Ce confinement ne tue pas l’économie ( Pr Olivier Joannes-Boyau)
Le professeur Olivier Joannes-Boyau , chef du service de réanimation de l’hôpital Magellan au CHU de Bordeaux défend le confinement dans les Échos et estime que « laisser filer l’épidémie serait bien pire ».
Le Pr Olivier Joannes-Boyau est réanimateur du CHU de Bordeaux et il préside le comité réanimation de la société française d’anesthésie-réanimation.
« La deuxième vague de l’épidémie n’est pas une utopie . Elle est bien là et elle est plus compliquée à gérer que la première car nous souhaitons préserver le plus longtemps possible les soins des patients atteints d’autres pathologies que le coronavirus.
En Nouvelle-Aquitaine, qui n’est pas la région la plus touchée, le CHU de Bordeaux a vu son nombre de patients Covid doubler en quelques jours. Ils sont déjà 40 en réanimation sur les 150 places habituellement disponibles.
Covid ou non Covid , tous nos lits de « réa » sont occupés. Chaque jour, nous nous livrons à un jeu de chaises musicales pour trouver des lits. Nous essayons de soulager les hôpitaux d’ Auvergne-Rhône-Alpes en accueillant des patients de Chambéry.
Il ne faut pas se leurrer : pour y arriver, on va transformer les unités de surveillance continue en « réa » et on a déjà gagné des lits sur la réanimation chirurgicale en annulant des opérations.
Ce week-end, nous avons quand même réussi à faire une greffe de foie sur un patient atteint de cancer. Et j’espère que nous arriverons à maintenir cette filière le plus longtemps possible car toutes les greffes sont urgentes. Pour le moment, nous déprogrammons les opérations les moins urgentes en essayant que personne n’ait de perte de chance.
Mais dans d’autres régions, ils n’en sont plus là. Comme président du comité réanimation de la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR), je sais qu’en Auvergne-Rhône-Alpes et en Paca, ils doivent déprogrammer des chirurgies plus importantes pour faire face à l’afflux de patients Covid en réanimation.
Alors quand j’entends des gens dire que le confinement tue l’économie, j’ai envie de leur répondre que si on laisse filer l’épidémie, ce sera bien pire. Car le système hospitalier sera dépassé, il y aura beaucoup de morts et pas que chez les personnes âgées.
Il faut savoir qu’une personne jeune atteinte de Covid peut garder pendant de longs mois une fatigue et des difficultés respiratoires qui l’empêchent de travailler. Nous avons aussi des cas de fibrose, où la fonction respiratoire est définitivement diminuée.
Ces incapacités durables sont non seulement dommageables pour les gens atteints, mais aussi pour leur activité économique. »