Automobile: des règles aussi pour les émissions polluantes hors moteur
« La prise en compte des émissions de freinage et d’usure des pneus constitue une grande avancée, même si elle se fait au prix de quelques renoncements », estime Olivier Blond est président de l’Institut Brunoy pour une écologie des solutions ( dans l’Opinion)
« Echec historique » ou « victoire du lobby automobile » : les associations écologistes critiquent la proposition de norme Euro7, qui vient d’être publiée par la Commission européenne, et définit les obligations européennes en matière de pollution pour les véhicules à partir de 2025. Il est vrai que quatre ans de négociations aboutissent à des propositions assez tièdes. Mais il y a tout de même plusieurs bonnes nouvelles et une logique profonde qu’il faut saluer.
La principale déception, pour les associations écologistes, tient au fait que la norme Euro7 ne propose que des modifications marginales des limites d’émissions pour les voitures. Il y a certes une diminution des niveaux autorisés de dioxyde d’azote (NO2) pour les diesels, mais sur plusieurs autres points, la proposition est en dessous de ce qu’on aurait pu espérer. Toutefois, la nouvelle norme introduit une nouveauté importante : elle impose aux poids lourds et aux camions des niveaux d’émissions similaires à ceux en vigueur pour les voitures, alors qu’ils étaient jusqu’à présent moins exigeants. C’est une très bonne nouvelle car les véhicules professionnels sont responsables d’une part croissante de la pollution (entre un tiers et la moitié) du fait de l’essor de la livraison partout dans le monde.
Deuxième point important : la norme Euro7 introduit – et c’est une première mondiale – des limites pour les émissions hors moteur. C’est là aussi une excellente nouvelle. En effet, la masse des particules émises par l’usure des freins est environ cinq fois plus importante que celles qui sortent du pot d’échappement ; celle des particules émises par l’usure des pneus 1000 fois plus importante ! Et leur impact sanitaire est loin d’être négligeable. Une multitude d’autres points positifs pourrait être évoquée, comme la prise en compte de deux nouveaux polluants, l’ammoniac et le protoxyde d’azote, l’amélioration des tests d’homologation, des exigences plus fortes sur le cycle de vie des véhicules…
Perspective. Mais la Commission se place résolument dans la perspective de la fin des voitures thermiques. Rappelons que la vente de ces véhicules neufs sera interdite d’ici 2035 en Europe, et en 2025 en Norvège, en 2030 au Danemark ou en Suède. Or les voitures électriques n’émettent aucune pollution par leur moteur ; l’enjeu est bien celui des émissions des freins et des pneus. L’autre enjeu est celui des camions thermiques, car ils resteront omniprésents – les technologies électrique, hydrogène ou autres restant encore insuffisamment développées – d’où l’importance de leur appliquer des normes plus exigeantes.
Quid des voitures thermiques qui seront quand même commercialisées d’ici là ? Ici, la logique de la norme sanitaire télescope un enjeu de politique industrielle. D’un côté, les constructeurs automobiles demandent : à quoi bon renforcer les contraintes et alourdir les coûts pour des véhicules qui vont disparaître de toute façon ? C’est détourner des fonds qui manqueront à la transition vers la voiture électrique, affirment-ils. De l’autre côté, l’association Transport & Environnement dénonce une proposition européenne qui laissera en circulation « 100 millions de voitures extrêmement polluantes ».
Les constructeurs ont obtenu gain de cause. Il faut dire que l’argument des associations semble mal calibré. Entre l’entrée en vigueur de la norme (entre 2025 et 2027, selon les catégories de véhicules) et la fin annoncée des véhicules thermiques, la part des véhicules électriques neufs dans les achats va augmenter rapidement. Or, le nombre de 100 millions de voitures thermiques est calé sur un taux d’électrique proche de zéro, manifestement faux. Il s’agira plus probablement de 30 millions, voire moins – les scénarios évoluent rapidement. Cela n’a rien de négligeable et compte pour 10 % du parc automobile européen.
Quant à qualifier les voitures Euro6 d’ « extrêmement polluantes », alors que les systèmes actuels de zones à faibles émissions (ZFE), soutenus par l’Etat et par ces associations, encouragent leur achat, cela semble pour le moins excessif. Une chose est sûre : dans tous les cas, chaque voiture électrique qui remplacera une voiture thermique apportera une amélioration plus importante que celle du remplacement d’une voiture thermique par une autre. L’horizon est donc celui de l’électrification, et les enjeux dépassent ceux d’Euro7, avec la défense d’une production automobile décarbonée et européenne, le recyclage des batteries, la diminution du poids des voitures, etc.
Pour ces raisons, la prise en compte des émissions de freinage et d’usure des pneus constitue une grande avancée, même si elle se fait au prix de quelques renoncements. Comme l’a expliqué Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur : « Certains trouvaient que c’était trop ambitieux, d’autres pas assez. Je crois que nous avons trouvé un bon compromis. »
Olivier Blond est président de l’Institut Brunoy pour une écologie des solutions, auteur de Plaidoyer pour une écologie de droite (Albin Michel, 2022).