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Planification écologique : le micro plan d’Élisabeth Borne

Planification écologique : le micro plan d’Élisabeth Borne

Élisabeth Borne a une conception assez ésotérique de la planification notamment en la circonstance du domaine écologique. La Première ministre a en effet présenté un micro plan qui se résume uniquement en la reprise d’action déjà en cours et qui ne saurait constituer une programmation significative de la mutation environnementale.

Pour résumer la reprise de beaucoup d’évidences, de généralités voire de banalités mais rien de grande ampleur ni de très significatif.

« Nous avons identifié 22 chantiers qui couvrent les domaines de la vie quotidienne : la mobilité, le logement, notre façon de produire et de consommer », auxquels s’ajoutent « la restauration de la biodiversité et de nos écosystèmes (eau, sols, forêts, océans) », et chaque chantier se déclinera en « plans d’action », affirmait la Première ministre dans un entretien à Libération mis en ligne jeudi 20 octobre.

Les actions qui découleront de ces chantiers seront portées « sous la bannière : ‘France nation verte’ », précisait-elle, ajoutant qu’ »une première synthèse » de cette planification sera établie « d »ici la fin de l »année » et enrichie « au fur et à mesure ».

Sans présenter de nouvelles actions, concrètes ou symboliques, la cheffe du gouvernement, polytechnicienne de formation, a dit « assumer » une écologie « de la responsabilité, où l’on refuse le simplisme et l’on dit aux Français (…) que les solutions sont complexes », en identifiant « des leviers » à partir de « séries d’indicateurs », ce qui « peut paraître complexe ou abstrait ».

Élisabeth Borne a défendu une France « plus verte » qui soit aussi « plus juste », « condition pour que la transition écologique soit acceptée, efficace et fédératrice ». Elle a insisté sur la mobilisation de « tous les acteurs », citoyens, entreprises, État et surtout collectivités, « qui ont entre leurs mains la plupart des compétences décisives pour la transition écologique ».

Une « première version consolidée » de cette planification sera établie « en fin d’année », « intégrant de nouvelles actions » et « des clauses de rendez-vous », a précisé Élisabeth Borne.

Interrogée par Libération sur la question de savoir si elle assumait de dire aux Français qu’il fallait manger moins de viande ou moins prendre l’avion, Élisabeth Borne a répondu ne pas vouloir « stigmatiser les gens sur leur façon de vivre », préférant « donner envie d’autre chose ».

Une justice française inefficace

Une  justice française inefficace

 

L’avocat Stéphane Bonifassi estime, dans une tribune au « Monde », que la justice française ne souffre pas tant d’une insuffisance de moyens que, notamment au civil, d’une surproduction de jugements en l’absence d’outils procéduraux qui permettraient de limiter l’intervention des magistrats.

 

Le rapport des Etats généraux de la justice – dit rapport Sauvé – remis le 8 juillet au président de la République appelle à une augmentation substantielle des moyens de la justice et fait état d’un sous-investissement chronique. Pourtant, ce même rapport relève que la France se situe au-dessus de la médiane européenne pour les dépenses des tribunaux rapportées au produit intérieur brut ou au nombre d’habitants, selon la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej).

En même temps, la France présente un délai de traitement des affaires bien supérieur à la médiane européenne et la Cepej s’alarme de l’insuffisante efficacité de notre système judiciaire. Des moyens supérieurs à la médiane mais une justice plus inefficace que les autres : on ne saurait dire de manière plus convaincante que notre justice ne souffre pas seulement d’une insuffisance de moyens.

Pour autant, la justice civile française ne chôme pas. Ce sont plus de un million d’affaires qui ont été traitées en 2020 devant les tribunaux judiciaires en première instance. Bien que le juge civil français soit devenu un auteur particulièrement prolifique, il ne parvient pas à faire face aux stocks inépuisables d’affaires introduites.

Mais les difficultés rencontrées par la justice civile française ne seraient-elles pas justement liées à cette production de masse de jugements ?

En Angleterre, seules 5 % des affaires dont le juge civil est saisi font l’objet d’un jugement, selon une récente étude réalisée par le magistrat Michaël Haravon. Le reste, soit l’écrasante majorité, est transigé avant tout jugement. Le juge n’a alors à juger que les quelques affaires pour lesquelles aucun accord n’a pu être trouvé entre les parties.

En France, ce sont environ 70 % des affaires civiles qui donnent lieu à un jugement, selon les statistiques du ministère de la justice, sans parler des innombrables recours devant les cours d’appel ou la Cour de cassation. C’est ainsi que pour 14 076 décisions en matière civile rendues en 2020 par la Cour de cassation en France, son homologue la Cour suprême britannique a rendu en tout et pour tout 54 décisions, toutes matières confondues, y compris pénales. Les délais, du fait de ces recours innombrables, explosent.

Le choix fait par la justice britannique de favoriser le règlement amiable des différends permet un règlement plus rapide et mieux accepté du litige. En parallèle, le juge dispose de plus de temps et de plus de moyens pour traiter des affaires présentant une vraie complexité juridique.

Planification écologique : c’est pour quand ?

Planification écologique : c’est pour quand ?

Il faut souhaiter que les situations d’urgence vécues depuis le début de l’été accélèrent une prise de conscience qui résiste au passage des saisons. La salutaire planification écologique annoncée par le gouvernement attend toujours d’entrer dans les faits. Or, le temps presse Estime un papier du Monde.

Le dérèglement climatique a quitté cet été les rapports austères pour s’imposer plus que jamais dans la vie de millions de Français. Ces derniers sont soumis tour à tour à des canicules impitoyables et à des phénomènes orageux particulièrement violents, comme celui qui vient de frapper la Corse. L’heure est malheureusement aux superlatifs, avec des sécheresses sans précédent qui n’épargnent plus aucune région, accompagnées d’incendies dévastateurs. Habituée à porter secours, la France a été contrainte d’appeler cette fois-ci à l’aide ses partenaires européens pour les juguler. Le tribut versé par la faune et la flore à ces catastrophes promet d’être élevé.

L’eau, une ressource longtemps considérée comme abondante, devient un sujet grandissant de tensions entre ses utilisateurs, confrontés à la généralisation de restrictions dans une bonne partie des départements. Tensions qui sont allées jusqu’au vol, en Ardèche, dans un réservoir consacré à la lutte contre les incendies, une triste première. Elaborée à une époque probablement révolue, la gestion française de la ressource hydrique menace d’être inadaptée à une ère de pénuries.

Il est sans doute trop tôt pour évoquer une accélération du réchauffement du climat par rapport aux trajectoires de long terme, déjà sombres, du groupe d’experts des Nations unies consacré à son évolution, le GIEC. Le météorologue et climatologue Robert Vautard, qui en est membre, se garde de trancher dans nos colonnes, mais estime néanmoins que les modèles sur lesquels les scientifiques s’appuient localement « donnent une vision un peu trop optimiste pour le futur ». Ce constat ne peut qu’alimenter l’anxiété liée au dérèglement climatique.

Il faut souhaiter que cet été de catastrophes accélère une prise de conscience qui résiste au passage des saisons. Par le passé, d’autres épisodes de sécheresse ont été suivis sur l’instant des discours volontaristes qui se sont étiolés l’automne suivant, ou bien lorsqu’une année plus proche de ce qui était la norme leur a succédé.

Face aux situations d’urgence vécues depuis le début de l’été, la majorité des réponses a privilégié l’adaptation : renforcement des moyens de lutte contre les incendies, meilleur usage des ressources hydriques, y compris celui des eaux usées, rupture avec une activité sylvicole favorisant la monoculture qui fragilise les forêts face au feu.

Rien de significatif, en revanche, n’a été dit de la lutte indispensable et structurelle que la situation exige contre le réchauffement. Négligée pendant la campagne présidentielle, marquée par le résultat décevant du parti censé incarner les préoccupations environnementales, elle a été brièvement remise en haut de la pile dans l’entre-deux-tours par le président sortant, Emmanuel Macron. Avant d’être à nouveau reléguée sur l’échelle des priorités au début d’une session parlementaire dominée sur tous les bancs, de la gauche à l’extrême droite, par la question du pouvoir d’achat, y compris aux dépens de l’environnement, à l’unisson de l’opinion publique.

La salutaire planification écologique annoncée par le gouvernement attend toujours un début de traduction dans les faits. Le temps presse pourtant, pour une crise qui ignore les frontières et qui requiert donc une réponse multilatérale. Pour prôner sans aucun doute et à bon droit l’exemplarité lors de la COP27, la conférence sur le changement climatique prévue en novembre à Charm El-Cheikh, en Egypte, la France se doit au préalable de se montrer elle-même exemplaire.

Sondage–la planification écologique plébiscitée

 

 

Sondage–la planification écologique plébiscitée

La sortie des énergies fossiles, rencontre le soutien de près de trois sur quatre d’entre (71 %), selon un sondage OpinionWay-Square pour « Les Echos » et Radio classique.

Pour autant, l’ambition écologique de l’exécutif est loin d’être unanimement partagée. Alors que les jeunes et la quasi-totalité des électeurs de gauche et du centre le suivent dans cette voie, ceux de Valérie Pécresse traînent un peu les pieds, seuls 58 % d’entre eux déclarant approuver le dessein du gouvernement. Les électeurs de Marine Le Pen et plus encore ceux d’Eric Zemmour sont, quant à eux, majoritairement opposés à la décarbonation de la France.

Ils sont seulement 46 % chez les premiers et 36 % chez les seconds à se dire favorables à voir la France se hisser au rang de grande nation écologique. C’est-à-dire qu’elle devienne le premier pays développé au monde à sortir des fossiles, comme le projette Emmanuel Macron.

En dehors du sentiment de fierté nationale qu’éveille chez elle cet objectif, l’opinion est très majoritairement acquise aux solutions qui visent à l’atteindre. L’amplification du programme d’aides aux travaux « MaPrimeRénov » fait l’unanimité avec 89 % de jugement favorables. La proposition d’aligner la rémunération des chefs d’entreprise selon qu’ils touchent ou ratent les cibles environnementales qui leur sont imparties bénéficie de l’assentiment de 78 % des sondés. Idem pour l’instauration d’un dispositif de location longue durée d’un véhicule électrique pour moins de 100 euros par mois avec 70 % d’avis favorables.

Ce mouvement d’approbation s’érode un peu sur la question du nucléaire. Près de deux Français sur trois (65 %) approuvent la construction de nouveaux réacteurs. Les  Français s’inquiètent pour l’avenir de la planète. Ils sont 44 % à considérer qu’il est déjà trop tard pour agir contre le réchauffement climatique. Parmi les personnes interrogées qui jugent nécessaire d’investir pour s’en préserver, c’est-à-dire pratiquement toutes (96 %), une forte minorité (42 %) considère qu’il faut le faire pour s’adapter à ses effets plutôt que pour s’attaquer à ses causes.

 

Renaissance du concept de planification ?

Renaissance du concept de planification ?

Le concept de planification donne parfois lieu à des interprétations très différentes comme d’ailleurs leurs modalités. Pour ridiculiser le principe, on fait parfois référence à la planification soviétique qui intervenait dans tous les domaines. La planification constitue cependant un outil méthodologique qui permet avant d’agir d’analyser les grandes évolutions passées, les scénarios futurs de l’environnement et les stratégies possibles dans des secteurs clés qui exigent des actions à long terme et où  l’action conjointe des acteurs économiques et des acteurs publics permet d’obtenir des synergies et des résultats efficaces. NDLR

L’idée qu’un Etat puisse organiser plus efficacement l’économie que le seul marché refait son apparition à la faveur des craintes suscitées par l’urgence climatique et l’enlisement de la guerre en Ukraine. ( papier du Monde)

Le terme de « planification » ressort des limbes dans lesquelles l’effondrement de l’Union soviétique, en 1991, l’avait enfoui. L’idée qu’un Etat puisse organiser plus efficacement l’économie que le fonctionnement « spontané » du marché semblait avoir démontré son inanité sur les étals vides des magasins de Moscou. Mais résumer l’idée de planification à sa variante soviétique est un effet d’optique causé par la guerre froide, lorsqu’il s’agissait d’opposer le « modèle » libéral au « modèle » communiste.Si la notion réapparaît aujourd’hui, affublée du qualificatif « écologique », dans le programme de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) comme dans l’intitulé d’un secrétariat général rattaché directement à la première ministre, c’est parce qu’elle semble être une parade possible à l’effondrement environnemental annoncé. Lorsqu’elle s’installe, au cours des années 1930-1940, dans un grand nombre de pays, autoritaires comme démocratiques, c’est pour parer à d’autres effondrements : celui de l’économie libérale entrée dans la « grande récession » après le krach financier de 1929 ; celui de l’ordre international brisé par la seconde guerre mondiale.

 La planification devient alors une réalité opérationnelle : il s’agit, selon les pays et les périodes, de pallier la faillite des marchés et des entreprises incapables d’assurer la vie économique, d’organiser la production pour la diriger tout entière vers l’effort de guerre et le ravitaillement de la population mobilisée, de reconstruire et de moderniser l’appareil productif et les infrastructures détruits par la guerre.

Les méthodes sont variées, depuis le plan coercitif imposant aux entreprises des livraisons de quantités données à des prix fixes – comme dans l’URSS ou l’Allemagne des années 1930 –, jusqu’à la planification « incitative » où, comme en France de 1947 à 1957, l’Etat fixe un objectif de croissance, négocie dans les secteurs-clés avec les entreprises et les syndicats la déclinaison de cet objectif et s’assure de la cohérence des grands agrégats économiques (budgets, balance extérieure, circulation monétaire) avec ces objectifs. En passant par le Victory Program américain qui, à partir de 1942, réunit les grandes entreprises et les fonctionnaires de l’administration Roosevelt pour négocier les quantités, les prix, les salaires et l’organisation de la production de l’équipement des armées alliées tout en continuant à produire (presque) normalement pour la population civile – un modèle proche fonctionne au Royaume-Uni.

 

Planification écologique : du pipeau !

Planification écologique : du pipeau !

 

 

 

La nouvelle planification écologique annoncée par le gouvernement reste dans le flou, regrettent, dans une tribune au « Monde », l’économiste Cédric Durand et le sociologue Razmig Keucheyan. Ils rappellent que des mesures venues d’en haut ne suffiront pas à assurer le succès de la bifurcation écologique.

 

Après des décennies de fantasmes néolibéraux sur les vertus autorégulatrices de l’économie de marché, le retour en grâce du plan s’apparente à un retour du refoulé. On n’échappe pas à notre destin économique collectif et à la nécessité de le gouverner ensemble. L’instabilité financière endémique, la crise écologique, les soulèvements populaires et les commotions guerrières réinstaurent la primauté du politique sur l’économique. Planifier, donc, c’est regarder ensemble dans la même direction. Mais regarder comment ? L’institution de la nouvelle planification écologique par le gouvernement Borne reste dans le flou. Plus inquiétant, les principes mêmes qui la fondent ne sont pas explicités. Alors que la planification écologique est directement rattachée à la première ministre, en soi un geste fort, on attend toujours un discours qui en préciserait l’esprit et une architecture institutionnelle lui donnant consistance.

Les premiers éléments dont on dispose laissent présager un émiettement peu lisible et difficilement pilotable des compétences. Ainsi, le secrétaire général en charge de ce dossier à Matignon se voit confier une mission aux contours vagues et peu engageants : « coordonner l’élaboration des stratégies nationales » en matière d’écologie. En somme, on cherche toujours les raisons de croire que la planification écologique n’est pas, de la part du pouvoir macronien, un simple élément de langage électoraliste visant à mordre sur les plates-bandes mélenchonistes.

Une instance pour le temps long

Le premier fondement de la planification est d’être démocratique. Dans son récent rapport sur le sujet, France Stratégie met bien en avant cette préoccupation : s’il s’agit de transformer la structure énergétique sur laquelle repose notre société et, plus largement, notre relation à la nature, il faut pouvoir s’appuyer sur une légitimité en acier trempé. Une légitimité bien plus solide que celle que procurent de courtes victoires électorales. Pour l’obtenir, la participation populaire, l’ancrage territorial, l’implication des branches économiques et du monde associatif, l’éclairage des communautés scientifiques sont indispensables. Elles doivent être organisées en une instance spécifiquement conçue pour le temps long. Elle peut être rattachée à Matignon, puisqu’une forme de centralisation politique permettant la hiérarchisation des objectifs est souhaitable. Mais ses liens avec le Parlement, où sont plus largement représentés les divers secteurs et sensibilités qui traversent la société, doivent être permanents.

Redécouverte de la planification

Redécouverte de la planification

 

Dans une tribune au « Monde », Eric Monnet, Prix du meilleur jeune économiste 2022, tire les leçons des succès et des limites de la planification de l’après-guerre et détaille ce qu’elle a à nous apprendre pour la transition écologique.

 

Le terme de « planification écologique » est entré dans le vocabulaire courant de la politique française. La référence à la planification de l’après-seconde guerre mondiale se justifie par la reconnaissance d’un objectif économique et social commun qui surpasse tous les autres car il est à proprement parler vital. La reconstruction d’après-guerre était effectivement vue comme la seule manière de sortir la société de la misère et du rationnement, et la modernisation – l’autre objectif du plan – comme la seule échappatoire de ce qui était perçu comme l’effondrement « malthusien » de la civilisation de l’entre-deux-guerres. Comme aujourd’hui, il y avait un sentiment partagé d’absolue nécessité et la reconnaissance du fait que, malgré ses imperfections, l’Etat était la forme d’organisation collective adéquate, à même de guider la société et éviter la catastrophe.

 

Cela ne signifiait évidemment pas que les autres formes d’organisation collective et la liberté individuelle devaient disparaître ou en souffrir. Les historiens et économistes discuteront sans doute encore longtemps pour savoir si une autre organisation et d’autres politiques auraient été plus bénéfiques aux économies européennes après 1945, mais force est de constater que la reconstruction eut lieu et qu’elle fut suivie par un important processus d’innovation et de modernisation, avant que la planification soit délégitimée par le marasme économique des années 1970. Les objectifs principaux furent, pour la plupart, rapidement atteints, ce qui ne peut manquer de susciter l’intérêt aujourd’hui, puisque des actions décisives doivent être prises à l’horizon de quelques années.

Au sein des économies capitalistes, c’est sans doute en France que la planification fut la plus théorisée et revendiquée, mais de nombreuses caractéristiques étaient partagées par d’autres pays, même si – c’est une évidence dès que l’on parle d’intervention de l’Etat – chaque pays avait ses particularités et son vocabulaire. La planification reposait sur différents principes, dont certains peuvent encore faire sens aujourd’hui : développement des compétences techniques et insertion de celles-ci au sein des administrations, concertation verticale (au sein d’un même secteur d’activité) et horizontale (entre secteurs d’activité), intégration européenne et internationale, réorganisation du secteur financier au service des objectifs de planification.

Le développement des compétences techniques et l’intégration des politiques publiques avec la recherche étaient des dimensions majeures du plan, à la fois au sein des administrations et des entreprises publiques et privées. Des « missions de productivité » pour apprendre des technologies étrangères, au développement de services de recherche dans les grandes entreprises nationalisées en passant par la création de centres de recherche fondamentale, tout était organisé pour que les savoirs nourrissent les objectifs technologiques. Il ne faut pas tomber aujourd’hui dans l’illusion que seules la technologie et l’innovation vont nous tirer d’affaire face à la crise environnementale, mais on peut mesurer combien la rénovation énergétique des bâtiments ou le développement d’énergies non carbonées ne peuvent se faire sans investissement dans la recherche et la formation, ni sans restructuration des administrations.

Politique: Redécouverte de la planification ?

Politique:  Redécouverte  de la planification ?

 

 

Pour une  refonte totale de notre système social et fiscal, estiment les économistes Yann Coatanlem et Antonio de Lecea, dans une tribune au « Monde ».

 

La question du pouvoir d’achat est, aujourd’hui, en tête des préoccupations des Français et l’accélération de l’inflation, tout comme la volatilité actuelle des prix de l’énergie renforcent le sentiment d’insécurité. Mais il faut prendre garde aux solutions politiques simplistes : les protestations contre la vie chère recoupent en fait des problématiques multiples, qu’il faut traiter individuellement, mais aussi suivant une stratégie d’ensemble cohérente.Bref, comme une renaissance de la planification, un gros mot il y a encore quelques mois !

Le manque de pouvoir d’achat souffre d’abord d’un trop-plein de « pouvoir de marché » d’entreprises qui profitent d’un cadre concurrentiel devenu inadapté. Le top 10 % des entreprises au rendement le plus élevé ont aujourd’hui un taux de rendement cinq fois plus élevé que le taux médian, alors que ce ratio était plus proche de deux il y a vingt-cinq ans. Les 10 % des entreprises les plus profitables ont vu leurs marges augmenter de 35 % depuis le début des années 2000, alors qu’elles ont stagné pour les autres entreprises, et leur profitabilité s’accroître de 50 % de plus que les autres. Le top 1 % des entreprises les plus exportatrices représentent 67 % de l’ensemble des exportations. Le top 1 % des firmes détentrices de brevets contrôle 91 % du total des brevets. Cette concentration de plus en plus extrême doit pousser les pouvoirs publics à revoir la politique de concurrence pour éviter la constitution de ces véritables impôts privés que sont les distorsions de prix et les rentes de monopoles, ou encore à faire payer aux entreprises les coûts d’environnement et d’infrastructure supportés par les budgets publics.

Par ailleurs, les crises à répétition, qu’elles soient sanitaires, économiques, climatiques ou géopolitiques, ont touché de manière disproportionnée les plus défavorisés. Durant la pandémie de Covid, on a recouru à un arsenal d’aides qui ont certainement atténué l’impact économique de la crise, mais dont le manque de ciblage suffisamment précis a pu, dans certains cas, créer des situations injustes et alourdir les déficits publics. De même, si dans la lutte contre la hausse du prix de l’essence, des aides d’urgence de l’Etat et des régions apparaissent nécessaires, elles contredisent l’impact de la taxe carbone dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Ces risques dérivés de l’action d’urgence seraient considérablement amoindris si l’on disposait d’une approche des crises ex ante, c’est-à-dire des filets de sécurité offrant une garantie raisonnable de ne pas être laissé sur le carreau. Le revenu universel peut jouer ce rôle d’amortisseur, avec l’avantage non négligeable de changer la psychologie des anticipations : avec moins de peur du lendemain, on peut davantage prendre de risques personnels qui contribuent à la prospérité du pays et les citoyens peuvent mieux accepter des choix politiques de long terme.

 

Planification et financement

Planification et financement

Eric Monnet, directeur d’étude à l’EHESS et professeur à l’Ecole d’économie de Paris s’est penché sur le rôle des banques centrales dans la politique économique générale. Un thème d’actualité alors qu’il faut investir massivement dans la transition écologique.

 

Eric Monnet est le lauréat du Prix du meilleur jeune économiste 2022, remis par Le Monde et le Cercle des économistes. Il revient sur ce qui motive son goût pour la recherche économique et évoque ses thèmes de prédilection.

Vous avez étudié l’engagement de l’Etat dans les politiques de crédit et de financement de la reconstruction d’après-guerre, à la fin des années 1940 jusque dans les années 1970. Qu’en avez-vous tiré pour l’étude de l’économie actuelle ?

Cela m’a permis de montrer l’importance, à l’époque, de l’implication des banques centrales dans la politique économique générale, à la fois pour contrôler l’inflation et pour favoriser le crédit. Il était important de remettre en lumière ce rôle « oublié », dans les années 1980, dans la mesure où il réapparaît avec ce que l’on appelle, depuis dix ans, les « politiques non conventionnelles » des banques centrales, qui ont volé au secours du crédit des Etats, mais aussi des agents économiques, à coups de rachats massifs de titres et de prêts ciblés.

 

Les historiens et les économistes, lorsqu’ils étudient le rôle du Plan durant les « trente glorieuses » (1945-1975), insistent sur la planification industrielle et négligent le versant financier de cette planification. Car la reconstruction de la France n’a été financée ni par les banques privées (elles finançaient principalement le crédit commercial) ni par les budgets publics, mais surtout par de grandes institutions financières publiques – Caisse des dépôts, Crédit national, Crédit foncier –, dont les conseils d’administration rassemblaient des banquiers, des représentants des grandes entreprises et de l’Etat.

L’action de ces institutions, chapeautées par le Conseil national du crédit, où étaient aussi représentés les syndicats, était coordonnée par la Banque de France. Les dollars du plan Marshall furent ainsi distribués aux entreprises françaises par le Crédit national. Aujourd’hui, la planification écologique ne pourra se construire sans repenser les circuits publics de financement à long terme et leur contrôle démocratique.

Vous avez aussi étudié la crise bancaire en France pendant la Grande Dépression des années 1930, une histoire elle aussi oubliée…

Oui, le récit habituel est que si, en Allemagne ou aux Etats-Unis, la grande crise avait d’abord frappé les banques, elle avait épargné les banques françaises. C’est du moins ce qu’ont voulu faire croire les plus grandes d’entre elles, qui ont en effet survécu, pour vanter ce qui serait une « spécificité » du modèle financier français – un discours qu’elles ont également tenu lors du krach de 2008.

Pas de planification écologique sans concertation démocratique

Pas de planification écologique sans concertation  démocratique 

Pour fédérer les citoyens et atteindre ses objectifs, le gouvernement a tout intérêt à se tourner vers la concertation. Par Nathalie Lazaric, Université Côte d’Azur

Durant sa campagne, Emmanuel Macron a affirmé vouloir mettre la planification écologique au centre du prochain quinquennat, sous l’égide directe du Premier ministre. En attendant sa nomination, l’institut France Stratégie vient de dévoiler son rapport sur les enjeux de cette planification écologique, préconisant entre autres un renouveau de l’exercice démocratique.

Dans ce contexte, en quoi consiste la planification écologique ? Quels en sont les contours et prérequis nécessaires pour aboutir à des résultats qui fédèrent le plus grand nombre de citoyens ? Comment éviter les échecs cuisants comme ceux de la rénovation énergétique ?

L’importance de la concertation

La planification écologique est l’aptitude d’un pays de se doter d’un cadre institutionnel et réglementaire adapté à ses objectifs écologiques. L’une de ses fonctions est notamment de permettre de financer les investissements privés et publics nécessaires pour la transition.

Si on peut se réjouir de voir la question écologique se placer au centre de l’échiquier politique et être annoncée comme principe phare pour les cinq prochaines années, on doit néanmoins se méfier de mesures imposées par le gouvernement ne répondant aux besoins réels ou « perçus » des citoyens.

En effet, faute de cohérence et de concertation préalable, l’État français a déjà été amené à renoncer à la fiscalité écologique avec la crise des « bonnets rouges » en 2013 et des « gilets jaunes » en 2019. Ces mesures furent perçues comme injustes, car touchant les travailleurs les plus pauvres, notamment lors du mouvement des « gilets jaunes » avec la hausse du prix du carburant.

Ainsi que le préconise le rapport Brundtland rédigé par les Nations unies en 1987, la participation et l’information ainsi que la justice et la solidarité sont les principes de base pour que la transformation écologique soit acceptée par les citoyens.

Face aux « grands défis » de notre siècle, il n’existe pas une solution possible, mais de nombreuses options. Les problèmes environnementaux sont complexes, incertains et ont des conséquences multiples.

Face à ces défis, la méthode préconisée est le pragmatisme à la « Dewey », c’est-à-dire une concertation décentralisée pour trouver un compromis acceptable et surtout, accepté par les acteurs publics et privés ainsi que par l’ensemble des citoyens.

La concertation est toutefois difficile et longue à mettre en œuvre. En effet, elle ne se programme pas, mais se co-construit avec un ensemble de parties prenantes.

L’exemple de la rénovation énergétique

Prenons un exemple simple : la rénovation énergétique, c’est-à-dire l’ensemble des travaux visant à diminuer la consommation énergétique du bâtiment et de ces usagers en utilisant des énergies décarbonées.

Annoncée en France comme la prochaine mesure phare du quinquennat pour la planification écologique, elle illustre la complexité des défis à surmonter pour aboutir à une réelle réduction des gaz à effet de serre.

La rénovation énergétique est complexe et implique de nombreux acteurs publics et privés (dont la plupart n’ont pas l’habitude de collaborer avec des acteurs intermédiaires), ainsi que de nombreuses sources de financement. Elle repose sur de multiples options technologiques possibles, et nécessite des compromis entre coût économique, pratiques énergétiques et réduction des gaz à effet de serre.

Face à ces difficultés, l’habitude est donc de mettre en place ces programmes sans les usagers et sans observation préalable de leurs pratiques de consommation.

Ceci conduit généralement à des résultats variables… voire mauvais. Notamment, on observe de nombreux effets rebonds après les opérations de réhabilitation, et les retours sur investissement sont loin de ceux escomptés.

Et pour cause : les modèles de prédiction sur lesquels ils sont basés reprennent souvent un profil d’usager dit « moyen », et sont incapables d’intégrer la complexité des usages locaux dans leur modèle de prévision.

Pourtant, les travaux de mon laboratoire sur la réhabilitation des logements sociaux en région PACA et sur la consommation énergétique montrent qu’il est possible, par la concertation, d’enseigner la réduction de la consommation énergétique et ainsi de modifier durablement les comportements.

Lorsque l’on fait le bilan de la réhabilitation des logements sociaux en région PACA, on voit une nette différence entre les opérations ayant bénéficié d’une concertation en amont (programme d’éducation populaire, travail avec les associations environnementales sur les questions énergétiques, dialogues avec la maîtrise d’ouvrage sur les options techniques telles que l’isolation et le thermostat) et les autres opérations « classiques ».

Quand la concertation avec les usagers fut mise en œuvre, les réductions de consommation énergétique furent importantes, avec une diminution effective de la consommation sur le long terme en évitant les potentiels effets rebond (c’est-à-dire une augmentation de la consommation d’énergie par usager allant à l’encontre des prévisions initiales).

Si le confort thermique est un réel bien-être pour les usagers, le but premier de la rénovation énergétique reste la réduction des gaz à effets de serre. Pour parvenir à ce résultat, il est nécessaire de concilier bien-être, éducation populaire et réduction de la facture énergétique, sous peine de voir ces programmes coûteux ne pas déployer leur potentiel et générer frustration et incompréhension potentielle.

La concertation (avec les différents intervenants : ménages, associations, maîtres d’œuvre…) doit alors être au cœur du processus. Mieux, elle doit être apprise et comprise en étant impulsée comme principe et méthode par l’État pour servir de modèle à l’ensemble des acteurs.

Quelles bonnes pratiques pour la planification écologique ?

Les leçons à tirer pour la planification écologique sont multiples. Tout d’abord, la concertation est un processus complexe, long et hasardeux, mais qui doit être mise en place dès le départ.

La planification permet de fixer un cadre et des objectifs. Il est important, par la suite, que ces derniers soient décentralisés et mis en œuvre par les acteurs territoriaux, avec de réelles ressources et moyens pour les accompagner dans cette démarche.

Cette démarche de concertation collective via des associations d’éducation populaire ou des outils comportementaux (récompenses, coups de pouce – nudges – ou conseils – boosts -) est non seulement durable, mais a de nombreux impacts sur le long terme. Elle permet de ne pas réduire la question de la planification écologique à de simples dispositifs techniques, certes indispensables, mais largement insuffisants.

Pour conclure, on peut dire que la clé de voûte de la planification écologique repose sur plusieurs préconisations à intégrer dans l’agenda politique pour les prochaines années :

  • La co-construction des scénarios de transition écologique avec les usagers comme condition préalable
  • La mise en place de programme d’éducation populaire et d’expérimentations de divers outils d’apprentissage vers la transition écologique (réduction des déchets, réduction de la consommation énergétique, nouvelles formes de mobilité…)
  • La volonté d’innover, tant du point de vue technologique que social, pour aboutir à des résultats ambitieux perçus comme utiles et justes
  • La volonté d’évaluer les résultats obtenus et de les diffuser à toutes les parties prenantes, pour apprendre des succès, mais aussi des échecs et tirer les leçons des méthodes locales
  • La capacité de dédier du temps et des ressources à la co-construction pour fédérer l’ensemble de parties prenantes, quitte à retarder à court terme les programmes en place
  • La décentralisation des moyens et des ressources pour que les acteurs territoriaux s’approprient la question de la mise en œuvre de la planification environnementale en fonction des spécificités et contraintes locales
  • La capacité de mesurer les bénéfices en matière de bien-être, d’inégalités et de réduction de gaz à effet de serre pour chaque programme engagé

En conclusion, pour que la planification écologique puisse être perçue comme juste et utile, il faut changer la donne des pratiques en cours, ne pas chercher l’efficacité à tout prix, mais voir la portée des programmes sur le long terme et se donner le temps de la concertation collective.

C’est à ce prix que la programmation environnementale pourra offrir toutes les opportunités pour les citoyens, et fédérera le plus grand nombre autour de l’objectif fondamental : la réduction de notre empreinte carbone et l’héritage du bien commun aux générations à venir.

La tâche est ambitieuse, mais c’est à ce prix que la transition écologique et sa mise en œuvre pourront embarquer le plus grand monde de citoyens, et toucher leur cible initiale.

________

Par Nathalie Lazaric, Directrice de recherche en innovation et apprentissage, Université Côte d’Azur.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Retour de la planification : pourquoi ?

Retour de la planification : pourquoi ?

 

 

 

 

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la France renoue avec la planification, mais se heurte à trois types de contraintes : les exigences de Bruxelles, la mise en place d’un processus d’élaboration démocratique, et les maigres ressources de l’Etat, détaille un papier  Jean-Michel Bezat, journaliste au « Monde », dans sa chronique.

 

Un article intéressant sur ce qui justifie le retour de la planification, ce concept tabou et même condamné il y a encore quelques semaines ou quelques mois. En plus des facteurs explicatifs évoqués, il aurait sans doute été intéressant d’approfondir bien davantage la complexification des processus de production , distribution et même de consommation qui ne peuvent évoluer de façon favorable que dans le temps que compte tenu d’une part de l’ampleur des investissements mais aussi des comportements. Bref des organisations systémiques modernes ne se changent pas  pas brutalement le temps d’un mandat électoral d’où la nécessité de se fixer des objectifs à moyen long terme.

 

tribune

 

Mais où donc est passé François Bayrou ? Que fait le haut-commissaire au plan depuis sa nomination, en septembre 2020, à un poste taillé sur mesure par le président de la République ? De droite à gauche, d’Emmanuel Macron à Jean-Luc Mélenchon, la planification (pourvu qu’elle soit « écologique ») est redevenue l’« ardente obligation » gaullienne de jadis. Mais de plan, on ne voit pas grand-chose. Au fond, que signifie ce mot, trois quarts de siècle après le rêve planificateur du Conseil national de la Résistance et après quatre décennies de dérégulation économique où l’Etat a abdiqué face à la toute-puissance du marché ?

 

Il a existé une « planification à la française », loin du Gosplan soviétique, associant dirigisme et pragmatisme, Etat et marché. Incarné par le Commissariat général du plan, créé en janvier 1946 et confié à Jean Monnet, il fut rattaché au président du gouvernement provisoire, le général de Gaulle, autant pour en souligner le rôle stratégique que pour contrebalancer l’influence grandissante d’un Parti communiste qui occupait trois des six ministères économiques et sociaux.

 

L’Etat y pèse alors de tout son poids, même si les hauts fonctionnaires échangent avec des patrons et des syndicalistes dans les « commissions de modernisation » (charbon, électricité, sidérurgie, transports, BTP, main-d’œuvre…), instances consultatives chargées de faire des propositions au commissaire et au gouvernement. Il fixe un agenda et une trajectoire dès le premier plan (1947-1953), mettant l’accent sur l’énergie et la sidérurgie, bases indispensables au développement de l’industrie manufacturière et des transports.

M. Mélenchon a réveillé l’idée pour en faire le cœur de son projet présidentiel, puis législatif. Il est peu probable qu’il mette jamais à exécution un projet de « rupture avec le productivisme » quand M. Macron veut au contraire une France « plus productive ». Mais l’« insoumis » a poussé le président à en reprendre le principe. Au début de la crise sanitaire, le chef de l’Etat avait timidement évoqué « une stratégie où nous retrouverons le temps long et la possibilité de planifier » ; il l’a fortement réaffirmée à Marseille, entre les deux tours de la présidentielle.

En 1945, la France devait être « modernisée », grande injonction politique de l’époque et mission essentielle du plan. En 2022, il lui faut changer de modèle économique en une génération. L’ambition, tout aussi titanesque et plus difficile, est d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Il ne s’agit plus de reconstruire, mais de déconstruire des activités pour les remplacer par d’autres dans un processus qui entraînera une importante destruction de valeur – inédite à une telle échelle en temps de paix. Le gouvernement ayant dû renoncer à une transition écologique par le marché à travers une taxe carbone incitant particuliers et entreprises à modifier activités et comportements, elle se fera surtout par l’Etat, régulateur et investisseur. Les voies et moyens d’une telle planification sont plus complexes qu’en 1945.

Environnement- Pas de planification sans concertation démocratique

 

Environnement- Pas de planification sans concertation  démocratique 

Pour fédérer les citoyens et atteindre ses objectifs, le gouvernement a tout intérêt à se tourner vers la concertation. Par Nathalie Lazaric, Université Côte d’Azur

Durant sa campagne, Emmanuel Macron a affirmé vouloir mettre la planification écologique au centre du prochain quinquennat, sous l’égide directe du Premier ministre. En attendant sa nomination, l’institut France Stratégie vient de dévoiler son rapport sur les enjeux de cette planification écologique, préconisant entre autres un renouveau de l’exercice démocratique.

Dans ce contexte, en quoi consiste la planification écologique ? Quels en sont les contours et prérequis nécessaires pour aboutir à des résultats qui fédèrent le plus grand nombre de citoyens ? Comment éviter les échecs cuisants comme ceux de la rénovation énergétique ?

L’importance de la concertation

La planification écologique est l’aptitude d’un pays de se doter d’un cadre institutionnel et réglementaire adapté à ses objectifs écologiques. L’une de ses fonctions est notamment de permettre de financer les investissements privés et publics nécessaires pour la transition.

Si on peut se réjouir de voir la question écologique se placer au centre de l’échiquier politique et être annoncée comme principe phare pour les cinq prochaines années, on doit néanmoins se méfier de mesures imposées par le gouvernement ne répondant aux besoins réels ou « perçus » des citoyens.

En effet, faute de cohérence et de concertation préalable, l’État français a déjà été amené à renoncer à la fiscalité écologique avec la crise des « bonnets rouges » en 2013 et des « gilets jaunes » en 2019. Ces mesures furent perçues comme injustes, car touchant les travailleurs les plus pauvres, notamment lors du mouvement des « gilets jaunes » avec la hausse du prix du carburant.

Ainsi que le préconise le rapport Brundtland rédigé par les Nations unies en 1987, la participation et l’information ainsi que la justice et la solidarité sont les principes de base pour que la transformation écologique soit acceptée par les citoyens.

Face aux « grands défis » de notre siècle, il n’existe pas une solution possible, mais de nombreuses options. Les problèmes environnementaux sont complexes, incertains et ont des conséquences multiples.

Face à ces défis, la méthode préconisée est le pragmatisme à la « Dewey », c’est-à-dire une concertation décentralisée pour trouver un compromis acceptable et surtout, accepté par les acteurs publics et privés ainsi que par l’ensemble des citoyens.

La concertation est toutefois difficile et longue à mettre en œuvre. En effet, elle ne se programme pas, mais se co-construit avec un ensemble de parties prenantes.

L’exemple de la rénovation énergétique

Prenons un exemple simple : la rénovation énergétique, c’est-à-dire l’ensemble des travaux visant à diminuer la consommation énergétique du bâtiment et de ces usagers en utilisant des énergies décarbonées.

Annoncée en France comme la prochaine mesure phare du quinquennat pour la planification écologique, elle illustre la complexité des défis à surmonter pour aboutir à une réelle réduction des gaz à effet de serre.

La rénovation énergétique est complexe et implique de nombreux acteurs publics et privés (dont la plupart n’ont pas l’habitude de collaborer avec des acteurs intermédiaires), ainsi que de nombreuses sources de financement. Elle repose sur de multiples options technologiques possibles, et nécessite des compromis entre coût économique, pratiques énergétiques et réduction des gaz à effet de serre.

Face à ces difficultés, l’habitude est donc de mettre en place ces programmes sans les usagers et sans observation préalable de leurs pratiques de consommation.

Ceci conduit généralement à des résultats variables… voire mauvais. Notamment, on observe de nombreux effets rebonds après les opérations de réhabilitation, et les retours sur investissement sont loin de ceux escomptés.

Et pour cause : les modèles de prédiction sur lesquels ils sont basés reprennent souvent un profil d’usager dit « moyen », et sont incapables d’intégrer la complexité des usages locaux dans leur modèle de prévision.

Pourtant, les travaux de mon laboratoire sur la réhabilitation des logements sociaux en région PACA et sur la consommation énergétique montrent qu’il est possible, par la concertation, d’enseigner la réduction de la consommation énergétique et ainsi de modifier durablement les comportements.

Lorsque l’on fait le bilan de la réhabilitation des logements sociaux en région PACA, on voit une nette différence entre les opérations ayant bénéficié d’une concertation en amont (programme d’éducation populaire, travail avec les associations environnementales sur les questions énergétiques, dialogues avec la maîtrise d’ouvrage sur les options techniques telles que l’isolation et le thermostat) et les autres opérations « classiques ».

Quand la concertation avec les usagers fut mise en œuvre, les réductions de consommation énergétique furent importantes, avec une diminution effective de la consommation sur le long terme en évitant les potentiels effets rebond (c’est-à-dire une augmentation de la consommation d’énergie par usager allant à l’encontre des prévisions initiales).

Si le confort thermique est un réel bien-être pour les usagers, le but premier de la rénovation énergétique reste la réduction des gaz à effets de serre. Pour parvenir à ce résultat, il est nécessaire de concilier bien-être, éducation populaire et réduction de la facture énergétique, sous peine de voir ces programmes coûteux ne pas déployer leur potentiel et générer frustration et incompréhension potentielle.

La concertation (avec les différents intervenants : ménages, associations, maîtres d’œuvre…) doit alors être au cœur du processus. Mieux, elle doit être apprise et comprise en étant impulsée comme principe et méthode par l’État pour servir de modèle à l’ensemble des acteurs.

Quelles bonnes pratiques pour la planification écologique ?

Les leçons à tirer pour la planification écologique sont multiples. Tout d’abord, la concertation est un processus complexe, long et hasardeux, mais qui doit être mise en place dès le départ.

La planification permet de fixer un cadre et des objectifs. Il est important, par la suite, que ces derniers soient décentralisés et mis en œuvre par les acteurs territoriaux, avec de réelles ressources et moyens pour les accompagner dans cette démarche.

Cette démarche de concertation collective via des associations d’éducation populaire ou des outils comportementaux (récompenses, coups de pouce – nudges – ou conseils – boosts -) est non seulement durable, mais a de nombreux impacts sur le long terme. Elle permet de ne pas réduire la question de la planification écologique à de simples dispositifs techniques, certes indispensables, mais largement insuffisants.

Pour conclure, on peut dire que la clé de voûte de la planification écologique repose sur plusieurs préconisations à intégrer dans l’agenda politique pour les prochaines années :

  • La co-construction des scénarios de transition écologique avec les usagers comme condition préalable
  • La mise en place de programme d’éducation populaire et d’expérimentations de divers outils d’apprentissage vers la transition écologique (réduction des déchets, réduction de la consommation énergétique, nouvelles formes de mobilité…)
  • La volonté d’innover, tant du point de vue technologique que social, pour aboutir à des résultats ambitieux perçus comme utiles et justes
  • La volonté d’évaluer les résultats obtenus et de les diffuser à toutes les parties prenantes, pour apprendre des succès, mais aussi des échecs et tirer les leçons des méthodes locales
  • La capacité de dédier du temps et des ressources à la co-construction pour fédérer l’ensemble de parties prenantes, quitte à retarder à court terme les programmes en place
  • La décentralisation des moyens et des ressources pour que les acteurs territoriaux s’approprient la question de la mise en œuvre de la planification environnementale en fonction des spécificités et contraintes locales
  • La capacité de mesurer les bénéfices en matière de bien-être, d’inégalités et de réduction de gaz à effet de serre pour chaque programme engagé

En conclusion, pour que la planification écologique puisse être perçue comme juste et utile, il faut changer la donne des pratiques en cours, ne pas chercher l’efficacité à tout prix, mais voir la portée des programmes sur le long terme et se donner le temps de la concertation collective.

C’est à ce prix que la programmation environnementale pourra offrir toutes les opportunités pour les citoyens, et fédérera le plus grand nombre autour de l’objectif fondamental : la réduction de notre empreinte carbone et l’héritage du bien commun aux générations à venir.

La tâche est ambitieuse, mais c’est à ce prix que la transition écologique et sa mise en œuvre pourront embarquer le plus grand monde de citoyens, et toucher leur cible initiale.

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Par Nathalie Lazaric, Directrice de recherche en innovation et apprentissage, Université Côte d’Azur.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Politique et Environnement- Pas de planification sans concertation démocratique

Politique et Environnement- Pas de planification sans concertation  démocratique 

Pour fédérer les citoyens et atteindre ses objectifs, le gouvernement a tout intérêt à se tourner vers la concertation. Par Nathalie Lazaric, Université Côte d’Azur

Durant sa campagne, Emmanuel Macron a affirmé vouloir mettre la planification écologique au centre du prochain quinquennat, sous l’égide directe du Premier ministre. En attendant sa nomination, l’institut France Stratégie vient de dévoiler son rapport sur les enjeux de cette planification écologique, préconisant entre autres un renouveau de l’exercice démocratique.

Dans ce contexte, en quoi consiste la planification écologique ? Quels en sont les contours et prérequis nécessaires pour aboutir à des résultats qui fédèrent le plus grand nombre de citoyens ? Comment éviter les échecs cuisants comme ceux de la rénovation énergétique ?

L’importance de la concertation

La planification écologique est l’aptitude d’un pays de se doter d’un cadre institutionnel et réglementaire adapté à ses objectifs écologiques. L’une de ses fonctions est notamment de permettre de financer les investissements privés et publics nécessaires pour la transition.

Si on peut se réjouir de voir la question écologique se placer au centre de l’échiquier politique et être annoncée comme principe phare pour les cinq prochaines années, on doit néanmoins se méfier de mesures imposées par le gouvernement ne répondant aux besoins réels ou « perçus » des citoyens.

En effet, faute de cohérence et de concertation préalable, l’État français a déjà été amené à renoncer à la fiscalité écologique avec la crise des « bonnets rouges » en 2013 et des « gilets jaunes » en 2019. Ces mesures furent perçues comme injustes, car touchant les travailleurs les plus pauvres, notamment lors du mouvement des « gilets jaunes » avec la hausse du prix du carburant.

Ainsi que le préconise le rapport Brundtland rédigé par les Nations unies en 1987, la participation et l’information ainsi que la justice et la solidarité sont les principes de base pour que la transformation écologique soit acceptée par les citoyens.

Face aux « grands défis » de notre siècle, il n’existe pas une solution possible, mais de nombreuses options. Les problèmes environnementaux sont complexes, incertains et ont des conséquences multiples.

Face à ces défis, la méthode préconisée est le pragmatisme à la « Dewey », c’est-à-dire une concertation décentralisée pour trouver un compromis acceptable et surtout, accepté par les acteurs publics et privés ainsi que par l’ensemble des citoyens.

La concertation est toutefois difficile et longue à mettre en œuvre. En effet, elle ne se programme pas, mais se co-construit avec un ensemble de parties prenantes.

L’exemple de la rénovation énergétique

Prenons un exemple simple : la rénovation énergétique, c’est-à-dire l’ensemble des travaux visant à diminuer la consommation énergétique du bâtiment et de ces usagers en utilisant des énergies décarbonées.

Annoncée en France comme la prochaine mesure phare du quinquennat pour la planification écologique, elle illustre la complexité des défis à surmonter pour aboutir à une réelle réduction des gaz à effet de serre.

La rénovation énergétique est complexe et implique de nombreux acteurs publics et privés (dont la plupart n’ont pas l’habitude de collaborer avec des acteurs intermédiaires), ainsi que de nombreuses sources de financement. Elle repose sur de multiples options technologiques possibles, et nécessite des compromis entre coût économique, pratiques énergétiques et réduction des gaz à effet de serre.

Face à ces difficultés, l’habitude est donc de mettre en place ces programmes sans les usagers et sans observation préalable de leurs pratiques de consommation.

Ceci conduit généralement à des résultats variables… voire mauvais. Notamment, on observe de nombreux effets rebonds après les opérations de réhabilitation, et les retours sur investissement sont loin de ceux escomptés.

Et pour cause : les modèles de prédiction sur lesquels ils sont basés reprennent souvent un profil d’usager dit « moyen », et sont incapables d’intégrer la complexité des usages locaux dans leur modèle de prévision.

Pourtant, les travaux de mon laboratoire sur la réhabilitation des logements sociaux en région PACA et sur la consommation énergétique montrent qu’il est possible, par la concertation, d’enseigner la réduction de la consommation énergétique et ainsi de modifier durablement les comportements.

Lorsque l’on fait le bilan de la réhabilitation des logements sociaux en région PACA, on voit une nette différence entre les opérations ayant bénéficié d’une concertation en amont (programme d’éducation populaire, travail avec les associations environnementales sur les questions énergétiques, dialogues avec la maîtrise d’ouvrage sur les options techniques telles que l’isolation et le thermostat) et les autres opérations « classiques ».

Quand la concertation avec les usagers fut mise en œuvre, les réductions de consommation énergétique furent importantes, avec une diminution effective de la consommation sur le long terme en évitant les potentiels effets rebond (c’est-à-dire une augmentation de la consommation d’énergie par usager allant à l’encontre des prévisions initiales).

Si le confort thermique est un réel bien-être pour les usagers, le but premier de la rénovation énergétique reste la réduction des gaz à effets de serre. Pour parvenir à ce résultat, il est nécessaire de concilier bien-être, éducation populaire et réduction de la facture énergétique, sous peine de voir ces programmes coûteux ne pas déployer leur potentiel et générer frustration et incompréhension potentielle.

La concertation (avec les différents intervenants : ménages, associations, maîtres d’œuvre…) doit alors être au cœur du processus. Mieux, elle doit être apprise et comprise en étant impulsée comme principe et méthode par l’État pour servir de modèle à l’ensemble des acteurs.

Quelles bonnes pratiques pour la planification écologique ?

Les leçons à tirer pour la planification écologique sont multiples. Tout d’abord, la concertation est un processus complexe, long et hasardeux, mais qui doit être mise en place dès le départ.

La planification permet de fixer un cadre et des objectifs. Il est important, par la suite, que ces derniers soient décentralisés et mis en œuvre par les acteurs territoriaux, avec de réelles ressources et moyens pour les accompagner dans cette démarche.

Cette démarche de concertation collective via des associations d’éducation populaire ou des outils comportementaux (récompenses, coups de pouce – nudges – ou conseils – boosts -) est non seulement durable, mais a de nombreux impacts sur le long terme. Elle permet de ne pas réduire la question de la planification écologique à de simples dispositifs techniques, certes indispensables, mais largement insuffisants.

Pour conclure, on peut dire que la clé de voûte de la planification écologique repose sur plusieurs préconisations à intégrer dans l’agenda politique pour les prochaines années :

  • La co-construction des scénarios de transition écologique avec les usagers comme condition préalable
  • La mise en place de programme d’éducation populaire et d’expérimentations de divers outils d’apprentissage vers la transition écologique (réduction des déchets, réduction de la consommation énergétique, nouvelles formes de mobilité…)
  • La volonté d’innover, tant du point de vue technologique que social, pour aboutir à des résultats ambitieux perçus comme utiles et justes
  • La volonté d’évaluer les résultats obtenus et de les diffuser à toutes les parties prenantes, pour apprendre des succès, mais aussi des échecs et tirer les leçons des méthodes locales
  • La capacité de dédier du temps et des ressources à la co-construction pour fédérer l’ensemble de parties prenantes, quitte à retarder à court terme les programmes en place
  • La décentralisation des moyens et des ressources pour que les acteurs territoriaux s’approprient la question de la mise en œuvre de la planification environnementale en fonction des spécificités et contraintes locales
  • La capacité de mesurer les bénéfices en matière de bien-être, d’inégalités et de réduction de gaz à effet de serre pour chaque programme engagé

En conclusion, pour que la planification écologique puisse être perçue comme juste et utile, il faut changer la donne des pratiques en cours, ne pas chercher l’efficacité à tout prix, mais voir la portée des programmes sur le long terme et se donner le temps de la concertation collective.

C’est à ce prix que la programmation environnementale pourra offrir toutes les opportunités pour les citoyens, et fédérera le plus grand nombre autour de l’objectif fondamental : la réduction de notre empreinte carbone et l’héritage du bien commun aux générations à venir.

La tâche est ambitieuse, mais c’est à ce prix que la transition écologique et sa mise en œuvre pourront embarquer le plus grand monde de citoyens, et toucher leur cible initiale.

________

Par Nathalie Lazaric, Directrice de recherche en innovation et apprentissage, Université Côte d’Azur.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Politique- Pourquoi un retour de la planification ?

Pourquoi un retour de la planification ?

 

 

 

 

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la France renoue avec la planification, mais se heurte à trois types de contraintes : les exigences de Bruxelles, la mise en place d’un processus d’élaboration démocratique, et les maigres ressources de l’Etat, détaille un papier  Jean-Michel Bezat, journaliste au « Monde », dans sa chronique.

 

Un article intéressant sur ce qui justifie le retour de la planification, ce concept tabou et même condamné il y a encore quelques semaines ou quelques mois. En plus des facteurs explicatifs évoqués, il aurait sans doute été intéressant d’approfondir bien davantage la complexification des processus de production , distribution et même de consommation qui ne peuvent évoluer de façon favorable que dans le temps que compte tenu d’une part de l’ampleur des investissements mais aussi des comportements. Bref des organisations systémiques modernes ne se changent pas  pas brutalement le temps d’un mandat électoral d’où la nécessité de se fixer des objectifs à moyen long terme.

 

tribune

 

Mais où donc est passé François Bayrou ? Que fait le haut-commissaire au plan depuis sa nomination, en septembre 2020, à un poste taillé sur mesure par le président de la République ? De droite à gauche, d’Emmanuel Macron à Jean-Luc Mélenchon, la planification (pourvu qu’elle soit « écologique ») est redevenue l’« ardente obligation » gaullienne de jadis. Mais de plan, on ne voit pas grand-chose. Au fond, que signifie ce mot, trois quarts de siècle après le rêve planificateur du Conseil national de la Résistance et après quatre décennies de dérégulation économique où l’Etat a abdiqué face à la toute-puissance du marché ?

 

Il a existé une « planification à la française », loin du Gosplan soviétique, associant dirigisme et pragmatisme, Etat et marché. Incarné par le Commissariat général du plan, créé en janvier 1946 et confié à Jean Monnet, il fut rattaché au président du gouvernement provisoire, le général de Gaulle, autant pour en souligner le rôle stratégique que pour contrebalancer l’influence grandissante d’un Parti communiste qui occupait trois des six ministères économiques et sociaux.

 

L’Etat y pèse alors de tout son poids, même si les hauts fonctionnaires échangent avec des patrons et des syndicalistes dans les « commissions de modernisation » (charbon, électricité, sidérurgie, transports, BTP, main-d’œuvre…), instances consultatives chargées de faire des propositions au commissaire et au gouvernement. Il fixe un agenda et une trajectoire dès le premier plan (1947-1953), mettant l’accent sur l’énergie et la sidérurgie, bases indispensables au développement de l’industrie manufacturière et des transports.

M. Mélenchon a réveillé l’idée pour en faire le cœur de son projet présidentiel, puis législatif. Il est peu probable qu’il mette jamais à exécution un projet de « rupture avec le productivisme » quand M. Macron veut au contraire une France « plus productive ». Mais l’« insoumis » a poussé le président à en reprendre le principe. Au début de la crise sanitaire, le chef de l’Etat avait timidement évoqué « une stratégie où nous retrouverons le temps long et la possibilité de planifier » ; il l’a fortement réaffirmée à Marseille, entre les deux tours de la présidentielle.

En 1945, la France devait être « modernisée », grande injonction politique de l’époque et mission essentielle du plan. En 2022, il lui faut changer de modèle économique en une génération. L’ambition, tout aussi titanesque et plus difficile, est d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Il ne s’agit plus de reconstruire, mais de déconstruire des activités pour les remplacer par d’autres dans un processus qui entraînera une importante destruction de valeur – inédite à une telle échelle en temps de paix. Le gouvernement ayant dû renoncer à une transition écologique par le marché à travers une taxe carbone incitant particuliers et entreprises à modifier activités et comportements, elle se fera surtout par l’Etat, régulateur et investisseur. Les voies et moyens d’une telle planification sont plus complexes qu’en 1945.

Pourquoi un retour de la planification?

Pourquoi un retour de la planification ?

 

 

 

 

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la France renoue avec la planification, mais se heurte à trois types de contraintes : les exigences de Bruxelles, la mise en place d’un processus d’élaboration démocratique, et les maigres ressources de l’Etat, détailleun papier  Jean-Michel Bezat, journaliste au « Monde », dans sa chronique.

 

Un article intéressant sur ce qui justifie le retour de la planification, ce concept tabou et même condamné il y a encore quelques semaines ou quelques mois. En plus des facteurs explicatifs évoqués, il aurait sans doute été intéressant d’approfondir bien davantage la complexification des processus de production , distribution et même de consommation qui ne peuvent évoluer de façon favorable que dans le temps que compte tenu d’une part de l’ampleur des investissements mais aussi des comportements. Bref des organisations systémiques modernes ne se changent pas  pas brutalement le temps d’un mandat électoral d’où la nécessité de se fixer des objectifs à moyen long terme.

 

tribune

 

Mais où donc est passé François Bayrou ? Que fait le haut-commissaire au plan depuis sa nomination, en septembre 2020, à un poste taillé sur mesure par le président de la République ? De droite à gauche, d’Emmanuel Macron à Jean-Luc Mélenchon, la planification (pourvu qu’elle soit « écologique ») est redevenue l’« ardente obligation » gaullienne de jadis. Mais de plan, on ne voit pas grand-chose. Au fond, que signifie ce mot, trois quarts de siècle après le rêve planificateur du Conseil national de la Résistance et après quatre décennies de dérégulation économique où l’Etat a abdiqué face à la toute-puissance du marché ?

 

Il a existé une « planification à la française », loin du Gosplan soviétique, associant dirigisme et pragmatisme, Etat et marché. Incarné par le Commissariat général du plan, créé en janvier 1946 et confié à Jean Monnet, il fut rattaché au président du gouvernement provisoire, le général de Gaulle, autant pour en souligner le rôle stratégique que pour contrebalancer l’influence grandissante d’un Parti communiste qui occupait trois des six ministères économiques et sociaux.

 

L’Etat y pèse alors de tout son poids, même si les hauts fonctionnaires échangent avec des patrons et des syndicalistes dans les « commissions de modernisation » (charbon, électricité, sidérurgie, transports, BTP, main-d’œuvre…), instances consultatives chargées de faire des propositions au commissaire et au gouvernement. Il fixe un agenda et une trajectoire dès le premier plan (1947-1953), mettant l’accent sur l’énergie et la sidérurgie, bases indispensables au développement de l’industrie manufacturière et des transports.

M. Mélenchon a réveillé l’idée pour en faire le cœur de son projet présidentiel, puis législatif. Il est peu probable qu’il mette jamais à exécution un projet de « rupture avec le productivisme » quand M. Macron veut au contraire une France « plus productive ». Mais l’« insoumis » a poussé le président à en reprendre le principe. Au début de la crise sanitaire, le chef de l’Etat avait timidement évoqué « une stratégie où nous retrouverons le temps long et la possibilité de planifier » ; il l’a fortement réaffirmée à Marseille, entre les deux tours de la présidentielle.

En 1945, la France devait être « modernisée », grande injonction politique de l’époque et mission essentielle du plan. En 2022, il lui faut changer de modèle économique en une génération. L’ambition, tout aussi titanesque et plus difficile, est d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Il ne s’agit plus de reconstruire, mais de déconstruire des activités pour les remplacer par d’autres dans un processus qui entraînera une importante destruction de valeur – inédite à une telle échelle en temps de paix. Le gouvernement ayant dû renoncer à une transition écologique par le marché à travers une taxe carbone incitant particuliers et entreprises à modifier activités et comportements, elle se fera surtout par l’Etat, régulateur et investisseur. Les voies et moyens d’une telle planification sont plus complexes qu’en 1945.

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