Accord MERCOSUR : changement de position
La France se trouve à un tournant concernant l’accord de libre-échange MERCOSUR. Après des années d’opposition, l’exécutif semble prêt à céder sous condition. Un changement de cap qui pourrait fragiliser l’agriculture française, notamment face à la concurrence déloyale des produits sud-américains.
Par Loïc Kervran et Patrick Benezit (*) dans la Tribune
Pendant des années, le président de la République et le Gouvernement français se sont clairement opposés au traité de libre-échange entre la France et l’Amérique du Sud (MERCOSUR). Mais depuis quelques semaines monte une petite musique qui fait craindre la trahison. On entend désormais l’exécutif parler de signature sous condition, de clause de sauvegarde. Et on ne parle plus du droit de veto de la France. Après s’être engagée à ne pas signer l’accord la France aurait-elle changé son fusil d’épaule et serait-elle désormais prête à le ratifier ?
Sur le MERCOSUR, nous le réaffirmons, non, c’est non. Ce traité serait une catastrophe pour notre agriculture en général et nos éleveurs en particulier. En prévoyant d’éliminer plus de 90% des droits de douane imposés par le MERCOSUR et l’Union européenne aux produits venant de part et d’autre de l’Atlantique, l’accord ouvre la voie à une politique d’importation massive.
Un tel accord mettrait en concurrence nos agriculteurs vertueux avec du bœuf et des volailles dopés aux antibiotiques, des céréales cultivées avec des dizaines de pesticides interdis en Europe, un système de production tout OGM, des élevages avec parfois plus de 30 000 bovins. À terme, ce sont ainsi 99 000 tonnes de bœuf par an qui pourraient entrer en Europe à un taux préférentiel (7.5%). Pour le riz et le miel, il n’y aurait plus d’obstacles tarifaires.
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Encourager cette concurrence déloyale, c’est tuer nos agriculteurs français.
C’est aussi considérer que notre souveraineté est un bien comme un autre qui se solde sur l’autel du libre-échange. Un détail dans notre politique commerciale et non la condition de sa réussite.
Au-delà de la France, c’est l’Union européenne qui est en cause. En 2018, la Commission s’était engagée à faire de l’accord un accord mixte : les pays, dont la France, disposaient alors d’un droit de veto. On comprend aujourd’hui qu’elle souhaite scinder cet accord en deux parties, supprimant le droit de veto des pays, et exigeant désormais une minorité de blocage pour empêcher ce funeste accord d’un autre siècle de voir le jour.
Or, comme chacun sait, obtenir une minorité de blocage au niveau européen résulte du casse-tête chinois. Ce passage en force de la Commission européenne va à l’encontre de la culture démocratique qu’elle promeut : le dialogue devrait être privilégié quelle que soit la situation.
A l’heure où les populismes grondent et où les peuples européens critiquent toujours plus une Europe perçue comme technocratique, le choix de la Commission européenne d’outrepasser le pouvoir politique des pays souverains ne fait que donner du crédit à ces critiques. Coopérer oui, se soumettre, non. L’Union européenne doit rester une Europe des Nations et non une Europe sans les Nations.
Ce traité va donc à l’encontre de ce qui fait l’essence même de notre culture agricole et de notre identité en tant que Nation. Sans agriculture, pas de nourriture dans nos assiettes. Pas de pays sans paysans disaient les slogans des manifestations agricoles ! Car oui, abandonner nos paysans, c’est nous trahir collectivement.
Nous demandons donc au gouvernement qu’il impose le droit de veto français sur l’accord de libre-échange avec le MERCOSUR. Il ne peut pas être complice d’une Commission européenne qui s’apprête par une ruse, un subterfuge à contourner la volonté du peuple français. Qu’il protège ses agriculteurs plutôt que de les sacrifier au nom d’une mondialisation dont ils payent le prix chaque jour. La politique ce n’est pas subir mais agir, et se battre quand c’est nécessaire.
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(*) Loïc Kervran, Député Horizons du Cher depuis 2017. Il est vice-président du Parlement rural français et vice-président du groupe d’étude ruralités à l’assemblée nationale.
Patrick Benezit, Président de la fédération nationale bovine. Eleveur dans le Cantal.
Loïc Kervran et Patrick Benezit