Fillon «un cadavre politique» (presse étrangère)
La presse étrangère condamne avec une grande sévérité les déviances financières de François Fillon tout autant que son système de défense pathétique au point que certains observateurs étrangers considèrent l’ancien ministre comme un cadavre politique. À l’étranger, on s’étonne surtout de l’indulgence des électeurs à l’égard de la corruption des politiciens français. Le journal en ligne espagnol El Confidencial, «François Fillon vit des heures d’agonie», les informations dévoilées par les médias ayant «transformé l’ancien favori en boulet pour son camp». El Periódico, publié à Barcelone, note que le «catholique ultralibéral thatchérien» Fillon «sent le cadavre politique». Commentant les déboires du candidat de droite, le correspondant à Paris Ramón Lobo s’étonne : «La situation est si peu française qu’elle paraît espagnole : le concerné refuse de partir, dénonce une conspiration, qualifie les informations de misogynes mais défend à sa femme de s’expliquer.» Dans les journaux italiens, le constat est similaire. L’affaire a ruiné la carrière de Fillon, et Il Corriere della Sera décrit Penelope Fillon comme «la femme emportée par son mari asua insaputa [à son insu].» L’expression est souvent utilisée pour tourner en dérision la ligne de défense adoptée par des politiciens accusés de corruption. A l’opposé, le quotidien d’inspiration conservatrice et libérale Il Foglio juge François Fillon «victime du « giustizialismo »», soit la condamnation par l’opinion publique avant la sentence d’un tribunal. Au Royaume-Uni, le Guardian a donné la parole à Kim Willsher, la journaliste qui a mené la fameuse interview de Penelope Fillon, en 2007, pour le Telegraph. L’assertion «Je n’ai jamais été son assistante ou quoi que ce soit qui y ressemble» est un «smoking gun» pour la rédactrice : un «pistolet fumant», c’est-à-dire une preuve accablante. En Allemagne, l’hebdomadaire Der Spiegel trace un avenir bien sombre à François Fillon : «Leur tentative, avec sa femme, de se présenter comme les victimes d’un complot de la gauche a complètement échoué.» De son côté, Richard Werly, au Temps, en Suisse, s’insurge des attaques du candidat français contre le «tribunal médiatique». L’éditorialiste justifie le traitement accordé par la presse aux frasques financières de Fillon par son «incompréhension […] totale. Incompréhension devant le caractère systématique des emplois familiaux au sein du clan Fillon. Incompréhension devant le fait que ces pratiques – légales – soient si répandues au sein du Parlement français. Incompréhension devant ce flou persistant qui existe en France entre argent et politique.» Dans la revue américaine Foreign Policy, Robert Zaretsky va jusqu’à questionner : «Pourquoi la France est-elle si corrompue ?» Reprenant la phrase du candidat Fillon à la primaire «Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ?», l’historien statue : «Maintenant que les enquêteurs financiers ont entamé leurs recherches sur l’affaire Fillon, le général semble plus seul que jamais.» Et d’ajouter qu’«u ne chose apparaît clairement : grâce au Penelopegate, une vieille tradition française semble destinée à se perpétuer». Enfin, la Libre Belgique choisit la dérision : «Le détournement de centaines de milliers d’euros d’argent public n’est pas drôle. […] En revanche, les explications fournies par le futur ancien candidat nous ont fait rire aux larmes.» Au moment où la candidature de l’ancien Premier ministre est remise en cause jusque dans son camp, les médias étrangers soulignent la multiplication des affaires dans l’Hexagone et s’étonnent de l’indulgence des électeurs. L’Orient le Jour (Liban). Pour le quotidien, L’Orient le Jour l’affaire Fillon pourrait «finir façon Dominique Strauss-Kahn en 2012 ou façon Lionel Jospin en 2002». Peu confiant sur l’avenir politique de l’ancien Premier ministre, l’Orient le Jour souligne le climat de défiance dans lequel survient cette affaire. François Fillon s’est distingué de ses adversaires en faisant valoir sa probité. «Son « qui imagine le général de Gaulle mis en examen ? »» avait marqué les esprits et «est resté dans toutes les têtes», écrit le journal, qui ajoute que «sur le plan moral, le PenelopeGate semble difficilement défendable». The Independent (Royaume-Uni). La corruption «is busines as usual» («la routine habituelle») dans la vie politique française. C’est la conclusion que tire The Independent. Le quotidien en ligne britannique rappelle l’affaire des emplois fictifs de Jacques Chirac et s’étonne qu’«Alain Juppé était un candidat extrêmement populaire malgré le fait qu’il ait été condamné». Et de dérouler une liste non exhaustive des politiciens français et d’affaires. «Le fait est que l’enrichissement personnel s’est institutionnalisé», analyse le média. Sans concession. Le Temps (Suisse). Selon le quotidien genevois, l’affaire révèle le rapport difficile qu’entretient «la droite française avec la justice». L’affaire Bygmalion ou l’utilisation des fonds secrets par Claude Guéant alors ministre de l’Intérieur en sont des exemples. Le Temps souligne aussi la solitude dans laquelle se retrouve François Fillon. D’autant que «la plupart des ténors du camp conservateur n’ont pas digéré sa victoire». La tempête médiatique dans laquelle Fillon a «rouvert la foire aux ambitions» à droite. Foreign Policy (Etats-Unis). «Pourquoi la France est-elle si corrompue ?» s’interroge Foreign Policy. Pour y répondre, ils remontent aux fondations de la Ve République et imputent ces dérives à notre système qualifié de «République monarchique». Le magazine américain retrace les grandes affaires qui ont émaillé la vie politique française, des diamants de Bokassa aux soupçons de financement libyen illicite de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy. Comme ils le rappellent, «trois quarts des Français croient que les députés sont corrompus», selon un sondage commandé par Transparency International. Un climat de défiance «qui fait le jeu du Front national». Ils relèvent toutefois la création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, instiguée par loi Sapin II. La Libre Belgique. Pour le quotidien, François Bayrou pourrait remplacer François Fillon, «mais pas encore», titre-t-il. La Libre Belgique s’appuie sur l’interview télévisée du président du Modem, où il déclarait vouloir «faire ce qu’il faut pour que la France s’en sorte». Pour le journal belge, «la porte Fillon est fermée», mais il reste «l’hypothèse Emmanuel Macron». Die Zeit (Allemagne). L’hebdomadaire allemand relate les déboires du «M. Propre» français. Die Zeit continue en assénant entre autres que «pour beaucoup, Penelope Fillon était déjà vue comme la future première dame : elle apparaissait non pas comme une collaboratrice politique mais comme une épouse sage et traditionnelle, qui s’occupe des enfants et des chevaux, sans rapport avec la politique». Pour ce média, c’est une affaire qui ne tombe pas au très bon moment : «Cette semaine, il voulait briller sur la scène internationale, en rendant visite à la chancelière allemande Angela Merkel à Berlin et en demandant la fin des sanctions contre la Russie. Mais soudainement, on ne lui pose plus que cette unique question : qu’a fabriqué son épouse pendant toutes ces années ?» The New York Times (Etats-Unis). Le journal annonce d’entrée la couleur avec son titre : «Le scandale Fillon incrimine avant tout l’ensemble de l’élite politique française». Avant d’attaquer : «Le président de l’Assemblée nationale le fait, le président du Sénat le revendique, des douzaines de parlementaires le font également. Embaucher son épouse, sa sœur ou son enfant au Parlement français est parfaitement légal.» Et de poursuivre en constatant que «beaucoup de politiciens français se demandent donc où est le problème». Selon lui, la réponse qui serait revenue dans un «rugissement populo-médiatique» est tout simplement qu’«ils [les hommes politiques français, ndlr] ne peuvent pas comprendre». De plus, le journaliste considère la volonté de François Fillon de rester en course comme une preuve que «la classe politique française a progressivement été gangrenée et que qu’aucun de ses remplaçants potentiels n’est blanc comme neige».