démocratie: Pour la suppression de l’article 40 de la constitution
Jean-François Kerléo
Professeur de droit public dans le Monde
Le juriste plaide, dans une tribune au « Monde », pour qu’un véritable contrôle s’exerce en amont du dépôt des textes.
Les Français (re)découvrent enfin l’existence de leur Parlement, avec la nouvelle dynamique des pratiques insufflée par l’absence de majorité absolue. Les regards se sont braqués de manière inédite sur des procédures bien connues, comme le fameux article 49.3, mais aussi méconnues, tel l’article 40 de la Constitution, brandi par la majorité pour éviter d’avoir à discuter la proposition de loi du groupe LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) qui veut revenir sur l’allongement de l’âge légal de la retraite à 64 ans. Longtemps ignorée de l’opinion publique, cette disposition est pourtant centrale pour comprendre la séparation des pouvoirs et la place qu’y tient le Parlement.
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L’article 40 interdit à un parlementaire d’imposer ou d’alourdir une charge publique qui ne peut jamais être compensée, au contraire d’une diminution des ressources publiques qui peut, quant à elle, être « gagée » par une augmentation de ressources simultanée. Un grand classique consiste alors à gager le texte par une augmentation de la taxe sur le tabac. Mais, en général, le texte proposé n’entraîne pas une diminution aussi importante des ressources que celle qui découle de l’adoption de la proposition de loi de LIOT, ici environ 18 milliards d’euros. Or, comme l’affirme le Conseil constitutionnel, le gage doit être crédible, suffisant et immédiat, ce qui suppose de respecter une certaine proportionnalité.
Encore faut-il qu’un contrôle soit réalisé, et, à ce sujet, une autre polémique a surgi ces derniers jours. Fruit d’une longue maturation de pratiques, les modalités d’application de l’article 40 ont conduit à accorder un rôle de premier plan au président de la commission des finances. Certes, un contrôle systématique préalable au dépôt d’une proposition de loi est effectué par une délégation du bureau de l’Assemblée, mais la grande tolérance de ce premier filtre pose plus de difficultés qu’elle n’en résout. L’irrecevabilité peut ensuite être soulevée à tout moment, par le gouvernement ou un député. En l’absence de réaction, des textes contraires à la Constitution peuvent donc être adoptés.