Macron se plante aussi en Afrique
Interview du journaliste spécialiste de l’Afrique Antoine Glaser, qui a co-écrit Le piège africain de Macron (Fayard) avec Pascal Airault (Le Monde)
- Le terme « Françafrique » irrigue votre ouvrage. On sent d’ailleurs bien le rejet éprouvé par Emmanuel Macron à son égard. Pouvez-vous rappeler brièvement ce que recouvre cette expression, en la resituant historiquement et territorialement ?
- Dans l’entretien qu’il vous a accordé avec le journaliste de l’Opinion Pascal Airault, le chef de l’Etat évoque souvent la nécessaire émancipation des sociétés civiles africaines, pointant le problème des rentes établies, du conservatisme politique, etc. Cette politique émancipatrice, snobant parfois les pouvoirs en place, est-elle selon vous le marqueur principal de sa doctrine africaine ? Estimez-vous qu’il s’est véritablement donné les moyens de la réaliser pendant ces quatre ans ? Et grossièrement, quels leviers a-t-il actionnés, quels obstacles a-t-il rencontrés ?
- S’il y a bien un sujet qui antagonise les positions et sert très souvent d’étendard à la contestation chez les anti-Français en Afrique, c’est le franc CFA. Conscient des enjeux symboliques mais pas que, le conseil des ministres français a adopté, le 20 mai 2020, le projet de loi mettant fin à cette monnaie dans les huit pays d’Afrique de l’Ouest. Le parlement l’a ratifié en janvier 2021, mais toujours rien du côté des Etats africains. Pourquoi cette inertie chez les chefs d’Etat concernés ? Le coût économique de la mesure dépasserait-il les bénéfices politiques qu’ils pourraient en tirer ?
- Hors du pré carré français, Emmanuel Macron s’investit également dans les grandes économies du continent telles l’Égypte, le Nigeria, l’Afrique du Sud, etc. Il déploie notamment une nouvelle approche, en court-circuitant parfois les pouvoirs politiques locaux pour ne s’adresser qu’aux hommes d’affaires. Mais là encore, le succès n’est pas au rendez-vous. Comment l’expliquez-vous ? La globalisation du continent a-t-elle eu raison de l’influence économique de la France en Afrique ?
- Emmanuel Macron souhaite s’extirper du bourbier sahélien. En pleine campagne présidentielle, il évoquait déjà, s’il était élu, le retrait des militaires de l’opération Barkhane au Sahel. Mais une fois arrivé au pouvoir, et après plusieurs visites de terrain, le chef de l’État comprend tardivement, dites-vous, « que le piège n’est pas que militaire, mais aussi politique. » Pouvez-vous préciser cette composante politique ? Est-ce dû au fait que certains chefs d’Etat africain, alliés de la France dans la région, jouent en même temps des sentiments anti-Français des populations pour rester au pouvoir ? Et n’y a-t-il pas également un aspect culturel et social, qui réside dans la difficulté de demander à des sociétés musulmanes de s’engager contre le terrorisme islamique ?