Ford – Blanquefort : 4000 emplois concernés (Poutou)
Philippe Poutou, salarié de cette usine et membre de la CGT, dans une interview au JDD souligne que 4000 emplois sont menacés sur l’un des plus gros sites d’Aquitaine.
Déjà menacée de fermeture en 2009 et en 2013, l’usine Ford de Blanquefort (Gironde), près de Bordeaux, est à nouveau dans une situation difficile. Mardi midi, la branche Europe du constructeur automobile américain a décidé de ne plus investir dans ce site spécialisé dans la production de boîtes de vitesses. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a aussitôt réagi par un communiqué en pressant Ford de « garantir la pérennité » de son usine et « le maintien à long terme de l’emploi » en travaillant avec les syndicats, les collectivités locales et l’Etat. Le constructeur a répondu en assurant vouloir travailler « avec les pouvoirs publics ».
Mais les syndicats restent sceptiques, pointant la menace qui plane sur 910 emplois. A la pointe du combat, Philippe Poutou, CGT du site de Blanquefort. Il fait part au JDD de ses inquiétudes et espère la mobilisation du gouvernement.
Vous attendiez-vous à la décision de Ford Europe de couper les investissements pour votre usine?
C’est malheureusement une mauvaise nouvelle, mais elle confirme toutes nos inquiétudes. Cela fait très longtemps que Ford ne donne aucun signe positif pour sauvegarder le site de Blanquefort. Pour nous, c’est le début d’une nouvelle période pour tenter de changer la donne. Ça va être compliqué, mais nous ne nous démoralisons pas. Nous devrions avoir l’appui du gouvernement et des pouvoirs publics locaux.
Dans un communiqué, Bruno Le Maire a en effet pressé Ford à « garantir la pérennité » de l’emploi sur le site. Lui faites-vous confiance pour convaincre le constructeur américain?
Ce n’est pas tellement une histoire de confiance. Le gouvernement a intérêt à ne pas voir cette usine disparaître. C’est un site emblématique pour plusieurs raisons : c’est la plus grosse usine d’Aquitaine, des milliers d’emplois en dépendent – si on compte l’emploi induit, les sous-traitants, cela tourne autour des 4.000 emplois – et sa fermeture serait un signal politique négatif pour les autorités. Ces dernières se sont déjà mobilisées par le passé et ça a marché. En 2009, la ministre de l’Economie Christine Lagarde avait participé à empêcher la fermeture du site. En 2013, sous François Hollande, un accord-cadre quinquennal nous avait ensuite permis de respirer un peu.
Philippe Poutou, une nouvelle fois mobilisé l’an dernier devant l’entrée de son usine.
Cet accord-cadre quinquennal, accepté par Ford en échange de versement d’aides publiques, prend fin en mai prochain. Rien n’a-t-il été préparé en vue de cette échéance?
Ford n’a jamais eu de projet sur le long terme. Nous n’avons pas cessé de tirer la sonnette d’alarme, nous faisant nous-mêmes force de propositions. C’est nous, salariés, qui avons proposé l’automne dernier de produire une nouvelle boite de vitesses sur le site. Le 24 octobre, Ford a évoqué la possibilité d’une étude de faisabilité sur ce produit. Et ce mardi, ils ont donc annoncé que cela ne serait pas rentable pour eux. A nouveau, nous sommes dans la position de proposer à la direction des solutions. Ce devrait être l’inverse!
Où en est le dialogue entre les syndicats et la direction de Ford?
Il n’y en a pas et il y en a rarement eu. En 2009, quand la menace de fermeture a été officialisée la première fois, il a fallu qu’on bloque l’usine pour faire venir les dirigeants de Ford Europe. Ils décident toujours par en haut. En 2009, en 2013 et j’espère cette année, c’est bien l’intervention des pouvoirs publics qui a imposé à Ford un dialogue tripartite, entre nous, la direction et les autorités locales.
Qu’attendez-vous pour l’avenir de votre usine?
Ford a aujourd’hui le vent en poupe. Comme pour le reste de l’industrie automobile, le constructeur a vu ses ventes et ses profits augmenter. Les nouveaux projets sont nombreux : Ford a près de 40 véhicules à lancer. Nous demandons juste qu’un bout de cette production planétaire soit fait sur l’usine de Blanquefort. Et si Ford refuse un engagement de long-terme, il faut a minima un nouvel accord-cadre quinquennal.
Mais, la menace de fermeture resurgira alors dans cinq ans…
Quand nous avions signé l’accord en 2013, nous savions que la menace reviendrait en 2018. Nous n’avons malheureusement pas la possibilité d’imposer à Ford un engagement à durée indéterminée. C’est vrai qu’on est toujours dans l’urgence. Et sauver le site pour deux, trois, cinq ans, c’est une bataille qui est déjà compliquée.