« La crise sanitaire présage la crise climatique »
Edouard Bard, Climatologue dans une tribune au « Monde » voit dans cette crise une « répétition générale ».
‘La pandémie de Covid-19 n’est sans doute pas d’origine climatique, même si nous n’avons pas encore de certitude sur les éventuels changements environnementaux qui auraient pu rapprocher les populations des animaux hôtes (chauve-souris et pangolin) de l’homme. Néanmoins, l’épidémie en cours donne à réfléchir aux climatologues, car elle préfigure en accéléré la propagation du réchauffement mondial prévu pour les prochaines décennies. La crise provoquée par le coronavirus constitue en quelque sorte une répétition générale, un crash test, pour les sociétés humaines.
Bien évidemment, la vague climatique s’inscrit dans une durée plus longue que celle du Covid-19, mais on constate les mêmes réactions individuelles et collectives face au risque et à l’adversité, avec des réflexes d’incrédulité, de sidération ou de panique. Au début des crises, certains émettent des doutes sur l’importance du problème en remettant en question la parole des experts scientifiques sur des sujets hautement complexes. Les tâtonnements et joutes scientifiques ajoutent à la confusion dans l’esprit des populations et des décideurs, et alimentent de leurs débordements la blogosphère et les réseaux sociaux.
Pour les deux types de crises, on assiste aussi à une remise en question des prévisions fondées sur des modèles mathématiques qui sont pourtant le meilleur moyen pour se projeter quantitativement dans le futur. Les plus extrêmes profitent de l’occasion pour propager des thèses complotistes à la recherche de boucs émissaires.
Au-delà de ces caricatures, les crises épidémiques et climatiques montrent des similitudes bien réelles et malheureuses pour les populations humaines. La crise sanitaire que nous traversons aura un impact plus fort sur les plus pauvres à l’échelle internationale, ainsi qu’au sein de la population d’un même pays. Même si la propagation en Afrique est en retard par rapport à celle des autres continents, on voit déjà s’esquisser un drame humain pour des populations qui n’ont pas les moyens de se protéger et de se soigner. Certains s’inquiètent de la persistance du virus dans certaines régions, constituant des réservoirs permanents prêts à alimenter de nouvelles poussées épidémiques.
Un impact maximal sur les populations pauvres s’observe aussi pour le changement climatique. L’évolution récente des précipitations est beaucoup plus contrastée à l’échelle régionale que celle des températures, et les modèles climatiques prévoient un creusement des contrastes régionaux de précipitations. Le réchauffement et la baisse de la ressource en eau (incluant l’eau « virtuelle » liée aux importations de nourriture) auront un effet catastrophique sur les nations les plus déshéritées, souvent tributaires d’une agriculture précaire pour nourrir des populations sensibles à toute perturbation supplémentaire, comme les épidémies. »