Pourquoi la fin des TGV en France ?
La fin des nouvelles lignes TGV semble s’annoncer en France ; En cause, l’Etat des finances publiques, les perspectives de croissance et la situation financière du ferroviaire. La première raison qui justifie la mise entre parenthèses de nouvelles lignes, c’est d’abord la stagnation de la croissance depuis 2011. Une stagnation qui a un impact sur les recettes fiscales et qui prive de ressources un Etat déjà surendetté. En fait, la France plafonne en dessous de 2000 milliards de PIB depuis 2007 et ce ralentissement est structurel. La reprise devait avoir lieu en 2013, l’échéance est désormais repoussé en 2014 sans d’ailleurs de certitude sur ce redressement. En effet la crise pourrait bien se prolonger encore pendant plusieurs années. Tout dépendra d’une part de la conjoncture internationale, d’autre part de la capacité de la France à retrouver une compétitivité. Dans sa dernière note de conjoncture l’INSEE prévoit pour 2013 une croissance à 0% contre +0,1% anticipé en décembre, et confirme celle de 0,1% pour le deuxième trimestre. « On reste sur plusieurs trimestres de dynamique très faible et on pense que ça va encore continuer », déclare Jean-François Ouvrard, chef de la division synthèse conjoncturelle de l’Insee. Pour Cédric Audenis, chef du département de la conjoncture, « le climat est dégradé, mais pas plus dégradé qu’il y a six mois », du fait notamment du socle de résistance apporté par le haut niveau des prestations sociales qui soutient le pouvoir d’achat des ménages. Or il est fortement question de remettre en cause le niveau de ces prestations sociales notamment en matière des retraites qui ne seront plus indexées sur l’inflation ou encore en matière d’allocations familiales.
Déficit et chômage
Sur le front de l’emploi, l’Insee anticipe 74.000 suppressions de postes dans les secteurs marchands au premier semestre, avec un taux de chômage au sens du BIT qui atteindrait 10,6% fin juin en France métropolitaine (11,0% avec l’Outre-mer), tout près du record récent de 10,8% enregistré fin 1997. En fait, les moteurs intérieurs de la croissance restent à l’arrêt: la consommation des ménages, pénalisée notamment par la dégradation des perspectives de l’emploi et la hausse des prélèvements, leurs achats de logements ou encore les investissements des entreprises. S’agissant de ces derniers, l’Insee prévoit que le recul entamé au deuxième semestre 2012 se poursuivra, ne serait-ce que parce qu’ils se situent à un niveau encore élevé à ce stade du cycle économique. De plus, la faiblesse du taux d’utilisation des capacités de production limite les anticipations d’engagements d’investissements des entreprises, qui reculeraient de 0,5% au premier comme au deuxième trimestre. L’Insee voit trois aléas susceptibles d’affecter ses prévisions. Le premier porte sur le taux d’épargne des ménages, qui permet à ceux-ci de lisser les à-coups du pouvoir d’achat liés notamment à la hausse des prélèvements. Pour résumer, il faut s’attendre à une poursuite de l’atonie de la croissance à une montée du chômage non seulement en 2013 mais aussi durant les années suivantes. . De leurs cotés ,les déficits budgétaires ne devraient guère évoluer (au moins 4% du PIB) en raisons de moindres rentrées fiscales et de dépenses sociales accrues (Assedic et retraites notamment) ; du coup mécaniquement l’endettement va croitre pour atteindre environ 100% du PIB vers fin 2013.Il sera difficile de le réduire les années suivantes en raison d’une montée très probable des taux d’intérêt. Or la France s’est engagée dans le pacte budgétaire qui contraint à limiter les déséquilibres. Les dépenses de fonctionnement mais aussi les investissements en feront les frais.
Remise en cause de toutes les infrastructures transport
Au delà de ce contexte économique et financier général, il faut prendre en compte la situation particulière du transport. En réalité, les moyens destinés aux infrastructures sont plus que contingentés.. L’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) n’a guère qu’un budget annuel de 2,3 milliards d’euros par an et les 800 millions que doit apporter la future taxe Poids lourds pourraient ne compenser qu’une baisse de la dotation de l’État. . Il faut donc s’attendre à une sévère révision du schéma national d’infrastructures de transports (SNIT). Deux méthodes seront sans doute combinées, d’une part l’annulation de certains projets, ‘d’autre part l’étalement dans un temps plus ou moins déterminé des autres. A cet effet, une commission Mobilité 21 a été créée. Cette dernière a été mise en place en octobre dernier par les pouvoirs publics, avec mission de réexaminer le schéma national des infrastructures de transport (Snit) élaboré par le gouvernement précédent. Présidée par le député socialiste du Calvados Philippe Duron, cette commission réunit élus et experts. Ils doivent hiérarchiser les plus de 70 projets inscrits dans le Snit (ferroviaires, fluviaux, autoroutiers, portuaires…) et dont le montant atteint 245 milliards d’euros d’investissements (hors Grand-Paris) sur vingt-cinq ans.. En ce qui concerne les lignes de chemin de fer, Philippe Duron a rappelé que les projets de LGV engagés et en cours de réalisation ne seraient pas remis en cause. Pour les autres, Philippe Duron a clairement annoncé la couleur : « Il y a plusieurs temporalités à articuler : celle de l’usager qui est pressé, il veut des nouvelles infrastructures de transport vite, et celle des grands projets qui s’étalent sur plusieurs année ; C’est difficile pour une région qui vit une médiocrité ferroviaire, mais si ce n’est pas dans 15 ans, ce sera pour dans 20 ou 30 ans… Rien n’est perdu » !
Le nouveau grand Paris : environ 30 milliards pour 2030
Philippe Duron a bien pris la précaution d’écarter de sa réflexion le projet « Grand Paris ». Pour autant c’est environ 30 milliards qu’il faudra trouver pour ce projet dont le bouclage financier est loin d’être assuré contrairement à ce qu’affirme le Premier Ministre Jean marc Ayrault. De toute manière, ce projet viendra peser sur les finances publiques et de fait amputera le financement d’autres infrastructures. Jean-Marc Ayrault s’est engagé le 6 mars à la « réalisation intégrale » du futur métro automatique Grand Paris Express en 2030, soit 200 km et 72 nouvelles gares pour désaturer les transports en Ile-de-France, désenclaver des territoires et stimuler la croissance économique. Le Grand Paris Express et les améliorations des lignes existantes forment désormais un « plan unique et cohérent » baptisé « Nouveau Grand Paris », dont le Premier ministre a détaillé l’échéancier à partir des premiers travaux en 2015 jusqu’à la mise en service de « toutes les lignes en 2030″. Ce « Nouveau Grand Paris » – qui tente de se démarquer du « Grand Paris » de l’ère Sarkozy – est « d’une ambition sans précédent et il est financé », a affirmé M. Ayrault, devant un parterre d’élus et de décideurs économiques à l’université de Marne-la-Vallée. Ce projet de développement des transports « sera l’armature du développement de l’Ile-de-France », a-t-il dit. « La France a besoin du dynamisme de la région capitale », qui pèse pour 30 % dans le PIB national, a appuyé M. Ayrault, « elle a besoin de ces investissements qui bénéficieront directement et indirectement à l’ensemble du territoire ». « Les lignes seront lancées en parallèle, les tronçons s’enchaînant les uns aux autres de manière continue », a souligné Jean-Marc Ayrault. L’objectif fixé est de débuter « dès 2015″ les premiers travaux, ceux de la ligne reliant Noisy-Champs au Pont-de-Sèvres, la rocade principale qui passe en zone très dense et qui doit soulager au plus vite le coeur de Paris. En 2017, « tous les projets auront été soumis au conseil de surveillance de la Société du Grand Paris » (SGP, maître d’ouvrage), a affirmé Jean-Marc Ayrault. ,À l’horizon 2020, la ligne 11 sera à Rosny-sous-Bois, la ligne 14 aura dépassé la mairie de Saint-Ouen, le métro en rocade reliera Noisy-Champs au Pont-de-Sèvres, l’arc le plus à l’est (Noisy-Le Bourget) et de Massy à Saclay seront en travaux « pour une mise en service imminente », a promis le Premier ministre, soulignant que le plateau de Saclay, censé devenir un grand pôle de recherche, « disposera ainsi de l’axe majeur de mobilité tant attendu ». En 2025, « les trois quarts du réseau seront mis en service », a assuré Jean-Marc Ayrault, mettant en avant que les « zones d’activité de Gonesse seront desservies », « le Pont-de-Sèvres sera relié à La Défense et la Seine-Saint-Denis irriguée par la rocade achevée de Pleyel à Rosny ». « Dans les années qui suivent, la jonction de la ligne 14 (au Sud) et de la ligne Saclay-Orly offrira un itinéraire alternatif au RER B pour accéder à l’aéroport, et le pôle d’emploi de Roissy sera relié à Gonesse et au Bourget », a fini de détailler le Premier ministre.
Priorité aux trains du quotidien pour la SNCF
A l’intérieur même de la SNCF le temps n’est plus au « tout TGV » mais davantage aux trains du quotidien. Alors que la SNCF a fêté ses deux milliards de voyageurs à grande vitesse le 25 janvier, elle veut donner priorité à ces « trains du quotidien », RER et TER qui transportent 5 millions de personnes par jour contre seulement 300000 dans les TGV. Un raisonnement qui est fondé sur l’évolution de la géographie humaine. Déjà largement entamée, la concentration urbaine va se poursuivre sous l’effet de la désertification économique de certains territoires notamment ruraux et du renchérissement des frais de transport par automobiles. L’étalement urbain jusqu’à 30 ou 40 kms des centres va subir un net ralentissement car les populations vont devoir limiter pour des raisons économiques les déplacements en voitures. Paradoxalement, il faut aussi prévoir à l’intérieur des zones urbanisées un développement de la mobilité à cause précisément de la crise. Nombre de salariés seront contraints de se reconvertir dans d’autres emplois, souvent plus éloignés de leur domicile, et la demande de transports locaux va croitre. Il faut aussi ajouter que des efforts de modernisation sont à entreprendre pour l’offre existante notamment dans les grandes villes. En particulier en région parisienne.
Les contraintes particulière du ferroviaire
La première contrainte c’est la situation de RFF, la seconde c’est le plan de réduction des coûts décidé par Guillaume Pepy. Si la réintégration de RFF au sein du pôle ferroviaire peut paraitre plus cohérente financièrement, cela ne règle pas pour autant la dette de plus de 30 milliards du gestionnaires infrastructures. Un héritage qui va donc peser lourd dans les décisions de futurs projets. Certes ce projet de réduction des coûts ne concerne pas directement uniquement les TGV mais on comprendrait mal que la SNCF finance de nouveaux TGV peu ou pas rentables ; C’est en effet un autre paramètre à prendre en compte. Pour l’essentiel, les lignes TGV rentables ont été réalisées, les prochaines le seront moins ou pas du tout. Autant donc rationaliser l’utilisation des équipements existants rentables comme par exemple le nouveau TGV « OUIGO ». Le président de la SNCF a annoncé que la compagnie ferroviaire devra réaliser entre 1,5 et 2 milliards d’économies dans les cinq prochaines années. . Il s’ajoute à un plan de réduction de coûts sur les achats, les dépenses informatiques…, de 700 millions d’euros sur trois ans déjà annoncé il y a quelques mois.
Les derniers projets ?
En 2016 et 2017 devraient donc être mis en service les 182 km de la ligne Bretagne-Pays de la Loire, entre Rennes et Le Mans, les 302 km entre Tours et Bordeaux sur la LGV Sud Europe Atlantique, la soixantaine de kilomètres du contournement de Nîmes et Montpellier et les 106 km de la LGV Est européenne « phase 2 ». Soit plus de 15 milliards d’euros d’investissements pour lesquels de nouveaux modèles économiques ont été trouvés (partenariats public-privés, concession). Le projet à grande vitesse entre Lyon et Turin pourrait voir le jour puisqu’il fait l’objet d’un accord international mais ce projet est aussi conditionné par un financement encore incertain. Pour le reste, la commission classera les projets (dont les lignes ferroviaires) parmi ceux à réaliser dans les dix ans ou, enfin, parmi ceux, utiles, mais à entreprendre plus tard. Les autres projets de LGV semblent promis à un avenir bien plus incertain comme Paris-Orléans – Clermont-Lyon (Pocl) ou encore la ligne Méditerranée « trop controversée ». De même que la ligne Paris-Normandie. En revanche, François Hollande a affirmé, lors d’un déplacement à Toulouse en janvier, que la LGV entre Bordeaux et la Ville rose verra le jour. Mais Il faudra attendre les arbitrages pour en être sûr. . »Nous rendrons nos conclusions au gouvernement entre avril et juin 2013 (…) » a indiqué Philippe Duron » Nous ne sommes pas là pour manier la machette, mais le Snit n’a pas été au bout des réflexions et ne s’est pas préoccupé de planification et de programmation », a précisé Philippe Duron lors de la présentation le 21 février 2013 devant la presse, des critères sur lesquels se base la commission qu’il préside pour classer et trier les 70 projets inscrits au Schéma national des infrastructures de transport (Snit). Précisant que sa Commission était en train de répartir tous les autres projets par groupes, de les noter selon une grille d’évaluation multicritères (performance économique et écologique, renforcement de la mobilité de proximité, baisse des inégalités et attractivité des territoires, etc.). Une note en vue de « les inscrire dans une temporalité » Jolie expression pour indiquer que pour beaucoup de projets, on verra plus tard ou pas du tout.