Environnement: « La ville postcarbone de demain exige un bouleversement technologique, économique, sociétal et urbanistique total »
La clé de la transition énergétique ne peut être laissée aux seules mains des maires, même si la ville est aujourd’hui la principale émettrice des gaz à effet de serre, analyse dans une tribune au « Monde » Albert Levy, architecte urbaniste. Il souligne la nécessité d’une politique relevant du pouvoir central.
Un article intéressant mais qui aborde bout des lèvres la question de l’aménagement du territoire comme si la super concentration était une donnée incontournable. La vraie question est en effet celle de la répartition harmonieuse de la population sur l’ensemble du territoire et de l’équilibre homme nature NDLR
Dans son dernier rapport annuel, en 2021, l’Autorité environnementale (AE) a livré un diagnostic accablant en concluant que la transition écologique n’a pas encore été vraiment amorcée en France. Après le Haut Conseil pour le climat, l’AE a rappelé qu’à côté des politiques d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES) l’adaptation au dérèglement climatique est également un impératif majeur pour les villes. A ce sévère constat au niveau national s’ajoute celui de la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France pour la région parisienne, notamment le bilan de l’action de la Ville de Paris en matière de climat depuis 2004, qui montre l’écart entre les objectifs annoncés et les résultats obtenus. Le plan climat de 2004 visait la réduction de 75 % des émissions de GES en 2050, par rapport à 2004, avec un objectif intermédiaire de 25 % en 2020. Le chiffre de 20 % a été atteint. Sur 25 % d’énergies renouvelables prévus pour 2020 (10 % en 2004), seuls 18 % ont été obtenus, et pour la sobriété énergétique, sur 25 % d’économie visés, 5 % seulement ont été atteints. Les services de la Mairie ont eux-mêmes été peu exemplaires : les émissions de GES, dont la baisse programmée était de 30 %, n’ont reculé que de 9 %, de même l’éclairage public de 3,5 % au lieu des 30 % pronostiqués. On est loin de la trajectoire vers la ville neutre en carbone avec 100 % d’énergies renouvelables pour 2050, conclut le rapport de la Chambre régionale, qui reste pessimiste sur la possibilité d’atteindre cet objectif.
Cette politique vers une économie « zéro pétrole », vers une « ville postcarbone », implique de repenser totalement la ville existante et son fonctionnement, voire l’aménagement du territoire, et une planification écologique qui doit articuler différentes échelles dans sa mise en œuvre. Se passer du « pétrole énergie » pour se chauffer, s’éclairer, cuisiner, communiquer, travailler… en le remplaçant par une électricité 100 % d’origine renouvelable (sans énergie nucléaire ?), se déplacer autrement (sans voiture thermique), transporter voyageurs et marchandises en utilisant des carburants non fossiles (batterie électrique, biocarburant, hydrogène « vert »…), réduire la facture énergétique en isolant/rénovant tout le parc immobilier, résidentiel et tertiaire pour atteindre la neutralité carbone restent, en effet, un énorme défi écologique. Energie, transport, pétrochimie… la ville postcarbone de demain exige un bouleversement technologique, économique, sociétal et urbanistique total. Dans ce cadre, il faudra une planification qui coordonne les différentes politiques sectorielles indispensables pour sortir, progressivement et sans choc, des énergies fossiles (voir, par exemple, les travaux du think tank The Shift Project).