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Résultats de la présidentielle : Rien n’est acquis sauf la division

Résultats de la présidentielle : Rien n’est acquis

 

Entre éclatement des partis traditionnels, division des électeurs en trois pôles et reports de voix compliqués, l’issue du second tour n’est acquise pour personne. Par Claude Patriat, Université de Bourgogne – UBFC

 

Comme on pouvait s’y attendre, le scrutin du 10 avril n’a pas purgé la situation provoquée par l’irruption d’Emmanuel Macron en 2017 dans la porcelaine fragilisée du système des partis. Au contraire. Loin de stabiliser un nouvel ordre politique, il dévoile un paysage lunaire incertain d’où semblent exclus, à droite comme à gauche, les vieux partis de gouvernement : il y a cinq ans, avec un Benoît Hamon à 6,36 %, c’est le Parti socialiste qui prenait le chemin de la sortie ; voici le tour des Républicains de sombrer, écartelés entre Emmanuel Macron et Éric Zemmour, et qui se retrouvent en dessous de la barre des 5 %. Pendant que le PS, dépassé par Jean Lassalle et Fabien Roussel, réalise le score le plus faible de son histoire à moins de 2 %.

Terrible descente aux enfers dans une France à deux vitesses où, paradoxalement, les partis qui restent les maîtres du jeu au plan local se voient décapités au plan national !

Faute d’avoir réformé les institutions politiques en revitalisant l’équilibre des pouvoirs et en ouvrant les conditions d’une pleine représentation démocratique, on a laissé l’implacable mécanique de l’élection présidentielle faire son œuvre de guillotine sèche, dans une atmosphère où la colère et la peur se disputent à la résignation.

Entre les siphonnages croisés, à base de vote utile ou de vote refuge, et le vote protestataire, la vieille bipolarisation droite/gauche a fait long feu.

L’heure est à l’agglomération des électeurs autour de trois pôles : un pôle d’extrême droite, fort de ses 32,29 % et qui gagne 1,6 million de voix par rapport à 2017 ; un pôle de gauche radicale, autoproclamé par Mélenchon unité populaire, avec 22 % ; un pôle central autour du président sortant, qui rassemble 27,84 % des suffrages.

Autour de ce dernier, isolé au milieu des terres de sables mouvants, un habitat dispersé pour les lambeaux des partis non-alignés sur les pôles : Roussel, Jadot, Pécresse, Hidalgo ne totalisent à eux quatre que 13,45 % (4 727 073 suffrages). À elle seule, Valérie Pécresse, tombant à 1 679 470, perd 5 533 525 des voix réunies par François Fillon.

Les Républicains, pris en tenaille entre l’extrême droite et Emmanuel Macron, font donc particulièrement les frais du naufrage : ils ont été victimes du siphonnage par ces deux pôles. Une mésaventure du même genre est arrivée aux écologistes et aux socialistes, victimes collatérales des sirènes du vote utile chantées par Jean-Luc Mélenchon.

Dans ce jeu de vases communicants, certaines défaites sont particulièrement spectaculaires : des douze candidats, seuls trois émergent au-dessus de 20 %, tandis que neuf sont en dessous de la barre des 10 % et huit au-dessous de celle des 5 %. Et près de 15 points séparent le quatrième du troisième ! Étrange déconnexion d’un champ politique en pleine recomposition, dont on saisit difficilement la cohérence avec le paysage politique local. Souvenons-nous qu’en 2017, les quatre premiers candidats se tenaient dans un mouchoir de poche…

Jean-Luc Mélenchon peut se targuer d’un score plus élevé que le laissaient attendre les sondages, quoique moins important sans doute qu’il ne l’espérait : avec 21,95 %, il progresse de 655 000 voix par rapport à 2017 (+5,97 %). L’apport d’un vote utile d’écologistes et de socialistes ne suffit pas à compenser le handicap causé par la présence de son ancien allié communiste, qui a cette fois fait cavalier seul : il échoue de 421 000 voix à dépasser Marine Le Pen.

Emmanuel Macron, de son côté, réussit à franchir le cap en tête, précédant de près de quatre points sa principale rivale. Avec 27,84 % des suffrages, il améliore de plus de 1 130 000 voix son score de 2017 (+13 %). Quant à Marine Le Pen, avec 23,15 % elle réussit, par une habile utilisation du vote utile, à surmonter le handicap d’une candidature Zemmour et progresse de plus de 450 000 voix par rapport à la précédente élection (+5,96 %).

Le chemin du second tour est semé d’incertitudes et d’embûches. Car la partie qui va se jouer est doublement complexe. Il y a, bien sûr, la désignation de l’occupant du fauteuil présidentiel. Mais au-delà, il y a la question de l’efficience des institutions et leur capacité à répondre aux attentes d’un pays profondément divisé et fracturé.

Le résultat du premier tour laisse planer une fausse clarté sur l’issue du second. Cette cristallisation tripolaire antagoniste freine ce qui est un des deux éléments essentiels de la dynamique d’un second tour : les reports de voix.

Marine Le Pen semble n’avoir aucune inquiétude à se faire de ce point de vue, la texture du vote d’extrême droite étant homogène et les deux autres candidats de son camp, Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan, appelant sans surprise et sans condition à voter pour elle. Elle peut de surcroît, au vu de l’attitude du numéro 2 de la primaire LR, Éric Ciotti, partisan d’une droite dure, espérer une part des voix recueillies par Valérie Pécresse.

Et cerise sur le gâteau, dans le cadre d’une sorte de « tout sauf Macron », elle pourrait bénéficier de certains suffrages de Jean-Luc Mélenchon bien que ce dernier a appelé à plusieurs reprises dimanche soir à ne « pas donner une seule voix » à l’extrême droite sans pour autant donner une consigne en faveur d’Emmanuel Macron.

Face à ces deux blocs qu’unit leur commune hostilité au président-candidat, Emmanuel Macron ne dispose pas des mêmes ressources potentielles. Certes, aussi bien Anne Hidalgo que Valérie Pécresse, Yannick Jadot et Fabien Roussel ont fermement et clairement appelé à voter pour lui. Mais leur potentiel reste faible, à supposer qu’il soit discipliné. Il lui faudra ferrailler dur pour amener à lui les électeurs de gauche qui auront voté Mélenchon afin d’éviter trop de déshonneur à leur camp. Reste à jouer sur la participation et susciter une dynamique parmi les abstentionnistes du premier tour. Cette participation a été médiocre : seulement deux points de plus qu’en 2002 et quatre de moins qu’en 2017. Il y a donc là du soutien à espérer.

Ce qui sera lié à la deuxième dimension de l’élection : l’efficience démocratique dans le fonctionnement des institutions. Car il y a un déficit de confiance dans les élus. Il y a peu de chance, en effet que le 24 avril purge la France du malaise entretenu dans l’opinion publique. Le risque est lourd de voir la légitimité du vainqueur remise en cause.

Les années qui viennent de s’écouler ont suffisamment montré que l’élection, pour brillante soit-elle, ne suffit pas à elle seule à garantir un consentement au politique. Il va falloir inventer un mode de gouvernement qui sorte de l’impasse dans laquelle l’illusion présidentielle a plongé le pays au fil des décennies.

L’horizon serait très sensiblement différent si au lieu d’être réduites à un miroir aux alouettes présidentielles, des législatives à la proportionnelle permettait un pluralisme et une diversité des opinions représentées. Et si un fonctionnement des institutions se faisait plus respectueux de l’équilibre des pouvoirs. Cela aura été la lourde erreur du quinquennat que de s’économiser cette réforme. Il faut aujourd’hui en solder le prix.

Emmanuel Macron semble l’avoir compris, qui déclarait au soir du premier tour :

« Je suis prêt à inventer quelque chose de nouveau pour rassembler les convictions et les sensibilités diverses. »

Faute de s’être donné les moyens de pouvoir agir immédiatement, il lui faut se contenter de tracer une perspective cavalière, pour tenter de convaincre de la manière dont il entend procéder pour sortir de cette pratique verticale et concentrée dans l’exercice du pouvoir.

À la lecture des résultats du premier tour, l’exercice promet d’être périlleux. Danton disait qu’il fallait de l’enthousiasme pour fonder une République. Il en faut aussi pour la conserver.

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Par Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique Université de Bourgogne, Université de Bourgogne – UBFC.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Présidentielle : voter les yeux fermés ou le nez bouché ?

Présidentielle : voter les yeux fermés ou le nez bouché ?

 

 

D’une manière générale, cette campagne n’aura pas suscité un grand enthousiasme  témoin le fort taux d’abstention qui s’ajoute aux électeurs potentiels non-inscrits ou mal inscrits soit 40 à 50 % de la population au total.

 

Pour un certain nombre de ceux qui voteront, ce sera les yeux fermés ou le nez bouché. Les yeux fermés pour les partisans d’un camp ou de l’autre soit 10 à 20 % de la population électorale. Pour les autres, ceux qui feront basculer la victoire, il s’agira d’un vote d’opposition au candidat adverse. Certes,  le phénomène n’est pas nouveau mais cette fois il prend des proportions inquiétantes qui traduisent le fort mécontentement d’un grand nombre vis-à-vis du système politique et de la démocratie en général.

Macron risque en effet de l’emporter grâce au vote de ce qui voteront le nez bouché. Non pas un vote de  soutien à  Macron mais un vote de nette défiance vis-à-vis de Le Pen. Du coup , on retrouvera cette ambiguïté du vote très rapidement.

Le président (ou la présidente) va se croire investi pour mettre en œuvre son programme alors que la plupart des électeurs se seront déterminés pour empêcher l’élection de l’autre candidat.

L’autre insatisfaction tient surtout à l’obsolescence du fonctionnement démocratique qui théoriquement repose sur la démocratie représentative. Dans les faits  les candidats une fois élus décident  ce qu’ils veulent en fonction de leur humeur, de leurs intérêts en oubliant une grande partie de leurs promesses.

Et pour cause, la plupart des promesses ne sont pas bouclés par les moyens notamment financiers. Exemple les programmes des deux candidats aux présidentielles supposent des économies dans le fonctionnement de l’État , or  aucune proposition sérieuse de réforme de l’État n’a été mise sur la table. Conclusion,  ces économies sont à la fois virtuelles et illusoires.

La plupart des Français relativisent donc l’intérêt de cette élection présidentielle dont ils n’espèrent pas grand-chosent pour près de 70 % et c’est souvent le nez bouché qu’ils voteront.

Présidentielle : le débat manqué sur la drogue

 

Présidentielle : le débat manqué sur la drogue

 

La question de la lutte contre les addictions n’a pas été abordée durant la campagne, regrettent, dans une tribune au « Monde », Bernard Basset, spécialiste en santé publique, et Amine Benyamina, psychiatre addictologue. Ils proposent la tenue, durant le prochain quinquennat, d’une convention nationale sur le sujet.

Tribune

Parmi les sujets soigneusement évités pendant la campagne électorale, celui de la politique de prévention et d’accompagnement envers les drogues licites ou illicites est l’occasion d’un des plus grands escamotages des réalités auxquelles sont confrontés les Français, surtout les jeunes. Pourtant, les chiffres de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives sont cruels et à la mesure de ce déni : 116 000 morts évitables par an dues au tabac et à l’alcool, 1,5 million de consommateurs réguliers de cannabis, 370 000 personnes en état d’addiction aux jeux en ligne…

Pour Marine Le Pen, la cause est entendue : la « guerre à la drogue » tient lieu de viatique sans même se poser la question de son inefficacité, largement actée par l’Organisation mondiale de la santé ; et l’art de vivre traditionnel, même alcoolisé, justifie les effets de tribune, à défaut de la réflexion.

On comprend aussi la difficulté que représente ce sujet pour le gouvernement et pour le président sortant, car cela les obligerait à reconnaître l’échec des discours martiaux pour masquer le vide de l’analyse et l’absence de résultat de la seule mesure du quinquennat en ce domaine : l’amende forfaitaire contre les usagers de cannabis.

Ce serait aussi reconnaître qu’en matière de lutte contre l’alcoolisme la politique suivie a été davantage dictée par le lobby alcoolier que par le souci de la santé publique. L’absence de réflexion sur les stratégies industrielles des cigarettiers (tabac chauffé [dispositif permettant d’éviter la combustion, présenté comme moins nocif par les industriels], rachat d’entreprises de cigarettes électroniques), ou le marketing éhonté pour les paris sportifs en ligne, est également passée sous silence au nom de la défense de l’emploi.

Cet évitement a un prix politique. Les jeunes générations constatent le décalage total entre des discours frileux et datés, et la réalité quotidienne de leurs vies, surtout dans les quartiers en difficulté en proie à l’économie souterraine et à la loi des dealers. Ces quartiers ont d’ailleurs majoritairement voté pour les candidats qui proposaient une légalisation du cannabis, même si, bien sûr, ce n’est pas la seule raison de leur vote. Dans les mêmes circonstances, la coalition de gouvernement allemande a choisi de s’inscrire dans une évolution mondiale [elle a annoncé en novembre 2021 qu’elle souhaitait légaliser le cannabis], sans susciter de rejet des électeurs, mais en attirant des jeunes qui voyaient enfin la fin de l’aveuglement.

Présidentielle 2022 : les dangers de l’indifférence

Présidentielle 2022 : les dangers de l’indifférence 

Les présidents Sarkozy, Hollande ou Macron seraient des « dictateurs » : la rengaine, distillée au fil des ans dans une dramaturgie relativiste coupable, a produit ses effets, et le danger est désormais bien aux portes de l’Elysée.

 

Analyse de Jean Birnbaum du Monde.

 

Au milieu des années 1950, la grande comédienne Simone Signoret, proche du Parti communiste français (PCF), effectua une tournée à travers le bloc soviétique. A Prague, Signoret reçut l’appel d’une cousine éloignée, Sophie Langer, qui souhaitait la rencontrer. Mais la star française ne donna pas suite. Presque dix ans plus tard, l’obstinée cousine réussit à voir Signoret à Londres, où celle-ci jouait une comédie de Shakespeare. Sophie Langer pouvait enfin se confier : elle et son mari, socialistes tchèques, avaient fui l’invasion allemande en 1939 ; exilés aux Etats-Unis, ils étaient rentrés en Tchécoslovaquie après la guerre, dans l’espoir d’y construire le socialisme ; mais le mari de Sophie Langer avait été arrêté pour « déviationnisme » ; quand elle avait essayé de contacter Signoret, voilà dix ans, c’était dans l’espoir que le régime fasse un geste pour complaire à une célèbre sympathisante…

 

A cet instant, la comédienne coupa court et s’empressa de relativiser : aux Etats-Unis aussi, fit-elle valoir, le mari de sa cousine aurait sans doute eu des ennuis… Alors Sophie Langer se tut et partit. « Ma cousine de Bratislava ne ressemblait pas à l’emmerdeuse que j’avais imaginée à Prague, mais je ne la trouvais pas extrêmement aimable, se souviendra Signoret. Et puis, moi, hein ! j’avais à jouer la comédie. » Réfugiée en Suède après le « printemps de Prague », Sophie Langer écrira ces mots à Simone : « Tout ce que tu trouvas à me dire quand j’ai voulu te raconter mon histoire, c’est qu’en tant que communistes, nous aurions subi le même traitement si nous étions restés aux Etats-Unis. J’espère qu’aujourd’hui tu as compris la différence. » Dans ses Mémoires, Simone Signoret restitue ces souvenirs avec un sentiment de honte. Entre-temps, les chars russes avaient déferlé sur Prague, et elle avait lu les témoignages de dissidents qui décrivaient la surveillance généralisée, la terreur quotidienne. Elle avait fini par « comprendre la différence »

Mais d’autres, beaucoup d’autres, n’ont jamais voulu la comprendre. Ce refus vient de loin. Il explique pourquoi la comédie de l’indifférence, celle que Simone Signoret s’est repentie d’avoir jouer, tient encore le haut de l’affiche aujourd’hui. A l’époque de la guerre froide, la dramaturgie relativiste aboutissait, entre autres, à tirer un trait d’égalité entre l’Amérique libérale et la Russie soviétique. Des décennies plus tard, elle aura nourri des discours où les présidents Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron ont été tour à tour dépeints en dictateurs. Qu’elle se trouve interprétée par des foules manifestantes, des intellectuels respectés ou des journalistes influents, l’histoire ne varie guère et sa morale est toujours la même : le pire n’est pas à craindre, il est déjà là.

Élection présidentielle : Désenchantement et éclatement

Élection présidentielle :  Désenchantement et éclatement

OPINION. Pourquoi sent-on une certaine fébrilité dans le camp macroniste ? Pourquoi les sondages annoncent-ils un score serré entre les deux finalistes ? Un autre manière d’interpréter le vote de dimanche. Par David Cayla, Université d’Angers. 

 

Le résultat du premier tour de l’élection présidentielle peut être lu de deux manières. Si l’on suit une grille de lecture politique, on peut comptabiliser trois blocs idéologiquement cohérents et de force comparable. La droite néolibérale rassemble 32,63% des voix autour des candidatures d’Emmanuel Macron et de Valérie Pécresse ; l’extrême droite identitaire (Le Pen, Zemmour et Dupont-Aignan) constitue un deuxième bloc qui pèse 32,28% des suffrages ; enfin, le total des voix de gauche et d’extrême gauche représente un dernier bloc rassemblant 31,94% de l’électorat. Reste les 3,13% des électeurs de Jean Lassalle, inclassable politiquement.

Une telle analyse du scrutin conduit à minimiser les risques d’une accession de Marine Le Pen à la présidence. Non seulement Emmanuel Macron parviendrait facilement à rassembler son bloc (légèrement plus important numériquement que celui de l’extrême droite) mais de plus il bénéficierait de l’appui d’une partie importante de la gauche dont les responsables sont unanimes dans leurs appels à faire « barrage » à l’extrême droite. Ainsi, sans trop prendre de risque, on pourrait pronostiquer une facile réélection du Président.

Mais si c’est ainsi qu’il faut interpréter le scrutin, pourquoi sent-on une telle fébrilité dans le camp macroniste ? Pourquoi les sondages annoncent-ils un score serré entre les deux finalistes ? C’est qu’il existe une autre manière d’interpréter le vote de dimanche.

Si l’on adopte une grille de lecture sociologique, il n’y a pas trois blocs mais deux camps. Le premier, le camp conservateur, représente les gagnants de la mondialisation. Il rassemble ceux qui défendent plus ou moins l’ordre établi et qui s’accommodent, sans toujours l’approuver, de la politique actuelle. Ses électeurs sont des personnes âgées qui n’ont pas connu la précarité au travail. Ils ont confiance dans les institutions, dans la presse et sont bien insérés socialement. Ils sont de droite et de gauche, d’un niveau socio-éducatif élevé et vivent majoritairement dans les banlieues aisées, en centre-ville et dans les métropoles.

Ce camp agrège aux néolibéraux les partis pro-européens de gauche (Hidalgo et Jadot) ainsi qu’une bonne moitié de l’électorat d’Éric Zemmour et une partie de l’électorat de Mélenchon ou de Fabien Roussel.

En face de ce camp se trouve la France des ronds points, des « gilets jaunes », celle qui manifestait contre le passe sanitaire et la vaccination. Cette France, peu sensible à la politique institutionnelle, rassemble les précaires et les classes populaires. Politiquement, elle est le plus souvent abstentionniste, même si elle s’exprime davantage à l’occasion des élections présidentielles.

C’est à cette France que Marine Le Pen doit pratiquement tous ses suffrages, mais cet électorat s’est aussi porté électoralement sur Mélenchon, notamment dans les banlieues et les Antilles, et sur Dupont-Aignan, Lassalle et Zemmour. Cette France déclassée tient les clés du second tour. Selon la dynamique de campagne, elle pourrait soit retourner à son abstention habituelle, soit voter Marine Le Pen. Ce qui est sûr, c’est qu’elle est potentiellement majoritaire.

D’une manière plus triviale, ce qui frappe dans cette élection c’est la force des partis anti systèmes. Pour la première fois depuis le début de la Ve République, les électeurs ont voté à une très large majorité pour des candidats porteurs d’un discours de rupture.

Dans un ouvrage paru en 2019, les chercheurs Yann Algan, Elizabeth Beasley, Daniel Cohen et Martial Foucault proposent une explication quant à l’émergence des mouvements anti systèmes. Selon eux, le populisme émerge lorsque la défiance s’accroît au sein de la société.

Ils distinguent deux sortes de défiance et donc deux sortes de populisme : d’abord, une défiance purement institutionnelle qui fait le lit d’un populisme de gauche qu’incarnerait par exemple Jean-Luc Mélenchon ou le mouvement des « gilets jaunes ». Ce populisme croit en l’action collective mais ne croit plus aux institutions actuelles qu’il souhaite transformer en profondeur.

À l’inverse, pour les auteurs, les populistes de droite seraient le produit d’une défiance généralisée qui s’adresse autant aux personnes qu’aux institutions sociales. On retrouve cette forme de populisme dans l’électorat de Marine Le Pen, chez les abstentionnistes et au sein des mouvements « antivax ».

Il est la conséquence d’une société marquée par l’individualisme et une forme d’anomie. Il se nourrit parfois d’une paranoïa qui rend sensible les personnes concernées aux thèses du grand remplacement et au complotisme. C’est une population qui a tendance à se replier sur sa sphère privée ou familiale.

Les ouvrages du journaliste américain Thomas Frank décrivent assez justement les sociétés « anomiques » (« sans loi ») au sein desquelles prospère le populisme de droite. Dans ces quartiers résidentiels américains, souvent marqués par la désindustrialisation et la dégradation des services publics, la haine contre le « progressisme » tient lieu de ciment social.

Si les causes des populismes sont assez claires, les raisons pour lesquelles la défiance s’accroît au sein d’une société le sont moins. Dans Populisme et néolibéralisme, j’ai avancé une explication.

La population perd confiance envers ses institutions lorsque ces dernières ne jouent plus leur rôle qui consiste à tisser des liens et à construire la vie sociale. Ainsi, la première des institutions est l’État, et le premier rôle de l’État est de protéger ses propres citoyens. Or, en choisissant d’insérer la France dans la mondialisation, les gouvernements, depuis quarante ans, ont réduit le champ de l’action politique à des logiques d’attractivité et de compétitivité.

La règle de la « bonne gestion » est devenue d’arbitrer systématiquement en faveur des capitaux et des classes supérieures, qui sont mobiles et s’installent là où la fiscalité est la plus douce, contre le travail et les classes populaires et moyennes qui elles sont immobiles et doivent supporter l’essentiel de la charge fiscale.

Vu sous cet angle, le quinquennat qui s’achève fut celui d’une clarification néolibérale, c’est-à-dire qu’il a pris un parti pris clair : celui de mettre l’État au service d’une adaptation de la société aux marchés.

Ce parti pris se retrouve dans la politique fiscale : suppression de l’impôt sur la fortune, baisse de la taxation du capital et de l’impôt sur les sociétés, hausse les taxes sur la consommation. Il se retrouve aussi dans une conception des services publics marquée par la réduction des coûts (fermeture des lits dans les hôpitaux, gel des salaires dans la fonction publique, réduction des dotations aux collectivités territoriales).

Enfin, la gestion du Covid a donné l’impression que « l’argent magique » qui n’existait pas pour répondre aux besoins des soignants de l’hôpital de Rouen pouvait soudainement affluer pour compenser les pertes des entreprises liées à la crise sanitaire.

Cette politique publique orientée vers le soutien prioritaire au secteur privé, au détriment des besoins sociaux a nourri et entretenu une défiance au sein de l’électorat. Les politiques gouvernementales sont-elles au service de l’intérêt général et du plus grand nombre, ou répondent-elles aux pressions des lobbies et des grandes entreprises ? Cette défiance qui s’est révélée lors du mouvement des « gilets jaunes » s’est ensuite cristallisée au moment de la crise sanitaire durant laquelle les théories les plus folles ont circulé sur l’innocuité des vaccins ou sur la pertinence des confinements.

Plus généralement, ce qui est apparu aux yeux d’une partie de l’opinion, c’est que l’État n’était pas là pour protéger la population, mais pour la punir ou la manipuler. C’est cette thèse teintée de paranoïa que défend la philosophe Barbara Stiegler. Les conséquences de cette défiance ont pu être mesurées par le taux de vaccination, beaucoup plus faible dans les territoires populaires et les départements d’outre-mer que dans les quartiers favorisés.

Le résultat du 10 avril semble exprimer la même défiance. Si les institutions ne sont pas remises à l’endroit, si les politiques menées continuent de donner l’impression de servir des intérêts qui ne sont pas ceux de la majorité, il est clair qu’une partie grandissante de la population sera tentée par le vote de sécession.

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Par David Cayla, Enseignant-chercheur en économie, Université d’Angers.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Environnement et présidentielle : l’impression d’un désintérêt

Environnement et présidentielle : l’impression d’un désintérêt 

L’impression de désintérêt des candidats pour les questions environnementales se justifie par des propositions trop souvent floues ou consensuelles à rebours des préconisations des scientifiques. Par Simon Persico, Université Grenoble Alpes (UGA) et Esther Hathaway, Université Grenoble Alpes (UGA)

Marches pour le climat le 12 mars en référence au film à succès « Look Up », rassemblements prévus le 9 avril à la veille du premier tour : les activistes du mouvement climat n’ont cessé de relancer la mobilisation depuis les premières grèves en 2018.

Elles et ils partagent l’impression d’un désintérêt des candidats et des médias lors de cette campagne présidentielle, dont témoigne, par exemple, le fait que moins de 5 % du contenu des journaux télévisés soit consacré à la crise climatique, selon les données mises en avant par le collectif Media Climat. Dernier exemple de cette déconnexion : le climat était presque absent de l’émission « Élysée 2022 » du 31 mars sur France 2, chaîne du service public.

Et ce en dépit de l’aggravation des problèmes liés au climat ou à la biodiversité, comme en attestent les rapports du GIEC qui se font de plus en plus précis et pessimistes sur l’ampleur des bouleversements à venir.

Qu’en est-il réellement ? L’environnement est-il absent de la campagne ? Et comment les différents candidates et candidats prennent-ils position sur ces enjeux ?

Cet article montre en réalité que les enjeux d’environnement et d’énergie bénéficient d’une attention moyenne élevée et inédite, dans les médias comme dans les programmes présidentiels. L’impression de désintérêt se justifie toutefois par le fait qu’une majorité des candidats, et les favoris du second tour en premier lieu – Emmanuel Macron (LREM) et Marine Le Pen (RN) – rejouent la stratégie d’accommodement qui a longtemps mené les partis à formuler des propositions générales, floues et souvent consensuelles, loin des attentes de plus en plus claires formulées par les scientifiques.

Cette impression se justifie aussi par la division et l’absence de perspective de victoire des deux candidats qui portent le plus fortement ces enjeux – Yannick Jadot (EELV) et Jean-Luc Mélenchon (LFI).

Les années 2018-2019 ont vu un mouvement significatif de l’opinion publique française en matière d’écologie. Si celui-ci s’est légèrement tassé, comme on l’observe dans la Figure 1, alors que les enjeux sanitaires et, plus récemment, le pouvoir d’achat, se sont invités au sommet des priorités citoyennes, une part importante des personnes interrogées – une personne sur 4 environ – considère que l’environnement fait partie des enjeux les plus importants.

Le souci de l’environnement fait partie du quatuor de tête des enjeux les plus importants depuis quatre ans. Selon l’enquête Fractures françaises de 2021, le constat selon lequel le réchauffement climatique est dû à l’activité humaine et largement partagé (68 % des personnes interrogées). Quatre personnes interrogées sur cinq désirent que le gouvernement « prenne des mesures rapides et énergiques pour faire face à l’urgence environnementale », même si ces mesures exigeraient des modifications dans les modes de vie des citoyens.

À cette prise de conscience dans l’opinion publique correspond une augmentation de la visibilité des enjeux environnementaux dans les médias, dont témoigne la Figure 2 ci-dessous, qui représente l’évolution de l’attention accordée à l’écologie dans la presse écrite lors des 6 mois précédent le dernier mandat.

Cette hausse d’attention reste limitée (+3 points environ par rapport aux campagnes de 2007, 2012 et 2017) et le traitement médiatique de ces enjeux reste principalement marqué par une approche consensuelle et dépolitisée, comme l’avait montré Jean-Baptiste Comby en 2015. Par ailleurs, tout indique que les médias ne connectent pas forcément ces enjeux environnementaux à la campagne en train de se dérouler. Pour de nombreux citoyens soucieux de l’avenir de la planète (et de l’humanité), cela demeure insuffisant.

En réponse, aucun candidat ne se montre muet sur les questions environnementales – cela avait pu être le cas par le passé.

La Figure 3, ci-dessous, qui représente la part des enjeux d’environnement et d’énergie dans les programmes présidentiels de tous les candidats depuis 1995, est explicite : 2022 est marquée par une visibilité inédite dans l’ensemble des programmes.

Tous soulignent la nécessité de l’action gouvernementale ; aucun – à l’exception de quelques sorties d’Éric Zemmour en début de campagne - n’adopte de positions explicitement climatosceptiques ou remettant en doute la nécessité d’agir.

 

On note que Valérie Pécresse (LR) (11%), Anne Hidalgo (PS) (12%), Jean-Luc Mélenchon (14%) et surtout Yannick Jadot (22%) montrent un intérêt plus prononcé que les autres. Cette hiérarchie correspond d’ailleurs peu ou prou aux différentes évaluations des programmes réalisées par différentes organisations environnementales, comme le Réseau Action Climat ou le Shift Project, qui évoluent plutôt favorablement les programmes des candidats insoumis et écologiste.

Si l’on s’intéresse aux positions prises dans ces programmes, on constate que trois thèmes dominent : on retrouve ici la logique du tunnel de l’attention – le fait que les débats nationaux se concentrent sur un ensemble limité d’enjeux.

Nous présentons ces thèmes par ordre croissant d’attention en finissant par la question de l’origine de la production électrique, la plus visible et sur laquelle l’affrontement est le plus explicite entre les candidats.

D’abord, à l’exception de celui de Marine Le Pen, tous les programmes évoquent la protection de la nature, que ce soit dans le cadre du combat pour le « vivant », chez Yannick Jadot, ou dans le but patriotique de protéger « la beauté de nos paysages » chez Éric Zemmour.

A. Hidalgo et Y. Jadot souhaitent promulguer une loi contre l’écocide, et Y. Jadot, J.-L. Mélenchon, F. Roussel et V. Pécresse souhaitent protéger la biodiversité marine. Tous les candidats de gauche expriment leur souhait d’accompagner des agriculteurs vers la transition écologique. Même E. Zemmour promeut l’agriculture biologique et souhaite interdire certains pesticides. Seule la chasse suscite des positions antagonistes. Y. Jadot souhaite interdire la chasse les week-ends et lors des vacances scolaires et J.-L. Mélenchon interdire les méthodes de chasse cruelles, mais les autres candidats, muets sur cette question dans les programmes, tendent à défendre le statu quo dans la campagne.

Un autre enjeu présent dans les programmes est celui de la décarbonation de l’économie française. Tous les candidats reconnaissent le besoin de sortir des énergies fossiles, et ils ont tous une solution à soumettre – que ce soit via le nucléaire, les énergies renouvelables, la mobilité douce ou des formes de taxe carbone. Les propositions en la matière sont souvent floues et générales, marquant une volonté de brouiller les pistes ou de ne prendre aucun risque.

Plusieurs candidats se réfèrent à l’objectif fixé par la loi énergie-climat, qui vise à atteindre zéro émission nette à l’horizon 2050, mais les engagements ne sont ni précis, ni crédibles, comme l’ont indiqué les organisations environnementales qui ont évalué les programmes ou les réponses des candidats.

La question de la production électrique est celle qui domine l’ensemble des programmes. Et c’est aussi celle qui suscite le plus clair désaccord. D’un côté, A. Hidalgo, Y. Jadot et J.-L Mélenchon insistent sur la possibilité de s’engager vers 100% d’énergies renouvelables, incluant la biomasse et le photovoltaïque (Jadot) ou bien la géothermie et les énergies maritimes (Mélenchon).

Ces candidats prônent également l’installation de nombreuses éoliennes. À l’inverse, leurs concurrents de droite et d’extrême droite dénoncent le développement de ces énergies intermittentes accusées d’abîmer les paysages, alors même que l’énergie éolienne constitue une part importante de tous les scénarios visant la neutralité carbone en 2050, qu’ils soient produits par RTE ou l’ADEME. Emmanuel Macron se prononce en faveur de l’énergie éolienne.

Et en même temps, il est favorable à la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires.

De fait, le nucléaire civil est présent dans cette campagne comme jamais auparavant. La majorité des candidats s’engagent ainsi à une relance du programme de construction de nouveaux réacteurs. Pour E. Macron, il s’agit d’un revirement par rapport à 2017, annoncé dès 2021. Pour la droite et l’extrême droite, il y a moins de surprise : elles prolongent ce qui a toujours été leur position.

Du côté de la gauche et des écologistes, il n’y a pas de consensus autour de cette technologie. Le Parti communiste, qui avait entamé une évolution sur la question, retrouve, à travers le programme de Fabien Roussel, une position très favorable à l’atome. Pour Anne Hidalgo, le nucléaire doit servir d’« énergie de transition », avec une sortie progressive après 2050. Yannick Jadot se place dans la continuité de sa famille politique, qui s’est construite, comme la plupart des partis verts en Europe, sur l’opposition à cette énergie.

Jean-Luc Mélenchon se prononce lui aussi pour une sortie du nucléaire, même s’il s’est déclaré ouvert à l’idée d’un référendum sur le sujet au cours de la campagne, retrouvant ainsi la position qui était la sienne lors des derniers scrutins.

Si les phrases emphatiques et générales pour souligner l’urgence écologique ne manquent pas, il reste que les programmes omettent de nombreuses questions. Certaines émissions de gaz à effet de serre n’attirent pas l’attention des candidats : il s’agit des émissions importées, dues à la production et au transport des biens importés ou des émissions de méthane, le deuxième gaz à effet de serre après le carbone.

De même, alors que l’adaptation au réchauffement climatique est un axe majeur souligné par le dernier rapport du GIEC, et que la majorité des Français sont déjà touchés par les conséquences des évènements naturels dus au changement climatique, les programmes se concentrent exclusivement sur la mitigation.

Par ailleurs, à l’exception des programmes de Y. Jadot et J-.L. Mélenchon, les liens entre la crise écologique et les inégalités sociales, très présents lors des marches pour le climat et dans le dernier rapport du GIEC ne sont presque jamais développés, tout comme la question des migrations climatiques.

Enfin, les programmes sont peu diserts sur les alliances internationales qu’il conviendrait de bâtir pour accélérer la transition écologique. Mais les proximités affichées par certains candidats, d’extrême droite notamment, avec des dirigeants que l’on peut sans risque qualifier d’écocidaires, comme Jair Bolsonaro laissent peu de doutes sur la réalité de leurs engagements par ailleurs. Du point de vue des relations internationales, M. Le Pen et E. Zemmour se situent dans le camp anti-environnemental.

Dans l’ensemble, l’impression laissée à la lecture des programmes est celle d’une grande confiance dans les innovations et la croissance économique pour régler le défi écologique, ainsi que la volonté de ne pas agir trop prestement sur la question environnementale.

La plupart des promesses se situent dans la continuité des actions déjà mises en place par l’UE ou par le gouvernement français. Cette continuité peut être rassurante : il n’est ni efficace ni dans l’intérêt national de bouleverser les politiques environnementales tous les cinq ans, surtout quand la majorité de la population française se méfie de la compétence du gouvernement pour gérer la question environnementale. Connaissant la gravité de la crise en cours et à venir, cette inertie des institutions et de la vie politique française peut susciter quelque inquiétude.

Quinze ans après le Grenelle de l’environnement, la visibilité des questions écologiques s’est accrue, mais le niveau de généralité et de wishful thinking est resté étonnamment stable. Les rares candidats, à gauche de l’échiquier politique qui marquent leur volonté de rompre avec le productivisme n’ont pas réussi à imposer ce conflit ou des propositions environnementales marquantes dans le débat public, pour des raisons liées à leur division qui a entraîné l’éparpillement des citoyens les plus soucieux du climat. Il y avait pourtant urgence.

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Par Simon Persico, Professeur des Universités en science politique, Université Grenoble Alpes (UGA) et Esther Hathaway, Doctorante, laboratoire Pactte, Université Grenoble Alpes (UGA).

Esther Hatawhay est doctorante en science politique, Pacte, Sciences Po Grenoble sous la direction de Simon Persico. Cet article a été co-publié dans le cadre du partenariat avec Poliverse créé par une équipe de chercheurs et qui propose des éclairages sur le fonctionnement et le déroulement de la présidentielle.

Présidentielle 2022 : le costume vert, l’ultime bouée de sauvetage de Macron

Présidentielle 2022 : le costume vert, l’ultime bouée de sauvetage de Macron

 

 

Alors que le front républicain s’étiole dangereusement, l’écologie est devenue l’ultime cartouche du président sortant pour tenter de projeter la nation dans une nouvelle aventure commune. L’urgence joue pour lui, observe, dans sa chronique, Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ».

 

Chronique. 

Samedi 16 avril, à Marseille, Emmanuel Macron n’a pas lésiné sur les annonces et effets de manche pour se débarrasser de l’étiquette dans laquelle le premier tour risquait de l’enfermer : devenir le candidat des vieux, le défenseur du système, lui qui s’était promis, en 2017, de conduire une révolution pour rendre l’espoir au pays.

Pour rajeunir, il s’est peint en vert et a fait de la transition écologique sa nouvelle frontière, promettant de transformer la France en une « grande nation écologique », qui serait « la première à sortir du gaz, du pétrole et du charbon ».

Sa promesse d’aller « deux fois plus vite » dans la réduction des gaz à effet de serre, lui qui, aux yeux des écologistes, a dangereusement lambiné, est directement liée au résultat du premier tour de la présidentielle marqué par le sérieux coup de semonce que lui a adressé la jeunesse : dimanche 10 avril, les 18-24 ans et les 25-34 ans se sont massivement abstenus. Ils l’ont fait à hauteur de 42 % et de 46 %, selon l’enquête Ipsos-Sopra Steria, contre respectivement 29 % et 28 % cinq ans plus tôt. Et ceux qui se sont rendus dans leur bureau de vote ont privilégié le bulletin Mélenchon devenu, au terme de sa troisième campagne présidentielle, le héraut incontesté de la planification écologique.

Le camouflet a été sévère pour Emmnanuel Macron, qui était, en 2017, le candidat préféré des 25-34 ans et qui s’est retrouvé cette fois relégué en troisième position, distancé de plus de 10 points par l’« insoumis ».

L’autre alerte est venue de l’étiolement de plus en plus manifeste du front républicain face à l’extrême droite. Le 1er mai 2002, près de 1,5 million de personnes, stupéfaites de ce qui venait de se produire en France et farouchement déterminées à défendre les valeurs républicaines, avaient défilé à Paris et en province pour dire non à Jean-Marie Le Pen.

Vingt ans plus tard, samedi 16 avril, ils étaient à peine plus de 20 000 manifestants, selon la police, à clamer leur refus de Marine Le Pen. Beaucoup d’entre eux révélaient simultanément leur difficulté, pour ne pas dire leur incapacité, à glisser un bulletin Macron dans l’urne le 24 avril, désabusés, voire furieux, de se sentir piégés par le résultat d’une élection dans laquelle ils ne trouvent pas leur compte.

Cette difficulté à trancher entre deux rejets est un vrai signal d’alarme quant à l’état de la démocratie française. C’est comme si le projet de Marine Le Pen, qui veut s’affranchir des règles constitutionnelles, des normes et des valeurs européennes pour introduire, par référendum, une discrimination légale entre nationaux et étrangers, était jugé guère plus menaçant pour la République que l’exercice du pouvoir par Emmanuel Macron.

Présidentielle: Laurent Berger engage la CFDT

 Présidentielle: Laurent Berger engage la CFDT 

On comprend évidemment que l’analyse de la CFDT se heurte le plus souvent au orientation du front national. L’extrême droite et les syndicats ont rarement fait bon ménage. Laurent Berger procède donc à une analyse critique de plusieurs orientations de Marine Le Pen.

Par contre, Laurent Berger commet sans doute une erreur de se prononcer en fait pour Macron. Pas davantage qu’une organisation patronale ou professionnelle, un syndicat n’a pour vocation de s’immiscer dans des choix d’organisations politiques. Laurent Berger en général est assez pertinent dans ses prises de position. Il ne doit cependant pas oublier l’affaiblissement historique des organisations syndicales précisément en raison de leur engagement politicien trop marqué. L’ensemble du mouvement syndical s’est largement discrédité par des positions inspirées d’intentions politiques. De ce point de vue, la CFDT,  premier syndicat en France, a bien fait de couper le cordon ombilical avec un parti socialiste en décomposition. Même avec des précautions oratoires, la CFDT ne doit pas se lier à Macron. NDLR 

Le leader de la CFDT appelle à voter Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle. Il précise, dans un entretien au « Monde », que cet acte ne vaut « ni approbation de l’action qu’il a menée ni adhésion à son programme ».

Avant le second tour de l’élection présidentielle, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, expose les raisons pour lesquelles son syndicat, le premier de France, appelle à se prononcer en faveur du chef de l’Etat sortant.

Pourquoi avez-vous appelé, dès le soir du 10 avril, à « battre le Rassemblement national » en votant pour Emmanuel Macron ?

Notre engagement est basé sur des valeurs qui sont fortes : la démocratie, l’émancipation, la solidarité, l’égalité. Nous sommes en contradiction totale avec le programme de Marine Le Pen. Elle veut inscrire la priorité nationale dans la Constitution par le biais d’un référendum. Elle veut rétablir le délit de séjour irrégulier et interdire les aides sociales aux immigrés. Sans parler de sa politique internationale, synonyme de complaisance à l’égard de pays comme la Russie, ou des mesures qu’elle soutient en matière de sécurité.

Qu’elle le veuille ou pas, elle est à la tête d’un parti d’extrême droite, dont l’orientation est incompatible avec ce que porte la CFDT. Il ne faut donc pas tergiverser. A partir du moment où l’extrême droite est au second tour – et nous le regrettons –, la CFDT vote pour le candidat qui est en face. Nous ne sommes pas à l’heure du choix d’un programme politique, nous sommes à l’heure du choix de la défense de la démocratie.

Elle se présente comme la candidate du « dialogue social ». Vous n’y êtes pas sensible ?

Dans les pays où cette idéologie a triomphé dans les urnes, les gouvernements ont adopté des pratiques qui n’étaient pas compatibles avec les projets et les valeurs de la CFDT. Aujourd’hui, elle tente de se rendre respectable mais son programme n’accorde de place ni au progrès social ni au dialogue social. L’extrême droite, quand elle prend le pouvoir, met les syndicats à sa main dans les entreprises. Elle annihile la liberté de la presse. Elle combat les contre-pouvoirs et la CFDT, ainsi que les autres organisations de salariés, en sont un.

 

Son projet en matière de retraites n’est-il pas de nature à contrebalancer votre analyse ?

Il n’est pas crédible. Elle dit qu’elle accorde du pouvoir d’achat maintenant, mais par le biais d’exonérations de cotisations patronales. Cela nous paraît très contradictoire car une telle politique nuit au financement de la protection sociale, donc – in fine – au pouvoir d’achat des ménages. Ce que nous voulons, ce sont des droits pour tous les travailleurs, quelle que soit leur nationalité, leur couleur de peau, leur singularité. Marine Le Pen, elle, nous promet une société du rejet, qui accentue les discriminations. On ne peut pas l’appréhender comme une candidate lambda, car le risque est grand qu’elle essaye d’instaurer un pouvoir autoritaire. Les expériences de ces dernières années, en Europe et hors d’Europe, prouvent que, à chaque fois, les travailleurs paient un très lourd tribut.

Présidentielle 2022 : « « NOUS », acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur contre Le Pen

Présidentielle 2022 :  « Nous », acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur contre Le Pen 

 

Un collectif rassemblant plus de soixante-dix acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur  ( sur des milliers NDLR) estime, dans une tribune au « Monde », qu’une victoire de l’extrême droite – qui a toujours montré sa vraie identité faite d’intolérance, de stigmatisation, de censure, de menace et de défiance vis-à-vis de la science – se traduirait par un changement de civilisation, en rupture avec les Lumières.

 

Tribune. 

 

Engagés dans le secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur, sensibles aux attentes vis-à-vis de la science pour répondre aux défis de la planète et de notre pays, nous souhaitons alerter nos concitoyens sur l’immense danger que représenterait l’élection de Mme Le Pen à la présidence de la République.

La banalisation progressive du Front national hier, du Rassemblement national aujourd’hui, et de leur même candidate, Mme Le Pen, ne doit aucunement faire oublier la nature du programme politique proposé, porteur de régression et de déclin sur tous les plans, économique, social, culturel et, bien sûr, scientifique.

Mme Le Pen l’a elle-même déclaré le soir du premier tour : « Ce qui se jouera ce 24 avril (…) sera un choix de société et même de civilisation. » Notre civilisation, justement, est le fruit de notre histoire, celle qui a conduit notre pays à être celui des droits de l’homme et à prendre toute sa place dans la dynamique du siècle des Lumières, qui nous a aidés à sortir de l’obscurantisme et de l’arbitraire.

La civilisation que nous propose Mme Le Pen est à l’opposé de ces principes et va à l’encontre de nos valeurs académiques, faites de tolérance, d’écoute et de respect. Elle est fondée sur le rejet de l’autre, sur la désignation de boucs émissaires, sur le refus d’une approche globale des problèmes. Elle remet en cause notre vocation européenne et l’ouverture internationale dont se nourrissent l’enseignement supérieur et la recherche.

Au moment où les crises se font de plus en plus fortes sous l’effet des pandémies, du réchauffement climatique, des conflits géopolitiques, nous avons besoin plus que jamais de préserver la démarche scientifique, l’ouverture aux autres et les valeurs d’humanité et de solidarité pour pouvoir faire face à ces défis et faire en sorte que de ces crises naissent aussi des progrès pour l’humanité.

Une grande partie des électeurs et des électrices de Marine Le Pen ont exprimé une colère et des craintes quant à leur avenir et à celui de la France. Nous ne considérons évidemment pas que notre société soit parfaite. La communauté académique n’a pas la réputation d’être avare de critiques, nous sommes conscients que les inégalités sociales n’épargnent pas l’enseignement supérieur et la recherche.

Nous devons collectivement rendre cette société plus juste, plus inclusive, plus durable et plus éclairée, avec un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche accessible à tous les bacheliers. Mais une telle évolution n’est possible que dans une démocratie où les droits et les devoirs de chacun et de chacune sont respectés.

Présidentielle la :question oubliée de la justice

Présidentielle la :question oubliée de la justice 

 

L’avocat Patrick Klugman regrette, dans une tribune au « Monde », que le débat de l’entre-deux-tours n’aborde pas les questions liées à la justice.

 

Tribune.

 

Robert Badinter l’a souvent affirmé : « La justice n’a jamais fait gagner une élection mais elle peut en faire perdre. » L’élection présidentielle de 2022 ne fait pas exception. Au terme du quinquennat échu et en dépit de l’augmentation sans précédent du budget de la justice (+ 30 %), la majorité sortante n’aura pas convaincu.

Bien au contraire, on en retiendra le malaise sans précédent des magistrats et une défiance inédite entre le pouvoir politique et l’autorité judiciaire après le maintien en fonction du garde des sceaux à l’issue de sa mise en examen.

Il s’érige un divorce entre les Français et leurs juges : plus d’un Français sur deux n’a pas confiance dans la justice, selon un sondage IFOP publié en janvier par Le Journal du dimanche. Les Français ne déraisonnent pas. La justice dans son ensemble dysfonctionne. Elle cumule les tares paradoxales, d’être souvent trop lente avant d’être rendue et trop expéditive lorsqu’elle l’est.

L’embolie est généralisée. Ainsi, un salarié qui saisira le conseil des prud’hommes de Nanterre (Hauts-de-Seine) attendra en moyenne trois ans avant que sa cause soit entendue ! En matière familiale, un juge saisi en urgence mettra cinq mois avant de statuer, selon les « Références statistiques justice » de 2019. Quand il s’agit de la dévolution de la garde d’un enfant ou de prononcer une mesure d’éloignement, ces délais sont insoutenables. Quant au prononcé d’un divorce, le délai moyen prendra plus de deux ans et demi juste pour la première instance !

La justice pénale n’est pas en meilleur état. Elle intervient ou trop tard ou trop vite, et parfois trop tard et trop vite. Dans les chambres de comparution immédiate, on prononce sans attendre et sans entendre des sentences qui laissent désemparés auteurs et victimes et qui bien souvent ne sont suivies d’aucune application.

Dans les cabinets d’instruction, il n’est pas rare qu’une affaire importante dorme pendant plus de dix ans avant d’être jugée. La cour d’appel de Versailles a annulé en septembre 2021, en raison de sa trop grande lenteur, une vaste affaire de corruption dans les marchés publics de chauffage des Hauts-de-Seine venue en jugement dix-neuf ans après le début de la procédure.

Les magistrats ne sont pas ici en cause. Vu la demande de justice de nos concitoyens, leur dévouement souvent exemplaire se paie au prix de leur santé et de leur vie de famille. Quelques-uns prennent, malgré la charge excessive et les conditions dégradées, le temps que requiert l’examen attentif de chaque dossier. Autant le dire, ce sont des héros.

Démocratie-Présidentielle : un retour au mandat de 7 ans, pourquoi pas à vie comme en Chine ou en Russie ?

Démocratie-Présidentielle : un retour au mandat de 7 ans, pourquoi pas à vie  comme en Chine ou en Russie ?

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les deux candidats qualifiés pour la finale se marquent à la culotte en rapprochant parfois assez sérieusement leur point de vue. Par exemple à propos de la réforme de la retraite où Macron est en train de lâcher sérieusement du lest. Aussi sur les réformes politiques. Par exemple Marine le Pen  qui s’est prononcée pour un mandat présidentiel qui passerait de cinq à sept ans. Brusquement, Macron s’est montré également favorable à cette modification.

Il y a sans doute autant d’éléments favorables qui militent en faveur d’un allongement du mandat présidentiel que le maintien à cinq ans.
En effet,  la véritable question est la lassitude des Français à propos du bilan des différents présidents élus depuis Sarkozy. Pour preuve aucun des  anciens élus n’a été reconduit dans la fonction. Un phénomène qui n’est pas à exclure concernant Macron tellement le bilan est mince et la déception grande.

Les facteurs explicatifs de ces désillusions tiennent moins dans la longueur du mandat présidentiel que dans l’insignifiance du contenu de la vie démocratique. En effet une fois élus les monarques républicains oublient l’essentiel de leurs promesses et décident  de manière technocratique ce qui leur paraît bon pour le pays. Le problème , c’est que ces monarques ne sont entourés que de technocrates et de courtisans et que le roi se retrouve rapidement coupé des réalités ; en outre depuis Macron,  on a encore réduit à pas grand-chose l’intermédiation des organisations susceptibles de porter les sensibilités des différentes couches socioprofessionnelles et plus généralement des différentes catégories de Français. Dans les conditions de fonctionnement démocratique actuel, la détestation du président sera encore amplifiée avec un mandat à 7 ans.

Le candidat LREM à la présidentielle s’est pourtant exprimé sur la réinstauration d’un mandat présidentiel de sept ans, déjà soutenu par sa rivale, Marine Le Pen.

Un mandat de sept ans, c’est « un bon rythme pour la présidentielle » et « une bonne respiration par rapport au rythme des législatives », a-t-il lancé, alors que l’instauration d’un  »septennat non renouvelable » fait partie du programme de sa concurrente. Il a par contre estimé que « le caractère renouvelable » ou non de ce mandat devrait être laissé au « peuple ». Il est vrai qu’au nom du peuple, nombre de monarques républicains et autres autocrates se sont assis sur la démocratie. Ainsi pour nourrir la disruption chère à Macron, on pourrait lui suggérer de faire passer le mandat présidentiel de 5 à 50 ans, ce qui s’est pratiquement passé en Chine et en URSS après les modifications constitutionnelles ( (En fait qui accorde une durée à vie du mandat présidentiel). Ainsi on s’épargnerait les formalités inutiles d’élection présidentielle dans lesquels les Français n’espèrent plus grand-chose !

Présidentielle: L’indifférence, premier parti de France

Présidentielle: L’indifférence, premier parti de France  

Dans la bataille électorale en cours,  les candidats ne vont recueillir que des miettes par rapport au premier parti de France : celui l’indifférence. En effet, l’abstention pourrait être record lors de cette échéance électorale avec environ 25  % à 30% des électeurs qui ne fréquenteront pas les urnes. A cela, il faut ajouter les électeurs potentiels non-inscrits ou mal inscrits (ceux qui ont déménagé et qui n’ont pas actualisé leur résidence principale.) Ces chiffres varient entre 10 et 20 pour cent. Autant dire qu’il y aura une partie de l’électorat de l’ordre de 40 % à 50%qui va manifester son indifférence. D’ores et déjà on peut donc considérer que les candidats mêmes arrivés en tête ne représenteront qu’une faible minorité au premier tour : environ  25 %.

De toute manière, le vainqueur sera mal élu comme ont été mal élus les candidats en tête aux municipales et aux régionales.

En cause,  évidemment une grave crise démocratique avec la mainmise de la bureaucratie, des bureaux d’études et des professionnels de la politique sur la représentation locale et nationale.

Au plan local la plupart des élus locaux sont bien incapables de présenter les grandes réformes d’une complexité administrative sans nom et qui définissent des schémas pour tout et surtout pour rien. Du coup, lors des séances de présentation publique ce sont surtout les bureaux d’études qui parlent après 30 secondes d’introduction d’un élu local qui n’y comprend pas grand-chose.

Même chose au plan national où Macron est contraint de recourir sans cesse à des cabinets d’études pour gérer ce qu’il appelait la start-up nation. Une confusion évidemment entre le concept de gestion d’une entreprise et le management démocratique d’un pays. Pas étonnant Macron n’a jamais eu de parti, il n’en veut d’ailleurs surtout pas pour ne pas être un jour concurrencé ou gêné dans sa gestion. Du coup, son entourage ne comprend que des seconds couteaux y compris au gouvernement. Ne parlons pas des députés en marche choisis  sur Internet complètement inexistants

Pas étonnant si il y a cet énorme décalage entre la structure politique et le réel social et sociétal. Les sélecteurs abstentionnistes ou non pour la plupart ne croient plus au discours de changement.

Election Présidentielle : un appel »sans illusions » des « intellos « pour Macron

Election Présidentielle : un appel  »sans illusions » des « intellos « pour Macron

 

Vraiment curieux cet appel de personnes médiatiques , qualifiées de personnalités de la culture, en faveur de Macron « mais sans illusion ».

D’abord on peut s’interroger sur la légitimité d’un appel de personnes médiatiques qui ne représentent rien et  beaucoup n’ont que des convictions politiques approximatives.

En plus un appel mais « sans conviction » qui montre bien la fragilité et le manque de cohérence du cri pour la plupart de nantis dont beaucoup confondent notoriété médiatique et notoriété culturelle.

Devant les menaces multiples et réelles que représente l’accession au pouvoir d’une candidate dont « le programme reste celui de la xénophobie et du repli sur soi », près de 400 personnalités de la « culture », parmi lesquelles Ariane Ascaride, Jeanne Balibar, Fabrice Luchini ou encore Charlotte Gainsbourg, appellent dans une tribune au « Monde » à voter pour le chef de l’Etat, Emmanuel Macron.

Tribune.

 

Le 10 avril, l’extrême droite, pour la troisième fois de l’histoire de la Ve République, est au second tour de l’élection présidentielle, aux portes du pouvoir. Jamais elle n’a été aussi près de l’emporter. Aujourd’hui, ce que l’on appelait autrefois le « front républicain » se fissure. Nous en sommes consternés.

Actrices et acteurs du monde de la culture, du spectacle vivant, nous avons parfois eu des divergences, des oppositions, des désaccords profonds avec le pouvoir en place. Nous avons parfois eu des déceptions aussi, des colères, des rages, même. Mais si pour certains d’entre nous l’issue de ce premier tour n’a pas été celle espérée, si pour certains d’entre nous la méfiance demeure, il n’y a pour nous, aujourd’hui, aucune hésitation, aucun doute, aucun flottement.

Nous ne mettons pas sur le même plan la démocratie et le populisme. Nous ne nous laisserons jamais aller à renvoyer dos à dos un gouvernement démocratique et le Rassemblement national.

Présidentielle : un second tour sur le social ?

Présidentielle : un second tour sur le social ?

Le contexte aurait pu profiter aux candidats de gauche mais ils ont été concurrencés par Marine Le Pen qui a imposé le discours social dans sa campagne. Une donnée importante pour le second tour. Par Isabelle Guinaudeau, Sciences Po Bordeaux et Benjamin Guinaudeau, University of Konstanz

 

Dans la continuité de 2017, le premier tour de l’élection présidentielle de dimanche parachève la longue érosion de la logique bipolaire qui a longtemps prévalu en France. Là où 2017 avait révélé une quadripartition, la débâcle de Valérie Pécresse (qui tombe sous la barre des 5 % contre 20 % pour François Fillon il y a cinq ans) laisse se dessiner une tripartition avec trois candidats, Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean‑Luc Mélenchon qui cumulent plus de 70 % des voix.

Malgré une campagne en service minimum (absence de communication sur le bilan du quinquennat, refus de débattre avant le premier tour, concentration des efforts sur un grand meeting tardif, publication d’un programme réduit à la portion congrue trois semaines à peine avant le scrutin), Emmanuel Macron a bénéficié à la fois de l’émiettement des oppositions et d’un effet de ralliement sous les drapeaux dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Les réformes menées au cours du premier quinquennat ainsi que les quelques orientations annoncées pour un deuxième mandat confirment un positionnement libéral sur le plan économique et social, ainsi qu’une évolution sur des positions plus conservatrices sur le plan des valeurs. LREM pourrait ainsi, à terme, prendre la place d’un parti de droite traditionnel dans le paysage politique français.

Jean‑Luc Mélenchon et Marine Le Pen sont parvenus à s’imposer, chacun dans son camp respectif, comme figure de rassemblement, bénéficiant des logiques de vote « utile » qui ont joué à plein.

Préemption des questions sociales

La candidate du RN avait pourtant brillé par sa discrétion pendant toute la campagne. On a parlé d’un programme « lissé » sur les aspects les plus caractéristiques de l’extrême droite.

En réalité, à la lecture, les marqueurs demeurent : ambition de stopper « l’immigration de peuplement », aides sociales réservées aux Français, priorité nationale d’accès au logement social et à l’emploi, suppression du droit du sol, accent sur l’autorité (par exemple par la promesse d’instaurer un uniforme à l’école), patriotisme économique. Mais la stratégie payante de Marine Le Pen a été de profiter de la politisation de l’immigration, le sujet qui lui est le plus favorable, par Éric Zemmour (et d’autres) sans avoir à en parler elle-même. Pour mieux se concentrer sur la préemption de questions sociales traditionnellement associées à la gauche.

À l’issue d’un quinquennat marqué par de profondes réformes fiscales et sociales (impôt sur la fortune, droit du travail, prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital…), la révolte des « gilets jaunes » et une pandémie dévastatrice, les questions sociales figurent au sommet des préoccupations des Français.

L’enquête électorale 2022 Ipsos & Sopra Steria place par exemple le pouvoir d’achat au tout premier rang des enjeux jugés les plus importants et pris en compte pour le vote. Outre la guerre en Ukraine, ces enjeux comprennent la protection de l’environnement, le système de santé, puis seulement l’immigration, à rang égal avec les retraites.

Ce contexte aurait pu profiter à la gauche dont les discours protecteurs sont le grand marqueur. Évidemment, les candidats de gauche – et Jean‑Luc Mélenchon en particulier – n’ont pas manqué d’investir ces terrains avec des promesses comme celle de créer un état d’urgence sociale, d’établir une garantie d’emploi, de renforcer l’assurance-chômage ou de lutter contre la pauvreté.

Cela dit, les candidats de gauche se sont vu concurrencer sur leur propre terrain par Marine Le Pen. Notre tableau de bord sur Poliverse.fr révèle que ses 22 mesures pour 2022 sont le programme qui consacre le plus haut niveau d’attention aux politiques sociales. Comme l’observait récemment Gilles Ivaldi, elle a multiplié les propositions en la matière.

La candidate du RN a ainsi promis de baisser la TVA sur les produits énergétiques, de rendre les transports gratuits pour les 18-25 ans en heures creuses, de créer un prêt à 0 % pour les jeunes familles françaises, de construire des logements étudiants et des logements sociaux, ou encore de revaloriser les salaires des soignants et des enseignants, les retraites et l’Allocation Adulte Handicapé.

Si ces aides sont restreintes puisque « réservées aux Français » et si le programme n’entre pas dans le détail de leur financement ou de leur compatibilité avec les multiples baisses d’impôt promises par ailleurs, elles pourraient avoir joué dans l’attractivité de Marine Le Pen dans les classes populaires.

Facteurs sociaux et vote

En fort contraste avec le discours libéral d’Emmanuel Macron, la focale placée par la gauche comme par Marine Le Pen sur les questions sociales est susceptible de parler particulièrement aux classes populaires – celles où l’on trouve les plus hauts niveaux de détresse sociale et de sentiments d’injustice.

Le graphique ci-dessous montre, effectivement, que Jean‑Luc Mélenchon et Marine Le Pen réalisent leurs meilleurs scores là où le revenu médian est plus faible, au contraire d’Emmanuel Macron. Cependant, la France Insoumise et le Rassemblent national ne mobilisent pas les mêmes électeurs : la première tire son épingle du jeu dans des zones où le niveau de diplôme est plus élevé, en contraste assez fort avec la candidate RN.

Par ailleurs, les données agrégées montrent des corrélations entre le vote pour certains candidats et le taux de chômage, d’une part, et la proportion d’ouvriers, de l’autre. La proportion de demandeurs d’emploi est corrélée positivement avec le vote pour Marine Le Pen (R=.23) et, plus encore, pour Jean‑Luc Mélenchon (R=.34).

On observe une corrélation négative avec le vote en faveur d’Emmanuel Macron (R=.44), de Valérie Pécresse (R=.38) et de Yannick Jadot (R=.36). Même chose lorsque l’on regarde le lien entre vote et proportion d’ouvriers, sauf pour Jean‑Luc Mélenchon pour qui la relation est inversée.

Dans l’ensemble, ces observations suggèrent des logiques sociales de vote assez fortes, avec un soutien plus fort à Emmanuel Macron chez les plus favorisés, tandis que les électeurs des zones plus modestes se tournent vers Mélenchon et Le Pen, même si les ressorts sociaux semblent sensiblement différents entre ces deux candidats. Ces associations doivent être considérées avec toutes les précautions de mise lorsque l’on travaille avec des données agrégées.

Des liens entre catégorie socio-professionnelle et vote apparaissent toutefois aussi au niveau individuel dans les premières enquêtes, comme celle du Cevipof.

On retrouve en particulier une propension plus forte à voter pour Jean‑Luc Mélenchon chez les demandeurs d’emploi, pour Marine Le Pen parmi les ouvriers, tandis que les cadres supérieurs votent plus pour Emmanuel Macron. On note au passage des différences sensibles entre l’électorat de Marine Le Pen et celui de ses concurrents sur le spectre droit (notamment Eric Zemmour), moins populaire et plus aisé.

Quels enjeux pour quel deuxième tour ?

Nous avons vu que plus que jamais l’espace politique français est façonné par différents clivages qui dessinent des blocs différents. Or, le système majoritaire pousse à rétrécir le débat autour d’une opposition binaire qu’Emmanuel Macron aborde en se présentant comme le candidat de l’ouverture face à une extrême droite xénophobe et anti-libérale.

Suivant cette même logique, le peu d’accent placé par Marine Le Pen sur les enjeux d’immigration n’a pas empêché Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan d’annoncer qu’ils voteraient pour elle. Leurs électeurs sont nombreux à envisager de faire de même malgré des divergences en matière sociale.

Emmanuel Macron semble faire le pari qu’il pourra compter sur le rejet toujours majoritaire de leurs positions xénophobes et que ce clivage entre ouverture et fermeture lui sera donc favorable. Cependant, ce cadrage n’apporte guère de réponses aux demandes de protection sociales exprimées dans les sondages et, sans doute, dans le vote de dimanche.

Le pari pourrait s’avérer risqué si les considérations d’ordre culturelles poussent les électeurs situés à droite vers Marine Le Pen, tandis que les programmes sociaux dissuadent trop d’électeurs de gauche de lui faire barrage.

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Par Isabelle Guinaudeau, Chargée de recherches CNRS, Sciences Po Bordeaux et Benjamin Guinaudeau, Chercheur, University of Konstanz

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
Cet article est publié dans le cadre du partenariat avec le site Poliverse.fr qui propose des éclairages sur le fonctionnement et le déroulement de la présidentielle.

Présidentielle : un appel « sans illusions » des « intellos « pour Macron

Présidentielle : un appel  »sans illusions » des « intellos « pour Macron

 

Vraiment curieux cet appel de personnes, médiatiques qualifiées de personnalités de la culture, en faveur de Macron « mais sans illusion ».

D’abord on peut s’interroger sur la légitimité d’un appel de personnes médiatiques qui ne représentent rien et  beaucoup n’ont que des convictions politiques approximatives.

En plus un appel mais « sans conviction » qui montre bien la fragilité et le manque de cohérence du cri pour la plupart de nantis dont beaucoup confondent notoriété médiatique et notoriété culturelle.

Devant les menaces multiples et réelles que représente l’accession au pouvoir d’une candidate dont « le programme reste celui de la xénophobie et du repli sur soi », près de 400 personnalités de la « culture », parmi lesquelles Ariane Ascaride, Jeanne Balibar, Fabrice Luchini ou encore Charlotte Gainsbourg, appellent dans une tribune au « Monde » à voter pour le chef de l’Etat, Emmanuel Macron.

Tribune.

 

Le 10 avril, l’extrême droite, pour la troisième fois de l’histoire de la Ve République, est au second tour de l’élection présidentielle, aux portes du pouvoir. Jamais elle n’a été aussi près de l’emporter. Aujourd’hui, ce que l’on appelait autrefois le « front républicain » se fissure. Nous en sommes consternés.

Actrices et acteurs du monde de la culture, du spectacle vivant, nous avons parfois eu des divergences, des oppositions, des désaccords profonds avec le pouvoir en place. Nous avons parfois eu des déceptions aussi, des colères, des rages, même. Mais si pour certains d’entre nous l’issue de ce premier tour n’a pas été celle espérée, si pour certains d’entre nous la méfiance demeure, il n’y a pour nous, aujourd’hui, aucune hésitation, aucun doute, aucun flottement.

Nous ne mettons pas sur le même plan la démocratie et le populisme. Nous ne nous laisserons jamais aller à renvoyer dos à dos un gouvernement démocratique et le Rassemblement national.

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