L’inflation: l’impôt le plus injuste
Alors que les banquiers centraux se réunissent au Portugal du 27 au 29 juin, Luiz Pereira da Silva, numéro deux de la Banque des règlements internationaux, avertit du danger de basculer dans un régime de haute inflation.( intreview dans le Monde)
Avec le grand retour de l’inflation, les banques centrales sont au cœur des débats. La Banque centrale européenne (BCE) organise, à partir de lundi 27 juin, son grand forum annuel à Sintra, au Portugal, réunissant notamment les patrons de la Réserve fédérale américaine (Fed), de la BCE et de la Banque d’Angleterre. Au même moment, la Banque des règlements internationaux (BRI), organisme international surnommé « la banque centrale des banques centrales », a publié, dimanche 26 juin, son rapport annuel. Luiz Pereira da Silva, son vice-directeur général, avertit du danger de basculer dans un régime de haute inflation.
L’inflation atteint 8,1 % en zone euro, 9,1 % au Royaume-Uni, 8,6 % aux Etats-Unis. Comment y faire face ?
Je viens d’un pays en développement, je suis Brésilien. J’ai une mémoire particulièrement vive de ce qu’est l’inflation. C’est l’impôt le plus régressif possible : ça rogne les salaires, ça affecte la vie des plus pauvres, ça pèse sur le pouvoir d’achat des salariés, ça empêche de se projeter dans l’avenir.
Il faut donc tout faire pour empêcher l’inflation de changer de régime, c’est-à-dire de passer à une hausse des prix durable et élevée, qui se répande dans l’ensemble de l’économie. Cela nécessite d’ancrer dans les anticipations des agents économiques, dans la tête des gens, que cette situation ne pas va durer. Comment le faire ? C’est le travail des banques centrales de ramener l’inflation à un niveau bas et stable. Elles sont d’ailleurs toutes en train d’agir. Elles ont l’expérience et les instruments pour y parvenir.
L’inflation touche d’abord les plus pauvres, les salariés, les personnes qui n’ont pas la possibilité de protéger leurs revenus par des outils financiers indexés sur la hausse des prix. Cela signifie une instabilité beaucoup plus grande en matière de décision d’investissement, une croissance plus faible… On fait face à une incertitude quant à son revenu à la fin du mois, à son pouvoir d’achat, au bon investissement à faire dans l’économie. C’est pour cela que les banques centrales ont un rôle décisif à jouer.
Il faut les voir comme des pourvoyeuses d’un bien commun, à savoir la stabilité financière et des prix. C’est ce bien commun qui permet de réfléchir à la croissance de long terme. C’est un socle qui permet de s’engager dans des réformes structurelles avec beaucoup plus de consensus social. Là encore, croyez en l’expérience d’un pays émergent : réaliser des réformes pour la croissance en période d’instabilité financière et des prix est quelque chose de très difficile, voire impossible. Il faut d’abord mettre en place les fondations de la maison avant de pouvoir discuter du reste…