloir nous armer si nous voulons éviter l’impasse à laquelle nous conduit l’opposition entre croissance verte et décroissance.

D’un côté, les tenants de la décroissance nous expliquent qu’il est urgent de « décroître » du fait de la corrélation entre croissance et émissions de gaz à effet de serre (GES). S’ils ont raison sur le diagnostic, ils négligent trop la manière dont ce discours peut être perçu.

En effet, pour bon nombre de personnes, la référence à la décroissance agit comme un repoussoir, véhiculant un imaginaire de privation. Ses détracteurs ne manquent d’ailleurs pas de la caricaturer comme un retour forcé à la bougie. Un discours particulièrement efficace, car nous avons été collectivement conditionnés par l’importance de la croissance et par la peur de sa disparition.

Difficile par ailleurs de parler de réduction de la consommation à des personnes qui n’ont jamais pu totalement y goûter. Et si cela est vrai en France, ne parlons même pas des pays qui n’ont pas eu accès aux mêmes possibilités de développement, car nous les avons privés de leur « droit à polluer ».

De l’autre côté, les hérauts de la croissance verte nous expliquent qu’il serait possible de découpler émissions de GES et croissance, autrement dit de produire plus en polluant moins, et ce, grâce au progrès technique. Malgré des innovations certaines, la promesse du découplage permis par une rupture technologique reste à l’état de chimère.

L’Agence européenne de l’environnement estime que le découplage semble « peu probable », rappelle qu’« aucun consensus scientifique n’a jamais émergé au fil des années » et que, pour atteindre nos objectifs climatiques, nous allons être obligés de mettre la croissance de côté.

 

Parier sur le découplage serait donc irresponsable, alors que toute la communauté scientifique s’accorde sur l’urgence d’agir pour limiter l’impact du dérèglement climatique. Mais on ne peut pour autant disqualifier en bloc la logique qui sous-tend ce discours, à savoir la peur de renoncer à la prospérité. Mais croissance et prospérité vont-elles encore de pair ? Rien n’est moins sûr tant on observe, dans nos économies développées, un décrochage entre l’évolution du produit intérieur brut (PIB) et celle du bien-être depuis plus de quarante ans.

Élection présidentielle : la problématique des primaires

Élection présidentielle : la problématique des primaires

Rémi Lefebvre,Professeur de science politique, évoque dans le Monde la problématique un peu contrainte des primaires en vue des perspectives de l’élection présidentielle de 2022 (extrait).

Depuis 2017, le temps des « vertus magiques » prêtées à ce mode de désignation du candidat à l’élection présidentielle a fait long feu. Mais il semble « difficile à éviter », surtout pour les partis connaissant des problèmes de leadership, estime le professeur de science politique dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune.

 

Vouées aux gémonies depuis 2017, les primaires ouvertes font leur retour dans l’agenda politique. L’engouement qui a marqué leur importation en France a fait place au désenchantement après les défaites cuisantes de François Fillon et de Benoît Hamon. L’heure est désormais au pragmatisme. Faute d’autres options, les primaires apparaissent comme une des seules solutions disponibles pour rassembler.

Les primaires ouvertes se sont imposées à partir des années 2000 au carrefour de l’efficacité électorale (produire un candidat plus représentatif) et de l’exigence démocratique (rendre le système politique plus participatif). En donnant plus de pouvoir aux sympathisants, elles permettent surtout de régler des problèmes souvent insolubles de leadership.

La séduction a ainsi été forte dans les vieux partis de gouvernement. La double victoire de François Hollande (primaire puis présidentielle) consacre cette procédure. L’efficacité électorale comme la mobilisation citoyenne ont été au rendez-vous, au point que la droite, qui y était opposée, se rallie à la méthode. Mais le cycle électoral de 2017 retourne l’image des primaires : de martingale de la victoire, elles deviennent des machines à perdre aux effets incontrôlables.

« La base militante toujours étroite des partis peut-elle redevenir une rampe de lancement solide pour le candidat ? Le risque serait alors de donner l’image de partis recroquevillés »

Cette critique des primaires n’est pas toujours fondée. Certes, elles renforcent certaines tendances problématiques des démocraties représentatives : la personnalisation, la politique entendue comme « course de chevaux » ou la dévaluation du militantisme. Mais les dirigeants les rejettent surtout parce qu’elles enclenchent un processus périlleux qui n’offre pas de garanties de victoire et exacerbe les divisions partisanes. Or cette analyse mérite d’être nuancée.

François Fillon a bénéficié d’un large ralliement de ses concurrents après la primaire et ne décroche dans les sondages qu’à la suite du scandale « Penelopegate » [dans lequel l’ancien premier ministre, alors candidat à la présidentielle, et son épouse, Penelope, ont été reconnus coupables de détournements de fonds publics, complicité et recel]. Il a utilisé, il est vrai, la légitimité démocratique de sa désignation pour empêcher toute candidature de substitution à partir de février 2017. S’il a tendance à polariser les positionnements politiques, ce mode de sélection du candidat ne produit pas d’effets mécaniques et dépend, en fait, de l’état des partis qui y ont recours.

Problématique développement durable: Le frein est culturel

Problématique développement durable:  Le frein est culturel

Inès Leonarduzzi est directrice générale de l’ONG « Digital for the Planet » qu’elle a fondée en 2017 pour promouvoir l’écologie numérique. Elle accompagne de grands groupes (BNP Paribas, L’Oréal, GRDF, Kering…) et des institutions internationales (ONU, Unesco, OTAN) dans l’élaboration de stratégies conciliant numérique et transition écologique. Elle vient de publier son premier livre, Réparer le futur : du numérique à l’écologie, aux éditions de l’Observatoire.

En 2018, le numérique représentait plus de 10 % de la consommation électrique mondiale, et 2 % des émissions de gaz à effet de serre françaises. Peut-on vraiment concilier développement technologique et écologie ?

Nous attendions du numérique qu’il participe de la dépollution. Il était censé être une solution propre, écoresponsable, une alternative au papier. Mais c’est l’inverse qui se produit. Concilier les deux paraît contradictoire, car la politique s’est emparée de ces sujets. Le numérique est devenu un enjeu de souveraineté ainsi qu’une manne économique, tandis que l’écologie est devenue un mouvement politique, qui par ailleurs trébuche souvent, par manque de vision. Dans l’imaginaire collectif et chez une grande partie des écologistes, la technologie est l’apanage des grands « pollueurs ». Ce sont pourtant les technologies numériques qui rendent possible la science du climat, par la modélisation informatique des données climatiques. Le risque pour l’écologie est qu’elle devienne dogmatique. Il lui faut donc revoir son rapport au numérique, qui est tout sauf un ennemi : il est seulement le reflet de nos comportements. Avant de penser l’innovation technologique à travers le prisme d’un progrès noble et inclusif, il faut trouver le moyen d’éco-concevoir toutes nos infrastructures physiques et logicielles.

Usages personnels, datacenters, fabrication des appareils électroniques… Qu’est ce qui pollue le plus ?

Plus des deux tiers de la pollution numérique environnementale sont générés par la fabrication des smartphones, qui sont au nombre de 14 milliards dans le monde. On parle beaucoup plus de la pollution générée par le stockage des e-mails et de la manière dont chacun devrait les trier pour avoir un comportement plus écoresponsable. C’est trop facile de critiquer les usages individuels, sans apporter de réponses sur le plan systémique. Un appareil électronique peut durer plusieurs années si on apprend à en prendre soin et si on le répare. L’avènement d’un monde durable ne dépend pas que de la bonne volonté des individus. Il faut aussi lever les barrières mises à dessein sur la route du développement durable.

La pollution numérique n’est pas qu’environnementale, elle est aussi intellectuelle et sociétale, expliquez-vous. Que voulez-vous dire par là ?

Au fond, quelle est la plus grande barrière que nous trouvons sur la route du développement durable ? Les systèmes de pensées, nos raisonnements. Etant au départ concentrée sur la pollution numérique environnementale, j’ai rapidement été confrontée aux schémas mentaux. Le « numérique désincarné », celui qui n’a de but que lui-même et non autrui, dessert l’humain en affectant ses capacités cognitives, son rapport à l’intelligence individuelle. De fait, l’intelligence collective est mise à mal. C’est là que le glissement vers la pollution numérique sociétale s’opère, c’est-à-dire quand le numérique impacte les fondements sociétaux les plus précieux, comme le vivre-ensemble. Si notre potentiel intellectuel faiblit, le projet de société s’effrite inéluctablement. Comment alors trouver du sens à la protection de l’environnement, si nous n’avons plus de projet de société commun ? Dans le grand sujet de l’environnement, l’enjeu des enjeux est finalement le cerveau humain : la manière dont nous produisons des opinions et désapprenons à construire des réflexions est au cœur de notre médiocrité face à la préservation de l’environnement. Cela provient d’un manque d’informations et d’une politisation qui les noie dans des discours qui embrument plus qu’ils n’éclairent. C’est en diminuant la pollution numérique intellectuelle que le projet de société commun grandira. Enfin, l’impact sociétal suivra. Sans compréhension, il ne peut y avoir de progrès durable. Mais ceci n’est pas aisé : il est difficile de prendre de la hauteur quand le numérique sert autant qu’il asservit. Ce livre ouvre des questions pour contribuer à réparer le futur environnemental, mais aussi intellectuel et sociétal.

Il semble y avoir eu une prise de conscience au sujet de la pollution numérique ces dernières années, on le voit notamment avec l’arrivée de textes de loi et de feuilles de route qui ont pour ambition de verdir le numérique…

En 2017, 77 % des Français ignoraient ce qu’était la pollution numérique selon un sondage réalisé avec le cabinet Occurence. C’est le milieu associatif qui a en premier permis l’éveil des consciences et le sujet a pris une ampleur considérable dès le premier confinement. Alors que nous étions tous connectés depuis chez nous, les émissions de gaz à effet de serre liées au trafic routier diminuaient sensiblement. Les journalistes s’inquiétaient : « Et si la pollution générée par nos usages décuplés du numérique ne rattrapait pas tout ? » Avant 2017, nous manquions cruellement d’informations sur le numérique. Par exemple, en 2015, le Big Data était encore vu comme un progrès qui allait nous rendre tous heureux grâce à la personnalisation des services. Aujourd’hui, la donne a changé : les citoyens sont moins dupes, ils posent des questions car le sujet soulève de sérieuses questions sur les libertés fondamentales et la protection de la vie privée. Le sujet est depuis porté par des acteurs européens comme Margrethe Vestager, à l’Assemblée nationale par de nombreux élus ou encore au gouvernement, porté par Cédric O et Barbara Pompili [respectivement secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques et ministre de la Transition écologique].

Que pensez-vous des différentes propositions retenues dans la feuille de route gouvernementale dédiée au numérique et à l’environnement ?

Cette feuille de route a le mérite d’exister. Nous y avons contribué, avec Digital for the Planet, avec l’idée qu’il faut travailler de manière transversale plutôt qu’en silo. Ce ne sont cependant que des intentions : elles ne suffisent pas en l’état, même si elles traitent des bons sujets, comme l’indice de réparabilité, qui sont essentiels pour l’écoconception et la valorisation des appareils reconditionnés. Il faut aller plus loin et la loi Climat-Résilience actuellement débattue au Parlement peut le permettre si les propositions des différentes ONG et acteurs sont retenues. Digital for the Planet a proposé deux alinéas : un sur l’éducation à l’impact environnemental du numérique dans les écoles primaires, et un autre pour permettre une large part d’appareils reconditionnés ou à bon indice de réparabilité dans les achats publics. Aucun acteur, qu’il soit public, privé ou issu de la société civile, ne peut apporter seul de réponses concrètes à ces enjeux de pollution numérique. C’est à la fois la grande difficulté du sujet, mais aussi ce qui le rend beau : nous sommes tenus de travailler main dans la main.

Quels conseils donneriez-vous pour réduire les pollutions numériques de tout un chacun, des entreprises, du gouvernement ?

Du côté citoyen, nous pouvons faire durer le plus longtemps possible ses appareils électroniques. Ce sont des objets précieux : ils sont constitués de métaux et de terres rares, extraits dans des conditions sociales et environnementales déplorables. Il s’agit également de prêter attention à la notion de « diabète numérique ». Il y a un bon et mauvais numérique, comme il y a un bon et un mauvais sucre. Un enfant qui fait huit heures de jeux en ligne par semaine et un autre qui fait huit heures de codage ne donnera pas le même adulte. Sur le plan des entreprises, il faut considérer l’importance du sujet de la réparabilité des flottes d’appareils électroniques, veiller au droit à la déconnexion dans les entreprises, et utiliser le numérique comme un levier pour s’engager. Les gouvernements doivent quant à eux œuvrer à verdir les sources d’énergie qui alimentent les centres de stockage de données, mais aussi lutter contre l’illectronisme et se battre pour un revenu de la donnée. Puisque l’argent est au cœur de tout, rendons un peu de ce pouvoir à ceux qui la créent la richesse d’Internet, c’est-à-dire les internautes.

Ne pas réduire la problématique environnementale à la seule question climatique

Ne pas réduire la problématique environnementale à la seule question climatique

L’effondrement de la biodiversité est l’indicateur le plus révélateur des atteintes environnementales faites à notre planète. Le réchauffement climatique, rappelle, dans une tribune au « Monde », Christian Amblard, directeur de recherche honoraire au CNRS, ne doit pas masquer les autres causes de la destruction du vivant.

Tribune. Une confusion, porteuse de conséquences potentiellement graves, s’est durablement installée dans le débat public au sujet des préoccupations environnementales actuelles. Elle consiste à considérer que le dérèglement climatique est la seule urgence environnementale, de portée véritablement globale.

Cette confusion, faite sans doute de bonne foi par une grande partie de l’opinion publique, est habilement entretenue par d’autres. Pour ces derniers, cela leur permet de ne pas avoir à répondre de leurs activités destructrices et souvent cupides. Circonstance aggravante, cette confusion est abondamment relayée par de nombreux médias et par la plupart des responsables politiques.

 

L’urgence climatique est évidente et absolument pas secondaire. Bien au contraire, c’est la chronique d’une catastrophe annoncée qui déjà se manifeste très douloureusement, même si cela peut être observé de manière différenciée et différée dans le temps, selon les grandes zones géographiques terrestres. Mais lurgence environnementale ne se réduit pas à l’urgence climatique. 

Le vivant, indicateur des atteintes environnementales

Si le vivant disparaît actuellement sur notre planète, la principale raison n’en est pas, au moins pour le moment, le réchauffement climatique. Les premières causes d’effondrement de la biodiversité sur terre restent la destruction des habitats, les pollutions généralisées des écosystèmes et les destructions directes des espèces. Naturellement, ces différents facteurs interagissent et il en résulte une aggravation et une accélération des perturbations environnementales.

Mais c’est bien le vivant – que l’on peut quantifier au travers de l’évaluation de la dynamique de la biodiversité – qui est l’indicateur le plus intégrateur de toutes les atteintes environnementales faites à notre planète. Rappelons, à ce sujet, quelques chiffres qui ne font, par ailleurs, l’objet d’aucune contestation.

 

On note ainsi la disparition de 68 % des effectifs des espèces de vertébrés sauvages entre 1970 et 2016 (Indice Planète Vivante – Rapport WWF 2020), de 78 % des effectifs d’insectes volants en trente ans (revue Nature, 2017) et de 55 % des effectifs d’oiseaux en vingt-cinq ans sur le territoire français (étude CNRS et Muséum d’histoire naturelle, 2018). La population du lion d’Afrique a décru de 80 % en un siècle (information de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et une baisse de 400 millions d’oiseaux en Europe et de 3 milliards aux USA a été notée au cours des trente dernières années. Plus généralement, il est admis qu’une espèce animale ou végétale disparaît toutes les 20 minutes sur notre planète. 

Brexit: adieu la problématique environnementale pour le Royaume-Uni

Brexit: adieu la problématique environnementale pour le Royaume-Uni

La journaliste Louise Sallé de l’Opinion s’inquiète à juste titre des conséquences de l’accord sur la prise en compte de la problématique environnementale par le Royaume-Uni.

 

Ce mercredi, l’Union européenne et le Royaume-Uni ont paraphé le volumineux accord post Brexit, adopté le 24 décembre. Le traité de libre-échange encadre les règles de la concurrence, parmi lesquelles les normes environnementales.

L’accord post-Brexit est, somme toute, un traité de libre-échange des plus classiques. Les normes environnementales y sont protégées uniquement en vertu du respect des règles de la concurrence.

Le Royaume-Uni s’est engagé, dans le texte approuvé la veille de Noël et ratifié ce mercredi, à « maintenir des normes élevées » dans les domaines de l’environnement, des droits sociaux ou de la transparence fiscale. Celles-ci ne pourront pas « régresser » par rapport à leur niveau actuel. Ce qui écarte toute possibilité de dumping de la part des Britanniques si d’aventure ces derniers choisissaient de déroger à des contraintes environnementales afin de baisser le coût de leurs exportations. Et en cas de non-respect, Bruxelles peut menacer Londres d’imposer des droits de douane. De même, si les normes imposées au sein des deux entités divergent trop, la menace douanière peut être brandie devant un «  tribunal arbitraire  ».

Mais qu’en est-il des normes environnementales qui ne concerneraient ni le commerce ni l’investissement, telles que les directives européennes sur l’air, l’eau ou la protection de la biodiversité ?

« Si une norme n’est plus appliquée au Royaume-Uni, l’Europe devra prouver que cette négligence a un impact négatif sur les relations commerciales, et procure un avantage concurrentiel déloyal aux Britanniques », répond Marley Morris, directeur associé d’un think tank londonien sur les politiques publiques (IPPR) et spécialisé dans l’immigration, le commerce et les relations avec l’UE.

Pas de garde-fou, donc, en cas d’affaiblissement de mesures environnementales en dehors de ce libre-échange. L’application générale de ces normes est laissée aux mains des « institutions britanniques concernées », précise la Commission.

Compromis. Cette émancipation vis-à-vis des autorités européennes régulatrices en matière d’environnement, et notamment la très sévère Cour de Justice, est un réel changement. « Il y a des craintes que le contrôle soit opéré par une entité peu indépendante du gouvernement », rapporte Marley Morris. Un compromis accordé à Boris Johnson au cours des derniers mois, tandis que la version initiale de l’accord dessiné par Theresa May donnait à Bruxelles plus de moyens de contrôler Londres sur le plan environnemental, même pour les normes sans lien avec le commerce. « On s’est assez éloigné de ce que souhaitait l’Europe comme garanties sur le respect des normes environnementales », commente le chercheur.

Néanmoins, en raison des engagements climatiques ambitieux pris par le gouvernement anglais, le détricotage de ces régulations est assez improbable. Sur le court terme, du moins. La posture diplomatique du Royaume-Uni au sein de l’Accord de Paris empêche ce genre de revirements, d’autant plus que le pays accueillera la future Cop26 à Glasgow en novembre 2021.

Marley Morris craint cependant que certaines normes ne soient délaissées sur le long terme : « les mécanismes de protection de l’environnement ne vont certes pas changer du jour au lendemain mais prendront la direction que le Royaume-Uni voudra leur donner ». Ainsi, de légères modifications, insignifiantes sur le plan commercial et concernant des régulations peu soutenues par l’opinion publique, pourraient être envisagées.

Le garde-fou climatique de ce traité, qui mérite d’être salué, réside dans l’obligation de respecter l’Accord de Paris. Si l’une des parties s’en retire, l’autre peut répliquer en instaurant des droits de douane. De grandes incertitudes planent cependant sur la façon dont l’UE et la Grande-Bretagne coopéreront dans la lutte contre le changement climatique. En matière d’environnement, Londres peut se vanter d’avoir gagné son indépendance.

Brexit: une interminable liste de différends à prévoir avec le Royaume-Uni (« Brexeternity »)

Eric Albert, correspondant du Monde à Londres annonce une interminable liste de différends sur les futurs échanges entre l’union européenne et le Royaume-Uni suite à l’accord conclu.

Le Brexit n’est pas seulement un événement inédit, c’est aussi un long processus. L’accord sur les relations commerciales entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni, passé le 24 décembre, n’est que le début de ce qui sera inévitablement des années de négociations entre Londres et Bruxelles. De très nombreux sujets ont été laissés de côté et vont probablement revenir sur la table : finance, diplomatie, échange d’étudiants, règles pointues sur l’automobile, reconnaissance mutuelle des diplômes… Des dossiers majeurs aux sujets techniques, il faudra bien continuer à discuter.

« C’est le début du Brexeternity, écrivait dès 2019 Denis MacShane, ancien ministre des affaires européennes de Tony Blair : le Brexit va continuer à se développer pendant des années, voire des décennies. » (Brexeternity: The Uncertain Fate of Britain, éditions Bloomsbury, non traduit). Comme des plaques tectoniques qui s’éloignent, l’événement est profond mais lent et il est difficile de prédire quand et où auront lieu les tremblements de terre.

Bien sûr, l’entrée en vigueur des nouvelles relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne le 1er janvier 2021 constitue un tournant majeur. Les douanes font leur grand retour, avec le contrôle des marchandises. La libre-circulation des personnes se termine : un Européen voulant travailler au Royaume-Uni (et réciproquement) devra obtenir un permis de travail.

Le plus logique sera de coopérer

Mais il suffit de regarder la Suisse pour savoir que le dossier ne sera pas refermé pour autant. Depuis le rejet par référendum en 1992 de la Confédération helvétique d’entrer dans l’espace économique européen, Bruxelles et Berne négocient en permanence. Une série d’accords bilatéraux ont été signés en 1999, d’autres encore en 2004, et des discussions qui n’en finissent pas sont en cours sur un projet d’accord institutionnel.

Ce qui passe relativement inaperçu politiquement avec un pays neutre de 8 millions d’habitants risque d’être incontournable avec la deuxième économie européenne et sa deuxième armée. Pour le meilleur ou pour le pire, l’UE et le Royaume-Uni sont voisins. Qu’il s’agisse d’appliquer des sanctions contre les oligarques russes ou syriens, de lutter contre le réchauffement climatique ou de s’occuper de la frontière irlandaise, le plus logique sera de coopérer. Politiquement, le sujet va devenir moins brûlant. Mais on peut faire confiance aux tabloïds britanniques et au gouvernement de Boris Johnson pour souffler sur les braises nationalistes si cela s’avère nécessaire, en particulier pour pousser son avantage face au continent.

La nouvelle problématique économique, environnementale et sociale

 La nouvelle problématique économique, environnementale et sociale

 Bertrand Badré, PDG de la société d’investissement Blue Like an Orange Sustainable Capital, et Camille Putois, PDG de la coalition Business for Inclusive Growth explique dans les Échos la nécessité de prendre en compte les nouveaux défis environnementaux et sociaux

PARIS – La crise due au Covid-19 montre à quel point tous nos grands défis sont imbriqués. La perte de biodiversité et la montée des inégalités contribuent à une catastrophe sanitaire mondiale et à la pire crise économique depuis presque un siècle.

Comme cela arrive souvent dans de tels moments, les gens acceptent alors des changements qu’ils auraient rejetés d’emblée auparavant. Ainsi un changement majeur est en cours dans le monde des affaires : de nombreux dirigeants et investisseurs sont maintenant favorables à des pratiques et des modèles plus durables et plus responsables.

Il faut maintenant agir pour que ce nouvel état d’esprit devienne lui-même viral. Comment faire pour que toutes les entreprises y adhèrent, étant donné qu’elles restent dépendantes des exigences et des intérêts des actionnaires et des investisseurs ? On pense immédiatement aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ou critères ESG. Mais ils ne constituent qu’une partie de la solution. C’est précisément parce que ce domaine est en plein essor qu’il est devenu encombré et confus, ce qui conduit à une certaine lassitude à l’égard des rapports de durabilité.

Un souci de clarté et de cohérence

Heureusement, il y a eu une récemment une avancée : deux grands organismes de normalisation des critères ESG, la Global Reporting Initiative et le Sustainability Accounting Standards Board, ayant annoncé qu’ils vont collaborer. Leur objectif n’est pas tant de créer une norme unique que « d’aider les parties prenantes à mieux comprendre comment les normes peuvent être utilisées simultanément ».

De même, pour faciliter les comparaisons et dans un souci de clarté et de cohérence, l’International Business Council du Forum économique mondial a récemment publié des « Paramètres du capitalisme au bénéfice de toutes les parties prenantes » destinés à accélérer la convergence entre les principaux organismes privés de normalisation. De son côté, l’Union européenne a lancé une révision de sa directive sur le reporting non financier qui oblige les grandes entreprises à divulguer des informations sur leur mode de fonctionnement et de gestion face aux défis sociaux et environnementaux.

Le secteur du financement ESG connaît une croissance rapide qui est appelée à se prolonger, car les entreprises connues pour leurs pratiques éthiques et durables résistent mieux que les autres à la crise suscitée par le Covid-19. Tout cela est bien beau, mais ce progrès pourrait être compromis si les investisseurs ont des difficultés pour comparer entre eux les rapports des différentes entreprises quant à leur respect des critères ESG.

Il faudrait parvenir à un ensemble de critères ESG internationaux, évalués de la même manière avec des normes de publication communes. Pour autant, cela n’exige pas l’existence d’un ensemble de normes unique. Certaines normes de reporting comporteront plus d’informations que d’autres, d’autres concerneront essentiellement des éléments cruciaux pour la création de valeur de l’entreprise ou encore l’impact d’une entreprise sur l’environnement. Il pourra y avoir différentes manières de faire un reporting ESG, toutes reposant cependant sur la même base.

Un reporting ESG clair ne constitue qu’une partie de la solution. Les entreprises devront compléter les informations sur les risques ESG par l’évaluation quantifiée de leur impact sur l’environnement et la société, tant en termes d’externalités négatives que positives. Autrement dit, les entreprises devront passer d’une culture de déclarations et d’intentions à une culture de résultats concrets, basée sur des évaluations d’impact.

Au-delà du court terme, la mesure au sens large de l’impact ESG des entreprises est la première étape vers un modèle de comptabilité des entreprises plus complet. Cela encouragera leurs dirigeants à intégrer des objectifs d’impact dans leur stratégie, accélérant l’orientation des flux de capitaux vers des investissements responsables. Cela permettra également aux États d’ajuster leurs décisions affectant les entreprises

Un capitalisme au bénéfice de toutes les parties prenantes

Ce modèle de comptabilité constitue le meilleur moyen de créer des conditions équitables nécessaires au fonctionnement d’un capitalisme au bénéfice de toutes les parties prenantes. Il intègre les décisions liées aux préoccupations climatiques et à la protection de la biodiversité. Il tient aussi compte de préoccupations sociales telles que l’égalité salariale, les avantages sociaux, l’avancement professionnel, ainsi que la santé et la sécurité au travail. Il encourage les entreprises à promouvoir des pratiques durables tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement, ce qui peut être rentable car elles sont alors plus résistantes aux crises inattendues. Enfin, des mesures d’impact faciles à comprendre sont essentielles pour établir des liens de confiance avec les clients, la population et les autres parties prenantes.

Crédit : iStock

Bien entendu, toutes les entreprises n’ont pas un impact positif sur le monde. Les mesures d’impact seront systématiquement négatives dans certains secteurs. Il s’agit de faire la distinction entre les entreprises qui s’engagent réellement à diminuer leur impact négatif et celles qui ne font que de l’écoblanchiment. Lorsque davantage d’entreprises produiront des données d’impact rigoureuses, vérifiées et transparentes aux investisseurs qui répondent aux demandes des clients en matière d’investissements responsables, les flux de capitaux s’adapteront en conséquence. Les effets seront positifs pour tout le monde.

Une dernière question est de savoir si cette nouvelle comptabilité peut s’adjoindre à la comptabilité financière. Les mesures d’impact sont complexes et semblent reposer sur des hypothèses qui peuvent facilement être remises en question. Néanmoins, comme l’a fait remarquer John Maynard Keynes, « Il vaut mieux avoir à peu près raison que précisément tort. » En outre, les méthodes de comptabilité financière établies de longue date ne sont pas parfaites, elles aussi ne font qu’estimer des réalités économiques sous-jacentes. Nous ne devrions pas hésiter à poursuivre le même type d’approximation en ce qui concerne l’impact social et environnemental des entreprises.

Une politique d’évaluation et de monétisation de cet impact a été lancée il y a quelque temps à partir d’un petit ensemble de mesures simples élaborées par l’OCDE (sur la base des travaux de l’initiative Business for Well-Being). Depuis, des projets plus avancés ont émergé et continuent de se développer. Grâce à la prise en compte de l’impact des opérations directes des entreprises et des chaînes d’approvisionnement, ainsi que de l’évaluation environnementale et sociale de la production de biens et services, les États peuvent élaborer des politiques en faveur d’un comportement responsable des entreprises et de l’augmentation du coût de leurs externalités négatives telles que les émissions de gaz à effet de serre.

Les enjeux sont importants, aussi les entreprises et les États doivent-ils unir leur force pour généraliser un modèle de comptabilité intégrant l’impact ESG des entreprises. Une feuille de route internationale pourrait couvrir des questions clés telles que la transparence et la communication des informations ESG. Cela permettrait de progresser plus rapidement vers des normes et une méthodologie communes et conduirait à la convergence des intérêts des entreprises, des investisseurs et des États face aux grands défis de notre époque. Une nouvelle définition de l’entreprise responsable se dessine.

Par Bertrand Badré, PDG de la société d’investissement Blue Like an Orange Sustainable Capital, et Camille Putois, PDG de la coalition Business for Inclusive Growth.

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