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Après Draghi, le populisme en Italie ….et ailleurs !

Après Draghi,  le populisme en Italie ….et ailleurs  !

Le départ du président du conseil italien Mario Draghi est un nouvel exemple de la fragilité démocratique européenne alors que la guerre en Ukraine, l’inflation, la crise climatique ouvrent un nouveau cycle de note histoire, relève dans une tribune au « Monde » le dirigeant d’entreprise Bernard Spitz.

 

 

La démission de Mario Draghi est un coup dur pour les économies de l’Italie, de la France et de l’Union européenne. Chacun le comprend. Mais pas seulement. Dans un monde marqué par les peurs, elle est aussi le révélateur de la reprise en main de l’économie par le politique et de son glissement vers la droite radicale. Comment imaginer, face à tant de remises en cause, que nous allions poursuivre le voyage dans le petit train rassurant de Fukuyama sur « la fin de l’histoire » ?

Un nouveau cycle est ouvert, dont personne ne sait la durée et dont seuls nos enfants connaîtront un jour le nom. Ceux qui ont connu l’entre-deux-guerres ou les « trente glorieuses » n’avaient pas la moindre idée qu’ils vivaient ces époques de l’histoire. Il en va de même pour nous : le basculement s’est produit sous nos yeux, il ouvre une nouvelle période d’incertitude et de fureur.

Nous vivons quatre chocs : le retour de l’inflation qui n’est pas qu’un fait statistique mais un élément majeur des comportements des ménages et des entreprises ; la prise de conscience de l’urgence climatique enfin reconnue comme priorité absolue ; l’impact de la pandémie qui change le rapport au travail, notamment chez les jeunes et souligne notre fragilité face à la maladie ; enfin la guerre aux portes de l’Europe qui nous rappelle la tragédie des temps et la brutale logique des rapports de force…

La radicalité d’un camp entraîne la radicalité de l’autre

Face à ce tumulte, Mario Draghi est arrivé au pouvoir porté par une double évidence : il était le meilleur et le plus crédible aux yeux du monde économique, de la société italienne, du reste du monde ; et il ne venait pas du monde politicien d’avant. Exactement comme Emmanuel Macron. Ce que nous dit son départ, c’est que cela ne suffira plus à l’avenir, que cela ne suffit déjà plus.

Société: élitisme contre populisme ?

Société: élitisme contre populisme ?

Dans son livre à succès Sapiens, l’historien israélien Yuval Noah Harari concluait par cette interrogation : « Y a-t-il rien de plus dangereux que des dieux insatisfaits et irresponsables qui ne savent pas ce qu’ils veulent ? » L’auteur allait prolonger le propos dans son livre suivant, Homo deus, selon lequel science et technologie seraient en mesure de donner aux hommes des capacités inédites pour en faire des dieux. Or, tous ne pourraient l’être, seule une élite deviendrait des êtres supérieurs à même de manipuler leurs congénères lilliputiens : « Que se passerait-il le jour où la médecine se soucierait d’accroître les facultés humaines ? Tous les hommes y auraient-ils droit, ou verrait-on se former une nouvelle élite de surhommes ? ». Par Marion Dapsance, Anthropologue (*) et Christophe Lemardelé, Docteur en histoire des religions (**). ( dans la Tribune)

 

Malgré la limpidité de tels propos, Harari est accusé sur les réseaux sociaux d’être un pourvoyeur d’idées au service de dirigeants de la planète, qu’il s’agisse de chefs d’Etat, d’acteurs économiques ou d’organisations supranationales. Il va sans dire que c’est dans les « sphères complotistes » que l’on trouve ces accusations énoncées et relayées. Ces mêmes réseaux sociaux sont vilipendés de plus en plus pour leur capacité à produire et à transmettre de fausses informations qui nuiraient à la cohésion sociale et engendreraient trop de doutes dans les populations. Cette parole libre et amplifiée deviendrait donc un problème dans les démocraties, engendrant un écart se creusant entre gouvernés et gouvernants, les premiers se défiant de plus en plus des seconds. Harari étant un homme en vue, il devient dès lors un des cerveaux de cette élite que pourtant il dénonçait dans son livre…

L’écart se creuse, mais il n’est pas qu’à l’actif des complotistes. En effet, les responsables politiques, économiques, scientifiques et médiatiques pourraient être tentés d’agir comme les hommes du célèbre épisode de la tour de Babel dans la Bible (Genèse 11). Voulant devenir des dieux, ceux-ci s’élèvent au-dessus de leur condition. Mais comme Dieu n’est plus là pour les contraindre – il n’y a même plus la barrière de la Morale -, alors ils s’arrogent son pouvoir et se retournent contre leurs semblables restés au pied de la tour – les sans-dents, ceux qui ne sont rien, les « inutiles », pire que les prolétaires de l’ère industrielle selon Harari. Et puisque tout circule très vite, d’un continent à l’autre, d’une langue à l’autre, comme si un langage mondial se mettait en place, ces nouveaux dieux s’accaparent le pouvoir de brouiller ce langage pour que la multitude se disperse. Donc, leur solution, c’est évidemment la verticalité du discours et des informations, supposée discréditer l’horizontalité des infox et des points de vue extrémistes. Seul problème, si cette verticalité en impose à l’ensemble d’une population, s’informant encore passivement par l’audiovisuel, l’horizontalité gagne en nombre, à mesure que les citoyens maîtrisent les outils numériques.

On le sait depuis longtemps, la Genèse de la Bible s’est en partie inspirée de récits mythologiques babyloniens – Babel est sans doute une allusion à la grande cité mésopotamienne et le Déluge est une adaptation monothéiste d’un récit au départ polythéiste. Dans ce récit, les dieux sont indisposés par une masse d’hommes, toujours plus nombreux, toujours plus bruyants – décision est prise de les réduire à néant par une grande montée des eaux. Comparables à ces dieux, des acteurs de notre monde estiment aussi que la surpopulation humaine n’est pas compatible avec la viabilité de la planète. Dès lors, tout se mélange : l’élite, ignorante des mécanismes démographiques, dit à demi-mots qu’il faudrait maîtriser la natalité afin d’atténuer l’augmentation de la population mondiale, les complotistes imaginent que cette élite cherche souterrainement à éliminer une part de cette population par divers moyens dont des vaccins. Dans le mythe mésopotamien, les dieux n’ont aucune sagesse en voulant éliminer les hommes, et les hommes n’en ont guère. Aussi, la leçon de ce récit est-il de renvoyer dos à dos hommes et dieux.

Dans les récits mythiques, il existe encore des personnages qui se situent entre hommes et dieux : les héros. Ils ne brillent pas par leur sagesse tant ils sont saisis d’hubris, qu’ils se nomment Gilgamesh, Samson ou Achille. Le premier d’entre eux est en quête d’immortalité, mais il échoue lamentablement dans le mythe. Harari, dans son livre Sapiens, évoque donc un « Projet Gilgamesh » censé allonger la vie humaine de tous, voire vaincre la mort – les scientifiques y travaillent. Les « meilleurs » d’entre nous (les plus riches) rêvent de devenir « a-mortels » puisqu’ils sont des Semblables (Homoioi) comme dans la Sparte antique, et non les égaux de la démocratie athénienne. Afin d’évoquer cette science folle qui en oublierait les questions éthiques, le même auteur écrit avec une certaine fantaisie : « Le Dr Frankestein est juché sur les épaules de Gilgamesh » …

Dans un monde occidental totalement sécularisé, l’hubris du héros gagne une part des élites qui s’imaginent pouvoir prolonger indéfiniment la vie : le transhumanisme. Comme l’écrivit le philosophe Michaël Fœssel dans son livre Après la fin du monde, critiquant la « raison apocalyptique » contemporaine – anthropocène, collapsologie, etc. -, l’augmentation de l’espérance de vie reste la seule espérance puisque la mortalité individuelle, totalement matérialisée, est faussement acceptée. En mettant en avant l’importance de la vie organique, comme il le souligne, et non plus le monde humain, la société, on risque en effet de créer une caste démiurgique chargée de devoir maintenir en l’état la « Création » au détriment des souffrances humaines. Sous prétexte d’écologie ou de santé publique, aptes à maintenir les citoyens sous contrôle, cette élite risque plus d’adopter la désinvolture des dieux mésopotamiens que la sagesse de la Bible.

L’oligarchie de ces demi-dieux est déjà mise en place, elle s’appuie sur le savoir scientifique et informationnel. Dépourvue de philosophie et de spiritualité, elle ne procurera aucune sagesse tant elle se montre bien souvent arrogante. Entre l’hubris de cette élite, qui ne veut plus débattre, et la maladresse de citoyens qui se débattent dans des informations contradictoires et parfois fantasmées, il n’y a guère de place pour le retour à une raison démocratique, surtout si l’ensemble d’une population – la masse – se montre passive face à ces informations. Les dieux peuvent provoquer un déluge, dans un mythe, mais les hommes peuvent mener une révolution, dans l’histoire. Faire société consiste bien à ne pas créer de tels écarts socio-culturels. Un régime de vérité est nécessaire, encore faut-il qu’il soit honnête intellectuellement, sans volonté aucune de dominer ou de renverser. Le phénomène est-il réversible ou bien l’inéluctable advient-il déjà ?

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(*) Marion Dapsance a récemment publié Le Sacré-Cœur et la réinvention du catholicisme en 2021 et Alexandra David-Neel, l’invention d’un mythe en 2019.

(**) Christophe Lemardelé a publié Archéologie de la Bible hébraïque en 2019 et Les cheveux du Nazir en 2016.

Le populisme se nourrit du déclassement économique

 

L’économiste turc Dani Rodrik défend des politiques créant des emplois stables, avec des perspectives d’évolution, en ciblant des entreprises moyennes fortement pourvoyeuses d’emplois dans des régions délaissées.(le Monde)

 

Professeur d’économie à l’université américaine Harvard, l’économiste turc Dani Rodrik est réputé pour ses travaux sur les liens entre mondialisation, souveraineté et démocratie. Il plaide, depuis plus de vingt ans, pour une autre vision du libre-échange, dans un monde menacé par les risques géopolitiques.

Peut-on résumer le duel qui a opposé Emmanuel Macron à Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle comme opposant les gagnants et les perdants de la mondialisation ?

Deux écoles de pensée s’affrontent sur la définition du populisme d’extrême droite. La première insiste sur l’intensification de la guerre culturelle, avec la montée de la xénophobie et du racisme. La seconde penche pour l’explication économique liée au marché du travail transformé notamment par la mondialisation.

Personnellement, je pense que l’essor du populisme autoritaire dans de nombreux Etats en Europe et aux Etats-Unis est lié à la disparition des emplois de qualité dans la classe moyenne de ces pays. Celle-ci est due à de multiples facteurs, dont la mondialisation, qui a accéléré la désindustrialisation. La perte des usines a réduit l’offre d’emploi, pour une population parfois très compétente mais peu mobile, et qui n’avait pas les qualifications nécessaires pour bénéficier de l’économie hypermondialisée.

 

Mais la mondialisation n’est pas la seule force en jeu. Les changements technologiques, l’automatisation, les robots ont aussi contribué à cela. L’approche très radicale en matière de politique économique, poussant à plus de libéralisation et de dérégulation du marché du travail, a créé de l’anxiété. Quelle que soit la situation, il y a toujours des électeurs qui penchent pour l’extrême droite, mais ses leaders ont su capitaliser sur cette angoisse et ces chocs qui ont touché les économies comme la France depuis trente ans.

Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?

Le paradoxe de la mondialisation, au cours des trois dernières décennies, c’est qu’elle a intégré les nations dans l’économie mondiale, tout en disloquant les économies à l’échelle nationale. Nous avions un modèle de mondialisation bien différent avant les années 1990. Les responsables politiques utilisaient leur intégration à l’économie mondiale avant tout pour soutenir leur croissance. Lorsque les deux étaient incompatibles, ils négociaient une exception ou une clause de sauvegarde. Lorsqu’il y a eu, par exemple, dans les années 1970, la vague d’importations de vêtements à bas prix en provenance des pays en développement, les pays riches ont négocié avec eux l’accord multifibres pour protéger leur industrie, tout en leur offrant quelques concessions. Les pays riches savaient prendre leur distance par rapport à la mondialisation, lorsque celle-ci les menaçait.

Twitter de Elon Musk : un populisme de plate-forme

Twitter de Elon Musk : un populisme de plate-forme

La communication de l’homme le plus riche du monde autour de son rachat du réseau social présente de troublantes similitudes avec le populisme tel qu’il est pratiqué par certains acteurs politiques. Par Barthélémy Michalon, Sciences Po.

 

Le feuilleton à rebondissements lancé au début de ce mois a touché à sa fin : le 25 avril, les dirigeants de Twitter et Elon Musk annonçaient être parvenus à un accord pour que le patron de Tesla et SpaceX acquière le réseau social pour une somme de 44 milliards de dollars.

Bien que Twitter compte bien moins d’utilisateurs que ses concurrents comme YouTube, Facebook, Instagram ou encore TikTok, Twitter est considéré comme un véritable outil d’influence, notamment du fait de son usage par de nombreuses figures du milieu politique, artistique et médiatique. En outre, il est fréquent que les médias dits « traditionnels » reprennent et commentent sur leur propre support ce qui a été dans un premier temps publié sur la plate-forme de l’oiseau bleu, ce qui accroît la perception et la réalité de son importance pour le discours public.

 

L’examen des différentes déclarations de celui qui deviendra bientôt le nouveau propriétaire de Twitter révèle que son approche emprunte les codes du populisme, tel qu’il est usuellement conçu et pratiqué dans l’arène politique.

Le chercheur néerlandais Cas Mudde, un des principaux spécialistes du concept, souligne que, au-delà de la diversité des pratiques observables, le populisme consiste fondamentalement à s’adresser à un « peuple » pour lui promettre la mise en œuvre d’actions qui seraient conformes à ce qui est présenté comme une forme de « volonté générale », en rupture avec les intérêts d’une supposée « élite ».

Bien que Musk n’invoque aucun de ces mots-clés de façon directe, sa communication autour de sa prise de pouvoir épouse donc les contours de ce qui caractérise un discours populiste.

Ainsi, s’il n’invoque pas un « peuple » en tant que tel, Elon Musk a fait usage de l’outil qu’il s’apprêtait à acquérir pour s’adresser directement à la communauté d’utilisateurs de la plate-forme et recueillir son opinion sur différents sujets. Si certaines questions étaient d’ordre secondaire (comme le fameux « bouton d’édition » d’un tweet déjà publié), d’autres touchaient au fonctionnement même de la plate-forme et à son impact sur la démocratie.

Ces consultations, qui ont logiquement mobilisé en premier lieu ses propres « abonnés », ont produit des résultats dans le sens désiré, ce qui lui a permis de se présenter lui-même comme le relais efficace d’attentes censées bénéficier d’un fort soutien. Une telle façon de procéder n’est pas sans rappeler la tendance, relativement marquée chez les formations politiques populistes, à convoquer des référendums ou à en promettre l’organisation dans leurs programmes électoraux.

Ces sondages en ligne, véritables défis lancés sur la place publique au statu quo, visaient également à exercer une pression notable sur ceux qui étaient alors à la tête de Twitter, ce qui est à relier à autre composante du populisme, en l’occurrence le rejet de « l’élite » au pouvoir.

Musk est ensuite allé bien plus loin dans cette direction, en affirmant que la mise à l’écart de l’équipe dirigeante en place était une condition indispensable à la mise en œuvre des transformations d’ampleur promises sur la plate-forme. Selon ses dires, c’est cette intention qui a guidé sa décision de « transformer Twitter en une entreprise privée » (elle était alors une entreprise « publique » au sens anglo-saxon, car cotée en bourse), et donc d’en prendre le contrôle de façon directe. Dans son offre d’achat, il promettait ainsi sans ambages : « je débloquerai le potentiel de Twitter ».

L’élite dirigeante était donc mise sur la touche au profit d’un seul décideur dans une position centrale : la présence d’un leader dont la personne incarne le pouvoir en place constitue justement un autre trait marquant du populisme.

Afin de satisfaire cette supposée « volonté générale », qui comme nous l’avons vu est la troisième composante du populisme tel que défini plus haut, Musk a mis sur la table une série de propositions pour faire évoluer la plate-forme, notamment lors d’une conversation publique, tenue le 14 avril dans le contexte de la conférence annuelle de TED. Tandis que ces mesures sont présentées comme répondant aux attentes de la base, les difficultés pratiques inhérentes à leur application sont passées sous silence, un décalage récurrent dans les discours populistes.

Musk propose ainsi de supprimer les comptes automatisés (bots), faisant l’impasse sur le fait que nombre d’entre eux présentent une réelle utilité, par exemple pour relayer des messages d’alerte de façon immédiate. Il promet également d’éliminer les messages frauduleux (scams), qui visent à tromper leurs destinataires, à des fins économiques et/ou de piratage. Une intention sans nul doute louable, mais qui fait mine d’ignorer que ce problème protéiforme ne se règle pas en quelques lignes de code. Bien au contraire, ceux qui s’adonnent à ces pratiques sont en constante adaptation face aux moyens de lutte qui sont déployés contre eux.

Quant aux algorithmes de classement et de sélection des contenus, il les rendrait accessibles à tous les utilisateurs afin de leur offrir l’opportunité de les comprendre. Bien qu’un large consensus existe sur la nécessité d’une plus grande transparence dans ce domaine, cette façon en particulier de procéder serait difficilement applicable, du fait de l’extrême niveau de complexité des algorithmes en question, qui de plus reposent sur un usage croissant de l’intelligence artificielle. Même en supposant que ce soit du domaine du faisable, un tel degré de transparence serait-il pas avant tout un merveilleux cadeau offert à ceux qui voudraient tirer parti du système pour obtenir une visibilité non méritée ?

Outre ces changements qui passent par des ajustements d’ordre principalement technique, Musk place au centre de son projet pour Twitter un net recul des règles qui encadrent la publication de contenus sur la plate-forme. Pour celui qui s’est ouvertement prévalu du statut d’« absolutiste de la liberté d’expression », cette plus grande latitude serait nécessaire au nom de la défense de la démocratie.

Tout d’abord, la pratique du dirigeant lui-même permet de douter de la réalité de l’absolutisme qu’il revendique : ce principe ne l’a pas empêché de bloquer des utilisateurs qui ont tenu des propos critiques à son encontre ou de prendre des mesures de représailles, en ligne comme hors ligne, contre ceux qui ont exprimé leur désaccord avec lui.

Ensuite, réduire la modération des contenus sur la plate-forme exposerait d’autant plus les groupes considérés comme minoritaires, qui sont déjà les premières victimes des comportements en ligne les plus nocifs. S’il se concrétise, ce détricotage des quelques règles qui, bien que de façon imparfaite, visent aujourd’hui à protéger les minorités face au pouvoir de la majorité constituera une manifestation additionnelle des traits populistes de la démarche de Musk.

Enfin, si la liberté d’expression est sans nul doute un des piliers fondamentaux de la démocratie, il est tout aussi vrai que ne lui reconnaître aucune limite constitue un profond danger pour ce mode de gouvernement, à plus forte raison dans un contexte où la désinformation ou les appels à la violence peuvent circuler avec tant de vitesse et de facilité. Par conséquent, l’affirmation selon laquelle plus la liberté d’expression est étendue, mieux la démocratie est défendue revient à ignorer, délibérément ou pas, les enseignements des dernières années.

Une conception nébuleuse de la liberté d’expression

Malgré cette emphase pour une liberté d’expression plus étendue sur la plate-forme, Musk semblait pris de court lorsque des questions plus précises lui ont été posées sur ce point, dans le contexte de la conférence du 14 avril mentionnée plus haut.

Pressé avec insistance sur ce sujet, il a reconnu que Twitter est et restera soumis aux lois nationales. Il a peu après introduit un autre facteur de limitation en admettant que la parole devrait y être libre « autant que raisonnablement possible », ce qui ouvre la porte à de possibles restrictions, sur la base de critères qui à ce stade demeurent mystérieux. Dans l’hypothèse, dans les faits très réaliste, où un propos se trouverait dans une « zone grise », Musk considère que celui-ci devrait être maintenu en ligne… ce qui coïncide étrangement avec la pratique actuelle des plates-formes existantes, et notamment Facebook comme l’avait souligné son dirigeant Mark Zuckerberg en 2019.

Lors de cette même conversation publique, il a indiqué que la liberté d’expression existe selon lui si « des personnes que l’on n’aime pas sont autorisées à exprimer des idées que l’on n’aime pas ». Le moins que l’on puisse dire est que, sous sa forme actuelle, Twitter satisfait d’ores et déjà très largement à cette attente, étant donné le ton et la teneur de bien des échanges. Même les sympathisants républicains aux États-Unis, dont beaucoup reprochent pourtant à la plate-forme d’être trop restrictive et se réjouissent de sa prise de contrôle par Elon Musk, auraient bien du mal à l’accuser de ne pas permettre l’expression d’idées opposées aux leurs.

Un peu plus tard, cette fois sur son support numérique préféré, il affirmait que « les politiques d’une plate-forme de réseaux sociaux sont bonnes si les 10 % les plus extrêmes à gauche et à droite sont également mécontents ». Là encore, il serait difficile de reprocher à Twitter de ne pas remplir cette condition, compte tenu des critiques contradictoires dont l’entreprise fait l’objet en provenance des deux bords.

Un seul point a fait l’objet d’une prise de position relativement claire de la part d’Elon Musk : celui-ci s’est exprimé contre les suspensions permanentes de comptes, disant préférer celles de caractère temporaire. En cela, il s’écarterait en effet de la pratique actuelle de Twitter, qui applique l’une ou l’autre de ces sanctions en fonction de la gravité des faits. Par conséquent, s’il arrive à ses fins et s’il maintient cette position, une de ses toutes premières décisions pourrait consister à rétablir le compte de l’ancien président américain Donald Trump, suspendu pour « incitation à la violence » après l’assaut lancé contre le Capitole le 6 janvier 2021.

Ce geste envers l’ex-locataire de la Maison blanche, duquel Elon Musk s’est rapproché ces dernières années, serait perçu comme éminemment politique. Mais cela ne représenterait sans doute guère plus qu’un simple avant-goût des difficultés qu’il serait amené à affronter de façon récurrente s’il devait devenir le timonier d’une telle plate-forme. En effet, toute règle ou décision prise par Twitter serait immédiatement interprétée comme relevant de son fait à titre personnel. Dans un environnement aussi politisé que l’actuel, ce réflexe ne pourra que lui porter préjudice.

En somme, une fois ses déclarations générales mises de côté, le chef d’entreprise n’a en réalité que des notions bien vagues et peu novatrices pour développer ce qui est censé être la clé de voûte de son projet révolutionnaire pour Twitter. Ce qui pose, bien sûr, la question des mesures concrètes qu’il mettrait en œuvre au nom de la liberté d’expression, une fois aux commandes : marquerait-il une rupture aussi nette qu’il l’annonce avec force superlatifs ? Ou ces mots grandiloquents ne seraient-ils pas en porte-à-faux avec une pratique en fait peu différente de l’actuelle ? Compte tenu du tempérament du dirigeant, il y a fort à craindre qu’il écarte du revers de la main les politiques existantes de modération et décide de repartir d’une feuille blanche.

Évitons tout malentendu : la plate-forme en question est encore bien loin de gérer de façon satisfaisante les contenus dont elle permet la publication et la diffusion. Bien au contraire, les critiques contre elle et ses congénères restent abondantes. Cependant, la prise de contrôle du groupe par Musk risque de balayer les progrès lentement réalisés en matière de modération des contenus au cours des ans et, bien souvent, sous la pression des événements. Il s’agirait alors de repartir de zéro – ou presque – et évoluer au fur et à mesure que les erreurs commises seraient reconnues comme telles.

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Par Barthélémy Michalon, Professeur au Tec de Monterrey (Mexique) – Doctorant en Sciences Politiques, mention RI, Sciences Po.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Covid -fin du pass vaccinal et du masque: Du populisme ?

Covid -fin du pass vaccinal et du masque: Du populisme ?

Le  Premier ministre Jean Castex a annoncé la levée du pass vaccinal et la fin du port du masque obligatoire en intérieur à partir du 14 mars, sauf dans les transports collectifs.

Invité du journal télévisé de 13H sur TF1 jeudi, le Premier ministre Jean Castex a annoncé la levée du pass vaccinal et la fin du port obligatoire du masque en intérieur à partir du 14 mars, sauf dans les transports collectifs.

Le pass vaccinal aussi sera suspendu à partir de cette date dans tous les lieux où il est appliqué comme les restaurants, les cafés, les boîtes de nuits ou encore les cinémas. Si c’est possible, c’est parce qu’à l’hôpital aussi la pression se réduit, avec 2.329 malades du Covid-19 admis en soins critiques.

Or, pour le docteur Rochoy, la fin du masque au travail et à l’école notamment, « c’est du populisme électoral pour faire plaisir aux gens. Sur le plan sanitaire cela n’a aucun intérêt ». Le médecin s’inquiète : « Il n’y a aucune chance qu’en retirant le masque on n’ait pas une vague qui arrive. Les gens vont porter le masque dans les transports, puis aller au travail et le retirer, se partager le virus entre eux. Ils vont remettre le masque dans les transports comme ça ils ne contamineront pas d’inconnus, puis ils vont ramener le virus à la maison, contaminer les enfants. Les enfants vont contaminer les élèves, qui vont contaminer leurs propres parents… C’est comme ça que l’épidémie fonctionne depuis le début. »

 

Macron drogué à la logique financière des banques

Macron drogué à la logique financière des banques

 

Audrey Tonnelier du Monde développe l’idée que Macron est davantage convaincu de l’efficacité de l’allègement de la fiscalité sur le capital que par des politiques industrielles impulsées par l’État. Finalement Macron reste imprégné de la philosophie des banques (d’affaires) . NDLR 

 

Chronique.  

Officiellement, il n’est pas encore dans la course. Même si, comme il l’a confié aux lecteurs du Parisien, le 4 janvier, « il n’y a pas de faux suspense » : « J’ai envie. » Emmanuel Macron se retrouve, à moins de trois mois du scrutin, dernier candidat non déclaré à la présidence de la République. Il n’a pas encore de programme détaillé, contrairement à la plupart de ses concurrents.

Dans le domaine économique, comme ailleurs (sécurité, Europe), le chef de l’Etat s’en tient à sa méthode : évoquer quelques sujets – refonte des droits de succession, revenu universel d’activité – et défendre son bilan. Même chose pour son ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qui a longuement détaillé, lors de ses vœux à la presse, ses ambitions de baisses d’impôt supplémentaires pour les entreprises et d’allègement de cotisations sur les hauts salaires. Mais rien qui ne ressemble, pour le moment, à des propositions en bonne et due forme.

Il faut dire que, en cinq ans et deux crises majeures, celles des « gilets jaunes » et de l’interminable pandémie de Covid-19, le débat s’est déplacé. En 2017, côté économie, la campagne était focalisée sur l’inversion de la courbe du chômage, à laquelle François Hollande avait malencontreusement lié sa candidature. La réduction de la dette à droite – François Fillon avait dû se défendre de prôner « du sang et des larmes » – ou la sortie de l’euro (La France insoumise, Rassemblement national) occupaient aussi les débats. En ce début 2022, on parle davantage inflation et pouvoir d’achat, relocalisations, assouplissement des règles budgétaires et investissements.

Pour le chef de l’Etat, un fil rouge demeure toutefois : celui des entreprises et de l’emploi. Une « politique de l’offre » qu’Emmanuel Macron a toujours prônée – privilégier l’investissement de long terme et le soutien aux entreprises en espérant in fine créer de la croissance et des emplois – et qu’il a encore vantée en début de semaine face aux patrons étrangers, dans le cadre de l’opération de séduction annuelle Choose France.

Pour l’exécutif, la chose est entendue : c’est la politique de l’offre et son corollaire, la baisse de la fiscalité sur le capital et la suppression de l’ISF, qui ont permis de relancer la machine économique tricolore, notamment en dopant son attractivité. Qu’importe que la dynamique ait été enclenchée dès la fin du quinquennat Hollande, avec la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et que les rapports successifs d’économistes peinent à mettre en lumière une relation quantifiable entre la vigueur retrouvée de l’économie et telle ou telle mesure du gouvernement. Les symboles sont aussi importants en économie qu’en politique, et les signaux envoyés aux investisseurs et aux grands patrons depuis cinq ans ont, assurément, joué en faveur de la France. Mais cela méritait-il les sommes dépensées ? Impossible à dire précisément.

 

Le populisme élitiste délibéré de Macron ?

Le populisme élitiste délibéré de Macron ?

 

« [Les] déclarations polémiques d’Emmanuel Macron ne sont pas le fruit pourri d’un dérapage mais font partie d’une stratégie, fondamentalement populiste, adoptée par le chef de l’Etat, écrit Jean-Louis Robert dans le Monde, en réaction aux paroles du président de la République disant vouloir « emmerder » les personnes non vaccinés. [...] Ses propos, souvent pointés comme clivants, le sont intentionnellement. »

 

 

 Tribune

 

Dans la Lettre de Philosophie magazine du 5 janvier 2022, le philosophe Martin Legros se livre à une analyse machiavélienne des récents propos polémiques de notre jupinesque (Jupin : appellation familière de Jupiter chez La Fontaine) président. Ce dernier (qui sera, peut-être, de nouveau le premier) s’en prend aux non-vaccinés, qu’il qualifie d’« irresponsables » dans la mesure où « ils sapent la solidité de la nation » et « menacent la liberté des autres » ; il a donc « très envie de les emmerder »

Martin Legros convoque alors Le Prince de Machiavel, qu’Emmanuel Macron aurait oublié, bien qu’il lui ait consacré son mémoire de philosophie. Pour le penseur florentin, « le Prince doit penser à fuir les choses qui le rendent odieux et méprisable : toutes les fois qu’il aura fait cela, il aura rempli son rôle […] ». Ne pas susciter la haine et le mépris, en recherchant l’estime de ses sujets (de ses concitoyens, pour actualiser), grâce à la mise en pratique d’une vertu cardinale, la constance en l’occurrence. Le meilleur moyen de conserver le pouvoir, qui n’exclut pas des prises de position difficiles, c’est la valeur de la relation que l’on a su établir avec le peuple.

On peut, sans risquer de se tromper, estimer que l’aveu d’un désir d’emmerdement, dont pâtiraient les non-vaccinés, n’est en aucun cas de nature à améliorer la qualité de la relation de Macron avec ceux-là, et plus généralement avec tous ceux qui se sont déclarés choqués par la vulgarité du verbe utilisé. Pour ces derniers, c’est l’acte même de la profération de l’énoncé polémique qui, revêtant un aspect excrémenteux, souille la majesté de l’Etat. Rappelons que celle-ci avait déjà été mise en mal par l’exercice des deux précédents présidents. Emmanuel Macron ne fait qu’amplifier cette tendance.

Le détour par Machiavel, certes pertinent, n’épuise pas l’interprétation du phénomène analysé. Il faudrait resituer les paroles du chef de l’Etat dans le contexte de notre époque. Il règne dans le monde d’aujourd’hui, selon le politologue Pierre Rosanvallon, une atmosphère de « populisme diffus », au-delà des populismes doctrinalement définis. Ainsi, le mouvement En marche, créé par Emmanuel Macron, se signale par une verticalité typiquement populiste, alors que ses idées s’inscrivent dans une configuration clairement libérale. On retrouve aussi cette verticalité dans le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, La France insoumise.

Une stratégie fondamentalement populiste

Si l’on suit Ernesto Laclau, « le populisme n’est pas une idéologie mais un mode de construction du politique » ; le même penseur voit dans le projet populiste une radicalisation de la politique comme processus de construction et d’activation d’un rapport ami/ennemi. Dans cette configuration, le registre des passions et des émotions joue un rôle décisif dans la mobilisation politique ; c’est là un phénomène nouveau, car les affrontements s’organisaient auparavant autour des catégories collectives (la bourgeoisie) ou des icônes idéalisées (la Patrie), les unes et les autres abstraites. Les mouvements populistes insistent maintenant sur la puissance des affects pour construire le sentiment qu’il existe des mondes étrangers qui se font face, entre « eux » et « nous » ; cela ne peut s’exprimer que par une rhétorique violente.

Pour revenir aux déclarations polémiques d’Emmanuel Macron, elles ne sont pas, à mon sens, le fruit pourri d’un dérapage mais elles font partie d’une stratégie, fondamentalement populiste, adoptée par le chef de l’Etat. Ce dernier a, me semble-t-il, parfaitement saisi, à l’instar d’autres leaders populistes ou pas, le rôle joué par les émotions dans la sphère politique. Ses propos, souvent pointés comme clivants, le sont intentionnellement.

 Ainsi, en disant ce qu’il a dit au moment où il l’a dit, il espère introduire une sorte d’antagonisme – concept central chez Laclau qui caractérise des conflits pour lesquels il ne peut exister d’issue rationnelle et pacifique – entre les vaccinés, citoyens par excellence participant de façon responsable à la nation, et ces « irresponsables » de non-vaccinés qu’il faut donc « emmerder » par des incitations négatives, car réfractaires à la persuasion douce. Il veut ainsi amplifier la réprobation suscitée dans les réseaux sociaux par les images d’antivax, agressifs, vociférant près de l’Assemblée nationale.

Pour finir, on assiste à une « zemmourisation » de la stratégie de Macron – une jupinisation de Jupiter – lisible dans sa phraséologie, en vue de la conservation du pouvoir en 2022. On peut prédire l’extension du phénomène à (presque) tous les candidats à la présidentielle, favorisée par l’atmosphère de populisme diffus qui règne dans notre monde.

Jean-Louis Robert, Sainte-Clotilde (La Réunion)

Politique « Emmerder » : Macron fait dans le populisme vulgaire (presse étrangère)

Politique « Emmerder » : Macron  fait dans le populisme vulgaire (presse étrangère)

 

 

La plupart des organes de presse étrangers considèrent qu’ avec son expression « emmerder les Français », Macron à délibérément choisi de provoquer avec ce populisme vulgaire qui n’est qu’un élitisme condescendant et méprisant.

Plusieurs médias soulèvent la contradiction entre ces propos jugés « insultants » et les récentes promesses d’apaisement de la part du chef de l’Etat français. « Drôle de discours pour quelqu’un qui, il y a trois semaines, faisait ce mea culpa : “Il y a des mots qui peuvent blesser et je pense que ce n’est jamais bon, c’est même inacceptable, car le respect fait partie de la vie politique” », s’étonne ainsi le journal belge L’Echo. « Mi-décembre, Emmanuel Macron reconnaissait, dans un entretien diffusé par TF1 (…), avoir pu heurter des personnes avec ses saillies », rappelle également Le Temps. A ce moment-là, « il a cherché à projeter plus d’empathie »estime le Financial Times, selon lequel le quasi-candidat à sa réélection veut ainsi se montrer plus « combatif » aux yeux de l’électorat.

Le journal suisse, Le Temps , remarque également que l’actuel locataire de l’Elysée est « coutumier des déclarations cinglantes, au risque de déclencher une vive polémique ». Le Financial Times se souvient de ces multiples remarques jugées « arrogantes » et « méprisantes » :

« Comme lorsqu’il a dit à un jardinier au chômage qu’il pouvait facilement lui trouver un emploi en traversant la rue ou lorsqu’il a critiqué le “pognon de dingue” dépensé par l’Etat pour des programmes de lutte contre la pauvreté. »

 « Même si le langage est grossier et peut provoquer une réaction extrême, voire violente, de la part des anti-vaccins, les remarques du président semblent refléter un calcul politique prudent »juge pour sa part Jon Henley, correspondant du Guardian à Paris, traduisant « emmerder » par « to piss off » (« faire chier »), comme la plupart de ses confères anglophones.

La déclaration de M. Macron semble viser « à politiser encore plus le débat sur la vaccination, trois mois avant l’élection présidentielle française »juge également Euronews,

« Emmerder » : Macron fait dans le populisme vulgaire (presse étrangère)

« Emmerder » : Macron  fait dans le populisme vulgaire (presse étrangère)

 

 

La plupart des organes de presse étrangers considèrent qu’ avec son expression « emmerder les Français », Macron à délibérément choisi de provoquer avec ce populisme vulgaire qui n’est qu’un élitisme condescendant et méprisant.

Plusieurs médias soulèvent la contradiction entre ces propos jugés « insultants » et les récentes promesses d’apaisement de la part du chef de l’Etat français. « Drôle de discours pour quelqu’un qui, il y a trois semaines, faisait ce mea culpa : “Il y a des mots qui peuvent blesser et je pense que ce n’est jamais bon, c’est même inacceptable, car le respect fait partie de la vie politique” », s’étonne ainsi le journal belge L’Echo. « Mi-décembre, Emmanuel Macron reconnaissait, dans un entretien diffusé par TF1 (…), avoir pu heurter des personnes avec ses saillies », rappelle également Le Temps. A ce moment-là, « il a cherché à projeter plus d’empathie »estime le Financial Times, selon lequel le quasi-candidat à sa réélection veut ainsi se montrer plus « combatif » aux yeux de l’électorat.

Le journal suisse, Le Temps , remarque également que l’actuel locataire de l’Elysée est « coutumier des déclarations cinglantes, au risque de déclencher une vive polémique ». Le Financial Times se souvient de ces multiples remarques jugées « arrogantes » et « méprisantes » :

« Comme lorsqu’il a dit à un jardinier au chômage qu’il pouvait facilement lui trouver un emploi en traversant la rue ou lorsqu’il a critiqué le “pognon de dingue” dépensé par l’Etat pour des programmes de lutte contre la pauvreté. »

 « Même si le langage est grossier et peut provoquer une réaction extrême, voire violente, de la part des anti-vaccins, les remarques du président semblent refléter un calcul politique prudent »juge pour sa part Jon Henley, correspondant du Guardian à Paris, traduisant « emmerder » par « to piss off » (« faire chier »), comme la plupart de ses confères anglophones.

La déclaration de M. Macron semble viser « à politiser encore plus le débat sur la vaccination, trois mois avant l’élection présidentielle française »juge également Euronews,

Politique– Démocratie et populisme: ne pas confondre cause et effet

Politique– Démocratie et populisme: ne pas  confondre cause et effet 

Le recul démocratique en Europe centrale et orientale s’explique notamment par des problèmes structurels, estime le maire de Budapest,Gergely Karacsony , qui appelle, dans une tribune au « Monde », à une régulation du capitalisme en vue de « corriger les injustices sociales » qui poussent les citoyens vers les mouvements nationalistes.(extrait)

 

Ma conscience politique est née avec les changements systémiques survenus à la suite de l’effondrement du communisme en Hongrie, en 1989. Je fus à la fois fasciné et enchanté par la démocratisation rapide de mon pays.

Adolescent, je parvins à persuader ma famille de me conduire à la frontière autrichienne, pour observer l’histoire de mes propres yeux : le démantèlement du rideau de fer, évolution qui permit aux réfugiés est-allemands de gagner l’Ouest. A la lecture de nombreux journaux nouveaux, et assistant aux rassemblements de partis politiques démocratiques alors nouvellement créés, je fus à l’époque absorbé par l’atmosphère d’une espérance sans limite pour notre avenir.

Aujourd’hui, ces réactions apparaissent comme de la naïveté enfantine, ou du moins comme le produit d’un état d’esprit idyllique. Car la démocratie et l’avenir de la civilisation humaine sont actuellement en grand danger, menacés par des crises qui se chevauchent, à facettes multiples.

Trois décennies après l’effondrement du communisme, nous sommes de nouveau confrontés en Europe à des forces politiques antidémocratiques, dont les actions ressemblent souvent à celles des communistes d’hier, à cela près qu’elles font aujourd’hui campagne sur un populisme autoritaire et nationaliste.

A l’instar des communistes d’autrefois, ces mouvements s’en prennent aux « agents étrangers », aux « ennemis de l’Etat » – comprenez : quiconque s’oppose à leurs valeurs ou préférences politiques – et dénigrent encore l’Occident, en employant bien souvent les mêmes termes abusifs entendus sous l’ère communiste. Leurs pratiques politiques érodent les normes et institutions démocratiques, détruisent la sphère publique et intoxiquent mentalement les citoyens au travers de mensonges et de manipulations.

Le populisme nationaliste a tendance à s’axer sur un seul objectif : monopoliser le pouvoir étatique et tous ses actifs. Dans le cas de mon pays, le régime du premier ministre, Viktor Orban, s’est accaparé la quasi-totalité de l’Etat par une habile manipulation des institutions démocratiques, et une entreprise de corruption de l’économie. Les élections parlementaires en avril 2022 (lors desquelles j’affronterai Orban) seront décisives pour ce qui est de savoir si la captation de l’Etat en Hongrie peut encore être inversée.

 

C’est encore possible, de mon point de vue. Imputer aux populistes la responsabilité entière de l’érosion de notre démocratie reviendrait toutefois à confondre cause et effet.

Démocratie et populisme: ne pas confondre cause et effet

 Démocratie et populisme: ne pas  confondre cause et effet 

 

Le recul démocratique en Europe centrale et orientale s’explique notamment par des problèmes structurels, estime le maire de Budapest,Gergely Karacsony , qui appelle, dans une tribune au « Monde », à une régulation du capitalisme en vue de « corriger les injustices sociales » qui poussent les citoyens vers les mouvements nationalistes.(extrait)

 

Ma conscience politique est née avec les changements systémiques survenus à la suite de l’effondrement du communisme en Hongrie, en 1989. Je fus à la fois fasciné et enchanté par la démocratisation rapide de mon pays.

Adolescent, je parvins à persuader ma famille de me conduire à la frontière autrichienne, pour observer l’histoire de mes propres yeux : le démantèlement du rideau de fer, évolution qui permit aux réfugiés est-allemands de gagner l’Ouest. A la lecture de nombreux journaux nouveaux, et assistant aux rassemblements de partis politiques démocratiques alors nouvellement créés, je fus à l’époque absorbé par l’atmosphère d’une espérance sans limite pour notre avenir.

Aujourd’hui, ces réactions apparaissent comme de la naïveté enfantine, ou du moins comme le produit d’un état d’esprit idyllique. Car la démocratie et l’avenir de la civilisation humaine sont actuellement en grand danger, menacés par des crises qui se chevauchent, à facettes multiples.

Trois décennies après l’effondrement du communisme, nous sommes de nouveau confrontés en Europe à des forces politiques antidémocratiques, dont les actions ressemblent souvent à celles des communistes d’hier, à cela près qu’elles font aujourd’hui campagne sur un populisme autoritaire et nationaliste.

A l’instar des communistes d’autrefois, ces mouvements s’en prennent aux « agents étrangers », aux « ennemis de l’Etat » – comprenez : quiconque s’oppose à leurs valeurs ou préférences politiques – et dénigrent encore l’Occident, en employant bien souvent les mêmes termes abusifs entendus sous l’ère communiste. Leurs pratiques politiques érodent les normes et institutions démocratiques, détruisent la sphère publique et intoxiquent mentalement les citoyens au travers de mensonges et de manipulations.

 

Le populisme nationaliste a tendance à s’axer sur un seul objectif : monopoliser le pouvoir étatique et tous ses actifs. Dans le cas de mon pays, le régime du premier ministre, Viktor Orban, s’est accaparé la quasi-totalité de l’Etat par une habile manipulation des institutions démocratiques, et une entreprise de corruption de l’économie. Les élections parlementaires en avril 2022 (lors desquelles j’affronterai Orban) seront décisives pour ce qui est de savoir si la captation de l’Etat en Hongrie peut encore être inversée.

 

C’est encore possible, de mon point de vue. Imputer aux populistes la responsabilité entière de l’érosion de notre démocratie reviendrait toutefois à confondre cause et effet.

Un nouveau concept : le populisme scientifique

Un nouveau concept : le populisme scientifique

 

Après avoir ouvert un dialogue nécessaire avec la communauté scientifique dans les années 2000, le mouvement pour une science « participative », plus démocratique, a évolué vers l’anti-élitisme, au risque de l’irrationalité, explique Stéphane Van Damme  (Professeur d’histoire des sciences à l’Ecole normale supérieure -Paris) Dans le Monde (extrait)

 

L’expression « populisme scientifique » est couramment utilisée pour dénoncer différents activistes scientifiques omniprésents dans l’espace public, comme Didier Raoult. En Italie, par exemple, il désigne aussi bien les antivaccins, comme le biologiste Stefano Montanari, que les défenseurs de la science, comme le professeur de virologie Roberto Burioni. Ce dernier a fait l’objet d’une étude approfondie de Pamela Pietrucci, chercheuse à l’université de Copenhague, dirigée par David Gruber et Lynda Olman dans le Routledge Handbook for Language and Science, en 2019.

Très actif sur Twitter et Facebook, Roberto Burioni y mène une guérilla contre les discours antivaccins, et ce dès juin 2018, à l’occasion des mesures prises par le gouvernement. Burioni y défend l’éthique du citoyen-scientifique. Son combat aurait même persuadé Beppe Grillo (idéologue du Mouvement 5 étoiles) de signer son « pacte proscience » lancé en janvier 2019 pour soutenir cette éthique dans les politiques publiques nationales. Cette action témoigne de l’évolution des scientifiques dans ces débats, qui sont passés d’une position de figure morale, comme Langevin, Poincaré ou Einstein, à celle de lanceur d’alerte, mobilisés contre les antisciences.

La popularité de Burioni en Italie tient à la fois à un contexte politique polarisé par la montée des extrêmes et aux formes de sa communication, utilisant de violentes saillies polémiques, connues sur le Web italien sous le terme blastata : un commentaire acerbe et sarcastique attirant des milliers de réponses et visant à démonter les fausses informations. Convaincu que les scientifiques doivent sortir de leur réserve, Burioni n’hésite pas à emprunter la rhétorique forte de ses opposants.

Plus largement, si l’expression polémique de « populisme scientifique » s’est imposée pour qualifier les mouvements antivaccins ou antipasse, elle n’a pas encore été véritablement pensée. Dans Le Siècle du populisme. Histoire, théorie, critique (Seuil, 2020), Pierre Rosanvallon présente le populisme comme une « idéologie cohérente qui offre une vision puissante et attractive de la démocratie, de la société et de l’économie ». Plus qu’un symptôme des radicalisations d’aujourd’hui, cette critique de la modernité démocratique est récurrente dans le temps long de l’histoire des démocraties occidentales.

Du côté de l’histoire des sciences, certains travaux s’inspirent des mêmes constats pour explorer ce phénomène qui hante les rapports entre sciences et démocratie. Niels Mede et Mike Schäfer, de l’université de Zurich, en proposent une analyse riche dans un article paru dans la revue Public Understanding of Science en 2020. Pour eux, ce populisme relié aux sciences émerge dans le sillage du tournant « participatif » des années 2000, qui a vu la revalorisation du rôle des amateurs de science et l’association de citoyens à la prise de décision technique aux côtés d’experts.

Enjeux sociaux: La caricature qui alimente le populisme

Enjeux sociaux: La caricature qui alimente le populisme

 

 

Sur la santé, les retraites ou l’emploi, les élus auraient intérêt à s’appuyer sur les travaux des institutions démocratiques qui représentent la société civile afin d’appréhender ces dossiers dans toute leur complexité, estime, dans une tribune au « Monde », l’ancien secrétaire national de la CFDT Gaby Bonnand.

 

Tribune

 

. La rapidité de l’information permet une plus grande transparence de la vie politique et une plus grande réactivité. En même temps, elle bouscule la démocratie, qui a besoin de temps long. Cette confrontation entre ces deux temps est vitale pour irriguer la démocratie. Le temps long est celui de la prospective, du débat sur les projets ; le temps court, celui de la vie quotidienne des gens, qui ne se programme pas et nécessite des réponses précises et souvent immédiates. Appréhender la complexité de la réalité est encore plus difficile dans une période où le temps court a tendance à ostraciser le temps long.

Le temps court, celui de l’émotion, paraît plus empathique alors que le temps long, plus prospectif, apparaît souvent comme froid et distant. Le temps court permet de se focaliser sur un événement, un sujet d’actualité, d’en décrire la substance, et de créer des dynamiques collectives plus ou moins radicales sur des sujets spécifiques.

Le temps long permet d’identifier les contradictions entre les différents sujets qui ont un impact sur la vie en société, et de les appréhender dans toute leur complexité. Les conclusions qui en sont tirées peuvent sembler éloignées des préoccupations immédiates. Elles sont très souvent moins radicales et peuvent sembler un peu molles.

Une polarisation sur le temps court génère une concurrence des causes, alimente des radicalités, et favorise parfois le populisme. A l’inverse, une polarisation sur le temps long peut aussi éloigner du réel et favoriser une autre radicalité, celle d’un monde meilleur fantasmé, dans lequel les contradictions auraient disparu derrière la pureté de l’analyse et un projet bien construit. Toutes les questions qui se posent à nos sociétés – sécurité, santé, retraite, emploi, transition écologique… – sont percutées par ce conflit entre temps court et temps long.

Les politiques dans leur ensemble, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, n’accordent que très peu d’intérêt aux travaux que peuvent réaliser des institutions sur un certain nombre de ces questions, et notamment celles qui réunissent en leur sein la société civile organisée : le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, ou le Conseil d’orientation des retraites.

A la différence de certains rapports émanant de spécialistes, les travaux de ces institutions sont des constructions collectives. Malgré leurs défauts, ils permettent d’appréhender et de penser l’articulation entre temps court et temps long. Ils peuvent être des supports pour associer une plus grande partie de la société aux transformations nécessaires. Pourtant, le réflexe des responsables politiques au pouvoir n’est pas de s’appuyer sur ces travaux et encore moins sur les acteurs qui y ont contribué. Le dossier retraites en a été un bon exemple, jusqu’à la caricature.

Populisme: une pathologie du malaise démocratique

Populisme: une  pathologie du malaise démocratique 

Dans un entretien au « Monde », l’experte, Chloé Morin,  associée à la Fondation Jean-Jaurès analyse les causes et les symptômes du malaise démocratique français.

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Experte associée à la Fondation Jean-Jaurès, Chloé Morin vient de publier Le Populisme au secours de la démocratie ?, chez Gallimard (collection « Le débat », 176 pages, 12,50 euros)

La crise sanitaire met-elle, selon vous, en lumière les limites de la Ve République ?

Cette crise a rendu saillants de nombreux dysfonctionnements, tant sur le plan administratif que politique. La multiplication des règles tatillonnes, parfois inapplicables, a révélé la déconnexion des élites par rapport au terrain. Le recours à des cabinets de conseil extérieurs a souligné combien certaines compétences essentielles avaient disparu au sein même de l’Etat. Le traitement souvent réservé aux élus locaux ou aux oppositions, voire au Parlement, a démontré combien le pouvoir exécutif peinait à déléguer, à faire confiance, voire à simplement partager l’information. Le fait de confiner un pays entier ne devrait plus relever du simple bon vouloir présidentiel : le Parlement devrait être consulté. Il est temps de changer les institutions.

Le quinquennat a-t-il été une erreur ?

L’inversion du calendrier électoral entre présidentielle et législatives a affirmé la domination de l’exécutif sur le Parlement. Le gouvernement est redevable au président. Et la majorité présidentielle, caporalisée. Le président est la clé de voûte du système, tire sa légitimité directement du peuple, mais finit enfermé dans un dialogue direct, sans intermédiaire, avec lui. Nous concentrons sur sa personne des attentes démesurées, qui sont forcément déçues au bout de quelques mois d’exercice du pouvoir. Ce n’est pas sain.

Pendant le confinement, les Français ont été plus sévères sur l’action du gouvernement qu’ailleurs en Europe. Comment est-on entrés dans cette « ère de l’hyperdéfiance », selon vos mots ?

La crise éprouve notre capacité à décider en commun, à être et à faire ensemble. Or, en France, c’est cela qui dysfonctionne. Plus qu’une crise économique, sanitaire ou sociale, c’est à une crise démocratique à laquelle nous sommes confrontés. Démocratique au sens premier du terme : comment le peuple, demos, exerce le pouvoir, kratos, c’est-à-dire comment il prend des décisions, et comment il se construit un avenir commun. Depuis quelques années, nous assistons à une désolidarisation et à une tribalisation – le repli de chacun sur sa tribu, dans sa bulle – de notre société. Nous doutons de plus en plus de notre capacité à avancer ensemble.

La nostalgie nourrit la pathologie du populisme

La nostalgie nourrit la pathologie du populisme

 

La nostalgie est aujourd’hui devenue un affect politique qui transcende les clivages entre la droite et la gauche, explique l’historien Thomas Dodman dans un entretien au « Monde ».

Thomas W. Dodman est historien, spécialiste de la France à l’époque moderne et de l’Empire. Maître de conférences à l’université de Columbia, il a fait paraître aux Etats-Unis une « histoire de la nostalgie » (What Nostalgia Was : War, Empire, and the Time of a Deadly Emotion, University of Chicago Press, 2018) qui sera publiée en France par les éditions du Seuil en 2022.

Une émotion est née au XXIe siècle : la « solastalgie », détresse psychologique causée par la sensation de vivre un désastre écologique. Les sensibilités et les affects ont donc une histoire ?

L’apparition de la solastalgie et d’un nouveau vocabulaire pour exprimer la façon dont nous ressentons les effets du changement climatique montre comment les affects évoluent au fil de l’histoire. Cela ne va pas de soi : selon une idée répandue, nos émotions seraient universelles, ancrées dans notre évolution génétique et régies en premier lieu par des processus biologiques. Pourtant, les sciences sociales montrent, depuis un certain temps déjà, toute la variété des sensibilités : difficile pour un peuple autochtone vivant dans l’isolement de reconnaître nos émojis, ou pour nous de nous retrouver pleinement dans l’analyse des émotions que donnait Aristote il y a plus de deux mille ans dans sa Rhétorique. Le domaine du sensible a bien une histoire qui vient, qui va et qui change d’un lieu à l’autre.

La solastalgie montre aussi à quel point nos vies affectives relèvent autant du monde extérieur que du for intérieur, autant du collectif que de l’individu, autant de la raison que des pulsions. Lorsque le philosophe Glenn Albrecht invente le terme [en 2003] pour décrire les effets des mines à ciel ouvert dans la Upper Hunter Valley en Australie, il parle à la fois d’une détresse « psychoterratique » due à la destruction du paysage naturel et de certaines formes de vie sociale, et d’une maladie « somaterratique » causée par la pollution atmosphérique, sonore, lumineuse… Il essaie, en d’autres termes, de cerner les multiples façons dont l’histoire se fait corps et esprit.

Le modèle de la solastalgie, remarquez-vous, provient d’un autre trouble psychosomatique : la nostalgie. Quelle est son histoire ?

Si aujourd’hui le terme de nostalgie désigne un regret du passé – un sentiment plutôt bénin et même réconfortant selon certains psychologues –, il n’en a pas toujours été ainsi. Lorsque le jeune étudiant en médecine mulhousien Johannes Hofer crée le néologisme en 1688, c’est pour diagnostiquer une maladie causée par l’expatriation plus ou moins contrainte. Pendant deux siècles, la « nostalgie », appelée communément « mal du pays », sera donc un terme médical, utilisé notamment pour les soldats, les esclaves, les migrants et les colons, et se solde par la mort, faute de traitement approprié.

 

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