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Fleurs et insectes pollinisateurs: le déclin

 

Fleurs  et insectes pollinisateurs: le déclin

 

Alors que le déclin des insectes ne ralentit pas, de nouvelles questions se posent quant à la manière dont les plantes, qui ont besoin des pollinisateurs, s’adaptent. Comment font-elles pour se reproduire dans ces conditions ? Dans une récente étude que nous avons menée, nous comparons des fleurs de pensée des champs (Viola arvensis) poussant aujourd’hui dans la région parisienne à des plantes plus anciennes de la même espèce, « ressuscitées » à partir de graines collectées il y a 20 à 30 ans. Nous avons trouvé que les fleurs actuelles sont 10 % plus petites, produisent 20 % moins de nectar que leurs ancêtres, des caractéristiques importantes pour attirer les pollinisateurs, qui viennent en conséquence moins les visiter. Ces changements montrent que les liens qui nouent les pensées à leurs pollinisateurs sont en train de se rompre. Pour mettre en évidence l’évolution des fleurs actuelles par rapport à leurs ancêtres, nous avons eu recours à une méthode appelée « écologie de la résurrection ». Cette pratique consiste à comparer des individus issus d’une même espèce, mais récoltés à plusieurs années d’intervalle.

 

par 

Doctorant en écologie évolutive, Université de Montpellier dans The Conversation

 

Dans le cas de cette étude, publiée dans le journal scientifique New Phytologist, les plantes anciennes ont été « ressuscitées » depuis des graines collectées dans les années 1990-2000 et conservées par les Conservatoires botaniques nationaux de Bailleul et du Bassin parisien. Ces plantes anciennes ont été comparées à des plantes prélevées en 2021. La comparaison entre les pensées anciennes et leurs descendantes poussant de nos jours dans les mêmes champs du Bassin parisien permet de comprendre l’évolution de l’espèce au cours de ces 20 à 30 dernières années.

C’est ainsi que nous avons pu étudier l’évolution de quatre populations de pensées des champs, une plante messicole, c’est-à-dire une plante sauvage présente dans les cultures agricoles, dans le Bassin parisien. Les plantes messicoles jouent un rôle important dans les services de pollinisation en attirant les insectes pollinisateurs et en leur offrant une ressource diversifiée. Le déclin de l’attractivité des messicoles pourrait diminuer l’attraction des pollinisateurs, pourtant nécessaires aux bons rendements de 75 % des cultures agricoles.

La moindre attractivité des fleurs pour les pollinisateurs est vraisemblablement leur réponse au déclin des insectes durant les dernières décennies, rapporté par plusieurs études à travers l’Europe. Plus de 75 % de la biomasse d’insectes volants, dont font partie les pollinisateurs, a disparu dans les aires protégées allemandes en 30 ans. Les pensées des champs, comme la majorité des plantes à fleurs, sont le fruit d’une coévolution avec leurs pollinisateurs durant des millions d’années pour arriver à une relation à bénéfice réciproque. La plante produit du nectar pour les insectes, et les insectes en contrepartie assurent le transport du pollen entre fleurs, assurant leur reproduction.

Avec le déclin des pollinisateurs, et donc du transfert de pollen entre fleurs, la reproduction des plantes devient plus difficile. Les résultats de cette étude révèlent que les pensées sont donc en train d’évoluer afin de se passer des pollinisateurs pour leur reproduction. Elles pratiquent de plus en plus l’autofécondation, qui consiste à se reproduire avec soi-même, ce qui est possible pour les plantes hermaphrodites, soit 90 % des plantes à fleurs environ.

Une évolution similaire a déjà été observée lors d’expériences où des plantes, en seulement quelques générations et en l’absence de pollinisateurs se reproduisent plus par autofécondation et produisent des fleurs avec moins de nectar et moins attractives que leurs congénères pollinisées par des insectes. Notre étude est en revanche la première à montrer que le déclin des pollinisateurs pourrait déjà être responsable d’une évolution vers l’autofécondation dans la nature.

L’autofécondation est une stratégie reproductive qui peut être efficace sur le court terme mais qui limiterait la capacité de l’espèce à s’adapter aux changements environnementaux futurs en réduisant la diversité génétique, ce qui augmenterait donc les risques d’extinction.

Ces résultats sont également une mauvaise nouvelle pour les pollinisateurs et le reste de la chaîne alimentaire. Notre étude a en effet mis en évidence un cercle vicieux : une réduction de la production de nectar par les plantes signifie moins de nourriture pour les insectes, ce qui peut à son tour contribuer à menacer les populations de pollinisateurs. Nous montrons que le déclin des pollinisateurs n’a pas que des conséquences démographiques mais également évolutives qui sont d’autant plus difficiles à inverser.

Biodiversité : les insectes pollinisateurs toujours menacés

Biodiversité : les  insectes pollinisateurs toujours menacés

souligne dans une tribune au « Monde » Nicolas Laarman, délégué général de Pollinis.

 

Tribune. (extrait)

 

La nouvelle mouture du Plan national en faveur des insectes pollinisateurs du gouvernement – sa feuille de route face à la disparition accélérée de ces insectes indispensables – a été présentée le 11 juin et fait actuellement l’objet d’une consultation publique. Seul un mince volet concerne les pesticides, qui compte désormais la révision de l’« arrêté abeilles », prévoyant de limiter l’usage de certains pesticides pendant les périodes de floraison ou uniquement au moment du coucher du soleil, ainsi qu’un « renforcement du système d’homologation des pesticides aux niveaux européen et national ».

Sur ce nouveau point, crucial, le gouvernement se contente d’une annonce floue et superficielle pendant que le débat se focalise opportunément sur les horaires d’épandage, en entretenant la confusion entre abeilles domestiques et pollinisateurs sauvages. Les horaires d’épandage aideront peut-être marginalement les abeilles domestiques, contraintes de plus en plus souvent de butiner dans les grandes cultures et des vergers saturés de pesticides…


Mais « l’arrêté abeilles » n’aura qu’un impact négligeable sur la sauvegarde des milliers d’espèces de pollinisateurs sauvages – papillons, abeilles sauvages (bourdons, osmies, andrènes, eucères…), syrphes… Problème : ce sont eux, et non les abeilles domestiques, les véritables garants de la pollinisation. Grâce à la grande variété de leurs caractéristiques physiques (poils auxquels s’attache le pollen, langues de différentes tailles capables de butiner tous types de fleurs sur divers temps de floraison), ils pollinisent les fleurs sauvages et une très grande partie de nos cultures : d’eux dépend notre sécurité alimentaire.

La responsabilité des pratiques agricoles

Ces précieux insectes évoluent aujourd’hui dans des milieux contaminés par des substances hautement toxiques, qui interagissent entre elles dans des proportions inconnues, et qu’on retrouve dans les poussières, l’air, les eaux de surfaces, les rivières, les fleurs sauvages qu’ils butinent, les sols, où nichent la plupart des abeilles solitaires et où les molécules persistent souvent plusieurs années.

Qu’importe alors que ces substances soient pulvérisées de nuit ? Vont-elles disparaître à l’aube, comme par magie ? Quid des innombrables espèces de papillons de nuit, incontournables pollinisateurs dont les populations s’effondrent en France et en Europe. Depuis vingt-cinq ans, plus d’un millier d’études scientifiques documentent les effets létaux des pesticides sur les pollinisateurs.

Environnement : les insectes pollinisateurs toujours menacés

Environnement : les  insectes pollinisateurs toujours menacés

souligne dans une tribune au « Monde » Nicolas Laarman, délégué général de Pollinis.

 

Tribune. (extrait)

 

La nouvelle mouture du Plan national en faveur des insectes pollinisateurs du gouvernement – sa feuille de route face à la disparition accélérée de ces insectes indispensables – a été présentée le 11 juin et fait actuellement l’objet d’une consultation publique. Seul un mince volet concerne les pesticides, qui compte désormais la révision de l’« arrêté abeilles », prévoyant de limiter l’usage de certains pesticides pendant les périodes de floraison ou uniquement au moment du coucher du soleil, ainsi qu’un « renforcement du système d’homologation des pesticides aux niveaux européen et national ».

Sur ce nouveau point, crucial, le gouvernement se contente d’une annonce floue et superficielle pendant que le débat se focalise opportunément sur les horaires d’épandage, en entretenant la confusion entre abeilles domestiques et pollinisateurs sauvages. Les horaires d’épandage aideront peut-être marginalement les abeilles domestiques, contraintes de plus en plus souvent de butiner dans les grandes cultures et des vergers saturés de pesticides…


Mais « l’arrêté abeilles » n’aura qu’un impact négligeable sur la sauvegarde des milliers d’espèces de pollinisateurs sauvages – papillons, abeilles sauvages (bourdons, osmies, andrènes, eucères…), syrphes… Problème : ce sont eux, et non les abeilles domestiques, les véritables garants de la pollinisation. Grâce à la grande variété de leurs caractéristiques physiques (poils auxquels s’attache le pollen, langues de différentes tailles capables de butiner tous types de fleurs sur divers temps de floraison), ils pollinisent les fleurs sauvages et une très grande partie de nos cultures : d’eux dépend notre sécurité alimentaire.

La responsabilité des pratiques agricoles

Ces précieux insectes évoluent aujourd’hui dans des milieux contaminés par des substances hautement toxiques, qui interagissent entre elles dans des proportions inconnues, et qu’on retrouve dans les poussières, l’air, les eaux de surfaces, les rivières, les fleurs sauvages qu’ils butinent, les sols, où nichent la plupart des abeilles solitaires et où les molécules persistent souvent plusieurs années.

Qu’importe alors que ces substances soient pulvérisées de nuit ? Vont-elles disparaître à l’aube, comme par magie ? Quid des innombrables espèces de papillons de nuit, incontournables pollinisateurs dont les populations s’effondrent en France et en Europe. Depuis vingt-cinq ans, plus d’un millier d’études scientifiques documentent les effets létaux des pesticides sur les pollinisateurs.




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