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La difficile problématique de la démocratie participative

La difficile problématique de la démocratie participative

Benjamin Monnery
Maître de conférences en économie, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

François-Charles Wolff
Professeur en sciences économiques, IAE Nantes, IAE Nantes

La plupart des démocraties occidentales connaissent aujourd’hui une défiance croissante à l’égard des élus et une participation électorale en berne. Pourtant, les citoyens expriment fréquemment leur volonté d’être davantage consultés et impliqués dans la prise de décision publique. On voit ainsi fleurir depuis quelques années de nouvelles formes de démocratie participative, comme des référendums locaux, des consultations publiques, des budgets participatifs, des conventions citoyennes, et bientôt peut-être un « préférundum » évoqué par le gouvernement.

Par Benjamin Monnery
Maître de conférences en économie, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

François-Charles Wolff
Professeur en sciences économiques, IAE Nantes, IAE Nantes dans The Conversation

Si de telles initiatives permettent à chacun d’exprimer ses opinions et ses préoccupations, la question de la représentation de l’ensemble de la population est clairement posée. Si certains groupes spécifiques se mobilisent particulièrement lors de ces consultations, alors le manque de diversité peut aboutir à une vision déformée des préférences de la population générale et porter au final préjudice au fonctionnement même de cette démocratie participative.

Dans une étude récente, nous nous sommes interrogés sur les possibles limites de telles consultations citoyennes en termes de représentativité. L’expérience du grand débat national début 2019 apporte un éclairage original à cette question, par son caractère massif (près de 2 millions de Français se seraient exprimés durant cette période) et le contexte politique inédit et clivant du mouvement des « gilets jaunes ».

Un grand débat lancé en plein mouvement des « gilets jaunes »

Le mouvement des « gilets jaunes » a émergé mi-novembre 2018 avec des manifestations sur les ronds-points partout en France.

D’abord motivé par une hostilité aux taxes sur les carburants, au coût élevé de la vie et aux inégalités, le mouvement s’est ensuite élargi pour couvrir un ensemble de sujets liés à la justice sociale, fiscale ainsi qu’à la démocratie. En réponse aux épisodes de violence début décembre 2018, le président Macron a décidé de mettre en place un grand débat national.

En complément de cahiers de doléances dans les mairies et de réunions publiques locales ayant réuni près de 500 000 participants, la création d’une plate-forme numérique (granddebat.fr) ouverte de mi-janvier à mi-mars 2019 a permis d’interroger les Français sur quatre thématiques : la transition écologique, les impôts et les dépenses publiques, la démocratie et la citoyenneté, et enfin l’organisation de l’État et des services publics.

Cette consultation en ligne a connu un succès historique puisque plus de 400 000 participants ont répondu à au moins une des questions fermées posées sur la plate-forme, et plus de 275 000 à l’ensemble des questions.

Sa représentativité reste en revanche une énigme, les répondants au grand débat n’ayant été interrogés sur aucune de leurs caractéristiques (sexe, âge, catégorie sociale ou opinion politique par exemple). Personne ne sait donc si ces 400 000 répondants étaient plutôt jeunes ou vieux, cadres ou ouvriers, ou encore pro ou anti « gilets jaunes ». Tout juste a-t-on pu constater que les codes postaux les plus représentés sur granddebat.fr correspondaient à des zones plutôt riches et ayant particulièrement voté pour Emmanuel Macron en 2017.

Qui étaient les 400 000 participants numériques au grand débat ?

La question de savoir qui sont les participants au grand débat est centrale pour en tirer des conclusions pertinentes, surtout dans le contexte de crise politique des « gilets jaunes ». Les manifestants se sont-ils beaucoup exprimés sur la plate-forme gouvernementale ? Ou bien celle-ci a-t-elle surtout attiré une France favorable au gouvernement et opposée au mouvement ?

Pour le savoir, nous avons tiré profit d’une application Facebook indépendante du gouvernement, dénommée Entendre La France, qui posait 14 questions identiques à celles du grand débat. Les utilisateurs pouvaient également y indiquer leur sexe, leur âge, leur diplôme, ainsi que leur soutien ou non au mouvement des « gilets jaunes ». Au total, plus de 15 000 personnes ont répondu à au moins une question sur l’application et 4 500 à l’ensemble des questions.

A gauche, la plate-forme officielle. A droite, l’application Entendre la France sur Facebook. Entendre la France
La combinaison de ces deux sources de données permet de mieux cerner les participants au grand débat. En comparant statistiquement les réponses données aux mêmes questions par les utilisateurs d’Entendre La France sur Facebook (dont on connait le soutien ou l’opposition aux « gilets jaunes ») et ceux ayant répondu sur la plate-forme officielle grand débat (dont on ne connait aucune caractéristique individuelle), il est possible de déduire ou prédire le profil de ces derniers et en particulier leur soutien ou leur opposition au mouvement des « gilets jaunes ».

Sur la base de modèles prédictifs, nous parvenons à un résultat principal. Alors que 62 % des répondants sur Facebook disaient soutenir le mouvement des « gilets jaunes » et que le taux de soutien dans la population en général était de 52 % selon plusieurs enquêtes d’opinion durant cette période, nos estimations principales suggèrent que le taux de soutien n’était que de 39 % chez les participants sur la plate-forme officielle.

Cet écart dans le soutien au mouvement des « gilets jaunes », avec une différence de 13 points entre les usagers de la plate-forme officielle et l’ensemble de la population française (39 % contre 52 %), est loin d’être anecdotique. Concrètement, cela signifie que les personnes hostiles au mouvement des « gilets jaunes » avaient une probabilité plus élevée de 67 % de contribuer à la plate-forme gouvernementale que celles soutenant le mouvement. Autrement dit, les anti « gilets jaunes » se sont beaucoup plus exprimés que les pro « gilets jaunes » pendant le grand débat. Cette autosélection des participants a donc nécessairement impacté les enseignements qui pouvaient être tirés de cette consultation massive.

Bien sûr, notre étude explore en détail les principaux biais méthodologiques pouvant altérer nos résultats. Par exemple, le fait que les usagers de Facebook soient plutôt jeunes (et selon toute vraisemblance plus jeune que ceux sur la plate-forme officielle) pourrait potentiellement perturber nos estimations. Dans les faits, la correction de tels biais liés à l’âge, le diplôme ou d’autres caractéristiques (par des techniques de repondération et de simulation) n’a que très peu d’impact sur notre résultat principal : il y a bien eu une mobilisation très inégale des Français sur la plate-forme officielle du grand débat, en fonction de leur soutien ou non au mouvement des « gilets jaunes ». Au final, on estime qu’entre 39 % et 45 % des quelque 400 000 participants numériques au grand débat soutenaient le mouvement, soit 7 à 13 points de moins que dans la population française en général à la même époque.

Quelles leçons en tirer ?

Notre étude ne permet pas de savoir si cette autosélection des participants relevait plutôt d’un boycott de la plate-forme officielle par les « gilets jaunes » (ils avaient d’ailleurs créé leur plate-forme autonome) ou bien d’une mobilisation particulièrement forte des opposants au mouvement. Quoi qu’il en soit, nos résultats montrent qu’une initiative de démocratie participative a priori très réussie d’un point de vue quantitatif peut en réalité aboutir à une vision biaisée de l’opinion publique dans son ensemble.

Or cette déformation peut avoir des conséquences très concrètes sur les enseignements qui sont tirés par les décideurs publics. Dans le cas présent, elle a pu influencer ou justifier certaines annonces d’Emmanuel Macron et Edouard Philippe au moment de la restitution du grand débat, qu’il s’agisse notamment de la forte baisse de l’impôt sur le revenu ou des propositions qui ont été écartées (la reconnaissance du vote blanc ou le référendum d’initiative citoyenne par exemple).

De telles décisions politiques, prises de manière unilatérale ou en se basant sur une loupe déformante, peuvent nourrir un sentiment de défiance et une volonté de désengagement de la part des citoyens. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit lors de la deuxième grande initiative de démocratie participative de la Présidence d’Emmanuel Macron, la Convention Citoyenne pour le Climat.

Lancée en avril 2019 à la suite du grand débat, cette convention reposait cette fois sur les discussions et délibérations d’un panel représentatif de 150 citoyens tirés au sort. Néanmoins, malgré la qualité de ce dispositif et des travaux de la convention, plusieurs propositions emblématiques des « 150 » furent écartées par le Gouvernement sans même attendre le débat parlementaire, suscitant un sentiment de gâchis et de trahison…

Au final, ce sont donc la représentativité des participants, puis la traduction politique des opinions exprimées qui constituent les deux enjeux cruciaux d’une démocratie participative véritablement légitime et efficace. Sans forcément toujours passer par un tirage au sort, une bonne pratique facile à mettre en place consisterait à demander aux répondants de renseigner systématiquement leurs caractéristiques sociodémographiques, voire leur orientation politique. Cela permettrait de savoir rapidement si une consultation citoyenne donne une vision plutôt fidèle ou au contraire déformée de l’opinion des citoyens dans leur ensemble.

Ferroviaire : La problématique de la performance des TER

Ferroviaire : La problématique de la performance des TER


Sur les services TER, à compter de décembre 2023, à l’exception de l’Île-de-France qui a un calendrier spécifique, les régions auront l’obligation de lancer des appels d’offres à la fin de leur contrat d’exploitation signé avec SNCF Voyageurs, et ce pour un délai maximum de dix ans. Cette possibilité de s’ouvrir à la concurrence est offerte depuis décembre 2019. Certains territoires ont déjà renouvelé leur confiance au transporteur historique, comme les Pays de la Loire au début du mois de juin ou les Hauts de France en mars de cette année. Provence-Alpes-Côte d’Azur a fait le choix de la nouveauté : à partir de juillet 2025 et pour dix ans, c’est Transdev qui s’occupera de 10% des TER sur la ligne Marseille-Toulon-Nice. Faut-il néanmoins tout attendre de cette ouverture ? Certes, l’idée est d’être plus efficace et de mieux maîtriser des coûts qui suivent une trajectoire inquiétante. Néanmoins, la mauvaise qualité de service sur un réseau TER peut être due à bien d’autres facteurs face auxquels un nouveau transporteur s’avèrerait tout aussi impuissant que SNCF Voyageur. Un réseau de mauvaise qualité ou saturé par exemple.


par Christian Desmaris, Université Lumière Lyon 2 et Guillaume Monchambert, Université Lumière Lyon 2

Une réflexion intéressante mais qui n’insiste pas suffisamment sur le problème fondamental de l’imputation des charges d’infrastructure et les rigidités structurelles qui plombent la compétitivité . NDLR

Nos travaux ont ainsi tenté de faire la part des choses. Où et dans quelle mesure le transporteur ne propose-t-il pas un service optimal étant donné l’environnement dans lequel il évolue ?

L’enjeu, maîtriser les coûts

Revenons en premier lieu sur l’évolution du paysage de ces dernières années.

Les contributions publiques totales allouées à la SNCF, au titre de l’activité TER, ont augmenté de manière soutenue et quasi constante. En 2002, ces transferts publics étaient de l’ordre de 1,986 milliard d’euros ; en 2017, ils s’élevaient à 3,379 milliards d’euros. Cela correspond à une augmentation de 70% en quinze ans, ce qui représente une hausse moyenne annuelle de 3,6%.

Cette croissance n’aurait rien d’inquiétant si elle s’expliquait par des efforts d’investissement dans le matériel roulant, la modernisation des gares ou le réseau ferroviaire. Or, cela est loin d’être le cas : leur part s’est sensiblement réduite après la crise économique de 2008. D’une moyenne de 26,7% des contributions sur la période 2002-2009, elle est descendue à 14,8% sur les années 2010-2017.

La hausse des subventions publiques s’explique ainsi surtout par la progression du financement du déséquilibre d’exploitation de ce service assuré par la SNCF. Ce service est largement subventionné, de l’ordre de 80 % de son coût en moyenne.

La dynamique est impressionnante : les sommes allouées à cette fin ont plus que doublé entre 2002 et 2017 (5,2 % d’augmentation annuelle moyenne). Il n’y aurait, une nouvelle fois, pas de quoi s’alerter si cela avait pour corollaire une augmentation du volume des prestations de services commandées par les régions à la SNCF. Ce n’est, ici non plus, pas vraiment le cas. Le nombre de kilomètres commandés n’a augmenté que de 18 % entre fin 2002 et fin 2017. Le volume de service s’est même réduit depuis son maximum en 2011.

La subvention publique pour faire circuler un TER sur un kilomètre est ainsi passée de 9,45 euros en 2002 à 17,16 euros en 2017 en moyenne. Une part significative de cette hausse relève, d’après la Cour des comptes, de la progression des coûts de production de l’opérateur ferroviaire. C’est dans ce contexte que questionner sa performance productive semble primordial.

Qui est responsable de quoi ?

L’exercice n’est cependant pas aisé : dans cette progression des coûts de production ferroviaire, tout n’incombe pas au transporteur qu’est SNCF Voyageurs. La performance productive dépend aussi de la qualité des infrastructures sur lesquelles les trains circulent et dont la responsabilité incombe à SNCF Réseau, une entité bien distincte. Elle dépend aussi des orientations données par les autorités organisatrices des transports (les régions en l’occurrence), des contrats passés avec celles-ci et qui varient fortement d’un territoire à un autre. Elles peuvent elles-mêmes faire le choix d’investir dans les gares, dans les rénovations des voies. Elles influent sur les choix de matériel roulant.

Outre les interactions entre ces trois acteurs, l’environnement sociétal importe également : la densité démographique ou le taux d’incivilité ont des impacts conséquents sur les performances des TER. Des paramètres économiques interviennent de même, comme les taux de motorisation, l’importance d’une clientèle captive ou occasionnelle du train, la possibilité de réaliser des économies d’échelle… Il faut aussi composer avec les autres services présents sur le réseau (Inouï, Ouigo, fret, Intercités) qui peuvent amener une congestion et dégrader la performance des TER.

En définitive, il est bien difficile de déterminer ce qui, dans la performance du service délivré, incombe au comportement de chaque acteur, et notamment de l’opérateur ferroviaire. Les ratios utilisés par la Cour des comptes ou l’ART (Autorité de régulation des transports) dans son bilan annuel s’avèrent insuffisants. C’est à y remédier que notre étude s’est attelée.

La SNCF, à 82 % de ses capacités

Notre étude met à profit, sur la période 2012-2016, deux bases de données jamais exploitées jusqu’alors. Elles nourrissent une méthodologie d’estimation d’une « frontière de production », développée notamment par Philippe Aghion, professeur au collège de France. Il s’agit de mesurer le volume de production théoriquement atteignable étant donné les technologies et ressources matérielles et humaines à disposition, puis de comparer la performance d’un opérateur avec cet optimum. Dit autrement, on se demande si avec les ressources à disposition, il ne serait pas possible de produire plus de train-kilomètre, ou si l’on pourrait parcourir les mêmes distances en sollicitant moins de ressources.

Le modèle dissocie ainsi les coûts de personnel à bord et en gare par exemple, mais n’inclut pas ceux des péages à verser à SNCF Réseau pour engager un train sur un sillon, car l’opérateur n’en a pas la maîtrise. Tout un ensemble de variables supposées contribuer à la performance productive est inclus.

Trois résultats majeurs en ressortent. En moyenne, les opérateurs ferroviaires régionaux de la SNCF obtiennent un score d’efficience de 82,2 %. Ils auraient pu ainsi, sur la période étudiée, baisser d’environ 18 % leur coût de production si l’on prend comme base les meilleures performances obtenues par la SNCF en région. Cela suggère que, même si la SNCF n’est pas la seule responsable de cette dérive des coûts, elle l’est en partie tout de même. Le score de 100 % représente la frontière de production, c’est-à-dire la production maximale avec le système productif de notre échantillon. Soulignons que cette estimation ne dit rien du gain de coût qui pourrait être obtenu avec un autre opérateur ferroviaire que la SNCF.

Le second résultat concerne la disparité des scores d’efficacité productive selon les régions. L’éventail est très ouvert. Les scores varient de 97,8 % à 59,3 %. Aucune région n’est à 100 %, car toutes sous-optimisent l’utilisation d’au moins un des facteurs de production. Deux régions TER peuvent ainsi recevoir une mention « Excellent » : Rhône-Alpes et la Bretagne. Quatre autres régions « Bien » l’Alsace et la Lorraine par exemple. À l’opposé, cinq régions TER sont peu performantes, dont la Picardie ou le Languedoc-Roussillon. La Haute-Normandie finit au fond du classement. Nombre de régions pourraient ainsi progresser sans changer d’opérateur, si elles bénéficiaient des conditions qui font la performance dans les meilleurs d’entre elles.

Plusieurs régions ont depuis cette étude recontractualisé avec la SNCF. Dans le cas de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les deux premiers appels d’offres, dont l’un a été remporté par la SNCF et l’autre par Transdev, « Intermétropoles », ont permis de presque doubler l’offre dans ces lots, pour une contribution publique équivalente ou en baisse. Ce résultat, a priori peu attendu, tient au cercle vertueux sur les recettes de trafic d’une augmentation d’offre de service, et ce plus encore dans les zones particulièrement denses.

Le troisième résultat est davantage méthodologique. Les méthodes d’évaluation habituelles donnent des résultats peu convergents avec les nôtres. Cela renforce l’idée que les méthodes économétriques ont aussi un rôle à jouer en complémentarité des méthodologies usuelles.

Quels leviers ?
L’analyse nous conduit à formuler plusieurs indications à destination des décideurs publics comme des opérateurs.

La première est que la SNCF a beaucoup à faire pour optimiser ses coûts de production. D’après la Cour des comptes, il semblerait que la gestion du facteur travail puisse être davantage optimisée, par réduction de l’absentéisme notamment, ou en modifiant certaines dispositions de l’organisation du travail, pour davantage de polyvalence.

Il s’agit aussi de travailler sur l’environnement dans lequel le service est exécuté. Une étude montre par exemple que le degré de respect de l’ordre social, approximé par le taux de délinquance régionale, s’avère fortement corrélée avec une faible efficience ferroviaire.

L’efficience productive résulte aussi de certains paramètres physiques du système de production ferroviaire. La qualité du réseau (vitesse maximale, voie unique ou double, électrification…), mais aussi le nombre de gares, semble avoir un impact positif considérable sur l’efficience productive, de même que la longueur du réseau qui permet d’obtenir des économies d’échelle. Ces paramètres s’imposent à tous les opérateurs.

On observe également que la contractualisation et les modes de gouvernance reliant l’opérateur à la collectivité régionale ont un impact important. Plus l’efficience est basse, plus le contrat est long et volumineux. Cela suggère que là où la performance productive est la plus faible, les régions seraient enclines à resserrer les contraintes imposées à l’opérateur, en spécifiant chaque détail de la contractualisation. Ce résultat se trouve illustré par la forte corrélation entre le coût par train-kilomètre et la longueur du contrat.

Par ailleurs, les modes de gouvernance faisant appel à des logiques « incitatives », plus qu’à des logiques « hiérarchiques » (injonctives) ou « de confiance » (coopératives), semblent les plus à même à s’accompagner de hauts niveaux d’efficience. Ces points qui, en l’état, constituent des hypothèses de travail fortes, mériteraient d’être approfondis.

Et aujourd’hui ?
La contractualisation s’avère au final un des leviers d’amélioration de la performance des TER qui, en cette période d’ouverture à la concurrence, mérite la plus grande attention des régions, mais aussi du régulateur, qui aurait avantage à mettre à disposition des parties prenantes davantage de données.

Au niveau de l’ensemble des régions, la situation s’est améliorée. L’offre de service réaugmente et la subvention par train-kilomètre de 2021 s’est stabilisée au niveau de 2019. En outre, les régions boostent l’investissement en nouveaux matériels et dans les voies.

L’avenir semble ainsi prometteur. Plusieurs régions ont, depuis cette étude, recontractualisé avec la SNCF et il semblerait que l’enjeu de maîtrise des coûts ait été intégré, pour le moins dans certains cas. Fin 2021, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les deux appels d’offres, dont l’un a été remporté par la SNCF, « Azur », l’autre par Transdev, « Intermétropoles », promettent de presque doubler l’offre dans ces lots, à l’horizon 2025, pour une contribution publique équivalente ou en baisse. Ce résultat, a priori peu attendu, tient au cercle vertueux sur les recettes de trafic d’une augmentation d’offre de service, et ce plus encore dans les zones particulièrement denses.

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Par Christian Desmaris, Maître de Conférences en Économie, Sciences Po Lyon, Université Lumière Lyon 2 et Guillaume Monchambert, Maître de conférences en économie, Université Lumière Lyon 2

La problématique de la crise immobilière

La problématique de la crise immobilière (Xavier Lépine)

Xavier Lépine, président de l’Institut de l’Épargne immobilière et foncière (IEIF), revient sur la crise qui secoue la crise immobilière dans la Tribune

Xavier Lépine A l’heure des injonctions plus contradictoires que jamais – le logement est inabordable pour une partie croissante de la population, les coûts d’adaptation aux dérèglements climatiques sont monstrueux, reconstruire la ville sur la ville – Patrice Vergriete, par la hauteur de vue qu’il amènera, est « l’homme » de la situation. Je n’ai qu’un seul grand regret, que son ministère ne soit que celui du logement et non pas celui de l’immobilier. A l’heure où l’avenir du bureau est questionné, où de très nombreux Français travaillent partiellement de chez eux, où l’immobilier de l’Etat est une partie intégrante de la solution, de mon point de vue, il me semble évident que les barrières des usages sont floutées et qu’une approche plus holistique de l’immobilier (résidentiel et tertiaire) serait plus efficace.


Au-delà de ces mouvements gouvernementaux, faut-il s’attendre à une crise immobilière de grande ampleur ?

L’immobilier est un temps long, très long. Et ce qui arrive aujourd’hui est la conséquence de ce qu’on appelle en mathématiques le modèle de Reasons, c’est-à-dire une accumulation d’événements parfois lointains, sans conséquences systémiques lorsqu’ils sont pris isolément, mais qui provoquent un accident « vital » par leur simple accumulation. Nous sommes entrés dans une crise structurelle qui est la conséquence de quarante années de politique du logement qui n’a fait que creuser les inégalités au lieu de les réduire. Nous sommes en effet dans une situation où en vingt ans les prix de l’immobilier ont doublé alors que les revenus n’ont augmenté que de 30% ; et sur 40 ans ils sont multipliés par 12 alors que les revenus n’ont augmenté que de 5 fois. Un mètre carré reste toujours un m² et le « logement » est devenu dysfonctionnel. Insuffisance de l’offre, vieillissement de la population, décohabitation… C’est vrai partout dans le monde et partout dans le monde il y a ce décalage croissant entre les prix de l’immobilier et les revenus où la valeur d’usage (loyer) n’a plus de relation avec la valeur d’échange (prix). Mais la France a particulièrement échoué, faute d’avoir su faire évoluer ses modèles (notamment d’avoir accepté de faire des financements à 25 ans avec des taux d’intérêts proches de zéro alors que l’offre de logement était insuffisante) et d’avoir trop politisé le débat sur le thème logement social versus privé.

Les politiques publiques en matière d’immobilier sont pourtant très volontaristes, avec des budgets conséquents. Pourquoi jugez-vous aussi sévèrement l’action de l’État ?

Nous avons eu après la Seconde guerre mondiale, et pendant près de quarante ans, une politique du logement extrêmement inclusive et bénéfique pour la population. Une succession de lois novatrices, disruptives, ont permis de lancer la machine. La loi de 1948 a certes limité la hausse des loyers mais après les avoir multiplié par trois pour rattraper l’inflation de l’occupation des années 1940 et relancer l’entretien des immeubles. Elle a permis également de développer la copropriété – renforcée à partir de 1965 – qui existait pourtant depuis le Code Napoléon. De même, pour solvabiliser la demande, a été créé le crédit immobilier à taux fixe, que tout le monde nous envie, avec une décision politique très forte à l’origine, celle de ne pas rémunérer les dépôts bancaires et pendant longtemps le monopole du crédit foncier permettant ainsi de « fixer » le coût de l’argent et par la même une très forte visibilité financière pour les ménages. Même la loi Malraux de 1962 sur les monuments historiques a permis de réduire considérablement l’insalubrité, ce qui pourrait d’ailleurs inspirer le gouvernement en matière d’isolation thermique. Enfin, la loi de 1967 a permis de développer un métier qui n’existait pas vraiment en France, celui de promoteur immobilier, pour répondre à une demande qui augmentait en flèche. Cinq ans après les rapatriements d’Algérie et surtout l’impact du baby-boom, les enfants nés par millions – 1 million par année- en 1945 ayant 22 ans en 1967 ! Et toute l’originalité française a été d’inventer la VEFA – la vente en l’état futur d’achèvement – pour développer une activité extrêmement capitalistique sans capitaux propres … à la différence des modèles anglo-saxon des REITS (promoteurs et partiellement investisseurs). Ce sont toutes des décisions extrêmement fortes, courageuses même, qui font que nous sommes passés d’une France de quelques pourcents de propriétaires en ville à une France de 58% de propriétaires. Ce qui reste en-dessous aujourd’hui de la moyenne européenne (70% en Europe avec les deux pays les plus riches d’Europe Suisse – 40% – Allemagne 50% très en dessous de la moyenne) car c’est un pourcentage qui n’augmente que marginalement depuis des années.

A partir de quand alors la politique en matière de logement a pris, selon vous, un mauvais tournant ?

L’arrêt de la convertibilité du dollar en or juillet 1971 – de fait la fin des accords de Bretton Woods – ont créé un nouveau monde et signé la fin des Trente Glorieuses, avec des monnaies instables, le triplement du prix du pétrole en 1973 – le dollar ce n’est plus de l’or et les pays producteurs l’avaient bien compris ! -, des taux d’intérêt qui grimpent, une forte inflation, du chômage et … des faillites de promoteurs en cascade. Puis une série de lois, toutes vertueuses au démarrage, a plutôt involontairement aggravé la situation. En tête, la loi de décentralisation de 1982 qui a donné le pouvoir de construire au maire avant qu’il ne s’aperçoive au bout de quelques années qu’il fallait plutôt faire moins de résidentiel et plus de bureaux pour être réélu. Après la crise immobilière de 1992-1994, la loi Perissol de 1995 incite les Français à investir dans le locatif. Ce qui revient à subventionner les catégories les plus aisées pour qu’elles achètent des logements locatifs pour les catégories les moins aisées avec comme effet de bord une sortie massive des investisseurs institutionnels du résidentiel locatif. Finalement, à chaque fois que l’État a sauvé la construction de logements, cela s’est traduit par une hausse des prix. C’était vrai pour le Perissol, c’était vrai aussi pour le Pinel qui a grandement alimenté la hausse des prix. La loi SRU de 2000 qui impose des quotas de logements sociaux a finalement malheureusement contribué à alimenter les prix du secteur libre.

Cette situation a empiré depuis les années 2000 : forte croissance mondiale très peu inflationniste avec l’arrivée de la Chine dans l’OMC, les taux d’intérêt baissent, les banques allongent la durée des crédits et les prix de l’immobilier explosent. Tout un système économique, social et fiscal dans un contexte de mondialisation qui fait qu’au total, le PIB nominal de la France a été multiplié par 7 en l’espace de quarante ans alors que la création monétaire l’a été de 50 fois. Concrètement, l’excès de croissance monétaire s’est répercuté sur les actifs, financiers bien sûr, mais également le prix de l’immobilier qui s’est envolé alors que les salaires ne suivaient que l’inflation général des prix à la consommation.

Quelle devrait être la réponse de l’État, selon vous ?

Nous avons souvent des réponses fiscales ou circonstancielles comme celles sur les meublés touristiques. Tout ceci est très cosmétique. Il serait grand temps de tout mettre sur la table et de voir vraiment ce qui marche et ce qui ne marche plus et l’État ne peut pas tout faire ; mais il peut être facilitateur. Il n’y a pas de solution unique mais un ensemble de réflexions profondes à mener. Les rénovations thermiques ne sont pas dans les moyens financiers de nombreux propriétaires alors même que l’immobilier est souvent très cher ; profitons de cette situation, l’immobilier peut servir de garantie pour autofinancer les travaux de rénovation énergétique via des prêts avance rénovation dont le capital serait remboursé lors de la mutation. Tous les jours, nous entendons de multiples petites voix qui nous disent que des centaines de milliers de logements ne seront plus louables faute d’avoir la bonne lettre (DPE)… et par ailleurs il faut démultiplier les logements sociaux… Proposons aux bailleurs privés de financer leurs travaux de rénovation en contrepartie d’un engagement à louer à des locataires éligibles au logement social (avec garantie locative). En contrepartie d’une baisse du loyer, nous adaptons le principe, déjà existant, d’un amortissement sur le bien. Cela soulage les organismes de logements sociaux et créé une mixité sociale beaucoup plus forte à l’intérieur des immeubles et nettement moins de coûts pour la collectivité.

Lire aussi
Rénovation énergétique des copropriétés : quand les travaux virent au casse-tête

Et quid des millions de mètres carrés de bureaux obsolètes ?

4 millions de m² de bureaux obsolètes rien qu’en région parisienne, 1,5 millions (3% du stock) de m² de plus chaque année… L’équation financière pour en transformer une partie en logements fonctionne de mieux en mieux car le prix des immeubles obsolètes est en train de chuter, mais se heurte à une lenteur, voire à une opposition de très nombreuses municipalités. A l’heure du ZAN, du recyclage urbain et de la lutte pour le climat c’est plus que choquant. Certains pays ont décidé d’accélérer le processus en réduisant le dispositif juridique à une autorisation de travaux. Nous avons historiquement su être les leaders de l’innovation en matière de logement, retrouvons cette dynamique en associant toutes les parties prenantes au service du logement durable pour tous : élus, règlementation, banques pour financer, investisseurs où chacun doit y trouver son intérêt.

Les banques et les assureurs pourraient-ils jouer un rôle plus important ?

Les banques prêtent moins car le crédit immobilier n’est pas un produit très rentable. Mais la dernière innovation financière dans le domaine du crédit immobilier remonte à 70 ans avec le crédit à taux fixe. Je suis frappé par le conservatisme du système bancaire dans ce domaine. Il existe pourtant une très grande variété de solutions financières. Par exemple, nous pouvons envisager que les propriétaires, qui sont généralement âgés, souscrivent un prêt avance mutation – remboursé au moment du décès – pour financer non seulement les travaux d’isolation thermique mais aussi transmettre par anticipation une fraction de leur héritage et permettre ainsi à leurs enfants ou petits-enfants d’avoir l’apport nécessaire pour acquérir leur logement. Nous parlons beaucoup de la solidarité intergénérationnelle en faveur des seniors mais l’inverse doit exister dans une société où le prix n’est plus accessible pour la majorité des générations montantes. C’est autorisé en France depuis la loi de 2006 mais les banques ne le font pas. Elles sont sans doute effrayées par les excès américains qui ont conduit aux subprimes, leur devoir de conseil sur ces montages et les possibles recours des héritiers. Mais il faut rappeler que le patrimoine immobilier des Français est de 8.000 milliards et est de plus en plus concentré, une aberration économique ! La vertu est au milieu des extrêmes et de nombreux pays proposent ce type de système en les encadrant.

Vous venez de créer une start-up, Neoproprio, qui remet au gout du jour le bail emphytéotique. A quel besoin cela répond-t-il ?

Il faut en effet de nouvelles voies pour débloquer un marché du logement devenu dysfonctionnel. Nous partons d’un constat : il est devenu presque impossible d’accéder à la propriété dans une grande ville. Ne rêvons pas, les prix du neuf comme de l’ancien ne vont pas baisser de 30%, les taux d’intérêts ne reviendront pas de sitôt à 1%, les coûts d’adaptation du logement au dérèglement climatique ne vont pas faire baisser les prix, le foncier continuera d’être rare… Les constructeurs automobiles ont su répondre à cette problématique en proposant « d’acheter en location » en proposant un coût abordable et largement choisi de manière optionnelle par l’acquéreur (apport, durée, option d’achat…) sur un bien dont la valeur résiduelle ne fait que baisser pour terminer à zéro. Neoproprio, c’est l’adaptation, via le concept d’un bail emphytéotique complété par des contrats, au logement… Un bien qui, à la différence essentielle d’une voiture, généralement s’apprécie dans le temps.

Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ?

Nous proposons donc de libérer l’accès à la propriété, le dispositif permet de réduire d’un bon 30% le coût mensuel d’acquisition qui devient ainsi très comparable à un loyer. En acquérant son logement pour une durée de 25 ans à moitié prix et bénéficiant d’un engagement de rachat à tout moment, le néopropriétaire a ainsi la certitude de récupérer lors de la revente une part substantielle des mensualités qu’il aura payées : la différence entre le prix de rachat minimum garanti et le remboursement – anticipé – du principal restant dû du crédit immobilier qu’il aura contracté lors de l’acquisition. Une épargne – l’équivalent de trois ans de loyers s’il décide de déménager au terme de dix ans – qui peut alors servir d’apport personnel pour une autre acquisition.

Entre l’État qui subventionne et les banques qui fournissent le crédit, l’intervention d’une foncière dans l’équation permet, de manière rentable pour toutes les parties, de sortir de l’impasse actuelle ! L’immobilier peut constituer un formidable levier pour l’économie et la réduction des inégalités mais il doit être repensé de manière plus financière et moins obsessionnelle. Paradoxalement aux idées généralement reçues, c’est l’insuffisance d’innovations financières dans le secteur du logement alors que le monde s’est financiarisé qui est en partie responsable de la hausse disproportionnée des prix du logement. C’est précisément ce que nous proposons aux investisseurs institutionnels : investir dans le résidentiel de manière rentable avec un impact sociétal très puissant et noble, redonner l’accès à la propriété de leur logement à des générations entières via un partage du risque et de la rentabilité équilibré entre les deux parties.

Enseignement : Intégrer davantage la problématique de l’environnement

Enseignement : Intégrer davantage la problématique de l’environnement

Par
Alessia Lefébure
Sociologue, membre de l’UMR Arènes (CNRS, EHESP), École des hautes études en santé publique (EHESP)


Les jeunes souhaitent contribuer à un monde meilleur, ils s’en sentent responsables, et attendent de leur école ou de leur université de les préparer à un métier en accord avec leurs convictions. Il s’agit d’un sérieux défi pour les établissements d’enseignement supérieur qui doivent répondre à ces attentes s’ils souhaitent rester attractifs et continuer à former les talents de chaque nouvelle génération. Les ambitions et les aspirations des jeunes convergent mondialement. Quel que soit le pays, leur implication dans la question écologique est croissante. Dans l’enquête menée en 2019 par WISE, Ipsos et JobTeaser dans cinq pays, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) faisait son entrée parmi les cinq critères intervenant dans le choix d’un emploi les plus cités.

Les enquêtes sur la situation en France donnent des résultats similaires. Selon la 5e édition du baromètre de Boston Consulting Group–Conférence des Grandes Écoles–Ipsos, publiée en mai 2023, et dans la continuité des résultats des éditions précédentes, étudiants et diplômés des grandes écoles françaises expriment une déception massive par rapport à l’engagement RSE des grandes entreprises, des PME et de l’État.

Même s’ils reconnaissent à plus de 70 % que les employeurs s’impliquent davantage qu’il y a dix ans, ils considèrent que cela reste motivé par la nécessité d’améliorer leur image, pas par la conviction. Cela ne les empêche pourtant pas de vouloir rejoindre les entreprises pour leur carrière ou « pour les faire changer de l’intérieur » (48 %), notamment dans les deux secteurs les plus recherchés pour leur premier emploi : l’environnement (76 %) et l’énergie (68 %).

C’est précisément cette exigence qui est exprimée publiquement depuis quelques années par des discours prononcés lors des cérémonies de remise des diplômes, par la signature de manifestes et de tribunes dans la presse ainsi que par des mobilisations collectives pour éveiller la conscience écologique des grandes entreprises ou contester leur présence sur les campus.

Quelles leçons tirer de ces tendances ? Ces chiffres et ces mobilisations peuvent paraître épisodiques mais c’est la convergence des aspirations qui est notable. Depuis plus de cinq ans, chaque cohorte de jeunes issue des meilleures formations s’interroge sur les valeurs et l’engagement sociétal et environnemental de ceux qui les embaucheront.

Si les jeunes générations ont des aspirations claires, elles ne se sentent pas toujours préparées à les réaliser, au regard des connaissances et compétences requises. Une enquête conduite en France auprès des 18-35 ans en 2021 par la Fondation de France avait montré que beaucoup de jeunes, bien que préoccupés par les questions environnementales, avouaient ne pas bien connaître la signification d’expressions telles que « gaz à effet de serre » (46 % des répondants) ou « empreinte écologique » (55 % des répondants).

En effet, toutes les écoles et universités ne sont pas encore en mesure de bien cibler les compétences à mobiliser pour devenir acteurs de la transition écologique, car les cursus de formation sont souvent organisés selon des logiques disciplinaires. Et quand les compétences sont identifiées, elles le sont par métier ou alors elles relèvent des compétences transversales ou « soft skills », ce qui ne correspond pas aux attentes des étudiants pour se positionner sur des métiers à fort impact.

Dans certains cas, ce sentiment d’impréparation s’appuie sur ce que les médecins définissent comme « éco-anxiété » ou « solastalgie », une détresse mentale que de nombreux adolescents et étudiants développent à mesure qu’ils deviennent plus conscients de l’état de l’environnement.

Paradoxalement, plus les étudiants sont formés, plus ils acquièrent les clefs de compréhension des mécanismes du vivant et des limites planétaires, plus leur revendication est forte. Ce sont avant tout les étudiants et diplômés des grandes écoles d’ingénieur qui ont exprimé le besoin d’une formation plus ambitieuse. Si savoir, c’est comprendre les interdépendances entre l’action humaine et les crises écologiques, cette prise de conscience de sa propre responsabilité génère un devoir d’action. Se rendre compte que leur mode de vie est une partie de la cause, met les étudiants face à un impératif éthique d’agir pour changer le cours des choses.

Dans ce contexte, beaucoup de responsables d’établissements d’enseignement supérieur ont pris des mesures pour retenir les étudiants et prouver leur pertinence aux employeurs. Dans un premier temps, ces mesures ont principalement été des déclarations publiques.

Au lendemain de la COP21 de Paris, sous la houlette de Columbia University, 115 écoles de santé publique et de médecine de tous les continents ont décidé de lancer une initiative commune, visant à former les futurs professionnels médicaux aux effets du changement climatique sur la santé. En 2017, un consortium mondial sur l’éducation au climat et à la santé (GCCHE) a été créé, au nom d’un « impératif pour une action rapide ». Les présidents de ces établissements reconnaissaient ainsi que le climat était sous-représenté dans les programmes de santé et s’accordaient sur la nécessité de poursuivre le renforcement des compétences par la formation.

Des initiatives similaires ont vu le jour dans différentes régions du monde au cours des cinq dernières années. Au Royaume-Uni, par exemple, les 24 universités qui composent le Russell Group ont déclaré publiquement en décembre 2019 leur engagement à « lutter contre le changement climatique par la recherche, l’enseignement et des pratiques plus durables ». Le Russell Group a donc à son tour créé un Environmental Sustainability Network afin « d’apprendre les uns des autres, de renforcer les efforts pour réduire les déchets, augmenter le recyclage » et réduire les émissions de CO2 sur le campus.

En France aussi, les responsables de l’enseignement supérieur on fait entendre leur volonté d’introduire davantage d’enseignements liés au climat et à l’environnement. L’année 2019 a été ponctuée de déclarations appelant le gouvernement à consacrer des ressources financières supplémentaires dans le but de pouvoir former tous les étudiants aux questions climatiques et écologiques.

Se rendre compte que leur mode de vie est une partie de la cause, met les étudiants face à un impératif éthique d’agir pour changer le cours des choses. Shutterstock
Suivant l’exemple de nombreuses universités européennes et américaines, la majorité des présidents et directeurs d’établissements d’enseignement supérieur français, rejoints par les conférences nationales (CPU, CGE, CDEFI), ont annoncé vouloir faire du climat une « urgence », engageant ainsi leurs communautés dans une transformation efficace et rapide à travers l’évolution des cursus, la formation du personnel, l’introduction de pratiques responsables dans la gestion du campus et de la vie étudiante.

Au fil des tribunes et des rapports, la réflexion sur un cadre commun de référence, par-delà les métiers, les statuts et les secteurs, s’est imposée progressivement dans le débat public. Un consensus s’est établi sur le fait que répondre au double défi climat-biodiversité nécessite des formations renouvelées pour tous les métiers du privé et de la fonction publique, ainsi que l’introduction de la préoccupation climatique et écologique dans toutes les politiques publiques et dans les stratégies d’entreprise.

D’une formation pour spécialistes de l’environnement à une formation à l’environnement pour tous
Une enquête de 2023 menée par l’Association internationale des universités (IAU) donne un aperçu de l’engagement des établissements du monde entier sur les objectifs du développement durable (ODD). En comparaison avec les résultats des enquêtes précédentes (2016 et 2019), le nombre d’universités qui inscrit les ODD dans le plan stratégique reste stable (38 %). Près de la moitié des établissements déclarent allouer un budget spécifique et croissant aux initiatives en lien avec le développement durable.

Néanmoins, l’enquête pointe un certain nombre de difficultés qui entravent une transformation plus profonde et transversale : le manque de financement, le manque de personnel formé, le manque de mécanismes de gratification pour les cours. Si la majorité des universités (65 %) offrent des cours dédiés, ces cours sont généralement spécialisés, concentrés dans un nombre restreint de départements – appartenant le plus souvent aux STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques)- et largement inconnus sur le campus. Les approches trans et interdisciplinaires sont rares et les perspectives systémiques difficiles à mettre en œuvre.

En France, la situation est très contrastée. Jusqu’à une époque très récente, peu de cursus proposaient des cours obligatoires liés aux enjeux énergétiques et climatiques, comme le montrait un rapport publié par le Shift Project en mars 2019 sur l’enseignement supérieur et le climat. Les écoles d’ingénieurs offrent traditionnellement plus de cours que les écoles de management et, même dans les universités, les étudiants inscrits dans des programmes de science, technologie, ingénierie et mathématiques ont plus de cours liés à l’environnement que les autres. Enfin, ces cours sont généralement réservés aux cycles supérieurs, presque jamais au premier cycle, produisant ainsi de fortes inégalités d’accès.

L’enjeu a été donc de passer d’une formation pour spécialistes de l’environnement à une formation à l’environnement pour tous. C’est le rapport remis en 2020 par le paléoclimatologue Jean Jouzel et par l’écologue Luc Abbadie à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui a fait bouger les lignes sur ces aspects. En recommandant de généraliser l’approche environnementale à toutes les formations, le rapport fait de la transition écologique une partie intégrante des parcours de formation de premier cycle, de façon à ce que tous les étudiants de niveau bac+2, toutes filières confondues, disposent des quelques compétences communes.

La dimension pluridisciplinaire de la transition écologique – mobilisant des savoirs allant de la géographie à la biologie, de la philosophie à l’économie en passant par les sciences de la terre – ajoute un obstacle supplémentaire à la nécessaire adaptation des formations et génère des formes de résistance à tous les niveaux. En effet, un cours commun à tous les programmes d’enseignement et disciplines est beaucoup plus difficile à réaliser que n’importe quel enseignement spécialisé. Pourtant, ce que l’on attend de l’enseignement supérieur, sous peine de désaffection chronique, est la promesse de former tous les futurs professionnels, pas seulement ceux qui travailleront dans le domaine de l’énergie et de l’environnement, pour qu’ils sachent naviguer dans la complexité.

La problématique de la raréfaction et de la répartition de la ressource eau

La problématique de la raréfaction et de la répartition de la ressource eau

Par
Luc Aquilina
Professeur en sciences de l’environnement, Université de Rennes 1 – Université de Rennes

Clément Roques
Chercheur en hydrologie, Université de Neuchâtel

Jean-Raynald de Dreuzy
Directeur de recherche au CNRS, hydrologie, École normale supérieure de Rennes

Laurent Longuevergne
Directeur de recherche, référent scientifique “Hydrologie de terrain, imagerie géophysique”, Université de Rennes

Ronan Abhervé
Chercheur postdoctoral en hydrologie, Université de Rennes dans the Conversation

Interrogé sur France Inter au matin de la manifestation contre les mégabassines de Sainte-Soline, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau rappelait, le 25 mars 2023, les chiffres de la consommation d’eau en France. Il indiquait que 3 milliards de m3 sont prélevés annuellement par l’agriculture sur les 200 milliards globalement disponibles. Quelques jours plus tard, le président Emmanuel Macron déclarait lors de sa présentation du plan « eau » que l’eau renouvelable disponible devrait diminuer de 30 à 40 % d’ici à 2050. Si ces chiffres généraux des usages et la trajectoire climatique future sont tout à fait exacts, ils ne nous sont pas d’une grande utilité et induisent même un risque, celui de rester indifférent à ce qu’ils annoncent. Leur globalité masque en effet des situations très variables dans l’espace et le temps. Ils ne disent rien des crises à venir ni des difficultés auxquelles les femmes, les hommes et les écosystèmes vont devoir faire face. Chacun affronte une situation locale à un moment donné, jamais la moyenne de tout le territoire durant toute une année.

En moyenne, il pleut 500 milliards de m³ d’eau en France chaque année. La partie non consommée par les plantes et renvoyée vers l’atmosphère (non évapotranspirée) qui peut alimenter les lacs, les rivières et les nappes – et que le ministre considère comme « disponible » – est d’environ 200 milliards. Les prélèvements pour les activités humaines représentent de leur côté 32 milliards, dont 3,2 pour l’agriculture, un chiffre qui peut paraître faible à première vue.

Les 200 milliards ne sont pourtant ni inutiles ni disponibles pour nos activités. Ils nourrissent les nappes, les rivières et l’ensemble des écosystèmes dont certains sont fragiles, primordiaux pour la biodiversité et critiques dans la régulation des cycles du carbone et autres gaz à effets de serre.

Si l’eau globalement disponible est importante, il n’empêche qu’elle se raréfie durant la période estivale. La majorité de l’eau consommée est utilisée en été où l’agriculture devient le premier usage et consomme jusqu’à 80 % de la ressource. Ces chiffres illustrent qu’au-delà de valeurs globales, les tensions prennent une réalité critique sur les territoires durant l’été.

Si les mégabassines visent justement à prélever en hiver les besoins de l’été, la concurrence de cette utilisation avec les autres besoins des rivières et zones humides demeure à évaluer. Surtout, l’impact du changement climatique questionne le fonctionnement de ces retenues, sans aborder les questions relatives au type d’agriculture généralement intensive qu’elles soutiennent.

Les chiffres avancés concernant l’évolution future de débit des cours d’eau sont des moyennes qui cachent des disparités temporelles et spatiales. Examinons d’abord les premières. Ces moyennes peuvent être calculées à l’échelle de l’année : elles incluent à la fois les faibles débits de l’été et les forts débits de l’hiver.

Elles masquent donc les périodes de fort stress hydrique qui peuvent être compensées par un hiver suivant pluvieux. Il existe aussi des moyennes par période, par exemple sur l’horizon 2050-2070. Là encore, elles ne rendent pas compte de la fréquence et de la durée des conditions extrêmes de débits critiques, qui devraient s’intensifier dans les périodes estivales à venir.

On mesure déjà en métropole l’élévation des températures depuis les années 1950, soit plus d’un degré en moyenne annuelle et une diminution des précipitations estivales.

Évolution du climat sur le bassin rennais depuis 1960, chaque rond représente la valeur moyenne d’avril à septembre pour chaque année sur le bassin rennais. Les données historiques montrent deux trajectoires : de 1960 aux années 2000, les hausses de température étaient accompagnées de précipitations estivales plus importantes. Depuis 2000, la progression se poursuit, avec une baisse des précipitations estivales. Auteurs à partir des données SAFRAN-Météo France, CC BY-NC-ND
La hausse des températures et l’élargissement de la saison estivale provoquent une augmentation de l’évapotranspiration et une diminution de l’infiltration et de la recharge vers les nappes phréatiques. Celles-ci, qui constituent le stock principal des bassins versants, voient en retour leur rôle du soutien à l’étiage des rivières dégradé : le débit des rivières baisse.

Les moyennes cachent aussi une variabilité spatiale. Selon les scénarios et modèles, les climats futurs montrent une variation faible du volume de précipitations dans le nord et l’ouest de la France, sans pouvoir déterminer si le volume annuel sera plus ou moins élevé que les moyennes annuelles actuelles.

Pour expliquer ces prévisions d’un bilan hydrique équivalent à ce qu’on mesure aujourd’hui, il faut donc envisager des hivers plus humides avec des précipitations plus intenses.

C’est un paradoxe difficile à admettre : le « réchauffement climatique » pourrait se matérialiser par des inondations et des précipitations majeures sur une partie nord du territoire. À l’inverse, dans le sud de la France, tous les modèles convergent vers de fortes diminutions globales des volumes précipités.

Pour prendre conscience de l’impact du changement climatique et se rendre compte des tensions qui nous attendent, mais aussi évaluer à quelle échéance elles apparaîtront, il est primordial d’examiner les valeurs extrêmes, à savoir de débit estival.

La sécheresse de 1976 est restée dans les mémoires comme un événement tragique qui avait conduit à la levée d’un impôt sécheresse pour soutenir les agriculteurs français. L’année 2022 a montré des températures nettement supérieures à celles de 1976, avec un déficit en précipitations du même ordre.

Afin de répondre aux inquiétudes des gestionnaires de la ressource en eau dans le secteur, l’Université de Rennes (via la fondation Rennes 1) a lancé dès 2019, avec Eau du Bassin Rennais et Rennes Métropole, un programme de recherche sur l’impact du changement climatique sur la ressource en eau à l’échelle du bassin rennais.

Nous avons développé dans ce cadre des modèles numériques capables de prédire l’évolution à venir des stocks d’eau souterraine et des débits des rivières en fonction des scénarios du GIEC. La tendance future émerge clairement de cette variabilité et met en évidence l’impact majeur du changement climatique.

Nous avons analysé la probabilité de trouver dans le futur des débits au moins aussi faibles que ceux de 1976 ou 2022. Dès la période 2020-2040, les débits typiques de ces années de sécheresse record pourraient se retrouver près d’une année sur deux et se succéder deux voire trois années de suite ! Les débits « 1976 ou 2022 » deviendront nos étés systématiques à partir de 2050. C’est donc à très court terme qu’il faut s’alarmer.

Si l’on utilise le même type de calcul reporté par le gouvernement, c’est-à-dire la comparaison des moyennes annuelles futures avec les moyennes annuelles actuelles, on obtient pourtant des baisses annuelles du même ordre (environ 30 % selon les projections) pour le cas de ce bassin versant étudié entre 2050 et 2070. Ce chiffre, pour exact qu’il soit, apparaît bien trop lisse au regard des prévisions estivales.

Nombre de jours chaque année, de 1975 à 2100, où le débit en amont du barrage de la Chèze (Ille-et-Vilaine) est inférieur au 10ᵉ quantile historique (1980-2010). En rouge au-dessus du graphique, probabilité de retrouver des années de type 1976 (au moins 60 jours : conditions historiques observées), et en vert, le nombre d’années consécutives. Ronan Abhervé à partir des données de projections climatiques multi-modèles utilisées pour la simulation des débits futurs (EXPLORE2-2021-SIM2 », scénario RCP8.5), CC BY-NC-ND
Un futur alarmant

On comprend donc l’importance de ne pas se contenter des valeurs globales et moyennées pour avoir une idée des conditions extrêmes estivales qui nous attendent dans le futur.

Ces prédictions sont de toute façon incertaines, notamment en ce qui concerne les précipitations futures, et les modèles climatiques ont tendance à sous-estimer l’intensité et la fréquence de ces conditions extrêmes. Pour cette étude locale, nous avons utilisé le scénario du GIEC (RCP 8.5), considéré comme pessimiste (mais pas le plus pessimiste) à l’échelle de la fin du siècle – c’est en fait le scénario que nous suivons (voire dépassons) depuis plus de 20 ans ; et peu d’indices laissent présager une évolution positive majeure dans les prochains 10 ou 20 ans.

Ce schéma n’est pas une prévision exacte du futur, mais il donne une vision des tendances à venir en insistant sur l’un des points les plus fragiles des systèmes hydrologiques. Les évolutions ressortent clairement et dessinent un futur extrêmement alarmant pour la ressource en eau.

Des crises climatiques et sociales
À ce titre, le plan « eau » annoncé par le gouvernement – qui retarde les engagements déjà pris en matière d’économie d’eau et épargne l’agriculture – ne prend pas la mesure des tensions estivales extrêmes à venir.

L’intérêt de notre démarche est de décrire les crises climatiques à venir ou déjà en cours dans de nombreux pays. Il ne s’agit pas de l’effondrement généralisé prédit par certains, mais de crises extrêmement sévères, localisées dans l’espace et le temps. Ces crises toucheront en premier lieu certains services primordiaux (eau potable, agriculture, industries…) et surtout une partie de la population, accentuant les clivages entre les classes sociales.

Pour surmonter les crises sociales que seront aussi les crises climatiques, nous ne pouvons faire l’impasse ni sur la raréfaction, ni sur la répartition de la ressource en eau.

La problématique de l’endettement au sein de l’union européenne

La problématique de l’endettement au sein de l’union européenne ?

Par Gabriel Gaspard, Chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière.( dans la Tribune)


Une contribution intéressante pour faire l’analyse de la situation actuelle concernant l’endettement au sein de l’union européenne mais un peu courte sur Le concept de la « technologie verte  » NDLR

L’économie de l’UE devrait échapper à la récession en 2023, mais elle reste exposée à une croissance faible pour 2023 à 0,8% pour l’UE et à 0,9% pour la zone euro. Avec une inflation prévue à 8,5%, l’Europe évitera peut-être une récession mais la stagflation (faible croissance avec une forte inflation) guette l’économie européenne. Avec une explosion des dettes européennes et la frénésie de dépenses de la Commission européenne, « ceci expose les finances de l’UE à des risques et des défis colossaux »… »Entre la guerre d’agression menée contre l’Ukraine, la pénurie d’énergie, la pandémie de coronavirus et le changement climatique, l’UE est contrainte de jouer sur plusieurs tableaux en même temps pour amortir les effets d’une série de crises sans précédent », a déclaré Tony Murphy, Président de la Cour des comptes européenne.

L’accord entre les 27 pays européens a permis à la Commission européenne, dans le cadre du programme NGEU, d’emprunter 750 milliards d’euros pour construire une Europe plus verte, plus numérique et plus sociale. Cette dette commune sera remboursée sur 30 ans entre 2028 et 2058. La Commission européenne va émettre plusieurs obligations à long terme avec des taux qui peuvent s’envoler avec l’inflation et les décisions de politiques monétaires. L’Europe va-t-elle financer ce plan de relance ou les citoyens vont-ils le rembourser ? Rien n’est sûr encore. La Commission va proposer d’ici fin 2023 aux États membres, de nouvelles ressources propres en plus des 25% des recettes provenant du système d’échange de quotas d’émissions de l’UE, des 75% des recettes du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et une partie du futur impôt mondial sur les multinationales.

Avec l’adoption du plan IRA américain, un programme de soutien à l’économie américaine promulgué le 16 août 2022 d’un montant de 360 milliards de dollar, l’UE craint que les États-Unis captent les nouvelles usines d’énergie propre (panneaux solaires, etc.). La Commission européenne prévoit de concurrencer cette loi par un pacte vert industriel. Bien que le nouveau plan n’implique peut-être pas encore de nouveaux emprunts, il propose un nouveau « fonds de souveraineté européenne » pour investir dans les technologies vertes. La commission ne détaille pour le moment ni son montant ni son financement. En attendant le pacte vert reposera sur les enveloppes et instruments existants : InvestEU, REPowerEU, etc. Comme le NGEU le problème majeur reste le manque de clarté : qui supportera le coût de cette nouvelle dette ?

La dette totale des pays de l’UE s’élève à 12 987 214 milliards d’euros, soit environ 29 000 euros par citoyen. L’endettement de la France est à 112,80% de son PIB. La France vient après la Grèce à 194,50%, l’Italie à 150,30%, le Portugal à 125,50% et l’Espagne à 118,30%. Les dettes publiques sont aujourd’hui nettement plus élevées qu’avant la pandémie. La hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne BCE, pour limiter l’inflation, va encore renchérir les taux des obligations des États, limitant leurs potentiels d’endettement. Avec la flambée des prix, les nécessaires dépenses pour la transition écologique et la guerre en Ukraine, tous les membres de l’UE seront obligés d’augmenter leurs dépenses. Ils devront recourir à de nouveaux emprunts à défaut d’augmenter de manière significative le poids des impôts. En matière de finances publiques, le plus sage et le plus juste est de s’abstenir d’augmenter les dépenses et les dettes afin d’éviter, comme la Grande-Bretagne, d’effrayer les investisseurs. Dans la situation où plusieurs pays européens se sont placés, avec des dettes colossales et une fiscalité très forte, la Commission européenne ne devrait plus lever d’autres milliards en mettant à contribution les États membres. Il faut noter que l’article 311 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne stipule clairement que l’UE doit se financer « entièrement sur ses ressources propres ».

Depuis la pandémie, la BCE contrôle de plus en plus les marchés avec les rachats d’énormes volumes d’obligations. Son bilan gonfle et devient brûlant : son dernier bilan consolidé est d’environ 8 800 milliards d’euros, avec 5 000 milliards d’obligations d’États et d’entreprises et un stock de 2 000 milliards de prêts à long terme aux banques. Pour la première fois depuis 2004, la Banque centrale européenne a affiché un profit nul et évite une perte potentielle. Derrière cette situation nous avons les profits du système financier.
La politique monétaire ultra-accommodante, menée depuis plusieurs années et pendant la pandémie, a créé un volume énorme de liquidités. Une grande partie de ces liquidités est encore placée à la BCE par les Banques et les établissements financiers et rémunérée par les Banques centrales nationales. Le taux de rémunération des dépôts est aujourd’hui à 2,50%. Plus le taux de rémunération augmente et plus les Banques sont assurées de profits garantis et ne soutiennent plus le financement des économies européennes.

Relance européenne et risque de faillites due à des prêts « non performant » :
« 1.400 milliards d’euros de prêts ne sera probablement pas remboursé d’après la BCE ». La commissaire européenne des Finances était auditionnée le 05 mars 2021 au Sénat par les commissions des Finances et des Affaires européennes. Elle a précisé la ligne de conduite de la Commission et de la BCE : « le secteur financier a aidé à minimiser la crise et nous avons besoin de maintenir ce flot de crédits aux entreprises et aux ménages. 1.400 milliards d’euros de prêts seraient non performants d’après la BCE et le ratio reste stable et nous devons éviter une croissance de prêts non performants dans le bilan des banques, c’est pourquoi nous avons adopté un plan d’action sur les prêts non performants en décembre 2020″.

Les États apprécient l’inflation car les emprunts à long terme seront remboursés à un coût réel inférieur. Pour les consommateurs, l’inflation érode le pouvoir d’achat. Selon la BCE elle-même, les salaires devraient augmenter de 4,5% en 2022 et de 5,2% en 2023. Pendant ce temps l’inflation prévue en 2023 sera de 8,5%. Pour la France selon l’OFCE : « le pouvoir d’achat par unité de consommation (UC) se réduirait entre -1,2 % et -2,0 % entre la fin 2021 et la fin 2023 selon les scénarios d’emploi et de dynamique salariale retenus pour 2023″.

L’endettement de l’Europe nuit à la croissance. Avec les risques monétaires et énergétiques les entreprises préfèrent baisser leur coûts (salaires, embauches, etc.) et décaler leurs investissements plutôt qu’amputer leurs profits ou relever leurs prix de vente. Pour les ménages, elles vont anticiper une augmentation future de leurs impôts et épargner plus. Pour l’État les recettes fiscales perçues diminuent. C’est le déficit conjoncturel qui se creuse et certaines dépenses publiques auraient plutôt tendance à augmenter notamment en raison de la hausse du chômage et des prestations sociales. Comme en France, pour réduire leurs endettements, les gouvernements se lancent dans des réformes structurelles : réforme de l’assurance chômage, des retraites, etc. Toutes ces réformes seront faites pour améliorer les comptes de l’État aux dépens des avantages sociaux.

La zone euro s’est installée après la crise financière de 2009 dans un marasme prolongé. Avec une inflation faible et une croissance lente, la part de l’investissement au sens de la comptabilité nationale a reculé dans l’ensemble des pays européens. L’investissement public a connu une baisse importante jusqu’en 2016. De 2019 à 2021, rapporté au PIB, il a augmenté de 0,5 point en moyenne. Pour les investissements verts, l’Europe de demain vient juste de prendre la route.

L’Europe peut maitriser l’inflation grâce à la technologie verte. La technologie verte permettra à de plus nombreuses entreprises et industries de franchir un point de résilience. La production de biens et de services pourrait ainsi évoluer plus rapidement que la demande des consommateurs. Le prix de ces biens ne devrait pas augmenter même si la demande augmente. Il devient plus facile de satisfaire la demande du marché pour des produits novateurs et écologiques. Autrement dit, si l’offre du bien peut toujours répondre à la demande, il n’ y aura pas de place pour l’inflation. En ce qui concerne les endettements publiques, il est préférable d’utiliser immédiatement l’épargne des ménages européens pour investir au lieu d’emprunts bancaires pour une relance durable écologique et sociale.

Gabriel Gaspard

Problématique environnementale : un sujet très ancien sans réponse

Problématique environnementale : un sujet très ancien sans réponse

 

L’historien Christophe Bonneuil rappelle, dans une tribune au « Monde », que la réduction du poids des combustibles fossiles et de leurs effets néfastes sur le climat a été inscrite à l’agenda politique international dès 1972.

 

Il y a cinquante ans, le 16 juin 1972, se clôturait à Stockholm la Conférence des Nations unies sur l’environnement humain, premier sommet onusien de la Terre, avant celui de Rio, en 1992. Alors que les questions environnementales n’étaient guère mentionnées dans la Charte des Nations unies de 1945, l’« environnement » et la possibilité que les modèles de développement humain altèrent l’habitabilité de la planète se voyaient érigés en enjeu global.

Que se passe-t-il à l’approche de la conférence de Stockholm pour que « l’environnement global » soit dans toutes les bouches et que l’écologie mette des millions de personnes dans les rues (20 millions en avril 1970 lors du premier « Jour de la Terre ») ? Avec un PIB mondial multiplié par 2,5 et des échanges mondiaux quadruplant entre 1950 et 1970, la transformation massive des armements et des modes de production, d’échange et de consommation malmène déjà l’habitat terrestre. La guerre froide a déjà généré des dizaines de milliers de mètres cubes de déchets nucléaires. Le basculement vers un système énergétique à dominante pétrolière a multiplié la consommation d’énergie par 16 au XXe siècle et favorisé l’urbanisation, le règne de l’automobile, une agriculture motorisée et chimiquement perfusée. Les polluants menacent les équilibres des forêts, des océans, des zones humides et altèrent le cadre de vie et la santé des urbains. Surtout, dans un contexte de détente Est-Ouest, d’anti-impérialisme (guerre du Vietnam, luttes postcoloniales, mouvement des droits civiques) et de radicalisation de la jeunesse, les aspirations des sociétés et les horizons des diplomates ont changé.

 

Quatre synthèses majeures participent à la visibilité croissante des enjeux écologiques : le livre Printemps silencieux (1962), de la biologiste américaine Rachel Carson (1907-1964) ; le rapport « Restaurer la qualité de notre environnement » remis en 1965 à la Maison Blanche ; le rapport Meadows sur les « limites à la croissance » de 1972 ; le livre Only One Earth (« une seule Terre »), commandé par l’ONU à Barbara Ward et René Dubos, pour poser les bases du sommet de Stockholm.

Deux des 109 recommandations finales du sommet de Stockholm prônent une vigilance sur les « activités pour lesquelles il existe un risque appréciable d’effets sur le climat ». Si le réchauffement climatique n’est encore qu’un des nombreux problèmes, avec les pollutions, les marées noires, l’urbanisation incontrôlée, les déchets, les limites des ressources, les dégâts des pesticides, qui s’agrègent pour former le concept d’« environnement global », il n’en est pas moins présent. Le rôle des produits de combustion dans l’effet de serre est connu depuis le début du XXe siècle, mais il faut attendre le milieu des années 1950 pour que la teneur croissante de l’atmosphère en CO2 soit surveillée. Les services géologiques des Etats-Unis annoncent, à la fin des années 1950, une montée des océans déjà en cours. En 1967, les premiers modèles 3D du climat prévoient un net réchauffement planétaire : + 0,5 °C entre 1970 et l’an 2000, puis entre + 2 et + 4 °C au cours du XXIe siècle.

Problématique environnementale : un questionnement déjà très ancien

Problématique environnementale : un questionnement déjà très ancien

 

L’historien Christophe Bonneuil rappelle, dans une tribune au « Monde », que la réduction du poids des combustibles fossiles et de leurs effets néfastes sur le climat a été inscrite à l’agenda politique international dès 1972.

 

Il y a cinquante ans, le 16 juin 1972, se clôturait à Stockholm la Conférence des Nations unies sur l’environnement humain, premier sommet onusien de la Terre, avant celui de Rio, en 1992. Alors que les questions environnementales n’étaient guère mentionnées dans la Charte des Nations unies de 1945, l’« environnement » et la possibilité que les modèles de développement humain altèrent l’habitabilité de la planète se voyaient érigés en enjeu global.

Que se passe-t-il à l’approche de la conférence de Stockholm pour que « l’environnement global » soit dans toutes les bouches et que l’écologie mette des millions de personnes dans les rues (20 millions en avril 1970 lors du premier « Jour de la Terre ») ? Avec un PIB mondial multiplié par 2,5 et des échanges mondiaux quadruplant entre 1950 et 1970, la transformation massive des armements et des modes de production, d’échange et de consommation malmène déjà l’habitat terrestre. La guerre froide a déjà généré des dizaines de milliers de mètres cubes de déchets nucléaires. Le basculement vers un système énergétique à dominante pétrolière a multiplié la consommation d’énergie par 16 au XXe siècle et favorisé l’urbanisation, le règne de l’automobile, une agriculture motorisée et chimiquement perfusée. Les polluants menacent les équilibres des forêts, des océans, des zones humides et altèrent le cadre de vie et la santé des urbains. Surtout, dans un contexte de détente Est-Ouest, d’anti-impérialisme (guerre du Vietnam, luttes postcoloniales, mouvement des droits civiques) et de radicalisation de la jeunesse, les aspirations des sociétés et les horizons des diplomates ont changé.

 

Quatre synthèses majeures participent à la visibilité croissante des enjeux écologiques : le livre Printemps silencieux (1962), de la biologiste américaine Rachel Carson (1907-1964) ; le rapport « Restaurer la qualité de notre environnement » remis en 1965 à la Maison Blanche ; le rapport Meadows sur les « limites à la croissance » de 1972 ; le livre Only One Earth (« une seule Terre »), commandé par l’ONU à Barbara Ward et René Dubos, pour poser les bases du sommet de Stockholm.

Deux des 109 recommandations finales du sommet de Stockholm prônent une vigilance sur les « activités pour lesquelles il existe un risque appréciable d’effets sur le climat ». Si le réchauffement climatique n’est encore qu’un des nombreux problèmes, avec les pollutions, les marées noires, l’urbanisation incontrôlée, les déchets, les limites des ressources, les dégâts des pesticides, qui s’agrègent pour former le concept d’« environnement global », il n’en est pas moins présent. Le rôle des produits de combustion dans l’effet de serre est connu depuis le début du XXe siècle, mais il faut attendre le milieu des années 1950 pour que la teneur croissante de l’atmosphère en CO2 soit surveillée. Les services géologiques des Etats-Unis annoncent, à la fin des années 1950, une montée des océans déjà en cours. En 1967, les premiers modèles 3D du climat prévoient un net réchauffement planétaire : + 0,5 °C entre 1970 et l’an 2000, puis entre + 2 et + 4 °C au cours du XXIe siècle.

Intégrer davantage la problématique environnementale dans la formation

Intégrer davantage la problématique environnementale dans la formation

 

Nos formations sont « figées dans le monde d’avant », déplore, dans une tribune au « Monde », la politiste et maîtresse de conférences, pour qui la convention étudiante lancée par l’université Paris-Est-Créteil en 2021 est cruciale pour permettre aux jeunes de construire une société « moins destructrice ».

 

La vidéo de l’appel à la désertion lancé le 30 avril par un groupe de jeunes étudiantes et étudiants de l’école AgroParisTech a été abondamment partagée et commentée. Ce qui est nouveau, ce n’est pas que la permaculture, l’agroforesterie, et des modes de vie plus respectueux de la biodiversité attirent davantage une partie des agronomes que des emplois copieusement rémunérés chez Bayer, Monsanto et consorts, mais que ce choix échauffe autant les réseaux sociaux. On peut interpréter cela comme une nouvelle preuve de l’exaspération et de la détermination d’une partie des jeunes concernant l’urgence écologique, s’il en fallait une.

Ce qui marque dans ce discours, rejoint par des normaliens et polytechniciens, c’est la dénonciation sans équivoque de l’inacceptabilité de formations universitaires « qui poussent globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours ».

Nos formations sont restées figées dans le monde d’avant, cet avant où l’on délocalisait la responsabilité du changement climatique en Chine, en Inde et au Brésil, où l’on présentait un recrutement dans une entreprise du CAC 40 comme le meilleur avenir possible tout en conseillant aux étudiants de couper l’eau pendant le brossage de dents.

Les élèves des grandes écoles sont dans de meilleures conditions socio-économiques pour crier leur révolte et leur désir de bifurcation sur les toits, et pour se faire entendre, que les étudiants d’universités exsangues, contraints de multiplier stages et diplômes, et bien conscients de la difficulté à accéder à des emplois rémunérateurs et épanouissants. Lorsqu’on les forme, qu’on leur donne des espaces de parole et qu’on prend la peine de les écouter, on peut néanmoins entendre ces jeunes exprimer leur anxiété et leur désarroi face à l’ampleur du désastre. Face, aussi, à l’impact modeste de toute action individuelle si les décideurs économiques et politiques se cantonnent aux beaux discours, prononcés pendant les conférences internationales sur le climat ou les campagnes électorales, sans jamais passer réellement à l’action.

L’éco-anxiété se révèle d’autant plus grande que leur vie étudiante est en décalage complet avec l’urgence écologique, encore rappelée par le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Puisqu’on traîne des pieds à l’échelle nationale et internationale, il est de notre responsabilité, à l’université, de nous engager immédiatement dans une refonte radicale de nos pratiques, tant sur le plan de leur soutenabilité environnementale que de nos enseignements disciplinaires et transversaux, nos méthodes et objectifs de recherche. Nous devons engager l’ensemble de la communauté universitaire, les étudiants en tête, dans cette (r)évolution, et avoir l’ambition d’entraîner les territoires, les entreprises et les organisations environnant nos campus.

Problématique et enjeux de l’inflation

Problématique et enjeux de l’inflation

Faut-il s’inquiéter de l’inflation ? C’est un sujet médiatique récurrent qui suscite beaucoup de commentaires à la fois des analystes et des pouvoirs publics mais aussi une certaine inquiétude de la part de nos concitoyens. Pour cause, ces derniers s’interrogent sur leur pouvoir d’achat. Par Didier Kling, Président de la CNCEF ( la « Tribune »)

 

Pourquoi vivons-nous actuellement avec cette hausse générale des prix ? Tout d’abord, notre économie de marché voit la valeur des biens et services fluctuer. Selon les périodes, ils connaissent des hausses ou des baisses. On ne parle pas forcément d’inflation lorsque ce phénomène mécanique, résultant de l’offre et de la demande, n’est que passager. En revanche, lorsque tous les prix connaissent une revalorisation permanente, globale et durable, la situation est inflationniste.

Pour mesurer l’inflation, les économistes se basent principalement sur ce que représentent les produits les plus couramment achetés ou les biens et services prioritaires à la vie quotidienne. Par exemple, le carburant, l’électricité, l’alimentation… pour ne citer que ceux-ci. Dès lors, chaque euro gagné et réinjecté dans l’économie ne permet pas d’acheter autant de produits ou de services que dans un contexte de stabilité, car l’inflation influence la valeur de notre monnaie européenne. Autre exemple concret : les valeurs placées sur des livrets réglementés. Plus l’inflation est forte, moins il est intéressant de conserver – autrement que par sécurité – de l’argent qui ne produit pas d’intérêts. Si bien que les analystes estiment que les actions et l’immobilier sont actuellement les placements les plus intéressants pour protéger l’épargne de l’inflation.

 

Bien entendu, l’euro est dans le viseur de bon nombre de détracteurs, qui depuis 20 ans, considèrent qu’il est responsable de la vie chère. Or,  rappelons qu’après le choc pétrolier des années 70, l’inflation avait atteint un niveau bien plus élevé en France et en Europe. Aussi, la création du système monétaire européen puis l’introduction de la monnaie unique ont permis de contenir les soubresauts économiques. La Banque Centrale Européenne veille particulièrement à ce sujet.

Bien sûr, il faut expliquer pourquoi nous vivons une période aussi complexe. De 2002 à 2021, l’inflation n’a dépassé le seuil de 2,0 %, en moyenne sur une année, qu’à cinq reprises (2003, 2004, 2008 et 2011), avec des causes identifiées :  les variations des conditions climatiques (produits alimentaires frais, en 2003, 2004 et 2008), l’environnement géopolitique (produits pétroliers, en 2008 et 2011), des décisions de santé publique (tabac). C’est d’ailleurs ce qu’indique l’INSEE dans son enquête de février dernier. Ajoutons que l’inflation a quasiment stagné en 2009, 2015 et 2016, sous l’effet des cours internationaux des matières premières, notamment du pétrole.

Depuis, la crise sanitaire a bousculé en de nombreux domaines, les prix, la disponibilité et la valeur des biens et services. De même que la guerre russo-ukrainienne a créé des tensions internationales amplifiées par les sanctions économiques cependant indispensables à la préservation de la paix mondiale.

 

Bien entendu, la lutte contre l’inflation peut être menée. Le premier instrument consisterait en une politique budgétaire de l’Etat plus rigoureuse, en réduisant la dépense publique ou en intervenant face à l’insuffisance de l’offre. Mais l’Union européenne nous donne des standards à respecter car l’Etat ne peut pas tout. Il n’a surtout pas la possibilité d’intervenir dans tous les domaines. Ensuite, une hausse de la TVA n’est pas envisageable car elle entraînerait une baisse de la consommation, alors que nous cherchons à relancer.

De plus, puisque l’inflation touche tous les pays membres, la solution serait donc plutôt européenne. D’ailleurs, les autorités peuvent moduler le taux d’intérêt de sorte à réduire la masse monétaire en circulation. Certes, emprunter sera moins aisé du moins beaucoup plus cher mais l’épargne COVID étant si volumineuse, nous comprenons pourquoi dans certains cas, les établissements financiers demandent un apport personnel pour contracter un crédit. Enfin, la réponse à cette hausse généralisée de la vie peut être l’augmentation des salaires malgré le risque de créer une boucle inflationniste.

Voici donc un dossier qui va occuper le Président de la République et la future majorité à l’Assemblée Nationale. On entend déjà qu’il faudra des prix bloqués ou à défaut, une stabilité. Il sera complexe cependant de transiger avec la politique monétaire. Même en étant moins regardant, nous ne serions pas responsables :  le problème resurgirait sur les générations futures par la fuite en avant des déficits.

Il est venu l’heure en France où l’Etat doit faire des choix. Ce qui relève du régalien et ce qui n’en fait pas partie. De revoir l’organisation de nos collectivités en leur laissant plus d’autonomie à la condition de ne pas chevaucher les compétences ou les dédoubler. Et encore moins d’additionner les taxes locales en tout genre. La porte est étroite, surtout au moment où nos dirigeants ne souhaitent pas être à la fois irresponsables et impopulaires.

Problématique de la remontée des taux

Problématique de la  remontée des taux

 

Le resserrement monétaire à marche forcée annoncé par Jerome Powell, présidente de la Réserve fédérale, a fortement alimenté la flambée des taux américains estime un article des Échos.

 

 

Les investisseurs ont probablement sous estimé l’ampleur de la remontée des taux d’intérêt. Le rendement des Bons du Trésor américains à 10 ans, repère central pour les marchés mondiaux, s’est envolé ces derniers jours. A 1,50 % en début d’année, il a dépassé 2,80 % lundi soir, avant de refluer vers 2,70 % après des chiffres d’inflation élevés mais conformes aux attentes. Ils sont ainsi déjà au niveau auquel les voyaient les économistes à la fin de 2022. Tour d’horizon des principales questions posées par une telle remontée des taux.

1- Est-ce un changement d’ère sur les marchés ?

Cette remontée abrupte est au centre des préoccupations des investisseurs. Pour cause, la valorisation des actifs financiers correspond bien souvent à une actualisation des revenus futurs. Ainsi, lorsque les taux montent, les Bourses mondiales, la dette des pays émergents ou encore les obligations émises par les entreprises sont sous pression. « Le marché obligataire américain n’avait jamais subi une correction trimestrielle aussi forte. Entre janvier et mars, il a perdu 5,4 % », commente ainsi Franck Dixmier, responsable mondial de la gestion obligataire chez Allianz GI. Pour les professionnels de la finance, c’est un véritable changement de paradigme. Ils sont davantage habitués à évoluer dans un environnement de baisse des taux que de hausse. Surtout, ils naviguent dans le brouillard. L’inflation a des causes multiples. A l’excès de demande sur l’offre lié à la sortie de la crise sanitaire se sont ajoutés d’autres chocs inflationnistes difficiles à quantifier. « L’inflation des prix de l’énergie et des prix alimentaires devrait durer. Quant au passage de la mondialisation extrême à la régionalisation, il alimentera la hausse des prix », poursuit Franck Dixmier. De quoi expliquer le virage sur l’aile opéré par les banques centrales depuis la fin de l’année dernière.

2- Les banques centrales sont-elles condamnées à accélérer le mouvement face à la hausse de l’inflation ?

Le chiffre d’inflation aux Etats-Unis pour mars a de nouveau franchi un record , 8,5 % sur 12 mois. En Europe, il a également touché un plus haut historique, à 7,5 %. Les banques centrales n’ont donc guère le choix. En retard dans le combat contre la hausse des prix - en novembre dernier encore, elles présentaient l’inflation comme un phénomène transitoire - elles doivent frapper fort . La Réserve fédérale, notamment, affiche un ambitieux programme de hausse de ses taux directeurs. Ils devraient évoluer en fin d’année dans une fourchette de 1,75 %-2 % contre 0,25 %-0,50 % actuellement. Une vitesse quasiment jamais vue. Pourtant, souligne Stéphane Déo, directeur de la stratégie de marchés chez Ostrum, ce ne sera pas suffisant pour véritablement faire baisser l’inflation. Il faudrait pour cela que les taux de la Fed atteignent 9,8 %, ce qui aurait des conséquences lourdes pour l’économie. En zone euro, le mouvement est également engagé , mais il sera plus lent.

 

3- Quelle stratégie va adopter la Fed ?

Lors de sa dernière réunion de politique monétaire, la Fed a montré sa volonté d’aller plus vite dans le resserrement de sa politique monétaire, déclenchant la récente flambée des taux américains. Pour les marchés, les jeux semblent faits. « Nous nous attendons à un relèvement de 50 points de base [au lieu de 25 pb habituellement, NDLR] lors de la réunion de mai, et d’autres hausses de la même ampleur en juin et éventuellement en juillet », anticipe Franck Dixmier. En parallèle elle devrait commencer à réduire son bilan , c’est-à-dire arrêter de réinvestir les montants issus des obligations de son portefeuille arrivées à échéance. Voire, si cela ne suffit pas, vendre des titres sur le marché. L’objectif est de retirer 1.100 milliards de dollars par an à un bilan qui a tutoyé les 9.000 milliards de dollars après la crise du Covid. Ce qui pourrait, à moyen terme, faire bondir le taux américain à 10 ans de 100 à 150 pb.

4- La Fed peut-elle durcir sa politique monétaire à un tel rythme sans faire dérailler la croissance ?

Pour tenter d’apaiser les tensions inflationnistes, la Réserve fédérale dispose de peu d’outils. Elle joue principalement sur le niveau des taux d’intérêt : plus ils sont élevés, plus il est difficile pour les entreprises et les ménages de se financer, ce qui pèse sur la demande finale. L’effet est indirect et prend du temps pour se refléter dans l’économie réelle. Pour la Fed, le chemin est étroit. Si elle va trop vite, elle pourrait causer une récession . Mais si elle n’en fait pas assez, l’inflation pourrait s’ancrer à un niveau durablement élevé alors que la croissance ralentirait fortement, avec le risque de se retrouver dans un contexte de « stagflation ». La Fed est bien consciente de ces dangers, mais sa priorité est aujourd’hui de combattre l’inflation. Les taux d’intérêt sont un « outil brutal » qui causera forcément des « dommages collatéraux », a ainsi reconnu Christopher Waller, membre du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale américaine. S’il y a peu de doute que le resserrement de la politique monétaire américaine pèsera sur la croissance, le marché hésite encore entre anticiper un atterrissage en douceur ou une véritable récession.

5- Pourquoi les Bourses mondiales pourraient souffrir ?

Les marchés actions ont profité ces dernières années de la faiblesse des taux d’intérêt et de l’abondance des liquidités déversées dans le système financier via les programmes d’achat d’actifs des grandes banques centrales. Lorsque les taux sont faibles, les investisseurs ont tout intérêt à se reporter sur les actions. Les stratèges de marché parlent d’effet « TINA » : il n’y a pas d’alternative (There Is No Alternative). Avec la remontée des taux de rendement obligataires, les investisseurs pourraient revenir sur les obligations au détriment des actions. Un autre danger vient de la valorisation élevée des actions. Plus les taux sont bas, plus la valeur actuelle des profits futurs augmente. La baisse continue des taux ces dernières années a donc soutenu les cours des actions, en particulier des valeurs de croissance comme la tech.

6- Pourquoi la tech et le luxe souffrent plus que d’autres de la remontée des taux ?

A Wall Street, l’indice Nasdaq à forte coloration technologique a déjà chuté de 10 % cette année, ce qui correspond à plus de 1.000 milliards de dollars de capitalisation effacés. Si la remontée des taux se poursuit, cette correction pourrait s’accélérer. L’Europe boursière a un profil moins tourné vers la tech, mais elle n’est pas pour autant immunisée. Certains secteurs chèrement valorisés peuvent aussi souffrir de la hausse des taux, à commencer par le luxe, principal moteur de la Bourse de Paris.

7- Quelle contagion sur les taux européens ?

Depuis le début de l’année, les taux américains ont entraîné les taux européens dans leur sillage haussier. Pourtant, la situation de l’économie des deux côtés de l’Atlantique n’est pas la même. Notamment en ce qui concerne la nature de l’inflation, issue d’une surchauffe de l’économie domestique aux Etats-Unis, alors qu’elle est beaucoup plus « importée » en zone euro, car très liée à la flambée des prix de l’énergie. Mais c’est la conséquence du rôle central joué par le marché des Treasuries dans l’univers obligataire global. Par effet de contagion, les taux américains donnent le « la » aux autres taux. C’est le cas en Europe. « Dans le même temps, le rendement des Treasuries à 10 ans a progressé de 150 points de base, et celui des Bunds allemands de même maturité a grimpé de 90 points de base, soit une corrélation de 70 % », souligne Franck Dixmier.

8- Dans quelle mesure cela renchérit-il le financement des entreprises ?

Jugés sans risque, les taux d’emprunts des Etats constituent un plancher en dessous duquel les prêts aux sociétés ou les rendements des émissions obligataires « corporate » ne peuvent pas descendre. La flambée des rendements d’Etat va donc s’accompagner d’un renchérissement mécanique du financement pour les sociétés. En outre, un certain nombre d’investisseurs qui étaient allés chercher le rendement offert par les obligations d’entreprises dans un univers de taux souverains faibles vont à terme se détourner de ce marché pour revenir vers la dette d’Etat. Néanmoins, le péril n’est pas imminent. Les entreprises sont globalement saines et ont réussi à dégager de fortes marges. De plus, elles ont profité des conditions de financement exceptionnelles d’avant la hausse des taux pour renforcer leur trésorerie. Elles peuvent donc attendre plusieurs mois avant de se refinancer.

9- Quelle trajectoire pour le dollar en cas de remontée des taux ?

Le consensus des économistes et stratèges établi par l’agence Bloomberg anticipe un recul global du dollar cette année de 2,5 % à horizon de septembre et près de 4 % en fin d’année. L’euro, sous 1,09 dollar, grimperait à 1,12 dollar dans 5 mois et 1,13 fin 2022. La Réserve fédérale va certes remonter ses taux mais elle va courir derrière une inflation bien plus élevée, à 8,5 % en mars, qui va pénaliser la valeur du billet vert. Les marchés anticipent un relèvement des taux de la Fed de 225 points de base d’ici à la fin de l’année. « Aux Etats-Unis, la nouvelle génération, citoyens et décideurs, n’est pas prête à accepter un nouveau Paul Volcker [NDLR : le gouverneur de la Fed qui releva fortement les taux au début des années quatre-vingt pour lutter contre l'inflation]. Pour la Fed, une inflation de 8 % semble se décomposer en une composante structurelle à 3 % et une composante transitoire de 5 % », estime Stephen Jen, stratège chez Eurizon SLJ Capital. En 1994, le doublement des taux d’intérêt en 12 mois avait provoqué un krach obligataire retentissant et un plongeon du dollar. Une crise qui est restée dans toutes les mémoires et qui pourrait inciter la Fed à une certaine retenue.

La promotion de la problématique environnementale à l’école

 

La campagne présidentielle est passée à côté de la jeunesse et du défi climatique, dont l’urgence exige de revoir complètement la manière dont l’école l’aborde, estime, dans une tribune au « Monde », un collectif de personnalités, parmi lesquelles Jean Jouzel, Jean-Louis Etienne, Tristane Banon et Tony Parker, qui proposent un « décloisonnement radical » de l’approche des questions environnementales.

 

Tribune.

 

La campagne présidentielle ne mobilise pas les jeunes, qu’ils soient en âge de voter ou non. Mais a-t-elle vraiment cherché à le faire ? Et comment aurait-elle pu, le cas échéant, y parvenir ? La tâche est complexe, face à une multiplicité de défis interdépendants qu’il incombe à la jeunesse de relever.

L’urgence climatique et environnementale rebat toutes les cartes : les repères de la vie économique et sociale, nationale et internationale, les migrations, les modes de consommation, la citoyenneté, l’alimentation. Elle remet en question la perception du corps, la mobilité, la sexualité, les identités, les relations intergénérationnelles – d’une façon générale, les rapports à soi-même, aux autres, êtres humains comme êtres vivants.

Le défi est, à bien des égards, vertigineux, ce que confirme le plus récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié le 4 avril. Sur une planète Terre, devenue comme menaçante à force de lancer des signaux de détresse, la jeunesse exprime, comme jamais elle ne l’avait fait jusqu’à présent, des inquiétudes collectives profondes, mais aussi une attention renouvelée à l’environnement.

Par où fallait-il commencer ? Comment redonner à notre jeunesse quelques étoiles dans les yeux ? Par l’école. Parce que sans elle on s’épuisera en vain à réguler des secteurs en transition, à la façon de Charlot dans Les Temps modernes, embringué dans une mécanique incontrôlable ; parce que le savoir et la pensée critiques sont les meilleurs guides face à des choix difficiles, pour éviter les fausses routes, les fantasmes, les peurs « collapsistes », les ostracismes et les violences ; parce que, comme la graphie le suggère, « écologie » commence par le mot « école ».

Le changement sera matriciel ou ne sera pas. Il doit être éveillé et naître dans les cerveaux des bâtisseurs de l’avenir, non pas comme une série de données abstraites ou d’actes automatiques, mais comme un mode d’appréhension sensible du monde. Ce n’est là ni plus ni moins que la vocation première de l’école : apporter les bons matériaux pour l’exercice de l’esprit critique et pour l’esprit tout court. Mais appliquée à la construction d’une citoyenneté du XXIe siècle, c’est une révolution copernicienne, parce que l’école ne relie pas spontanément les acquis fondamentaux au défi fondamental.

Nous faisons partie du vivant et, en ce sens, l’école doit enseigner la réalité et la richesse de ses relations symbiotiques. Elle doit permettre à chacun de trouver à s’insérer dans une société ouverte au monde, en dialogue avec lui. Elle doit viser à créer et à stimuler ces liens. Elle est une éducation politique en ce qu’elle est ouverte aux autres êtres vivants : elle doit enseigner et cultiver une politique du vivant !

 

Problématique climatique : l’incompréhension des politiques

Problématique climatique : l’incompréhension des politiques

 

Un papier de la Tribune fait le constat de l’incompréhension des politiques vis-à-vis de la problématique climatique. Reste que certaines analyses d’experts demeurent elles aussi assez partisanes et trop partielles.

 

Très peu abordée dans les médias pendant la campagne électorale, la question climatique est largement sous estimée par la plupart des candidats. Elle semble aussi être mal comprise. Les rares débats sur la transition écologique et énergétique se sont focalisés sur la place du nucléaire dans notre mix électrique, alors que la marge de manœuvre pour décarboner davantage notre économie se situe ailleurs. 

Alors que l’urgence climatique n’a jamais été aussi prégnante, la thématique demeure parfaitement invisible à seulement quatre jours du premier tour de l’élection présidentielle. Début février, pourtant, quelque 1.400 chercheurs de différentes disciplines tiraient déjà la sonnette d’alarme. Dans une tribune, ils s’inquiétaient de l’absence de débats démocratiques portant sur le climat, la biodiversité ou encore les pollutions et pressaient les candidats à s’exprimer sur ces sujets cruciaux.

Efforts vains. Le message n’a pas été entendu. Au plus fort de la campagne, le climat n’a représenté que 5% du temps médiatique, selon le baromètre de l’institut Onclusive (ex-Kantar), publié à la demande des quatre ONG de l’Affaire du Siècle.

Cette absence flagrante de débat autour de la transition écologique pendant la campagne électorale est d’autant plus déconcertante que le dernier rapport des experts du climat de l’ONU (GIEC), publié lundi 4 avril, exhorte justement à agir immédiatement. Le message est très clair : l’humanité dispose de moins de trois années pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre (GES), principales responsables du changement climatique, si elle veut conserver un monde vivable.

Ce texte, le troisième opus d’une publication initiée l’été dernier, est sans doute le plus politique car il se penche sur les stratégies et mesures concrètes à mettre en place pour transformer la société et l’économie. Il porte ainsi sur la transformation de nos modes de consommation, de production et de nos infrastructures.

Des programmes pas à la hauteur

Cet enjeu crucial, très peu de candidats à l’élection présidentielle s’en sont emparés.

« Seuls deux candidats, Yannick Jadot [Les écologistes, ndlr] et Jean-Luc Mélenchon [La France insoumise, ndlr], présentent des plans d’action détaillés et complets permettant une lutte efficace sur le changement climatique », estime Anne Bringault, coordinatrice en France des programmes de l’ONG environnementale Réseau Action Climat (RAC), qui a épluché les programmes des différents candidats à l’aune du climat.

« Dans le programme de Marine Le Pen, le mot climat n’apparaît qu’une seule fois. La candidate d’extrême droite propose même des mesures qui contribueront à augmenter les émissions de GES, comme rehausser la limitation de vitesse sur les routes », ajoute Anne Bringault.

Le groupe de réflexion The Shift Project est encore plus sévère que l’ONG. Selon son analyse (basée cette fois-ci sur la description, en quelques pages, par les candidats de leurs principales propositions pour décarboner la France), aucun d’entre eux ne propose une stratégie à la hauteur du danger de la crise climatique. Le think tank, présidé par le consultant pro-nucléaire Jean-Marc Jancovici, est catégorique : aucun aspirant n’expose une approche systémique, articulée, précise et chiffrée nécessaire à la transition écologique et énergétique. Transition encore plus cruciale à l’heure où la guerre en Ukraine souligne notre grande dépendance aux énergies fossiles, qui financent le régime de Vladimir Poutine.

Seuls Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Valérie Pécresse (LR) présentent une approche assez précise de certains enjeux majeurs, reconnaît néanmoins le centre de réflexion. La présentation d’Emmanuel Macron, envoyée hors délai, n’a pas été prise en compte dans le décryptage du Shift Project. Quant à son programme, l’association RAC dénonce sa pauvreté en la matière. « Il n’y a que quelques mesures très symboliques, mais qui ne sont pas du tout suffisantes pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre », estime Anne Bringault. Dans son programme, le président-candidat explique vouloir « planifier la transition écologique » et propose notamment la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires« une offre abordable de voitures électriques pour tous grâce à une filière 100% française » ou encore de rénover 700.000 logements par an.

De rares débats monopolisés par le nucléaire

Non seulement le climat est le grand oublié de cette campagne, mais c’est aussi un sujet mal compris de la plupart des candidats. En effet, les rares fois où les aspirants débattent de la question climatique, ces derniers se concentrent quasi exclusivement sur le nucléaire et la place qu’il pourrait occuper. Or, le nucléaire représente moins de 20% de l’énergie finale utilisée par les Français. Dans sa dernière publication, RTE (le gestionnaire du réseau de transport électrique) rappelle aussi que « maintenir durablement un grand parc nucléaire permet de décarboner massivement, mais est loin de suffire pour atteindre la neutralité carbone ».

« Philippe Poutou, par exemple, propose de sortir du nucléaire dans dix ans, mais pas des énergies fossiles. Cela montre bien le fort prisme du nucléaire », pointe Nicolas Goldberg, expert énergie chez Columbus Consulting.

Au-delà du clivage idéologique autour de l’atome, de nombreux professionnels regrettent que les discussions se focalisent sur la production électrique alors qu’elle est déjà très décarbonée (92% de la production électrique dans l’Hexagone est bas carbone, grâce au nucléaire, en grande partie, aux barrages hydrauliques et, dans une moindre mesure, aux parcs éoliens et solaires).

En revanche, la chaleur, utilisée dans le résidentiel et les process industriels, est très carbonée. 70% de sa production est réalisée à partir d’énergies fossiles. Elle représente 45% de notre consommation d’énergie finale, contre seulement 25% pour l’électricité

« Aujourd’hui, dans les débats, les candidats n’ont pas perçu l’importance de la chaleur ou encore celle des transports, qui fonctionnent à 90% à partir d’énergies fossiles. Ce sont des secteurs que l’on va pouvoir électrifier mais il y aura besoin de toutes les solutions », observe Alexandre Roesch, directeur général du Syndicat des énergies renouvelables (SER).

Les énergies renouvelables instrumentalisées

Et Anne Bringault, du Réseau action climat, de renchérir :

« Il y a une grande méconnaissance des [personnalités, ndlr] politiques sur l’origine des gaz à effet de serre et des actions à mener ».

Autre illustration de cette méconnaissance : les énergies renouvelables.  »Elles sont évoquées par les candidats dans leurs discours, mais souvent en mal », soulève Nicolas Goldberg. Or, le dernier rapport du Giec est sans équivoque : les technologies solaires et éoliennes seront efficaces et peu chères pour décarboner, leur coût ayant chuté de 85% depuis 2010.

« Le moratoire sur l’éolien était réservé à Marine Le Pen en 2017. Désormais, l’extrême droite souhaite carrément démanteler les éoliennes existantes et Marine Le Pen franchit un cap en proposant un moratoire sur le solaire. On voit très bien à quel point l’énergie peut correspondre à un positionnement plus politique que climatique », observe le consultant.

La sobriété encore trop taboue

Dernière lacune dans les rares discours sur le climat : la question de la sobriété énergétique. « Certains politiques ont commencé à prononcer ce mot alors qu’il était complètement tabou il y a encore peu de temps », note la militante écologiste.

Selon Nicolas Goldberg, historiquement, l’énergie a toujours été pensée sous le prisme de la sécurité de l’approvisionnement énergétique, avec pour principal objectif la diversification des sources d’approvisionnement. Désormais,  »la meilleure sécurité d’approvisionnement du système énergétique, c’est d’en avoir moins besoin, explique-t-il. La sobriété est un mot très amish, mais nous ne pouvons pas résumer la sobriété à des actes moraux et individuels. Il faut une offre publique de sobriété », poursuit-il.

Cette politique publique de sobriété correspond au développement des transports en commun, à l’aménagement du territoire, au plan vélo, à l’obligation d’utiliser des thermostats ou encore à l’interdiction des terrasses chauffées. Elle est au cœur du troisième volet du rapport du Giec.

« Sur la question des véhicules, par exemple, il est extrêmement frappant lorsqu’on entre chez un concessionnaire automobile de constater qu’il est impossible de trouver une voiture neuve légère. Les rendements des moteurs thermiques s’améliorent, mais le poids des véhicules augmente. Il y a un manque de régulation pour diminuer leur poids », regrette Nicolas Goldberg.

« Jusqu’à présent, les politiques se sont concentrées sur des incitations, parfois peu lisibles, mais utilisent très peu la contrainte. À un moment donné, il faut avoir la carotte et le bâton », abonde l’expert en énergie. Selon lui, il est urgent « de jouer sur la demande », comme le recommande le dernier rapport du Giec,  »tout en préservant des cadres de vie souhaitables ». Un défi complexe auquel les politiques n’ont plus le choix que de s’y confronter.

Juliette Raynal

Problématique environnementale : un double enterrement

Problématique environnementale : un double enterrement

 

Paradoxalement la cause environnementale aura presque disparu de la campagne électorale présidentielle française. En cause, sans doute d’abord la crise en Ukraine qui va remettre au centre des préoccupations la compétitivité souvent au détriment de la qualité de l’environnement. En outre, une crise qui va durer peut-être des mois et même des années avec des effets négatifs sur l’inflation et plus généralement sur l’environnement. Non seulement la croissance sera remise en question au plan mondial mais son contenu productiviste et gaspilleur sera encouragé pour  compenser la hausse des coûts.

Mais il s’agit d’un double enterrement, celui évoqué par la guerre menée par la Russie mais tout autant sans doute par l’incohérence totale du parti Europe écologie les Verts qui a démontré toutes ses limites et ses contradictions et d’une certaine manière a largement discrédité la cause environnementale. La plupart des dirigeants d’Europe écologie les Verts sont d’ailleurs plus proches politiquement des communistes ou  de Mélenchon que d’un parti réellement écolo. Et ne parlons pas des délires des gauchistes de culture woke; Sandrine Rousseau illustrant jusqu’à la caricature l’extrémisme d’Europe écologie les Verts dans tous les domaines : économique, écologique, social et sociétal. On objectera que chaque partie assez folle ( ou ses) exemples Morano pour les républicains, Ségolène Royal pour le parti socialiste ou encore Taubira pour la gauche bobo. N’empêche qu’avec un score d’environ 5 % le représentant politique des écolos renvoie la cause environnementale à beaucoup plus tard : au moins cinq ans sinon plus! Heureusement cette cause est sans doute mieux servie par des écologistes indépendants des doctrines extrémistes gauchistes

La problématique du pouvoir d’achat

La problématique du pouvoir d’achat

 

L’économiste Jérôme Mathis observe, dans une tribune au « Monde », que l’escalade des mesures pour « sauver » le pouvoir d’achat dissimule la nécessité d’un débat de fond sur notre façon de produire et de consommer.

 

 

Tribune. 
Les sondages indiquent que le pouvoir d’achat est devenu la première préoccupation des Français. Parmi les personnes qui expriment cette inquiétude, on trouve tout type de profil, du cadre qui renonce à offrir des vacances de ski à ses enfants au chômeur de longue durée qui éprouve des fins de mois difficile, au point de procéder à des arbitrages sur des biens de consommation courante.En réponse, nombre de candidats à la présidentielle se lancent dans un festival de surenchère électorale (doublement de la rémunération des enseignants pour Anne Hidalgo ; hausse de tous les salaires net inférieurs à 3 000 euros pour Valérie Pécresse ; revalorisation du smic à 1 500 euros net pour Yannick Jadot ; allocation de 1 000 euros pour les étudiants et les jeunes et relèvement des retraites à 1 400 euros minimum pour Jean-Luc Mélenchon ; baisse de la TVA sur les carburants, le fuel et l’électricité et remboursement des péages pour Marine Le Pen ; bourse de 10 000 euros aux nouveau-nés de la France rurale pour Eric Zemmour…).

La problématique du pouvoir d’achat est particulièrement complexe parce qu’elle lie plusieurs variables macroéconomiques. A commencer par l’inflation, qui, selon les prévisions de la Banque de France, sera de 2,5 % cette année et de 1,5 % les deux années suivantes. Promettre une hausse du pouvoir d’achat équivaut donc à s’engager au cours des trois prochaines années à hisser le revenu des Français d’au moins 5,5 %, ne serait-ce que pour contrer les effets de l’inflation.

L’impôt et les cotisations sociales jouent aussi un rôle. Certains candidats appellent à un allégement fiscal en vue d’augmenter le revenu disponible des ménages. Cela occulte la trajectoire récente de notre économie. A présent que la crise de la Covid-19 s’éloigne, nous sommes censés renflouer les caisses de l’Etat, qui ont largement financé le filet de protection sociale déployé pour amortir la chute de l’économie. Y renoncer pourrait menacer notre capacité à absorber un choc futur et, en tout état de cause, ne ferait qu’alourdir la dette publique qui pèse sur les épaules des jeunes générations.

Les salaires sont également au centre de l’attention. Le réflexe naturel est de vouloir les augmenter, en particulier les plus modestes. Il convient toutefois de ne pas renchérir le coût du travail. Car, selon l’Observatoire des inégalités, la première cause de pauvreté dans notre pays est le manque d’emploi. Revaloriser le smic améliore le quotidien des personnes peu qualifiées qui occupent actuellement un emploi, mais pénalise celles qui sont au chômage.

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