Archive pour le Tag 'plates-formes'

La guerre des plates-formes américaines contre la régulation européenne

La guerre des plates-formes américaines contre la régulation européenne

 

« La régulation européenne qui entrave la loi des plateformes est insupportable aux géants américains de la tech »


par Patrick Barban

Professeur de droit privé à CY Cergy-Paris Université

Un geste de Mark Zuckerberg a suffi pour que les règles de Meta mutent en l’espace d’une journée. Or, si la « loi des plateformes » n’est guère qu’un contrat, ce dernier est soumis à un ensemble de règles permettant de protéger les utilisateurs et de s’assurer que les informations transmises respectent les valeurs propres de cet Etat, rappelle le juriste Patrick Barban, dans une tribune au « Monde ».

Comment Mark Zuckerberg a-t-il pu aussi rapidement modifier les règles de ses plateformes Meta pour les aligner à son revirement politique en faveur de Donald Trump ? En une journée, il a pu supprimer le fact-checking, autoriser les commentaires discriminants vis-à-vis des personnes LGBT+ et des femmes. Plus récemment, sa plateforme a été accusée d’invisibiliser des publicités et des profils promouvant la pilule du lendemain.

La clé de voûte de l’architecture des réseaux sociaux de Meta (3 milliards d’utilisateurs) réside dans les fameux « standards de la communauté » qui contiennent les règles de modération et constituent, chez Meta, ce que l’on pourrait appeler une « loi des plateformes ». La même structure existe sur toutes les autres plateformes, à commencer par X.

C’est en effet ce texte qui juridiquement permet à Meta de coordonner la modération et de sanctionner les utilisateurs récalcitrants par des techniques de shadow ban [bannissement caché] consistant à masquer du contenu, à supprimer des publications ou des profils. Or, dans une société privée de type Meta, ces règles sont sous le contrôle de la seule société, elle-même sous le contrôle d’un unique homme.

Quand cet homme passe de démocrate soucieux de respect des différentes minorités sur ses réseaux à républicain masculiniste, il suffit d’un geste de sa part pour que l’infrastructure mute entièrement en l’espace d’une journée. La mue est totale et Meta va passer du relativement bon élève de la modération à un ersatz de ce qu’est devenu le réseau X.

Cette « loi des plateformes » est la clé du pouvoir juridique au sein du réseau. Il s’agit banalement d’un contrat, c’est-à-dire d’un accord de volontés entre l’exploitant de la plateforme et son utilisateur, reproduit en très grand nombre.

Business et nouvelles technologies : Les plates-formes (et autres chatGPT) pillent les opérateurs et créateurs de contenus

Business et nouvelles technologies : Les plates-formes (et autres chatGPT) pillent les opérateurs et créateurs de contenus


L’économiste Edmond Baranes considère, dans une tribune au « Monde », que le coût des investissements dans les télécoms repose sur les seuls opérateurs, alors que les plates-formes en sont les premières bénéficiaires.

La croissance vertigineuse du trafic de données a rendu les relations entre les opérateurs de télécommunications et les géants du numérique de plus en plus délicates. La poule aux œufs d’or est en effet le contenu, de la vidéo aux jeux, de la diffusion en direct aux publications sur les réseaux sociaux. Or, les entreprises qui sont chargées de délivrer ce contenu ne sont pas celles qui le monétisent.

La diffusion de contenu nécessite une infrastructure de réseau de qualité, intensive en capital et déployée principalement par les opérateurs télécoms. Le besoin d’investissement pour atteindre les objectifs de connectivité fixés par l’Union européenne est estimé à au moins 174 milliards d’euros supplémentaires. Ce financement et celui nécessaire au fonctionnement et à la maintenance des réseaux proviennent de l’industrie européenne des télécoms. Le modèle économique de ces opérateurs repose principalement sur un côté du marché : les consommateurs, facturés chaque mois.

De l’autre côté du marché, les fournisseurs de contenus ont connu une croissance économique remarquable en s’appuyant sur cette infrastructure. Les géants Facebook, Amazon, Netflix et Google ont développé des modèles commerciaux sophistiqués qui leur permettent de gagner de l’argent grâce à la publicité, à la monétisation des données et aux services offerts (vidéo premium, plates-formes en ligne).

Il serait facile d’en conclure que les opérateurs devraient simplement faire évoluer leur modèle en mobilisant les deux faces du marché : les consommateurs et les offreurs de contenus. Mais cela restera très peu probable en l’absence d’intervention réglementaire en raison du déséquilibre entre les pouvoirs de marché des acteurs. Le secteur des télécoms est fragmenté entre des opérateurs relativement petits, alors que les plates-formes numériques se développent à l’échelle mondiale à grande vitesse. Les relations commerciales ne sont donc clairement pas équilibrées, non sans impact négatif sur le fonctionnement efficace du marché.

Une des hypothèses testées par la Commission européenne est le partage des coûts de réseau entre entreprises numériques et opérateurs. L’intuition est simple : la diffusion des contenus, principalement monétisée par ceux qui les fournissent, génère des coûts pour les opérateurs.

Fric et nouvelles technologies : Les plates-formes pillent les opérateurs et créateurs de contenus

Fric et nouvelles technologies : Les plates-formes pillent les opérateurs et créateurs de contenus


L’économiste Edmond Baranes considère, dans une tribune au « Monde », que le coût des investissements dans les télécoms repose sur les seuls opérateurs, alors que les plates-formes en sont les premières bénéficiaires.

La croissance vertigineuse du trafic de données a rendu les relations entre les opérateurs de télécommunications et les géants du numérique de plus en plus délicates. La poule aux œufs d’or est en effet le contenu, de la vidéo aux jeux, de la diffusion en direct aux publications sur les réseaux sociaux. Or, les entreprises qui sont chargées de délivrer ce contenu ne sont pas celles qui le monétisent.

La diffusion de contenu nécessite une infrastructure de réseau de qualité, intensive en capital et déployée principalement par les opérateurs télécoms. Le besoin d’investissement pour atteindre les objectifs de connectivité fixés par l’Union européenne est estimé à au moins 174 milliards d’euros supplémentaires. Ce financement et celui nécessaire au fonctionnement et à la maintenance des réseaux proviennent de l’industrie européenne des télécoms. Le modèle économique de ces opérateurs repose principalement sur un côté du marché : les consommateurs, facturés chaque mois.

De l’autre côté du marché, les fournisseurs de contenus ont connu une croissance économique remarquable en s’appuyant sur cette infrastructure. Les géants Facebook, Amazon, Netflix et Google ont développé des modèles commerciaux sophistiqués qui leur permettent de gagner de l’argent grâce à la publicité, à la monétisation des données et aux services offerts (vidéo premium, plates-formes en ligne).

Il serait facile d’en conclure que les opérateurs devraient simplement faire évoluer leur modèle en mobilisant les deux faces du marché : les consommateurs et les offreurs de contenus. Mais cela restera très peu probable en l’absence d’intervention réglementaire en raison du déséquilibre entre les pouvoirs de marché des acteurs. Le secteur des télécoms est fragmenté entre des opérateurs relativement petits, alors que les plates-formes numériques se développent à l’échelle mondiale à grande vitesse. Les relations commerciales ne sont donc clairement pas équilibrées, non sans impact négatif sur le fonctionnement efficace du marché.

Une des hypothèses testées par la Commission européenne est le partage des coûts de réseau entre entreprises numériques et opérateurs. L’intuition est simple : la diffusion des contenus, principalement monétisée par ceux qui les fournissent, génère des coûts pour les opérateurs.

France, une dépendance alarmante vis-à-vis des grandes plates-formes numériques

France, une dépendance alarmante vis-à-vis des grandes plates-formes numériques

Il devient urgent de remettre en question le modèle de la Startup Nation et de construire une Infrastructure Nation, c’est-à-dire une stratégie de résilience numérique. Par Tariq Krim, entrepreneur, pionnier du Web et ancien vice-président du Conseil national du numérique.

Risques de Splinternet, cet Internet divisé et coupé d’une grande partie du monde à l’image de ce qui existe en Chine ; capacités d’innovation européenne en sous régime pour cause de difficultés d’approvisionnement en puces ; coûts insurmontables pour les datacenters européens qui subissent les effets conjugués de l’explosion du prix de l’énergie, des restrictions d’eau et de la parité euro/dollar. La guerre en Ukraine met la France et l’Europe face à de nouveaux scénarios aux antipodes du discours un peu naïf de la Startup Nation. Trouver des solutions à ces défis ne sera possible que si l’on comprend que nous sommes pris en tenailles entre deux risques majeurs qui n’ont pas été anticipés : l’un économique et l’autre géopolitique.
Risque économique.

Qui aurait cru que la hausse soudaine du prix de l’énergie et la parité euro/dollar, monnaie d’achat des composants dans cette industrie, rendent désormais le secteur du cloud largement plus compétitif aux États-Unis ? La pénurie de puces, et notamment de puces pour l’intelligence artificielle, a obligé les États-Unis à sécuriser pour dix ans au moins leur approvisionnement. La signature par Biden du Chip Act et le soutien renouvelé à Taïwan les fait passer en priorité. Finie l’époque où des pays comme l’Allemagne pouvaient négocier directement des Vaccins contre des Puces. Désormais l’Europe passe après et certains constructeurs automobiles se voient obligés de racheter des stocks de machines à laver pour y récupérer les puces nécessaires à la commercialisation de leurs modèles.

L’échange Gaz contre Données, signé entre la présidente de l’Union Européenne et Biden, qui veut rétablir le flux d’absorption des données personnelles des Européens vers les États-Unis, redonne un avantage décisif aux GAFAM car il revient sur la décision d’illégalité de ces transferts par la Cour de Justice de l’union Européenne (arrêt Schrems 2)
Enfin, l’inflation, la hausse des taux, et donc la fin de l’argent facile, provoque un très fort ralentissement des financements des startups et risquent de transformer de nombreuses licornes en « zombiecorns ».

Un scénario où une partie de la tech européenne pourrait s’écrouler est désormais plausible. Toutefois, dans les faits, c’est plutôt une délocalisation énergétique de l’activité numérique au profit des Etats-Unis qui semble se profiler. En Europe, grâce à un « Ruban énergétique », les Big Tech seront capables d’opérer à des coûts connus pour 2024, alors que les opérateurs de cloud européens, qui subissent dès cette année un doublement de leur facture énergétique, n’ont aucune visibilité pour l’instant.

Si le débat sur nos besoins en souveraineté numérique n’avait pas été caricaturé et infantilisé, notamment par le précédent secrétaire d’Etat au numérique, nous aurions pu avoir collectivement une réflexion approfondie sur ces questions, et ce bien avant le conflit en Ukraine. Parce qu’une grande partie du conflit se déroule dans le cyberespace, l’impensable devient plausible. Et c’est donc totalement impréparé, sans aucun plan B, que le gouvernement aborde ce qui est peut-être aussi la première cyberguerre mondiale.
Face à la violence des attaques logicielles qui visent nos infrastructures physiques ou notre modèle de démocratie à travers la manipulation des réseaux sociaux, la boîte à outils à notre disposition est très limitée.
Deux options s’ouvrent à nous. La première consiste à nicher notre informatique à l’intérieur des grandes plateformes américaines pour y sous traiter notre sécurité numérique. Une sorte d’OTAN numérique privatisé. Une solution qui plaît à l’Allemagne car elle offre une protection immédiate de leurs appareils industriels contre des cyberattaques de grande envergure. Cette solution est aussi poussée par le gouvernement français et nos grandes entreprises avec l’offre de « Cloud de confiance », les services des GAFAM vendus sous licence par de grandes marques françaises : Thalès avec Google, Orange et Capgemini avec Microsoft. Une solution qui permet d’aller plus vite mais avec une faible valeur économique. Elle amplifie notre déficit du commerce extérieur puisqu’une grande partie des profits du cloud repartent aux États-Unis.

Mais la solidité d’un tel accord repose sur une confiance aveugle dans les contrats signés. Ces accords seront-ils respectés ? Seront-ils être modifiés à tout moment en fonction de l’évolution des rapports de force géopolitiques ? Rappelons que l’accord sur les sous-marins australiens AUKUS avait été contractualisé avant d’être dénoncé et annulé. Le Cloud US, qu’il soit de confiance ou pas, est désormais le gaz de Poutine de l’innovation européenne. Dans ces conditions, la Startup Nation passe du coup politique au coût politique.
L’effet long terme d’une telle solution transformerait notre modèle social. Il n’est plus possible de créer des services sur mesure quand on devient locataire à vie de briques numériques prémâchées pour nos entreprises et nos administrations. Notre inventivité industrielle, culturelle et militaire n’y survivrait pas.
Ce serait aussi un sacré coup porté à tous ceux qui, en France, travaillent depuis des années à construire des alternatives parfaitement utilisables. Il faut donc un plan B, ou plutôt un plan R comme résilience.

En 2012, pour la création de la French Tech à laquelle j’avais été missionné, j’avais proposé une autre option à Fleur Pellerin, Ministre du Numérique d’alors. Cette solution consistait à s’appuyer sur notre savoir-faire national et sur nos développeurs pour créer une véritable « infrastructure nation » en développant un ensemble de briques logicielles juridiquement basées en Europe. Pour ceux qui pensent que le logiciel libre reste une solution viable, le bras de fer entre Trump et l’Iran a montré que, juridiquement dépendant des grandes fondations américaines, il pouvait être soumis à des restrictions d’exportation. Cette solution fut rejetée, et à l’époque mon rapport faillit ne pas sortir.
10 ans de retard dans la résilience numérique

Depuis 10 ans, cette « infrastructure nation » pouvait facilement être financée par la commande publique, et bénéficier d’une petite partie des fonds européens. Mais, parce que ce secteur est surtout constitué de chercheurs, d’indépendants ou de petites PME, il n’a jamais été crédible aux yeux des décideurs. Ce qui n’empêche pas les GAFAM de récupérer et d’intégrer discrètement leurs technologies dans leurs services pour les louer ensuite au prix fort aux grandes entreprises européennes.

Toutefois, les derniers discours de Bruno Le Maire marquent une inflexion remarquable. Il est sans doute conscient que, comme pour le nucléaire, toute absence de solution de résilience lui sera reprochée. Mais en l’absence de propositions concrètes, la résilience numérique de la France reste un vœu pieux.
Au moment où la French Tech demande à être renflouée, se pose aussi la question du bon usage de nos deniers publics. Surtout quand on parle dès cet hiver de la possibilité de couper l’Internet en cas de délestage. Chose que l’on pensait réservée aux pays du tiers-monde et à la Californie.

Bâtir la résilience numérique de la France ou faire perdurer le mythe des licornes ?
Une seule chose est sûre, c’est qu’en l’absence de plan B sérieux, un effondrement technologique de la France mais aussi de l’Europe devient possible.
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Entrepreneur, pionnier du Web, Tariq Krim est aussi l’auteur de « Lettre à ceux qui veulent faire tourner la France sur l’ordinateur de quelqu’un d’autre » disponible en téléchargement sur le site codesouverain.fr

Refuser le chantage des plates-formes payantes

Refuser le chantage des plates-formes payantes 

 

Il se confirme que les plates-formes veulent peser de plus en plus sur les contenus mais aussi sur les conditions de diffusion des films. Face aux menaces de Disney et Netflix de retirer les films qu’ils financent des salles de cinéma, Delphine Ernotte, Gilles Pélisson et Nicolas de Tavernost, responsables de France Télévisions, TF1 et M6, réclament, dans une tribune au « Monde », l’application de l’accord organisant la chronologie de l’exploitation des films.

 

La vitalité du cinéma français est le résultat d’une ambition collective des éditeurs français de chaînes de télévision gratuites et payantes et des acteurs du cinéma (salles, producteurs, distributeurs), portée par les pouvoirs publics depuis plus de cinquante ans pour préserver l’exception culturelle française. Le principe est simple : en contrepartie de son investissement et du respect de diverses obligations, chaque opérateur a le droit d’exploiter pendant une durée prédéfinie, en exclusivité et sans concurrence, le film qu’il a financé ou acquis.

Les périodes se succèdent ainsi entre les supports de diffusion et les publics : salles, chaînes de télévision payantes, vidéo à la demande puis chaînes gratuites. C’est ce qu’on nomme la chronologie des médias, qui repose sur un accord entre l’ensemble des acteurs du cinéma, résultat de longues négociations et de compromis parfois douloureux, mais au service d’un bien commun : l’accès du public le plus large au cinéma le plus divers.

Les télévisions gratuites ont toujours été au rendez-vous de ce soutien au cinéma français, à sa diffusion, et à sa diversité. Chaque année, France Télévisions, M6 et TF1 proposent gratuitement à l’ensemble des Français une diversité de films, comédies, polars, drames, etc. qui contribuent à l’élaboration d’un imaginaire collectif. En 2021, elles ont investi 144 millions d’euros dans 126 films, qui n’auraient sinon pas pu voir le jour.

Au début de cette année, le nouvel accord sur la chronologie des médias a favorisé les plates-formes payantes américaines comme Netflix, Amazon Prime Video ou Disney + en les plaçant avant les télévisions gratuites. Canal+ a également bénéficié d’un avancement de sa fenêtre. Les télévisions gratuites ont joué le jeu alors même que l’arrivée de ces nouveaux acteurs à la puissance financière internationale est de nature à les soumettre à une concurrence accrue. Les chaînes ont accepté que les plates-formes payantes puissent diffuser les films avant elles malgré l’apport supplémentaire très modeste que ces services consentent – de l’ordre de 50 millions d’euros par an, soit moins de la moitié de celui des télévisions gratuites.

Plates-formes et cinéma: le débat

Plates-formes et cinéma: le débat

 

Un article qui tente de réhabiliter le rôle des plates-formes par rapport au  cinéma ( quand d’autres au contraire considèrent que les plates-formes contribuent à la pénalisation de la médiocrité des contenus NDLR) . Pour Jean‑Marc Quinton, Consultant à La Fémis (École nationale supérieure des métiers de l’image et du son), dans l’histoire des médias, chaque nouveau mode de diffusion (théâtre, cinéma, télévision, vidéo) a entraîné la création d’un type de contenu spécifique avec sa dramaturgie propre. Ce que l’on appelle le « film de cinéma » a été conçu initialement pour la salle de cinéma c’est-à-dire pour un mode de consommation particulier de contenu, non pas par idéal artistique.

Par la suite, les réalisateurs se sont emparés de cette contrainte pour inventer un art spécifique. Au fil du temps, le cinéma a institutionnalisé des pratiques professionnelles (montage, gros plan, travellings, effets spéciaux) et une grammaire spécifique (durée, structure, profondeur de champs, éclairage, décors, maquillage, etc.). Un peu plus tard, la télévision a inventé sa propre grammaire et ses propres contenus : reportages, variétés, débats, feuilletons, news. C’est pourquoi le film de cinéma n’est pas mort avec l’arrivée de la télévision. Les salles de cinéma sont restées un moment clé de la vie d’un film qui se poursuit naturellement à la télévision.

Les plates-formes ont quant à elle réinventé « la série » comme grammaire spécifique. En effet, le streaming, le wifi et la 4G permettent un visionnage individuel à la demande d’un contenu très long, ce que les cassettes ou les DVD ne permettaient pas. La série moderne constituerait un équivalent audiovisuel du roman : une histoire qui s’inscrit dans le temps, une multiplicité de personnages, une complexité narrative permise par la possibilité de visionner à son rythme et de revenir en arrière.

En théorie donc, au regard de ce qui s’est passé pour la télévision, les plates-formes devraient prolonger positivement la vie d’un film de cinéma au côté des séries. Mais les plates-formes créent une lame de fond qui est en train de bouleverser le paysage économique et les acteurs traditionnels de la télévision et du cinéma au plan internationalLes studios traditionnels se fondent aujourd’hui dans un paysage complexe et changent de mains. Il n’y a plus d’un côté le cinéma et de l’autre les plates-formes mais des gros acteurs qui deviennent à la fois plate-forme de diffusion, acquéreur de droits ou producteur en fonction des cas. Quels sont les impacts de cette nouvelle économie sur le film de cinéma ?

Certains experts pensent que la créativité et la liberté de création n’ont jamais été aussi importantes qu’aujourd’hui, car les plates-formes ont une base de clients tellement importante qu’il est plus facile de sortir du cadre classique pour produire des films exigeants avec une masse critique d’audience internationale suffisante. Par exemple, Netflix a financé des films d’auteur qui n’auraient pas été financés sans son intervention. Rappelons que personne ne voulait distribuer Roma d’Alfonso Cuarón, ce long-métrage austère en noir et blanc au budget de 15 millions de dollars qui a finalement été récompensé par 3 oscars en 2019 dont celui de meilleur réalisateur (10 nominations), un Lion d’Or à la Mostra de Venise et un Golden Globe du meilleur film en langue étrangère. Mais Netflix y a cru et a fait un pari stratégique.

Dans la même veine, on peut également citer Okja de Bong Joon-ho ou The Irishman de Scorsese. The Irishman, qui réunit un casting prestigieux d’acteurs (Joe Pesci, Robert De Niro, Al Pacino) est un exemple particulièrement emblématique de cette tendance. Netflix a déboursé 100 à 150 millions de dollars pour racheter les droits d’une œuvre qui était en cours de préparation depuis au moins 10 ans. Scorsese le reconnait lui-même : aucun autre studio n’a accepté de financer le projet. Netflix a donc réellement pris des risques. Résultat : The Irishman est un succès en ligne avec 13,2 millions de spectateurs en cinq jours aux États-Unis après son lancement. Certains experts montrent que des professionnels très divers (réalisateurs, membres du CNC, etc.) considèrent qu’il est plus facile aujourd’hui de trouver un financement pour des créations originales. Le monde du cinéma regarderait finalement avec ambivalence Netflix, Amazon ou Apple ; avec méfiance bien entendu mais aussi comme une aubaine en matière de prise de risques créatifs que les autres producteurs refusent aujourd’hui de prendre. Au risque d’être provocateur, on assisterait à une inversion : le cinéma d’auteur est l’apanage des plates-formes tandis que les blockbosters mondiaux sont les seuls à être distribués en salle.

Voir un film d’auteur sur un téléphone portable est-il vraiment souhaitable ? L’expérience de Scorsese avec The Irishman est édifiante. Fin novembre 2019, 40 millions de personnes ont déjà vu le film en streaming. Néanmoins, le film n’aurait été vu en moyenne qu’à 70 % Le médium change complètement le rapport au film. Dans une salle, on voit mal 70 % des spectateurs partir avant la fin. Sur les plates-formes, l’audience est beaucoup plus importante. Curiosité peut-être… Mais n’est-ce pas un nouveau rôle social pour ces plates-formes aux larges audiences… initier les non-initiés ? Notons également l’émergence de très nombreuses plateformes SVOD de niche (courts-métrages, cinéma de patrimoine, films politiques et sociaux, etc.) Pour le cinéma indépendant, on trouve par exemple la plate-forme anglaise Mubi ou la française UniversCiné. Portant un discours de diversité culturelle et de lutte contre l’uniformisation des contenus, ces plates-formes considèrent que les plates-formes comme Netflix représentent finalement plus une opportunité qu’une menace en acculturant les spectateurs…

Pour Jean‑Marc Quinton, ce rapport individuel au support, qu’il soit une tablette ou un smartphone, peut laisser entrevoir des risques pour l’avenir. Finalement, pourquoi mettre autant d’argent dans l’image, puisque les films seront visionnés sur petit écran ? Ce nouveau rapport ouvre aussi plusieurs débats. Laisser le cinéma d’auteur au seul streaming, n’est-ce pas le condamner d’avance ? Pour l’instant les grandes plates-formes sont dans un environnement tellement concurrentiel qu’elles jouent leur image en concourant pour les meilleures récompenses dans les festivals. Le film d’auteur est donc un vecteur d’image, pas d’audience. Mais pour combien de temps ? Et que peuvent devenir les producteurs et diffuseurs traditionnels de cinéma d’auteur face au nouveau pouvoir des plates-formes ?

Événement symbolique : le 22 janvier 2019, Netflix est devenu septième membre de la Motion Picture Association of America (MPAA) après les Studios Disney, Paramount, Sony, Universal, 20th Century Fox et Warner Bros. C’est la seule organisation à ne pas être « née » studio de cinéma. Néanmoins, est-ce que Netflix est complètement accepté dans le monde du cinéma ? La réponse est non. The Irishman avait 10 nominations aux Oscar 2020. Malgré des budgets de lobbying multipliés par 10 par rapport aux usages du monde du cinéma, le film n’a remporté aucune statuette.

Au festival de Cannes, depuis 2019, les films Netflix ne peuvent plus faire partie de la compétition, car ils ne sortent pas en salle. En cause, notre système de chronologie des médias qui aurait imposé à Netflix 36 mois pour pouvoir diffuser le film sur sa plate-forme. Cela n’empêche pas Netflix de racheter des films primés au festival. Le paradoxe, c’est que les films primés achetés par Netflix sont accessibles sur la plate-forme presque partout au monde sauf en France. Ce fut le cas, par exemple, d’Atlantique, de Mati Diop, grand prix du jury, et de J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, grand prix de la Semaine de la Critique, deux films dont les droits ont été acquis par Netflix à la fin du festival de Cannes 2019.

Quand Le Monde titre le 30 novembre 2019, « The Irishman sur Netflix, symbole d’un cinéma mondial en péril » ou que Nathanaël Karmitz, le directeur général de MK2 qui est également producteur déclare « que les plates-formes se comportent comme des prédateurs en achetant un Roma par un réalisateur déjà oscarisé pour en faire une tête de gondole, tout en voulant s’affranchir des règles du système audiovisuel », cela montre le désarroi du monde du cinéma devant les mutations actuelles.

Fin de la gratuité du Net pour les grandes plates-formes numériques ?

Fin de la gratuité du Net pour les grandes plates-formes numériques ?

Bruxelles envisage de faire contribuer les plates-formes de contenu au financement des infrastructures, ce qui constituerait une discrimination envers les autres fournisseurs. Par Patrick Maillé, IMT Atlantique – Institut Mines-Télécom; Annie Blandin-Obernesser, IMT Atlantique – Institut Mines-Télécom et Bruno Tuffin, Inria

 

Sous prétexte d’équité, cette contribution vise en fait à contester le financement spécifique envisagé par les grandes plates-formes numériques qui utilisent pourtant plus de 50 % des infrastructures NDLR

À la fin de ce premier trimestre de 2022, la Commission européenne, via son commissaire chargé du marché intérieur Thierry Breton (également ancien PDG de France Télécom de 2002 à 2005 et de Atos, leader européen du cloud, de 2009 à 2019) annonce d’ici la fin de l’année une initiative pour que les grandes plates-formes de contenu numérique participent au coût de l’infrastructure des réseaux de communication.

Sont visées en particulier les quelques plates-formes qui occupent cumulativement plus de 50 % de la bande passante mondiale. Il est même question de faire de ce projet un des principaux chantiers de l’espace numérique, à la suite du Digital Markets Act (DMA) et du Digital Services Act.

Sous couvert d’équité en matière de financement des investissements, cette déclaration semble en tout cas remettre en cause les principes de neutralité du Net, jusqu’ici pourtant chers aux autorités européennes.

Pour rappel, un vif débat se déroule donc depuis les années 2000 autour de la notion de réseau « ouvert » et de neutralité du Net. Le débat a été provoqué par le blocage ou le ralentissement de certains flux par des opérateurs, qui a suscité de fortes réactions et par la suite une promulgation de principes de neutralité pour réguler les comportements.

Il existe plusieurs définitions plus ou moins similaires de la neutralité du Net, et leurs applications varient grandement selon les pays (et au cours du temps, avec notamment sous l’administration Trump aux États-Unis une remise en cause des principes précédemment actés).

Dans l’Union européenne, conformément aux dispositions du règlement de 2015 relatif à l’accès à un Internet ouvert, les utilisateurs ont le droit « d’accéder aux informations et aux contenus et de les diffuser, d’utiliser et de fournir des applications et des services et d’utiliser les équipements terminaux de leur choix, quel que soit le lieu où se trouve l’utilisateur final ou le fournisseur, et quels que soient le lieu, l’origine ou la destination de l’information, du contenu, de l’application ou du service, par l’intermédiaire de leur service d’accès à l’Internet ».

Les fournisseurs d’accès ont par conséquent le devoir de traiter « tout le trafic de façon égale et sans discrimination, restriction ou interférence, quels que soient l’expéditeur et le destinataire, les contenus consultés ou diffusés, les applications ou les services utilisés ou fournis ou les équipements terminaux utilisés », même si des exceptions restent autorisées dans des cadres précis. Des considérations commerciales ne peuvent donc pas justifier un traitement différencié, comme l’a confirmé l’arrêt Telenor de la Cour de justice de l’Union européenne en novembre 2020.

Ces principes de neutralité semblent ou tout du moins semblaient inamovibles pour les autorités européennes, d’où une certaine surprise face à la récente déclaration de Thierry Breton. En effet, si certaines plates-formes de contenu devaient participer au financement de l’infrastructure, cela ne signifierait-il pas que la transmission de leurs paquets deviendrait payante, contrairement aux autres fournisseurs, ce qui constituerait une discrimination ?

De surcroît, peut-on imaginer que les intéressés paieraient, en échange de rien ? Seraient-ils tentés d’exiger un traitement préférentiel de leurs flux ? À l’inverse, si ces mêmes plates-formes refusaient de payer, seraient-elles bloquées ou leur qualité de service détériorée, avec par conséquent un traitement inégal dans le réseau ?

Cependant, pour Thierry Breton :

« Les règles en place depuis vingt ans s’essoufflent et les opérateurs n’ont plus le bon retour sur leurs investissements. Il est nécessaire de réorganiser la juste rémunération des réseaux. »

On peut remarquer que faire payer certains fournisseurs était très précisément l’argument développé dans les années 2000 par Ed Whitacre, le PDG d’AT&T, fournisseur d’accès majeur aux États-Unis, en déclarant que les fournisseurs de contenu parfois distants et connectés à Internet via un autre fournisseur accédaient gratuitement au réseau d’AT&T pour atteindre les utilisateurs, et devaient donc payer à AT&T une contribution aux investissements nécessaires dans les infrastructures réseau. Mais c’est aussi précisément ce qui a soulevé une série de réactions de la part d’associations d’utilisateurs et des fournisseurs de contenu, craignant que le trafic concerné soit bloqué ou freiné, et a conduit aux définitions de la neutralité du Net et à leur application à travers le monde. Le but principal : empêcher que les fournisseurs de réseaux ne modifient les grands principes de liberté et d’Internet ouvert. La nouveauté aujourd’hui serait alors de se limiter aux « gros » fournisseurs de contenu.

Cet argument lié à l’investissement reprend ceux des opérateurs réseau. Ces derniers affirment en effet que les grands fournisseurs ont une part importante des revenus générés grâce à l’Internet et une capitalisation en bourse croissante, et qu’il y a une asymétrie sur la puissance financière et de négociation entre plates-formes et opérateurs ; il avancent également que ces mêmes fournisseurs ne participent pas à l’infrastructure alors qu’ils en sont les principaux utilisateurs, ou encore que l’utilisation accrue du réseau conduit à une forme de « tragédie du bien commun », phénomène bien connu en économie qui explique les conséquences négatives de la recherche de profit égoïste d’entités sur l’utilisation de ressources communes et gratuites.

On est donc conduit à s’interroger sur les raisons plus politiques qui expliquent ce revirement. L’heure est en effet à une réforme profonde de la régulation du numérique et de ses plates-formes, voire à un changement de paradigme. Lors de la phase de maturation de l’élaboration des nouvelles règles, on ne s’attendait pas à ce que l’on s’attaque de manière si frontale au pouvoir des grandes plates-formes dans un contexte de promotion de la souveraineté numérique européenne.

Tant le Digital Markets Act que le Digital Services Act prévoient en effet des obligations spécifiques pour certaines catégories d’acteurs, les contrôleurs d’accès dans le cas de la régulation des marchés et les très grandes plates-formes dans le cas de la régulation des contenus. Le DMA par exemple apporte une contribution à la neutralité en prévoyant que le comportement des contrôleurs d’accès ne doit pas compromettre les droits des utilisateurs finaux à accéder à un Internet ouvert.

Cette régulation est asymétrique, en ce qu’elle distingue différentes catégories d’acteurs. Thierry Breton estime que la réorganisation de l’espace informationnel étant réalisée, il faut désormais se préoccuper des infrastructures. L’asymétrie des règles a-t-elle dès lors sa place ? On peut en douter si l’on fait une application stricte du principe de neutralité du Net, mais on peut nuancer les choses en se rappelant que la régulation des télécommunications repose pour partie sur des règles asymétriques, sous la forme d’obligations renforcées pesant sur les opérateurs exerçant une influence significative sur tel ou tel marché.

En tout état de cause, soit on considère que la neutralité du Net est menacée par le projet de contribution, soit on prend acte du fait qu’elle doit être conciliée avec un principe figurant dans la récente déclaration de droits et principes numériques, celui selon lequel tous les acteurs du marché doivent participer de manière équitable et proportionnée aux coûts de biens, services et infrastructures publics. Sur un sujet connexe, on retrouve ce principe d’équité dans la proposition de loi sur les données de la Commission européenne (Data Act). Ce texte a pour but de « garantir l’équité dans la répartition de la valeur des données entre les acteurs de l’économie fondée sur les données ».

Encore une fois, le but ici n’est pas d’être pro ou contre la neutralité, mais de s’interroger sur les raisons du changement de vision de la Commission européenne, et sur son ambiguïté face aux principes qu’elle avait elle-même instaurés. Les nouveaux principes énoncés, de participation équitable aux coûts des biens, pourraient d’ailleurs être interprétés dans un sens inverse à celui initialement prévu : les opérateurs ne devraient-ils pas participer au financement de la création de contenus, qui leur permettent d’attirer des abonnés ?

_______

Par Patrick Maillé, Professeur, IMT Atlantique – Institut Mines-Télécom ; Annie Blandin-Obernesser, Professeur de droit, IMT Atlantique – Institut Mines-Télécom et Bruno Tuffin, Directeur de recherche Inria, Inria.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Internet: Une régulation européenne des plates-formes numériques très insuffisante

Une régulation européenne des plates-formes numériques très insuffisante

 

Malgré l’adoption de nouvelles législations volontaristes par l’Union européenne, l’économiste Olivier Bomsel explique, dans une tribune au « Monde », pourquoi la régulation des portiers numériques que sont Google, Amazon et Facebook est un rocher de Sisyphe

La prochaine adoption du Digital Markets Act (DMA) à Bruxelles et le soutien bipartisan [républicain et démocrate] à l’American Innovation and Choice Online Act à Washington sont unanimement salués comme un tournant dans la régulation des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon).

Ces deux textes visent à prévenir des abus de position dominante des grandes plates-formes numériques, notamment ceux consistant à privilégier leurs propres produits sur les accès dont ils ont le contrôle.

En gros, Google ne pourra plus privilégier les vidéos de YouTube sur les requêtes du moteur de recherche, et Amazon ne pourra plus faire apparaître sa gamme Amazon Basics en tête de gondole sur son site de e-commerce.

Ces textes ont pour but d’empêcher des pratiques illégales qui ont prospéré jusqu’ici en raison de la difficulté à prouver l’abus éhonté des plates-formes. Il a fallu dix ans à la Commission européenne pour condamner Google qui proposait Google Shopping avant les services concurrents. L’amende a été de 2,4 milliards d’euros. Entre-temps, la plupart des comparateurs évincés ont disparu, instaurant la domination de Google sur ce marché. A l’échelle de Google et de l’avantage obtenu, l’amende est dérisoire.

On veut désormais prévenir. Soit. Mais les problèmes d’application des nouveaux textes s’annoncent déjà ubuesques. Quelles seront les entreprises concernées ? Où se situera la frontière entre celles-ci et les autres ? Ne risque-t-on pas de voir les GAFA réclamer l’inclusion de tel ou tel concurrent ? Quels seront les services visés ? Comment établir des preuves ? Quelles sanctions imposer ? En quoi dissuaderont-elles des titans aux profits colossaux ? Reprochera-t-on à Amazon de présenter une offre bénéficiant de Prime (livraison gratuite en un jour) avant un produit de sa Marketplace n’entrant pas dans ce programme ? Qu’y gagnera le consommateur ?

Il faut redouter beaucoup de procédures pour très peu de résultats. A quoi les régulateurs rétorquent que les plates-formes sont coopératives et vont s’autoréguler. Que ne l’ont-elles fait jusqu’ici ! Tout dans leur attitude démontre le contraire.

Le problème de fond vient de la structure de l’industrie, ce qu’en jargon économique on appelle l’« intégration verticale ». Dès leur entrée en Bourse, Amazon, Google et Facebook ont utilisé leurs ressources pour s’intégrer en amont et en aval de leur métier d’origine.

Abus innombrablesCes points sont techniques et mal connus du grand public. Mais, pour résumer, ils ont permis à Google de contrôler l’accès mobile avec Android et la publicité en ligne avec DoubleClick. A Amazon d’être à la fois un détaillant, une place de marché accueillant des concurrents, un service logistique ultra-compétitif. Et à Facebook de capturer des clients et des annonceurs via WhatsApp et Instagram.

Une régulation européenne des plates-formes numériques très insuffisante

Une régulation européenne des plates-formes numériques très insuffisante

 

Malgré l’adoption de nouvelles législations volontaristes par l’Union européenne, l’économiste Olivier Bomsel explique, dans une tribune au « Monde », pourquoi la régulation des portiers numériques que sont Google, Amazon et Facebook est un rocher de Sisyphe

La prochaine adoption du Digital Markets Act (DMA) à Bruxelles et le soutien bipartisan [républicain et démocrate] à l’American Innovation and Choice Online Act à Washington sont unanimement salués comme un tournant dans la régulation des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon).

Ces deux textes visent à prévenir des abus de position dominante des grandes plates-formes numériques, notamment ceux consistant à privilégier leurs propres produits sur les accès dont ils ont le contrôle.

En gros, Google ne pourra plus privilégier les vidéos de YouTube sur les requêtes du moteur de recherche, et Amazon ne pourra plus faire apparaître sa gamme Amazon Basics en tête de gondole sur son site de e-commerce.

Ces textes ont pour but d’empêcher des pratiques illégales qui ont prospéré jusqu’ici en raison de la difficulté à prouver l’abus éhonté des plates-formes. Il a fallu dix ans à la Commission européenne pour condamner Google qui proposait Google Shopping avant les services concurrents. L’amende a été de 2,4 milliards d’euros. Entre-temps, la plupart des comparateurs évincés ont disparu, instaurant la domination de Google sur ce marché. A l’échelle de Google et de l’avantage obtenu, l’amende est dérisoire.

On veut désormais prévenir. Soit. Mais les problèmes d’application des nouveaux textes s’annoncent déjà ubuesques. Quelles seront les entreprises concernées ? Où se situera la frontière entre celles-ci et les autres ? Ne risque-t-on pas de voir les GAFA réclamer l’inclusion de tel ou tel concurrent ? Quels seront les services visés ? Comment établir des preuves ? Quelles sanctions imposer ? En quoi dissuaderont-elles des titans aux profits colossaux ? Reprochera-t-on à Amazon de présenter une offre bénéficiant de Prime (livraison gratuite en un jour) avant un produit de sa Marketplace n’entrant pas dans ce programme ? Qu’y gagnera le consommateur ?

Il faut redouter beaucoup de procédures pour très peu de résultats. A quoi les régulateurs rétorquent que les plates-formes sont coopératives et vont s’autoréguler. Que ne l’ont-elles fait jusqu’ici ! Tout dans leur attitude démontre le contraire.

Le problème de fond vient de la structure de l’industrie, ce qu’en jargon économique on appelle l’« intégration verticale ». Dès leur entrée en Bourse, Amazon, Google et Facebook ont utilisé leurs ressources pour s’intégrer en amont et en aval de leur métier d’origine.

Abus innombrablesCes points sont techniques et mal connus du grand public. Mais, pour résumer, ils ont permis à Google de contrôler l’accès mobile avec Android et la publicité en ligne avec DoubleClick. A Amazon d’être à la fois un détaillant, une place de marché accueillant des concurrents, un service logistique ultra-compétitif. Et à Facebook de capturer des clients et des annonceurs via WhatsApp et Instagram.

La menace des plates-formes sur la santé mentale des enfants

La menace des plates-formes sur la santé mentale des enfants 

Dans une lettre ouverte à Mark Zuckerberg publiée dans « Le Monde », des psychologues, des spécialistes de la santé et du numérique s’inquiètent de l’opacité des recherches menées par Meta sur l’effet des plates-formes et demandent à l’entreprise de coopérer.

 

Tribune

 

Cher Mark Zuckerberg, nous sommes une coalition mondiale de chercheurs dont l’expertise se situe à la croisée de la psychologie, de la technologie du numérique et de la santé. Récemment, nous avons eu accès à des articles de presse relatant des recherches menées au sein de vos entreprises sur la santé mentale des enfants et adolescents, utilisateurs de Facebook, Instagram et WhatsApp.

Malheureusement, ces recherches se déroulent à huis clos et sans aucune supervision indépendante. Par conséquent, nous n’avons qu’une vision parcellaire des études menées par vos entreprises. Nous pensons que les méthodologies employées jusqu’à présent ne répondent pas aux standards scientifiques élevés qui sont requis pour étudier de manière responsable la santé mentale des enfants et des adolescents.

Lire aussi  Article réservé à nos abonnés « Facebook Files » : pour le réseau social, deux mois de tourmente médiatique et politique

Bien que rien dans vos fuites ne permette de dire que les réseaux sociaux provoquent des suicides, de l’automutilation ou des maladies mentales, ce sont des sujets de recherche sérieux. Ce travail, ainsi que les outils que vous utilisez ne devraient pas être développés sans une supervision indépendante. Il faut disposer de données scientifiques solides avant de tirer des conclusions définitives ou de lancer de nouveaux outils.

Vous et vos organisations avez l’obligation morale et éthique d’aligner vos recherches internes sur des standards scientifiques rigoureux privilégiant le souci de la preuve en science de la santé mentale, a fortiori si cela concerne les enfants et les adolescents. Avec 3 milliards de personnes utilisant les plates-formes Meta pour leurs activités sociales, leurs loisirs et leurs affaires, il est tout à fait possible que ces environnements virtuels aient des effets considérables sur la santé mentale des jeunes utilisateurs, que ce soit de manière positive ou négative.

Le fait que vous meniez les recherches révélées dans de récents articles de presse montre clairement que vous concevez que de tels effets sont possibles. Bien que nous saluions vos tentatives de comprendre dans quelle mesure vos plates-formes peuvent avoir un impact sur la santé mentale des jeunes, nous pensons que la manière dont vos équipes conduisent cet important travail de recherche (en secret et avec une méthodologie critiquable) est discutable et, dans son état actuel, vouée à l’échec.

Au lieu de produire des résultats scientifiques fiables, le travail a – de manière prévisible – suscité un grand scepticisme de la part des scientifiques et une inquiétude généralisée de la part des législateurs, des journalistes, des parents et des jeunes. C’est frustrant, car si les bons outils scientifiques et éthiques étaient mis en place, les données collectées par Meta pourraient éclairer, de manière inédite, notre compréhension de l’usage des technologies numériques et leur influence sur la santé mentale.

 

TECH-Le danger des plates-formes pour la démocratie

TECH-Le danger des plates-formes pour la démocratie 

 

L’économiste des médias Nathalie Sonnac souligne, dans une tribune au « Monde », les risques que les géants du numérique représentent pour le pluralisme de l’information et la liberté de nos choix individuels

 

Tribune.

 

Le numérique est partout. Il a envahi notre espace de vie. C’est vrai pour les domaines de la santé, des transports, de la finance et de la banque, des loisirs et de la communication. C’est aussi vrai pour le domaine de l’information. En 2020, 88 % des Français âgés de plus de 12 ans déclarent se connecter à Internet tous les jours ou plusieurs fois par semaine, 63 % utilisent internet pour suivre l’actualité.

Chez les 18-24 ans, ce sont près des deux tiers d’entre eux qui s’informent uniquement sur Internet et les réseaux sociaux via leur smartphone. Youtube, Twitter, Snapchat, Twitch et plus récemment TikTok ont leur préférence. Quatre plates-formes numériques américaines, connues sous le sigle GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – que l’on appelle aussi les Big Tech – occupent aujourd’hui une position hégémonique dans l’espace informationnel.

Surpuissantes économiquement et financièrement, leur capitalisation boursière s’est envolée pendant la période de la pandémie. Et pourtant, aucune d’entre elles n’a 40 ans d’âge. Pour comprendre les dangers démocratiques de la puissance de ces multinationales, il convient d’interroger leur modèle d’affaires.

Les plates-formes numériques sont des intermédiaires, qui rendent possibles et facilitent les interactions entre différents groupes d’agents. Catalyseurs économiques, selon les termes du Prix Nobel d’économie Jean Tirole, ces interactions dénommées « effets de réseau croisés » (la valeur d’un réseau augmente avec le nombre d’utilisateurs) structurent l’économie numérique dont les marchés sont à deux versants.

D’un côté ces géants du numérique concourent à installer la gratuité comme mécanisme d’incitation de la demande à rejoindre la plate-forme, car avec leurs milliers de services accessibles gratuitement, l’intérêt du consommateur est toujours accru. De l’autre côté la monétisation de ces services repose sur la publicité en ligne, qui constitue 80 % du chiffre d’affaires de Google et 95 % de celui de Facebook.

Leur modèle économique repose ainsi sur la collecte massive les données (big data) et leur exploitation par des algorithmes et l’intelligence artificielle. Les deux versants des marchés sont ainsi reliés par un système d’appariement qui est au cœur de la création de valeur d’une plate-forme. Les GAFA se « nourrissent » de toutes les traces que nous laissons par notre navigation sur les sites.

Nos données constituent selon Pierre Louette, PDG de l’Agence France-Presse de décembre 2005 à avril 2010, « d’immenses réservoirs, de segmentation, de prédictibilité qui servent toutes les opportunités de recommandation, de proposition ciblée et de monétisation » (Des géants et des hommes : Pour en finir avec l’emprise des Gafa sur nos vies, Laffont, 2021). Avec le premier moteur de recherche au monde et sa pléthore de services gratuits, Google est certainement la plate-forme qui bénéficie de la plus grande traçabilité de ses utilisateurs.

Le danger plates-formes pour la démocratie

Le danger plates-formes pour la démocratie 

 

L’économiste des médias Nathalie Sonnac souligne, dans une tribune au « Monde », les risques que les géants du numérique représentent pour le pluralisme de l’information et la liberté de nos choix individuels

 

Tribune.

 

Le numérique est partout. Il a envahi notre espace de vie. C’est vrai pour les domaines de la santé, des transports, de la finance et de la banque, des loisirs et de la communication. C’est aussi vrai pour le domaine de l’information. En 2020, 88 % des Français âgés de plus de 12 ans déclarent se connecter à Internet tous les jours ou plusieurs fois par semaine, 63 % utilisent internet pour suivre l’actualité.

Chez les 18-24 ans, ce sont près des deux tiers d’entre eux qui s’informent uniquement sur Internet et les réseaux sociaux via leur smartphone. Youtube, Twitter, Snapchat, Twitch et plus récemment TikTok ont leur préférence. Quatre plates-formes numériques américaines, connues sous le sigle GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – que l’on appelle aussi les Big Tech – occupent aujourd’hui une position hégémonique dans l’espace informationnel.

Surpuissantes économiquement et financièrement, leur capitalisation boursière s’est envolée pendant la période de la pandémie. Et pourtant, aucune d’entre elles n’a 40 ans d’âge. Pour comprendre les dangers démocratiques de la puissance de ces multinationales, il convient d’interroger leur modèle d’affaires.

Les plates-formes numériques sont des intermédiaires, qui rendent possibles et facilitent les interactions entre différents groupes d’agents. Catalyseurs économiques, selon les termes du Prix Nobel d’économie Jean Tirole, ces interactions dénommées « effets de réseau croisés » (la valeur d’un réseau augmente avec le nombre d’utilisateurs) structurent l’économie numérique dont les marchés sont à deux versants.

D’un côté ces géants du numérique concourent à installer la gratuité comme mécanisme d’incitation de la demande à rejoindre la plate-forme, car avec leurs milliers de services accessibles gratuitement, l’intérêt du consommateur est toujours accru. De l’autre côté la monétisation de ces services repose sur la publicité en ligne, qui constitue 80 % du chiffre d’affaires de Google et 95 % de celui de Facebook.

Leur modèle économique repose ainsi sur la collecte massive les données (big data) et leur exploitation par des algorithmes et l’intelligence artificielle. Les deux versants des marchés sont ainsi reliés par un système d’appariement qui est au cœur de la création de valeur d’une plate-forme. Les GAFA se « nourrissent » de toutes les traces que nous laissons par notre navigation sur les sites.

Nos données constituent selon Pierre Louette, PDG de l’Agence France-Presse de décembre 2005 à avril 2010, « d’immenses réservoirs, de segmentation, de prédictibilité qui servent toutes les opportunités de recommandation, de proposition ciblée et de monétisation » (Des géants et des hommes : Pour en finir avec l’emprise des Gafa sur nos vies, Laffont, 2021). Avec le premier moteur de recherche au monde et sa pléthore de services gratuits, Google est certainement la plate-forme qui bénéficie de la plus grande traçabilité de ses utilisateurs.

Réguler les plates-formes: Un enjeu démocratique

Réguler les plates-formes: Un enjeu démocratique 

Réguler le contenu des réseaux sociaux doit moins passer par la contrainte que par la préservation des droits individuels face aux géants du Web, estime le juriste Winston Maxwell dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune.

La haine en ligne, mais aussi les contenus illicites de toute nature et les infox préoccupent les régulateurs du monde entier. Selon un récent rapport de la Commission européenne, un tiers des contenus haineux en ligne signalés ne sont pas supprimés par les réseaux sociaux. Ces réseaux sont quotidiennement mis en cause, soit parce qu’ils ne font pas assez pour maîtriser la viralité des contenus préjudiciables, soit parce qu’ils en font trop, en éliminant certains contenus et utilisateurs sans autre forme de procès. Certains comparent Facebook, avec sa « Cour suprême » privée, à un Etat souverain. Les grandes plates-formes ont un rôle structurant dans notre débat public et sont devenues, comme la radio et la télévision, des médias ayant une forte influence sur la société. Il ne s’agit pas, bien sûr, de réguler ces réseaux comme la télévision, car le rôle des réseaux sociaux est différent, et une régulation trop stricte créerait une ingérence intolérable dans la liberté d’expression. Mais le besoin d’un encadrement réglementaire est devenu flagrant, sur deux fronts.

 

Le premier front consiste à inciter les réseaux sociaux à trouver des solutions, notamment algorithmiques, pour réduire la présence et la viralité de contenus haineux. Le projet de règlement européen Digital Services Act, actuellement en négociation à Bruxelles, obligerait les plates-formes à effectuer un diagnostic interne sur les risques systémiques créés par leurs services et à proposer des solutions pour réduire ces risques. Devançant le règlement européen, la loi française du 24 août 2021 impose aux réseaux sociaux de mettre en place des mesures techniques et organisationnelles permettant de fluidifier le traitement des signalements, sous le contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). En matière de régulation des contenus, l’Etat doit rester le plus neutre possible, afin de minimiser l’impact sur la liberté d’expression.

Dans les années 1990, on croyait que la multiplication des points de vue sur Internet était la meilleure garantie d’une liberté d’expression saine (la théorie du « marketplace of ideas »). La législation américaine (Communications Decency Act, adopté en 1996) et européenne (directive « Commerce électronique », en 2000) est construite sur cette théorie de laisser faire. Aujourd’hui, nous nous rendons compte que la quantité des points de vue n’est pas une garantie suffisante, car sans un minimum d’encadrement, cette abondance peut conduire à des dérives mettant en péril l’objectif même de la liberté d’expression, à savoir la préservation du débat démocratique. D’où la nécessité de redonner vie à la régulation audiovisuelle, et en France au rôle du CSA, pour réguler les réseaux sociaux en tant que médias à forte influence, tout en s’efforçant de préserver l’espace de liberté inédit créé par ces plates-formes.

Face aux plates-formes , sauver le cinéma indépendant

Face aux plates-formes , sauver le cinéma indépendant

 

 

Les distributeurs de films indépendants, déjà fragilisés par la crise sanitaire, doivent faire face à la concurrence des grandes plates-formes, s’alarment, dans une tribune au « Monde », Eric Lagesse et Carole Scotta, coprésidents du syndicat des Distributeurs indépendants réunis européens.

 

Tribune.

 

Une étude menée par l’Agence nationale pour le développement du cinéma en régions montre que les distributeurs indépendants français ont perdu 70 % de leurs entrées en septembre 2021 par rapport au mois de septembre 2019, alors que les studios américains ont progressé de 33 %.

Cette catégorie de distributeurs, fragilisée par la crise sanitaire, est pourtant celle qui finance et distribue la majorité des films présentés à Cannes chaque année, les grands auteurs du cinéma mondial, mais aussi les premiers et seconds films qui assurent le renouvellement des talents. Ces mêmes distributeurs sont ceux qui assurent la présence des films pour le jeune public, et alimentent les programmes écoles, collèges et lycées au cinéma mis en place par le Centre national du cinéma et de l’image animée. Pourtant, leur travail reste méconnu du grand public.

Les distributeurs sont les premiers à lire et investir dans les scénarios des futurs films, français ou étrangers, bien avant les chaînes de télévision, les régions, les sociétés de financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle et autres financeurs de la filière. Lorsque le film est tourné, ils sont encore les premiers à en découvrir le montage, à le retravailler parfois avec producteur et réalisateur et orchestrent ensuite la sortie du film : présentation en festivals, choix de la date de sortie et de l’attaché de presse, choix des salles et du nombre d’écrans, création des bandes-annonces, affiches, dossiers de presse et de tous les éléments de promotion. Tout cela sur leurs fonds propres, auxquels viennent s’ajouter les avances financières versées pour acquérir les films. Au total, leurs investissements s’élèvent à plusieurs dizaines de millions d’euros par an, récupérables pour l’essentiel sur les recettes des entrées en salles.

Le distributeur est le lien indispensable entre ceux qui font les films – auteurs, réalisateurs, producteurs – et ceux qui les exploitent – les salles de cinéma. La numérisation de la société, accélérée par la crise sanitaire, tend à supprimer les intermédiaires, et les géants de la distribution en ligne se sont forgé un accès direct, voire incontournable, vers le consommateur. La tendance très volontaire de certaines plates-formes de sortir leurs « originals » sur grand écran en négociant directement avec les salles prouve combien la place du distributeur est de plus en plus menacée.

Les usages ont muté vers l’achat en ligne de biens culturels, et ont inauguré un débat nouveau dans notre société : qu’est-ce qu’un bien essentiel ? C’est ainsi que le combat commun des libraires et de leurs lecteurs a permis aux livres d’accéder à cette distinction nouvelle du gouvernement, distinction refusée au cinéma et aux spectacles culturels en général.

Cinéma-Culture : production artistique à la chaîne avec les plates-formes

Cinéma-Culture : production artistique à la chaîne avec les plates-formes

 

 

Cette sorte de production industrielle encouragée en particulier par les plates-formes qui visent à contrôler non seulement la production mais aussi la distribution devient insupportable même pour les salariés qui les produisent aux États-Unis dans des conditions sociales insupportables.

 

La tendance streaming constitue une espèce de vague déferlante sur l’univers de la production. Des productions créées à la chaîne un peu comme n’importe quel produit de consommation. La création artisanale n’a plus sa place dans ce dispositif. En même temps par le jeu des contrats,  la production est formatée pour répondre à une demande populaire. En clair, il n’y a plus de place pour les films d’auteur. L’avantage des grandes plates-formes et d’offrir une audience internationale à peu près immédiate;  l’inconvénient, c’est de niveler par le bas la création pour satisfaire le plus grand nombre aussi de le fidéliser à partir de critères de type marketing.

C’est un peu comme si dans le domaine de la littérature un grand de la Tech décidait par exemple de produire des romans à la chaîne, de les distribuer dans les dans le cadre de contrats de production avec les auteurs fixant les limites et le cadre culturel susceptible de plaire au plus grand nombre.

Netflix avait pris l’habitude d’opérer des raids sur les stars de Hollywood. À présent, le leader de la vidéo à la demande par abonnement braconne les talents là où ils sont. C’est-à-dire partout dans le monde. Dernière prise en date? Omar Sy. Le comédien révélé par le film Intouchables et catapulté star internationale grâce à la série Lupina scellé un contrat de plusieurs années avec la plateforme américaine pour produire et jouer dans des films. Une grande première pour un artiste français.

D’ores et déjà, Tour de Force, le prochain long-métrage réalisé par Louis Leterrier, avec Omar Sy et Laurent Lafitte, devrait être lancé sur Netflix en 2022. Et Au-delà du périph , la suite du film sorti en 2012 De l’autre côté du périph, est également attendue sur le service américain. Fin août, Netflix avait enrôlé de la même manière la comédienne Vanessa Kirby, qui joue la princesse Margaret dans la série à succès The Crown , afin de développer des films centrés sur les femmes.

 

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