Russie: Isoler Poutine et parler au peuple
Dans une tribune au « Monde », l’ancien premier ministre socialiste Lionel Jospin appelle à contourner « autant qu’il est possible » la censure russe .
Les candidats à l’élection présidentielle, désormais proche, se sont exprimés, et plusieurs d’entre eux ont maintenant infléchi des approches parfois complaisantes pour le maître du Kremlin. Du point de vue de notre intérêt national, je m’en réjouis.
Comme d’autres personnalités européennes, l’ex-premier ministre François Fillon a renoncé aux fonctions qu’il avait bien légèrement acceptées dans une grande entreprise russe. Je souhaite que l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, avec qui j’ai travaillé quand nous gouvernions l’un et l’autre, opère à son tour un geste de renonciation qui aurait une forte portée symbolique. Car je suis convaincu que l’isolement de Vladimir Poutine est l’une des clés d’une issue positive au très grave conflit actuel. Cet isolement est d’ailleurs à l’œuvre au plan international.
La décision de Vladimir Poutine est sans justification. L’Ukraine ne menaçait pas la Russie, elle n’en avait ni l’intention ni les moyens. Elle voulait vivre comme une nation libre, démocratique et souveraine.
On peut s’interroger – je l’ai fait moi-même – sur la façon dont a été conduit l’élargissement de l’OTAN à l’est de l’Europe. Pour autant, les pays qui étaient autrefois sous la domination soviétique ont cherché, par leur adhésion, moins une revanche qu’une protection. L’OTAN, peu dynamique ces derniers temps, et à laquelle les derniers présidents américains portaient moins d’intérêt, n’avait aucun dessein offensif à l’encontre de la Russie, ce que Vladimir Poutine savait parfaitement. Quant à l’Ukraine, qui souhaitait adhérer à l’Alliance atlantique, elle était encore loin de pouvoir en devenir membre. En revanche, ce grand pays était devenu une démocratie, à côté de la Russie, ce qui, semble-t-il, était trop pour Poutine.
Faute de pouvoir démontrer la réalité d’une menace extérieure à un peuple russe abreuvé de propagande mais peut-être rétif devant l’attaque d’un « peuple frère », le président Poutine a recouru à une rhétorique aberrante : selon lui, les dirigeants librement élus par les Ukrainiens seraient des « néonazis » .