Ne pas transformer le référendum en plébiscite
Revenant sur les propositions d’Emmanuel Macron allant dans le sens d’une extension du référendum, la juriste souligne, dans une tribune au « Monde », que si une telle extension est souhaitable, des garanties doivent être mises en place pour éviter qu’il ne serve à un renforcement des pouvoirs du président.
A en croire le discours tenu par Emmanuel Macron, mercredi 4 octobre, au Conseil constitutionnel, il n’est pas question pour le président de la République de mettre notre Constitution à la retraite pour ses 65 ans. Très optimiste sur le caractère démocratique de la Ve République, il en a vanté les mérites et a exclu de changer de régime ou de réduire les pouvoirs du chef de l’Etat, pourtant excessifs. Jusqu’ici, les conséquences de l’interprétation trop large des pouvoirs présidentiels (hors cohabitation) n’ont pas été dramatiques. Mais qu’en sera-t-il si un président moins démocrate est élu ?
Plusieurs tentatives d’Emmanuel Macron pour réviser la Loi fondamentale ont déjà été bloquées par le Sénat dans le passé. L’article 89 de la Constitution, le seul qui concerne sa révision, prévoit en effet la possibilité d’une initiative de l’exécutif ou du législatif en la matière, initiative suivie d’un vote par chacune des Chambres et enfin d’un référendum, sauf si le président préfère soumettre un projet au Congrès, statuant à la majorité des trois cinquièmes. Cette procédure est lourde à dessein, afin d’éviter des révisions intempestives et donc dangereuses de la Constitution.
Le président du Conseil constitutionnel [Laurent Fabius] a récemment rappelé que la Constitution ne pouvait être révisée qu’en vertu de l’article 89, et non de l’article 11, comme le fit Charles de Gaulle avec succès en 1962 avant d’échouer lors d’une seconde tentative en 1969. Sans l’aval du Sénat – donc de la droite, puisqu’il est presque toujours de droite –, il est donc aujourd’hui impossible de réviser notre norme suprême.
Conscient de cela, Emmanuel Macron ne tente dès lors que des retouches consensuelles, trop vagues à ce jour pour être évaluées : il propose de constitutionnaliser l’IVG [interruption volontaire de grossesse] et la protection du climat, de donner une autonomie accrue à la Nouvelle-Calédonie et à la Corse et de favoriser le recours au référendum.
Aujourd’hui, le recours à ce dispositif est en effet limité par l’article 11 aux questions touchant à l’organisation des pouvoirs publics, aux réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, et à la ratification de certains traités. Ce champ pourrait être plus ou moins élargi ; il est même envisageable de rendre le référendum possible dans tous les domaines hormis quelques-uns, comme la loi budgétaire.