Hamon : » les patrons font trop de politique» et les politiques pas assez d’économie ?
Trop de politique pour les patrons mais dommage que les politiques ne connaissent rien à l’économie !. En présence d’une dizaine de journalistes et de quelques photographes, Benoît Hamon a effectué mercredi le service après-vente de son projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, présenté plus tôt dans la journée en conseil des ministres et débattu à partir du mois d’octobre au Parlement. Pour expliquer le texte à la presse et en défendre le contenu, il a choisi de se rendre dans une petite structure coopérative : la société Tribu, un bureau d’étude technique spécialisé en développement durable et urbanisme situé dans le 19e arrondissement parisien. Le ministre délégué à la Consommation et à l’Economie sociale et solidaire a un objectif précis : expliquer en détail la partie de son projet de loi consacré aux Scop, les sociétés coopératives et participatives. Ce statut permet aux salariés d’être propriétaires de leur entreprise, l’un d’entre eux étant élu à la majorité « gérant ». Pour Benoît Hamon, la société Tribu, devenue une Scop en 2009, est un modèle que le gouvernement compte promouvoir : « Aujourd’hui, les Scop emploient 40.000 personnes en France. D’après notre étude d’impact, les mesures du projet de loi pourraient faire grimper ce chiffre à 80.000. » Benoît Hamon propose deux leviers : la création d’un statut transitoire de « scop d’amorçage », permettant aux salariés d’être minoritaires au capital le temps de réunir les fonds pour devenir majoritaires, et surtout « le droit à l’information ». Ce dernier permettra aux salariés d’être informés de la vente de leur entreprise deux mois avant. Un délai qui doit donner le temps aux salariés de formuler une offre de reprise (que ce soit une Scop ou un autre modèle coopératif). Cette seule mesure a déclenché l’ire de certains patrons – qui, par ailleurs, ne critiquent pas davantage le reste du projet de loi. L’argument qui revient le plus souvent est celui de la confidentialité. En informant ses salariés, un patron rendra public deux mois avant son désir de vendre l’entreprise. « Je trouve cette idée très dangereuse car, en cas de cession, la discrétion est un élément crucial’, commente dans un communiqué Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CGPME. « Une fuite peut faire d’immenses dégâts auprès des fournisseurs, des clients et des créanciers », ajoute encore le représentant de la CGPME Autre organisation patronale à soulever le problème : le Medef. Sur France Inter le 17 juillet dernier, Pierre Gattaz a évoqué « une contrainte supplémentaire sur le dos des entreprises, qui dégrade l’attractivité du terreau France ». Interrogé par le site de L’Expansion, Thierry Viquerat, président du Fonds d’intervention pour les PME, souligne, lui, le « flou » qui entoure l’enclenchement du délai de deux mois. « Ils font un peu trop de politique », soupire Benoît Hamon,. Pour le ministre délégué, « il y a eu une montée de fièvre des organisations patronales, qui ont pourtant été consultées depuis un an ». Sur le délai de deux mois, il explique ainsi avoir fixé cette période après un tour de table complet de tous les acteurs du secteur. Présent mercredi, le président de la Confédération générale des Scop, Patrick Lenancker, confirme auprès du JDD.fr : « Nous avons discuté avec tout le monde. Après, les modalités peuvent toujours être débattues mais l’enjeu, soutenir les Scop, est acté. C’est le principal. » « Nous nous sommes basés sur les expériences passées », insiste le ministre renversant l’un des arguments de ses opposants : « Deux mois, c’est assez long pour permettre aux salariés de se mobiliser et de trouver les financements et assez court pour éviter de perdre des clients ou des fournisseurs. » A ses côtés, le co-gérant de Tribu Alain Bornarel confirme : « Au moment de notre passage en Scop, il n’y a eu aucune réaction de nos clients, dans un sens ni dans l’autre. » Ce délai de deux mois et plus généralement le « droit à l’information » devraient être au cœur du débat parlementaire, lequel débutera en octobre au Sénat. « Je sens les députés davantage aller dans mon sens », assure le ministre délégué avant de filer la métaphore rugbystique : « Nous sommes en entrée de mêlée et la proposition, à la sortie, ne pourra que renforcer les salariés. » Craint-il un coup de force de la part des organisations patronales? « Il est impensable de se réfugier derrière une idéologie », déclare-t-il avant de lancer : « Qui peut faire l’impasse sur un secteur, l’économie sociale et solidaire, qui représente 10% du PIB? » Pour lui, « il ne faut faire l’impasse sur aucune solution pour sauver des emplois ». Son projet de loi – « un choc coopératif », promet-il – va « tracer la bonne voie pour l’emploi ».