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Plaidoyer pour la légalisation du CBD !!!

Plaidoyer pour la légalisation du CBD

 Une tribune de Sacha Benhamou, consultant, en forme de véritable plaidoyer pour le CBD ( paru dans l’Opinion)

 Peut-être pour améliorer la vision catastrophique que les Français ont de la situation du pays, certains semblent proposer une vision plus psychotropique! NDLR 

Le 29 décembre 2022, le Conseil d’Etat a infligé une nouvelle défaite à l’administration sur le CBD. Déjà en 2019, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait condamné la France pour son interdiction du CBD, dès lors que le cannabidiol n’avait « pas d’effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine ». La France avait alors deux ans pour se mettre en conformité et publier une législation conforme à la jurisprudence européenne. Le 30 décembre 2021, à la faveur des fêtes de fin d’année, le ministère de la Santé publiait discrètement un arrêté a minima qui ignorait non seulement les recommandations du secteur, mais aussi l’étendue de la condamnation de la France. En effet, l’arrêté interdisait la vente de fleurs et feuilles brutes, alors même que très pauvres en THC, elles ne pouvaient être considérées comme des stupéfiants.

 

Comme attendu, le Conseil d’Etat a annulé cette disposition de l’arrêté en rappelant qu’une interdiction générale et absolue n’est pas proportionnée aux risques pour la santé, une petite victoire de l’état de droit.

La France a déjà perdu plusieurs entrepreneurs qui ont installé leur industrie chez nos voisins, une nouvelle tentative de restriction, vaine compte tenu des dernières jurisprudences, n’engendrerait que des pertes d’attractivité alors que le secteur explose. Si on ne peut pas nier la dangerosité de la combustion, l’administration ne peut pas ignorer que les produits bruts font l’objet d’autres modes de consommations à l’instar de la vaporisation et de l’infusion. Les nouvelles dispositions devront les recommander et les encourager, mais elles ne pourront plus interdire le produit.

L’administration devra également mettre en cohérence l’ensemble de notre droit, à commencer par les dépistages routiers. D’après un sondage Ifop de juillet 2022, un quart de la population française, tout âge et toutes catégories sociales confondus, consomme aujourd’hui du CBD. Alors que la loi tolère les traces de THC, le composé psychotrope, dans les produits à base de CBD, les tests salivaires employés par les forces de l’ordre sont trop sensibles pour faire une distinction entre la consommation de stupéfiants et de CBD, entraînant souvent des poursuites judiciaires absurdes. L’Etat doit mettre en place de nouvelles modalités de dépistage, comme les tests de sobriété normalisés, suite de tests psychomoteurs, en vigueur au Canada. Ces “TSN” ont pour avantage de mesurer réellement les capacités de conduite, ce qui est moins bête et méchant qu’un test salivaire ou qu’un alcootest. C’est, enfin, les obstacles opposés aux producteurs français qu’il faudra résoudre, comme leur accès aux financements bancaires.

L’administration doit aujourd’hui tirer toutes les conséquences de la jurisprudence du Conseil d’Etat et cesser de s’acharner sur ce secteur qui pourrait peser 1,5 milliard d’euros en 2023 pour plus de 2000 points de vente. L’ensemble des acteurs du secteur – producteurs, vendeurs, et consommateurs – doivent être mis autour de la table pour définir un cadre juridique juste et prévisible. L’Etat le doit à tous les Français qui plébiscitent les bienfaits du CBD et à tous nos entrepreneurs qui ont refusé que la France soit à la traîne de l’Europe sur ce sujet.

Sacha Benhamou est consultant.

Plaidoyer pour la « Real Politik »

Plaidoyer pour la  »Real Politik » 

 

Au commencement était Héraclite. Grand philosophe pré-socratique, il se distingue de ses contemporains, notamment Parménide, plutôt convaincus du caractère immuable de l’ordre du monde, par sa conception d’un processus de transformation permanente qui affecterait tous les êtres et toutes les choses. S’agissant des relations entre individus comme entre nations, elles sont soumises à la même loi universelle, à ceci près que le ferment actif de cette perpétuelle mutation, c’est la guerre qui modifie constamment les rapports humains, individuels et collectifs : « la guerre engendre toute chose ». De son point de vue, la contradiction, la confrontation sont des forces créatrices : « Tout se fait et se détruit par discorde ». Par André Yché, Président du conseil de surveillance chez CDC Habitat.( (la Tribune)

 

Encore un article  brillant d’André Yché est toujours bien documenté. Reste qu’une politique étrangère ne pourrait être complètement soumise aux contraintes de la realpolitik et qu’elle doit aussi s’alimenter d’une  visions stratégique et d’universalisme, surtout à un moment où les régimes autoritaire gagnent  du terrain dans le monde. NDLR

 

Dans un univers en changement permanent, aucune circonstance n’est immuable et aucune situation ne peut se reproduire identiquement : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». C’est pour cette raison que les notions contraires ne s’opposent pas, mais se complètent et finissent par se confondre : le Bien, le Mal ; le Juste, l’Injuste ; l’Ami, l’Ennemi. L’adversaire d’un jour sera l’allié de demain. La modernité d’Héraclite est saisissante.

Le Moyen-Age chrétien est passé par là, pour rétablir une conception bipolaire et stable du monde. Encore qu’en pratique, à l’époque des croisades, durant la majeure partie des deux siècles de présence des croisés en Orient, la « Real Politik » entre chrétiens et musulmans a prévalu et lorsque des Princes occidentaux s’en sont départis, par brutalité, inculture et sottise, ce fut toujours à leur propre détriment.

C’est notamment la lignée très politique des rois de Jérusalem, de Baudouin 1er à Baudouin IV, « le jeune roi lépreux », mais aussi Foulques d’Anjou, Amaury 1er et Baudouin V qui négocient des alliances avec les Fatimides du Caire, mais aussi avec les dynasties dissidentes de Damas et d’Alep, contre le Califat de Bagdad.

Mais à cette culture de colonisation, fondée sur la construction d’alliances locales, à l’encontre de tout préjugé idéologique et religieux, s’oppose une forme d’intégrisme chrétien qui, dès lors que Saladin aura réunifié les musulmans d’Egypte et de Syrie, conduira à l’éviction définitive des Croisés et à la chute des royaumes chrétiens d’Orient.

L’exemple illustratif du réalisme politique est fourni par Frédéric II Hohenstaufen, en bons termes avec les musulmans qu’il a combattus et soumis en Sicile ; après maintes démêlées avec Rome, il finit par s’embarquer pour la Terre Sainte à la tête de la sixième croisade en 1228, qui consiste à négocier la libération de Jérusalem avec son ami, le Sultan Kamel-El-Malek, sans véritable combat, ce qui lui vaut une deuxième excommunication par son ennemi intime, le Pape Grégoire IX.

On peut dire que Frédéric II Hohenstaufen pousse la « Real Politik » au comble du machiavélisme en rédigeant un ouvrage qui s’arroge le titre d’ « Anti-Machiavel » ; l’auteur du Prince se bornait à distinguer morale et politique ; le dernier empereur de la lignée des Hohenstaufen fait du cynisme une des facettes utiles de l’art politique.

En toute hypothèse, il est juste et équitable de reconnaître au penseur florentin un rôle éminent dans l’énonciation de la « Real Politik » ; non pas d’ailleurs contre toute éthique, puisqu’il considère qu’un Prince, par son mépris pour la morale commune, risque fort de perdre l’estime de ses sujets (enseignement dont s’inspirera Frédéric II Hohenstaufen), de la même manière qu’il n’approuve guère le recours à des alliés stipendiés, qui changeront de camp en fonction des circonstances, tout comme des mercenaires ; le seul véritable partisan digne de confiance est le citoyen : « Il est nécessaire qu’un Prince se fasse aimer de son peuple ; encore est estimé le Prince quand il est vrai ami ou ennemi ; la meilleure citadelle qui soit, c’est de n’être point haï du peuple. » Les palais des Médicis à Florence, la forteresse d’Andrea Doria à Gênes soulignent l’originalité de la pensée du diplomate florentin.

Il est presque paradoxal de constater que c’est à un Junker Prussien, Otto von Bismarck, qu’est associé le terme de « Real Politik » dans le dernier quart du XIX° siècle, alors que bien d’autres avant lui, à commencer par les hommes d’Etat britanniques du siècle de Victoria, auraient pu revendiquer leur expérience du réalisme politique sur tous les continents. La véritable maîtrise de Bismarck s’illustre après la défaite française de 1870, lorsqu’il parvient, jusqu’à son éviction en 1890, à éviter le cauchemar stratégique qui le hante, à juste titre : la guerre sur deux fronts, à l’Ouest contre la France revancharde, à l’Est contre la Russie insatisfaite. Il réussira pendant ces deux décennies à éviter la pire menace qui soit pour les Empires Centraux, en construisant des alliances contre nature, réunissant la Russie et l’Autriche-Hongrie et celle-ci et l’Italie, dans le cadre de la « Triplice ».

Son système volera en éclats avec l’accès au trône de Guillaume II que son défaut de réalisme politique éloignera de ses alliés russes et italiens, mais aussi de la bienveillance britannique. Sur le constat affligeant de la Première Guerre Mondiale, exilé aux Pays-Bas, il confessera :

« Je n’ai pas voulu cela ! »

Sans doute Bismarck eût-il su trouver les accommodements qui auraient permis d’éviter les vingt millions de morts du premier conflit mondial

A l’issue de ces quatre années de traumatisme inconcevable, le leadership a traversé l’Atlantique et l’Amérique Wilsonienne affirme, en quatorze points, ses hautes convictions morales, qui ne l’engageront guère : la SDN, de ce fait, demeurera un vœu pieux qui n’empêchera pas l’Histoire de se reproduire, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Mais les Etats-Unis sont devenus, en 1945, la puissance dominante largement reconnue comme telle, par ses amis et alliés, comme par ses ennemis.

Le premier qui assume le choix du retour à la « Real Politik », dans le contexte de la Guerre Froide, est le seul dirigeant américain francophile de l’Après-Guerre et jusqu’à nos jours, Richard Nixon, ainsi que le Secrétaire d’Etat emblématique d’une époque chahutée, Henry Kissinger, « Dear Henry ».

Le coup de maître de ce tandem, c’est le rapprochement avec la Chine qui permet de « positiver » l’abandon du Viêt-Nam et d’isoler la Russie.

Kissinger, spécialiste du Congrès de Vienne, admirateur de Richelieu qui avait financé la Guerre de Trente Ans en soutenant les Suédois protestants contre les principautés catholiques d’Allemagne tout en missionnant le Père Joseph auprès de celles-ci pour les convaincre que la France était leur meilleur soutien. Du Grand Cardinal qui avait convaincu la flotte hollandaise de bloquer les accès à La Rochelle contre les tentatives de ravitailler les protestants insurgés, Kissinger connaissait bien la politique, ainsi que celles de Metternich, de Castlereagh et de Bismarck, et savait s’en inspirer avec mesure. S’agissait-il pour autant d’un revirement complet vis-à-vis des traditions politiques américaines ?

Le Nouveau Monde s’est construit sur le rejet de principe de l’Ancien et sur l’affirmation de droits qui reposent sur des valeurs fondamentales de liberté, de propriété et de démocratie républicaine, en rupture manifeste avec la Raison d’Etat, le pouvoir régalien de fixer l’impôt (une revendication fondamentale, empruntée aux révolutions anglaises, était : « No taxation without representation »), le régime monarchique.

Au surplus, la pratique européenne de la diplomatie secrète, des guerres de reconquête et de colonisation et de séparation de la politique et de la morale, héritée de Machiavel était nécessairement récusée car à l’origine du malheur des peuples.

Qu’en fut-il en réalité ? C’est une étrange et peu convaincante combinaison d’idéologie, de pragmatisme et d’universalisme qui s’imposa, produisant des effets pour le moins discutables qui prévalent encore aujourd’hui.

L’histoire des relations entre les Etats-Unis et la France, la plus ancienne alliance du peuple américain, puisque c’est grâce à elle qu’il obtint l’indépendance, illustre parfaitement la manière de celer des choix cyniques et nationalistes (legs du « jingoïsme » britannique), souvent teintés d’idéologie, sous la proclamation théâtrale de bons sentiments.

C’est en 1783 que fut conclu le traité de Versailles par lequel le Royaume-Uni reconnaissait, sous les auspices de la France (au prix d’une grave crise des finances publiques de celle-ci, qui conduira à la Révolution six ans plus tard) l’indépendance des Etats-Unis.

Dès l’origine, un fort courant fédéraliste, animé notamment par Alexander Hamilton et John Adams, foncièrement anglophile, s’opposa à la conception « agrarienne » et décentralisatrice de Thomas Jefferson, fidèle à l’alliance française.

Au cours des années 1798/1800, une « quasi-guerre » navale opposait la jeune marine américaine (moins d’une dizaine de bâtiments) aux navires de commerce et corsaires français, opérant notamment à partir des Antilles pour la plus grande gloire du héros emblématique de l’US Navy, John Paul Jones. Napoléon trouva un arrangement en cédant la Louisiane.

Son petit-neveu, Napoléon III, rêve de reconstituer les bases d’un rayonnement impérial hors d’Europe : en Afrique du Nord, avec la création d’un royaume arabe dont il confierait les destinées à son ami Abd-El-Kader ; en Amérique latine, à partir du Mexique où la Légion Etrangère, au nom de plusieurs états européens agissant pour le compte de créanciers (dont les frères Pereire) s’efforce de soutenir un régime impérial « ami » et allié, sous l’autorité de l’archiduc Maximilien de Habsbourg.

Cette politique contrevient à la doctrine énoncée par le Président James Monroe en 1823 qui écarte toute perspective d’immixtion européenne sur le continent américain, mais les Etats-Unis sont en pleine guerre de Sécession, le Nord fédéraliste contre le Sud séparatiste, soutenu par la plupart des états européens au premier rang desquels la France.

La reddition de la Confédération, dont les troupes commandées par Robert E. Lee capitulent à Appomattox en avril 1865, modifie le rapport des forces. Les Américains apportent dès lors un soutien massif aux révolutionnaires de Benito Juarez ; les troupes françaises quittent le pays et Maximilien est fusillé en Juin 1867. Le régime républicain est instauré.

Lorsqu’éclate la Première Guerre Mondiale, les Etats-Unis qui comptent une importante minorité d’origine germanique affichent leur neutralité. Le torpillage, en avril 1915, du paquebot britannique Lusitania suscite un mouvement d’opinion contre l’Allemagne et lorsque celle-ci annonce la reprise de la guerre sous-marine en 1917, les Etats-Unis entrent en guerre. La victoire des Alliés se conclut par un traité de paix conforme aux 14 points énoncés par le Président Wilson, en dépit de la participation modique de l’armée américaine aux combats : elle perd un peu moins de 120 000 hommes, à comparer à 1,4 million pour la France, 2 millions pour l’Allemagne, 1,1 million pour l’Autriche-Hongrie, 900 000 pour le Royaume-Uni, 65 000 pour l’Italie, 1,8 million pour la Russie, 800 000 pour l’Empire Ottoman, 450 000 pour la Serbie… Par la suite, après le refus du Congrès d’autoriser l’adhésion des USA à la Société des Nations, créée à leur instigation, les Américains exigent le règlement par leurs alliés de leurs dettes de guerre, tout en exerçant une pression constante sur la France épuisée en faveur de l’allègement des réparations dues par l’Allemagne.

A l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, qui voit Roosevelt s’allier à Staline pour abattre Hitler au moindre coût humain, le premier mouvement du gouvernement américain est de traiter la France en pays vaincu, soumis à une administration américaine, l’ « AMGOT » (American Government of occupied territory).

Le projet est finalement abandonné par Truman, mais les Etats-Unis favorisent le démantèlement de l’empire colonial français, l’OSS (Office of Strategie Services, ancêtre de la CIA) apportant un soutien massif au Viet-Minh de Ho-Chi-Minh (CF. « Un américain bien tranquille » de Graham Greene) jusqu’à ce que la guerre de Corée alimentant un courant anti-communiste dans tout le pays, conduise à l’internationalisation du conflit indochinois à partir de la mission du Général De Lattre aux Etats-Unis, en septembre 1951, qui parvient à graver dans les esprits la « théorie des dominos ». Lorsque la France se retire dans le cadre des accords de Genève de Juillet 1954, les Etats-Unis prennent la relève, semant les germes de la Guerre du Viêt-Nam.

A l’automne 1956, à la suite de la nationalisation par Nasser du canal de Suez détenu majoritairement par des capitaux franco-britanniques (à la suite du rachat par le gouvernement de Disraeli de la participation du Khédive en novembre 1875, profitant de l’affaiblissement de la France postérieur à la défaite de 1870), dans le cadre d’un accord secret conclu à Sèvres quelques semaines auparavant, Israéliens, Français et Britanniques interviennent et écrasent l’armée égyptienne.

Au même moment, les Soviétiques répriment durement une révolte hongroise qui a éclaté à Budapest, ce qui n’empêche pas Américains et Soviétiques de faire front commun pour stopper l’offensive des puissances coalisées.

Eisenhower déclenche une offensive massive contre la Livre Anglaise, interdisant le soutien du FMI, et les approvisionnements pétroliers de la France et du Royaume-Uni sont bloqués, alors que les principaux membres de l’OTAN s’alignent sur la position américaine. Les alliés franco-britanniques n’ont d’autres solutions que de se retirer en laissant les positions acquises aux troupes de l’ONU qui demeureront en place jusqu’à la Guerre des Six Jours.

Pendant longtemps, les conséquences de la crise pèseront sur les doctrines respectives de la France et du Royaume-Uni, l’une décidant de ne plus jamais dépendre des Etats-Unis (d’où la création d’une force nationale de dissuasion autonome), l’autre de ne plus jamais intervenir sans les Etats-Unis (jusqu’à la guerre des Malouines).

Le dossier est suffisamment fourni sans qu’il soit nécessaire de l’alimenter davantage : l’extension démesurée de l’extraterritorialité du droit américain et les amendes pénales qui en découlent illustrent abondamment l’actualité.

Du comportement diplomatique des Etats-Unis depuis bientôt deux siècles et demi, une observation générale s’impose : au-delà des affirmations morales qui émaillent le discours officiel, le gouvernement américain est un adepte constant de la « Real Politik » et la gestion des dossiers Syrien, Irakien et Afghan le démontre clairement.

Toutefois, le caractère nocif de certains choix et d’une posture générale combinant, selon les époques, interventionnisme universaliste et repli nationaliste n’est pas intrinsèquement lié au réalisme de fond qui dicte les choix déterminants, mais aux atermoiements, aux revirements et aux arbitrages contradictoires qui décrédibilisent le discours des Etats-Unis et de l’Occident dans son ensemble, aligné sur la puissance dominante.

Le Monde étant ce qu’il est, depuis toujours, c’est le réalisme politique, au service d’objectifs clairs et accessibles, qui demeure la seule voie de salut. Toute autre ligne est porteuse de risques inutiles et, au stade ultime, de potentielles catastrophes.

« La politique, quand elle est un art et un service, non point une exploitation, c’est une action pour un idéal à travers des réalités. » – Charles de Gaulle

Plaidoyer pour le vélo du quotidien en France

Plaidoyer pour le vélo du quotidien en France

 

 

 

Force  est de constater que la passion des Français pour la petite reine s’exerce davantage devant l’écran que sur les routes. À l’heure où la mobilité cristallise les débats, il serait opportun que la popularité d’un tel événement permette d’accélérer les pratiques, à petite comme à grande échelle. Par Denis Saada, président de Betterway dans la Tribune.

 

4%, comme le nombre de Français qui se déplacent quotidiennement à bicyclette. Moins de 2%, comme la part modale du vélo en France, loin des 9% ambitionnés par le gouvernement français (source). Les chiffres ne sont guère flatteurs pour le pays du Tour de France. Pire, l’hexagone affiche un retard important sur ses voisins européens. Dans des villes réputées pour leur cyclabilité comme Copenhague ou Amsterdam, 35% des habitants se déplacent tous les jours à vélo. En Allemagne et en Suède, ce taux s’élève à 19%, à 15% en Belgique et à 13% en Italie. (source)

Le constat est clair : les Français aiment le vélo, c’est une certitude, mais ne l’utilisent que peu fréquemment. Parmi eux, 28 millions de salariés représentent une véritable ressource pour notre pays et sont un immense levier de changement. Et pour instaurer ce dernier, les entreprises ont un rôle prescripteur à endosser pour promouvoir la pratique du vélo auprès de leurs collaborateurs.

Bien sûr, elles méritent aussi d’être accompagnées pour proposer des dispositifs susceptibles d’encourager de nouvelles habitudes : système de vélo partagé, parking à vélo, bornes de recharge, etc. et les incitations financières restent nécessaires. Si le Forfait Mobilité Durable a, en deux années, contribué à initier un virage notable (38% des employeurs du privé ayant déclaré l’avoir déployé) incitant nombre de salariés à privilégier des modes de transports alternatifs à la voiture, il connaît néanmoins des freins non négligeables qui limitent l’essor d’un autre paradigme.

Et si pour lever les difficultés dans sa mise en œuvre, il s’agissait de penser d’ores et déjà plus largement et d’imaginer, la mise en place d’un Budget Mobilités Universel qui viendrait remplacer l’abonnement aux transports en commun et le Forfait Mobilités Durables. Ouvert à toutes les solutions de mobilités durables, il permettrait de motiver le plus grand nombre à changer facilement et à moindre coût ses habitudes de déplacement.

La puissance publique doit, elle aussi, se muer moteur en matière de mobilité. Depuis une quinzaine d’années, les collectivités investissent massivement en faveur du vélo en construisant des pistes cyclables, des véloroutes et des voies vertes. Les budgets ont d’ailleurs augmenté de 40% en 10 ans passant de 328 à 468 millions d’euros. Ce volontarisme n’est pas sans effet, mais les résultats se concentrent quasi exclusivement sur les grandes villes. En effet, selon une étude menée en 2020 par l’Ademe, entre 2010 et 2018, l’usage du vélo a augmenté de 30% à Paris et de 10% par an à Lyon pendant que celle-ci diminuait sur l’ensemble du territoire.

Par ailleurs, les sommes investies dans l’hexagone restent bien inférieures à celles consacrées par les Pays-Bas par exemple. Et ce même dans des villes particulièrement vélo friendly comme Grenoble, Strasbourg, Nantes et Bordeaux où les dépenses dans la politique vélo représentent 15 à 20 euros par habitant par an contre 33 euros depuis quarante ans dans les villes néerlandaises. Face à ce constat, les investissements doivent se poursuivre pour construire les conditions d’une pratique sereine du vélo aussi bien en zones urbaines que rurales. Pour cela, il est important de continuer à créer des zones dédiées – pistes cyclables, voies vertes – mais aussi de réduire les zones d’accès aux véhicules motorisés en ville pour garantir la sécurité des cyclistes.

Dans les banlieues, les zones périurbaines, ou dans les milieux ruraux, la bicyclette est délaissée, surtout par les plus jeunes d’entre nous. En 1982, 82% des écoliers européens se rendaient en classe à pied ou à bicyclette. Aujourd’hui, ils ne sont que 14%, alors même que les pratiques de mobilité des jeunes influencent leurs pratiques futures. Un travail de sensibilisation de la jeunesse est donc particulièrement nécessaire. Des mécanismes qui encouragent les jeunes Français à effectuer leurs trajets à vélo doivent être pensés : challenge à l’école, sorties scolaires à vélo, dispositifs de sécurisation des trajets-école – maison, …

Pour massifier la pratique du vélo, tout le monde doit prendre sa part. État, collectivités, entreprises et citoyens, chacun à un rôle important à jouer aussi bien sûr les infrastructures, la sensibilisation que sur les incitations et la volonté de changer ses habitudes. Des investissements plus conséquents sur les espaces dédiés au vélo, ainsi qu’une politique d’incitation en direction de la jeunesse, semblent désormais incontournables. Comme la nécessaire mise en place d’un Budget Mobilités Universel qui regorge d’un potentiel de mobilisation des salariés inégalé.

Denis Saada

 

Plaidoyer rassurant pour Métavers !

Plaidoyer rassurant pour Métavers  !

 

 

Un  plaidoyer  rassurant de la modernité pour la modernité via métavers alors que le fameux projet de Facebook est loin d’avoir encore démontré son caractère révolutionnaire et universel en matière de nouvelles technologies hormis sa vocation qui vise surtout à recueillir le maximum d’informations sur le comportement des usagers à des fins de publicité.  Par Aurélien Portuese, directeur de recherches au Schumpeter Project on Competition Policy (ITIF) et professeur associé à l’Université Catholique de Paris et à l’Université George Mason (Etats-Unis) dans la Tribune.

 

Depuis que Mark Zuckerberg a annoncé, à l’automne dernier, que Facebook devenait « Meta » pour mieux se consacrer au développement du « métavers », les esprits s’échauffent. Alors même que la technologie reste encore aux premières étapes de son développement, les inquiétudes se forment et les débats se multiplient.

La commissaire européenne en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager, expliquait ainsi en février dernier que « bien sûr », ses services examinaient avec intérêt le sujet pour savoir si, et dans quelle mesure, ils auraient un rôle de régulation à exercer. L’attention est légitime – et l’on sait que la Commission européenne est particulièrement vigilante pour surveiller l’action des opérateurs géants du numérique - mais elle est aussi révélatrice d’un contexte de défiance qui s’est souvent installé entre l’opinion et eux.

Cela étant, cette transformation balbutiante n’intervient pas dans un désert réglementaire et le métavers ne se déploie pas dans un univers sans droit, bien au contraire. Depuis quelques années, les autorités européennes n’ont cessé de produire du droit encadrant les opérateurs numériques et les activités en ligne, de deux façons au moins : d’une part de façon réactive – et punitive, en sanctionnant des pratiques jugées contraires aux normes de régulation des marchés ; d’autre part, de façon préventive en édictant de nouvelles règles.

Les décisions contentieuses des autorités de régulation, en matière de concurrence ou de protection des données personnelles par exemple, sont venues, par la voie des condamnations (et plus occasionnellement des non-lieux), préciser l’interprétation des normes traditionnelles appliquées à l’ordre numérique. Les débats académiques et politiques ont d’ailleurs été nombreux sur l’éventuelle nécessité de les rénover. Résistant aux tentations, les autorités de régulation ont su montrer que les régulations fondamentales du marché, comme le droit de la concurrence, restent parfaitement adaptés aux réalités économiques les plus mouvantes.

Les législateurs nationaux et européens ont également su adopter, lorsqu’ils le jugeaient nécessaires, de nouvelles réglementations adaptées au monde numérique – dont la pleine application n’est d’ailleurs souvent pas encore très ancienne. C’est, par exemple le cas du RGPD, qui a constitué une étape clé d’encadrement des pratiques en ligne et de protection des données personnelles ; il a contribué à faire de l’Europe un leader d’influence en matière de régulation, suivie avec attention à travers le monde, quand elle n’était pas copiée. Il faudrait citer également le DMA et le DSA, textes majeurs récemment adoptés. L’ensemble de cette production législative, qui existe désormais, constitue un socle de régulation pour tout le secteur de la technologie, existant ou à venir.

Le métavers soulèvera probablement de nouvelles questions pour les législateurs et le monde académique, suscitant des débats nourris et de la littérature passionnante. A ce stade, il ne se développe cependant pas dans un désert juridique grâce l’Europe qui a su, depuis des années, mettre en œuvre un cadre juridique juridique puisque l’Europe a développé, depuis des années, un cadre juridique extrêmement exigeant.

Un curieux plaidoyer pour les cryptomonnaies

 

Un curieux plaidoyer pour les cryptomonnaies 

En ces temps de vacances nombres de journaux sont en mal de copie et  laisse passer des papiers largement inspirés par des intérêts corporatistes. C’est vraisemblablement le cas concernant un curieux plaidoyer de la Tribune pour les crytomonnaies ( Au caractère très aléatoire et qui ne repose sur aucun actif)  qui ont pourtant coûté très cher aux naïfs petits investisseurs.

 

le papier de la Tribune

Sur les marchés cryptos, il est indispensable de disposer d’une bonne stratégie d’investissement. Comment investir et à quel moment ? Ces questions sont essentielles, quel que soit l’actif choisi. Elles se posent de manière plus pointue encore lorsqu’il s’agit des cryptomonnaies. En effet, leur forte volatilité fait que le choix d’une bonne stratégie d’investissement fait souvent la différence entre la réussite et l’échec. Parmi les différentes stratégies utilisées par les investisseurs, deux d’entre elles sont particulièrement populaires chez les traders qui présentent une aversion au risque. Il s’agit d’une part de la stratégie « buy and hold », et d’autre part de la stratégie de l’investissement programmé.

La stratégie de l’investissement programmé

L’investissement programmé est utilisé pour de nombreuses classes d’actifs, y compris les cryptomonnaies. On peut même dire que les devises numériques s’y prêtent particulièrement. En quoi cela consiste-t-il ?

Appelé aussi DCA (Dollar CostAveraging), l’investissement programmé, qui est d’ailleurs également employée sur le marché des actions, consiste à étaler ses investissements dans le temps et en valeur. Concrètement, au lieu d’investir une grosse somme en une seule fois dans un actif (lump-sum en anglais), on choisit plutôt d’acheter de manière régulière une crypto, en plus petite quantité. L’investissement est donc étalé dans le temps avec des achats hebdomadaires ou mensuels. L’important est d’investir un montant identique à des intervalles réguliers.

Prenons un investisseur disposant d’une enveloppe globale de 10 000 euros. Au lieu d’acheter en une seule fois l’équivalent de cette somme en bitcoin, il choisira d’investir toutes les semaines 200 euros ou moins, mettons 192 euros chaque semaine pendant 52 semaines sur un marché crypto. De cette manière, l’investisseur achète des bitcoins à différents niveaux de prix, et paye en fait sur la période, sa cryptodevise au prix moyen, établi sur ces 52 semaines. Cette stratégie peut être mise en place quelle que soit la taille de l’investissement envisagé.

En quoi cela est-ce intéressant ? Cette stratégie permet, en fait, de lisser les hausses et les baisses du marché. Ce qui pour les cryptomonnaies, très volatiles, est un réel avantage. Acheter un peu, mais souvent permet de profiter d’une répartition du coût des achats dans le temps, et donc de réduire l’impact global d’une baisse brusque des prix. En cas de chute des cours, l’investisseur poursuit ses achats sans dévier de sa stratégie, ce qui lui permettra de rattraper d’éventuelles contre performances dès que les cours rebondissent.

Notons, toutefois, qu’il convient que l’investisseur vérifie attentivement si lors de chaque achat, le coût engagé est basé sur un pourcentage ou sur des fees. Dans ce second cas, cela pourrait lui coûter plus cher.

 

La stratégie buy and hold participe d’une autre vision de l’investissement. L’acheteur va tenir ses positions, en dépit des chutes ou des hausses de cours. Quelle que soit la panique qui peut s’emparer des marchés, il faut conserver ses actifs et ne pas les vendre.

C’est une stratégie très classique commune à tous les marchés (actions et cryptos). Ainsi, une personne ayant acheté 1 bitcoin au 1er janvier 2020 l’aura payé 6417 euros. Le 12 mars 2020, la déferlante Covid fait chuter le cours de la cryptomonnaie à moins de 4000 euros. L’investisseur décide de ne pas vendre. Quatre mois plus tard, le 15 août 2020, le bitcoin franchit la barre des 10 000 euros. Il va ensuite fluctuer, mais l’investisseur tient toujours bon et décide de ne pas vendre. Avec raison, car la monnaie virtuelle va entamer un rallye haussier l’amenant à des sommets. Le 8 novembre 2021, la cryptodevise clôture à un cours record proche des 58 000 euros. Le gain pour l’investisseur entre le 1er janvier 2020 et le 8 novembre 2021 est faramineux, s’il s’est décidé à vendre à cette date-là, avec un bitcoin qui se sera apprécié de +1218 % en près de deux ans.

Pour pouvoir gagner sur le marché des cryptos, il est donc très important de se fixer un but à atteindre en termes de valeur pour pouvoir vendre au bon moment. Ce bon moment, c’est donc celui qui permettra à l’investisseur de dégager des profits et d’échapper à un éventuel retournement de tendance.

Alors que les cours connaissent un recul plus important depuis mai 2022, la stratégie du buy and hold est-elle tenable ? Céder à la panique, c’est assurément perdre. Or, même si rien n’est garanti, l’histoire a prouvé que le marché des cryptomonnaies vu comme un tout est incroyablement résilient. Il a déjà connu des coups de mou, mais il n’a jamais manqué de repartir à la hausse (ce qui n’empêche pas les possibilités de pertes même en tendance globale ascendante du marché sur certaines cryptodevises en particulier).

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Les perspectives mentionnées sur ce site sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sont en aucun cas un engagement ou une garantie de la part de LiteBit et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissements ou des recommandations.

Société- Plaidoyer pour la mondialisation ! (par Pascal Lamy)

Société- Plaidoyer pour la  mondialisation !  (par Pascal Lamy)

On peut être évidemment plus ou moins un accord avec l’éloge de la mondialisation chère à Pascal Lamy qui a grandement facilité l’internationalisation de l’économie notamment lorsqu’il était directeur général de l’organisation mondiale du commerce ( aujourd’hui un peu mise entre parenthèses). Mais cette interview de Pascal Lamy mérite lecture dans la mesure où l’intéressé incarne le phénomène de globalisation connue jusque-là et qui d’après lui continuera mais avec des formes différentes. Une vision très partagée dans des cercles du pouvoir qui ont fait le deuil de l’industrie nationale- délocalisée dans les pays en développement- et  remplacée par les services. Le seul problème étant que les pays en développement sont aussi capables de s’approprier les services et les nouvelles technologies ( exemple TiK-Tok chez les chinois ou encore l’équivalent chinois de l’avion  A320 neo.(dans la Tribune)

La vision d’un « socialiste » en fait très néolibérale, proche de celle de Macron, qui fait du « business » la valeur centrale de la société en abordant de manière très anecdotique les questions sociales, environnementales et sociétales et de manière un peu légère les questions géopolitiques. 

Dans une longue interview accordée à La Tribune, Pascal Lamy, ancien commissaire européen pour le commerce de 1999 à 2004 et ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de 2005 à 2013, analyse en profondeur les conséquences géoéconomiques et géopolitiques du choc provoqué par la guerre en Ukraine et des sanctions occidentales qui l’ont accompagnée. Pour lui, le monde n’est pas entré dans une phase de démondialisation ou de mondialisation fragmentée. « Les facteurs de globalisation sont en effet supérieurs aux facteurs de fragmentation ». Et la Russie, du point de vue du commerce international et de la globalisation, reste un « épiphénomène ». Plus que la globalisation, la Russie ou la place de la Chine, les enjeux prioritaires de l’Europe sont doubles : accélérer l’intégration de l’Union européenne et faire en sorte que l’Afrique gagne absolument son combat contre la démographie dans les vingt ans qui viennent. A ce titre, « l’Afrique est le problème numéro 1 pour l’Europe », estime-t-il.

 

Pascal Lamy a été commissaire européen pour le commerce de 1999 à 2004 et directeur général de l’Organisation mondiale du commerce du 1ᵉʳ septembre 2005 au 31 août 2013. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE- Certains voient dans la guerre en Ukraine le début d’une « démondialisation », d’autres d’une « fragmentation de la mondialisation » avec l’émergence de blocs de pays constitués sur des considérations géopolitiques, échangeant peu ou pas du tout entre eux. Quelle est votre analyse ?

PASCAL LAMY- Après la chute du mur de Berlin en 1989 on a pu penser que la géoéconomie allait l’emporter sur  la géopolitique. Depuis la crise de 2008, nous assistons à une évolution inverse comme peuvent le laisser penser plusieurs événements comme l’arrivée de Donald Trump à la présidence américaine, le Brexit, la montée des populismes un peu partout dans le monde, la montée des tensions sino-américaines et in fine l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Avons-nous pour autant changé de paradigme au point d’affirmer que la géopolitique va dominer la géoéconomie au cours des prochaines décennies et fracturer ce monde? Je ne le crois pas. Si je reconnais qu’il y a des changements importants, je pense que les facteurs de globalisation restent, dans l’ensemble, supérieurs aux facteurs de fragmentation. Et ce, même si la tendance générale à la globalisation sera moins forte que par le passé  -c’est ce qu’on appelle la « slowbalisation »- et que la globalisation de demain aura des formes différentes de celle d’aujourd’hui. La réduction actuelle du ratio entre l’augmentation en volume du commerce international et la croissance, est un signe de ralentissement de la globalisation, pas de régression.

En quoi cette mondialisation sera-t-elle différente ?

Elle sera différente dans son développement et ses flux, lesquels ont toujours obéi aux progrès de la technologie et à la contraction du temps qu’elle permet. La technologie modifie la distance. Le temps de l’échange, qui l’a longtemps freiné, est en train de se contracter. Davantage d’ailleurs dans les services que dans les biens. La digitalisation, surtout quand on la couple à la servicification des économies, est aujourd’hui un puissant moteur d’échange international. Au cours des vingt ans qui viennent par exemple, 50 millions de médecins indiens vont entrer dans le marché global du télédiagnostic. La technologie et la servicification de l’économie continueront donc de pousser en faveur de la globalisation. En face, il y a aussi des facteurs de déglobalisation ou de réduction des interdépendances, à commencer par la rivalité sino-américaine, qui restera le fond de tableau de la géopolitique et de la géoéconomie mondiale des 50 ans qui viennent.

Janet Yellen, la secrétaire d’Etat américain au Trésor mais aussi Christine Lagarde, la patronne de la BCE, parlent de « friend-shoring », friend-sharing », et de friend-shopping », un système qui viserait à sécuriser les chaînes de production en les organisant entre pays « amis ».  Qu’en pensez-vous ?

La crise du Covid a fait apparaître la fragilité de certaines chaînes de production. On l’avait déjà vu d’ailleurs lors de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima en 2011 ou au moment d’inondations en Asie du sud-est à la fin des années 90, mais c’est la première fois qu’on observe ce phénomène de cette ampleur. Certes, il y a une partie de « reshoring », de « safe-shoring »,  un peu de « friend-shoring », versions plurielles de diverses relocalisations de la production. Mais il y a d’autres moyens de remédier à la fragilité des chaînes de production, à commencer par la diversification des approvisionnements, laquelle augmente d’ailleurs l’échange international. Si vous passez d’un fournisseur chinois, à trois fournisseurs, un chinois, un vietnamien et un bangladais, vous contribuez à la globalisation.

La modification des flux n’est-elle pas un facteur de mutation de la mondialisation ?

Certes, mais la géographie des flux a toujours changé. Quand le salaire minimum chinois augmente de 15% par an, ou si le prix du carbone passe à 100 euros, cela change la géographie des flux. Mais ce n’est pas de la déglobalisation. C’est une globalisation avec des reliefs différents. Cela dépend des secteurs, des changements des prix relatifs, des parcours de décarbonation des uns et des autres, des évolutions des réglementations

Faut-il néanmoins s’attendre à des relocalisations en Europe ?

Un peu. Pas beaucoup, parce que le coût est élevé pour les entreprises. Bien sûr qu’il y a des éléments de « reshoring » dans l’industrie. L’impression 3D, par exemple, va, dans certains secteurs, favoriser des relocalisations. Il y a également des métiers qui, au regard de l’augmentation des salaires en Chine et dans quelques années au Vietnam et au Bangladesh, préfèreront relocaliser. Mais ce n’est pas la tendance principale, ne serait-ce qu’en raison de la géographie des marchés en croissance la plus rapide, là où il faut être, et d’abord sur le pourtour du Pacifique. Quant aux éléments de « friend-shoring », il y en a. Mais cela reste marginal, car cela coûte cher. Les rabais amicaux sont rares.

La multiplication des sources d’approvisionnement ne coûte-t-elle pas cher également ?

Pas forcément. Si vous prenez les fournisseurs du sud est Asiatique, ils ont de la place pour rogner sur leurs marges d’exportateurs.

Les critères ESG se développent très fort en Europe. Ne peuvent-ils pas contribuer à relocaliser ?

Oui, cela va jouer, un temps. Mais les autres suivront, et tant mieux. Et l’amélioration de la qualité ESG des chaînes de valeur ne signifie pas toujours qu’elles vont raccourcir. C’est la globalisation qui va servir de vecteur à la normalisation de certaines chaînes de valeur sous la pression des syndicats ou des consommateurs. Cela passera par la vérification de ce qui se passe en amont du point de vue du respect des droits de l’Homme, des régimes sociaux, des contraintes environnementales, des normes sanitaires et phytosanitaires.

La guerre en Ukraine provoque une onde de choc sur l’économie mondiale, notamment en Europe. Quel est l’impact à court et long terme sur le commerce international de cette guerre et des sanctions qui l’accompagnent ?

La Russie, du point de vue du commerce international et de la globalisation, est un épiphénomène. Ce qui se passe ne chamboule pas la globalisation. L’Europe aura moins de gaz russe, mais on ira chercher du gaz américain ou qatari. Ce n’est pas une contribution à la déglobalisation. C’est juste un changement de la carte des flux. La Russie est un cas intéressant, car c’est l’économie la moins globalisée qui soit à l’exportation. Elle pratique ce que les économistes appellent le commerce « fatal ». C’est-à-dire du commerce de surplus. Qu’exportent les Russes ? Des énergies fossiles, des minerais, des combinaisons de deux, acier ou aluminium, de l’agriculture et des armes. Ce n’est donc pas une économie globalisée au sens où elle ne crée pas des interdépendances qui naissent d’une division intelligente du travail international, au sens de l’intérêt qu’ont les pays à échanger des produits qu’ils font mieux que les autres contre des produits qu’ils font moins bien. Un intérêt qui pousse d’ailleurs à la paix. Les Russes ne sont pas dans ce jeu-là. Ils exportent ce qu’ils produisent en trop et sont obligés d’exporter. Et l’Europe importe, pour un court moment encore, du gaz russe parce qu’elle en a besoin, que son transport par gazoduc est moins cher, et son empreinte carbone moins mauvaise que celle du GNL américain.

Qui de l’Europe ou de la Russie sera la plus impactée au cours des prochaines années ?

A court terme, l’Europe souffrira et devra faire preuve de solidarité. On est en train de découvrir que l’autonomie stratégique a un prix. Politiquement ce n’est pas un hasard si en Allemagne et en France, on ne dit mot sur les rationnements d’énergie qui vont arriver à l’hiver 2023/2024. A long terme, c’est évidemment la Russie, qui est en train d’être éviscérée de tout ce qui l’avait modernisée depuis 30 ans : des investissements étrangers, des transferts de technologie, du savoir-faire occidental, des cerveaux russes qui partent.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie reprend elle aussi l’idée de commercer avec des pays amis. Les dirigeants russes et chinois n’ont d’ailleurs de cesse d’étaler au grand jour leur amitié et de montrer leur volonté de coopérer étroitement à l’avenir. Ne va-t-on pas vers la constitution d’un bloc sino-chinois sachant que la Chine pourrait facilement remplacer les Européens en Russie ?

Je n’y crois pas beaucoup. Il y a un bloc chinois, américain, un bloc européen. Ce n’est pas nouveau. Je ne pense pas que la Chine aura comme politique d’aider sérieusement la Russie au risque de sanctions. L’alliance sino-russe est plutôt une alliance narrative anti occidentale qui trouve un écho important dans le monde. La Chine fera en sorte de profiter de l’évolution de la situation. Ils ont désormais une taille, une masse, un niveau de sophistication, y compris technologique, des réseaux qui en font un acteur incontournable.

Même chose pour l’Inde ?

Probablement, à leur manière, qui n’est pas la même que celle de la Chine avec laquelle ils ont des différends, y compris territoriaux. J’ai de bonnes raisons de penser qu’ils vont se distancier des Chinois, avec qui ils ont un problème de frontières. L’Inde peut rester intelligemment neutre. Sur le plan intérieur, Narendra Modi a pris un virage anti-musulmans et pro-Hindous, qui ne va pas forcément trouver un écho favorable en Asie du Sud Est. De même, je pense que même si la Chine est en train d’essayer d’intégrer la zone du sud-est asiatique sous son influence, les pays de l’Asean vont résister. On voit comment l’Asean se renforce, c’est le seul processus d’intégration régionale, avec l’Union Européenne, qui ait progressé en permanence depuis 50 ans, pour la simple raison qu’ils ne veulent pas mettre tous leurs œufs dans le panier chinois.

La Chine est-elle une menace ?

Je pense que la Chine est une menace dans certains domaines, mais aussi qu’une Chine autarcisée est plus menaçante qu’une Chine globalisée. Aux Etats-Unis, on pense l’inverse. Par ailleurs l’idée européenne, française et américaine, sous une forme différente, d’une politique indo pacifique plus musclée fait du sens.

Vous ne croyez pas une « fragmentation » de la mondialisation pour les produits manufacturés. Qu’en est-il pour l’économie digitalisée ?

Elle sera globalisée de manière différente que la « vieille » économie. Dans certains cas davantage : les business modèles sont les mêmes partout, les plateformes, les réseaux sociaux se ressemblent, prennent du pouvoir de marché partout, et posent les mêmes problèmes de concurrence et de contenus. Mais aussi moins dans d’autres car la matière première, la donnée, n’est pas idéologiquement neutre et obéit à des préférences collectives différentes en termes de protection, de circulation, de stockage, de sécurité, de contrôle politique. Des reliefs qui n’ont rien à voir avec le monde philosophiquement plat des chemises, des voitures, des smartphones. D’où des écosystèmes différents, des principes de régulation plus variés, et donc une certaine fragmentation.

En combien de blocs ?

A mon avis ce sera en trois : Etats-Unis, Europe, Chine. Qui devront aménager convergences ici et coexistence là pour garder les bénéfices de l’ouverture et des économies d’échelle tout en satisfaisant des nécessités de sécurité. Une globalisation avec des pare-feux, en quelque sorte.

La poussée du protectionnisme observée ces dernières années un peu partout dans le monde n’est-elle pas une menace pour la globalisation ?

Le passage du protectionnisme au précautionnisme reste la grande inconnue. Le protectionnisme consiste à protéger ses producteurs de la concurrence étrangère. Cela existe depuis 22 siècles et on sait, avec des quotas, des droits de douane, des subventions pourquoi et comment faire ou, de plus en plus, ne pas faire. Le précautionnisme consiste à protéger les populations de certains risques environnementaux, sanitaires, sécuritaires au moyen de normes, de régulations et de contrôles. C’est donc une tout autre approche parce que l’on crée des obstacles à l’échange international pour ceux qui veulent exporter sur plusieurs marchés qui ne viennent pas, comme dans le cas du protectionnisme, des mesures destinées à protéger les producteurs des pays importateurs, mais des différences de régulation entre les pays où l’on veut exporter. Par exemple, un exportateur rwandais de roses peut rencontrer de gros problèmes à exporter au Japon, aux Etats-Unis ou en Europe, non pas parce qu’il est confronté à des obstacles protectionnistes de la part de ces pays, mais parce que la régulation sur les pesticides est différente dans chacun de ces pays. Ce qui l’oblige à séparer trois champs pour cultiver ses roses de manière différente pour tenir compte des trois réglementations. Le précautionnisme, dont la montée est inéluctable, crée des frottements à l’échange international. Il est la manifestation de l’augmentation du prix du risque. C’est un dénivellement du champ concurrentiel. Si on regarde par exemple où l’on peut ouvrir davantage l’échange transatlantique, ce n’est pas dans les droits de douane, sauf de manière marginale dans l’agriculture, c’est dans le domaine réglementaire, les normes, les standards, les modes de certification. D’ailleurs, où constate-t-on la montée la plus rapide  de l’influence chinoise ? C’est dans les organismes de standardisation internationale.

Une éventuelle réélection de Donald Trump serait-il un coup frein à la globalisation ?

Non. Parce que l’expérience Trump a beaucoup vacciné. Un échec annoncé. Aujourd’hui avec l’inflation, les Américains se rendent compte qu’il faut retirer les droits de douane, lesquels ont fait augmenter les prix d’un certain nombre de biens de consommation de 30%. La leçon de Trump, c’est l’échec le plus complet du protectionnisme le plus brutal et le plus inculte, consistant à penser que les droits de douane sont payés par l’exportateur. Non, ils le sont par le consommateur. Les Républicains et Démocrates partagent le même point de vue. Certes, ils veulent découpler l’économie européenne de l’économie chinoise dans les secteurs de la Tech. Mais ça, ce n’est pas d’abord une affaire de politique commerciale mais plutôt de politique industrielle, de recherche, d’innovation de formation, de qualité des systèmes sociaux.

La transition écologique peut-elle influencer la carte de la globalisation ?

La transition écologique, en ce qu’elle modifie les prix relatifs, va bien sûr affecter la carte de la globalisation, mais ce sera toujours de la globalisation. S’il y a un facteur qui résume les évolutions, c’est le « repricing », la réévaluation du risque, et d’abord du risque le plus menaçant, le risque environnemental. Mais qui est perçu de manière très différente entre L’Europe et la Chine d’un côté et les Etats Unis de l’autre. D’où un autre risque de frottements.

Quand on sait qu’une grande partie des métaux stratégiques ou du raffinage sont en Chine ou en Russie, n’y a-t-il pas un risque sur la transition écologique des pays occidentaux ?

Il peut y avoir des raisons de la freiner à court terme, mais aussi de bonnes raisons de l’accélérer. On le voit bien avec l’impact de l’invasion de l’Ukraine sur le système énergétique européen. Une partie des pays se tournent vers le charbon tandis que d’autres veulent accélérer le développement des énergies renouvelables. L’un dans l’autre, le résultat va être une accélération de la décarbonation de l’énergie européenne. En matière agricole, cela est un peu différent. Des pressions s’exercent à Bruxelles pour alléger à moyen long terme les contraintes environnementales qui vont s’appliquer à notre système agroalimentaire auxquelles il serait infondé de céder, de mon point de vue. Je n’assimile pas, contrairement à d’autres opinions, la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire.

Quelle sera la place de l’Europe demain ?

Avant l’invasion de l’Ukraine, je pensais qu’elle était entrée dans une nouvelle phase d’intégration dynamique autour du « pacte vert », de l’autonomie stratégique, du rattrapage digital. Depuis, j’en suis moins sûr parce que cette guerre est arrivée trop tôt du point de vue de de l’Europe de la défense. Poutine nous a inévitablement jetés dans les bras américains de l’OTAN et les Américains ont jeté Poutine dans ceux des Chinois. Les dés roulent. Et je ne sais pas très bien de quel côté ils vont tomber.

Certains observateurs disent pourtant que la crise, dans la capacité qu’ont eu les pays membres à pratiquer des sanctions communes à l’égard de la Russie, a renforcé l’Europe.

Ce n’est pas faux, à court terme. Il y a eu trois grandes étapes d’intégration européenne ces derniers temps, qui ont toujours résulté de crises extérieures auxquelles l’Union européenne a réagi en faisant riper l’ancre allemande : En 2008, où nous n’avons pas tenu compte du traité de Maastricht, pendant la crise du Covid avec un endettement commun, et aujourd’hui avec les sanctions contre la Russie et la décision de financer l’envoi d’armes à l’Ukraine au niveau européen.

Pour autant, cinq mois après le début de la guerre, je crois qu’il serait prématuré de considérer que la guerre en Ukraine a renforcé l’Europe. Je suis mal à l’aise quand j’entends à Washington, Londres, Pékin, Moscou, présenter ce conflit comme une affaire entre l’Ouest et le reste du monde qui considère, lui, que cette guerre n’est pas son affaire. Ce n’est pas bon signe, y compris pour l’Europe, dont j’ai toujours pensé qu’elle devait avoir son individualité. On fait partie du monde libre et c’est très bien. Mais quand j’entends certains responsables britanniques affirmer que le G7 c’est l’OTAN de l’économie, je me souviens de Trump au G7 et je frémis pour l’union des européens.

Plus que l’Occident contre le reste du monde, n’est-ce pas davantage les démocraties contre les régimes autoritaires ?

Non. Pour moi, l’Inde est une démocratie acceptable et elle n’est pas de notre côté, tandis que Singapour, qui n’en est pas une, est avec nous.

Que doit donc faire l’Europe ?

Accélérer son intégration tous azimuts. En 2050, l’UE comportera 35 membres.

Même si la dernière grande phase d’élargissement de l’Europe aux pays de l’Est en 2004 n’a pas été une réussite.

Le désir à l’époque était tellement fort, c’était impossible de faire autrement. Cela a conduit à certains raccourcis dans notre pensée de l’Europe centrale et orientale dont, on est en train de payer le prix maintenant. Pour autant, je ne suis pas d’accord pour dire que l’élargissement était précipité. Ces pays sont entrés dans l’UE une quinzaine d’années après la chute du mur de Berlin en 1989. Je rappelle que l’Espagne et le Portugal ont attendu douze ans après la fin de la dictature. A cette aune, une adhésion de l’Ukraine en dix ans serait une performance !

Pour vous l’entrée de l’Ukraine dans l’UE est donc une certitude  ?

Une forte probabilité, quand elle sera reconstruite. On est en train d’organiser deux parcours parallèles qui sont le parcours d’ajustement de l’Ukraine aux normes européennes et le parcours de reconstruction de ce pays. Reste à trouver les 500 milliards nécessaires, une addition qui va sans doute augmenter dans les mois qui viennent. L’invasion russe a rendu inévitable l’accession de l’Ukraine à l’UE, mais pas forcément à l’OTAN dans le même temps.

J’ai bien connu l’Ukraine. J’ai travaillé pour l’aider à faire entrer dans l’OMC un pays gangréné par la corruption à l’époque. Je découvre aujourd’hui un pays différent, avec une armée qui a été formée pendant 10 ans par l’OTAN. Cela n’a pas échappé aux Russes. Le fait que l’UE ait commencé, récemment il est vrai, à réfléchir à son indépendance énergétique à l’égard de la Russie et que l’Ukraine se soit renforcée a pu jouer dans la décision de lancer l’invasion le 24 février dernier.

Quand on voit les différentes oppositions entre la Commission européenne et la Pologne et la Hongrie, ou encore les liens étroits de Varsovie avec Washington qui se traduit souvent par des contrats industriels passés aux entreprises américaines plutôt qu’européennes, notamment dans la défense, ces deux pays ne sont-ils pas opposés à l’intégration européenne ?

Ces deux pays ne sont pas du tout opposés à l’intégration européenne. Ils la souhaitent, mais à leur manière, avec une idéologie politique qui n’est pas en ligne avec les règles européennes et de manière plus prononcée en Hongrie qu’en Pologne. L’illibéralisme est allé plus loin en Hongrie. Donald Tusk a une chance de gagner les prochaines élections en Pologne. Et puis, Vladimir Poutine a fait de la Pologne une telle priorité géopolitique aujourd’hui qu’on ne peut plus raisonner tout à fait de la même manière. Les conséquences du choc de l’invasion de l’Ukraine obligent à réviser la carte géopolitique de l’Europe. Les pays d’Europe Centrale et Orientale vont peser davantage dans l’espace européen.

Beaucoup en Pologne pensent que les Etats-Unis les protégeront en cas d’attaque russe. Partagez-vous cette analyse ?

Probable, oui, et les européens aussi, s’ils parviennent à s’organiser pour cela.

Craignez-vous une accentuation de la fracture Nord-Sud ?

L’augmentation de la fracture Nord-Sud est un phénomène qui m’inquiète davantage que la déglobalisation. L’apartheid vaccinal COVID que nous avons laissé s’installer aura laissé des traces durables dans le monde en développement et notamment en Afrique. La COP de Glasgow a également endommagé les relations Nord-Sud puisque le Nord a demandé au Sud de sortir rapidement des énergies fossiles sans s’engager vraiment à soutenir les investissements nécessaires. Une bonne partie de ces frustrations nourrit la réaction, qui a pu nous étonner, de beaucoup de pays à l’invasion de l’Ukraine. Pour l’Europe, l’Afrique est le problème numéro 1. Je conçois que les Etats-Unis et la Chine sont des questions géopolitiques et géoéconomiques importantes pour l’Europe, mais la vérité, dans la vie de tous les jours, est que si l’Afrique ne gagne pas la course de l’économie contre la démographie dans les vingt ans à venir, nous aurons un gros problème.

Peut-on envisager un changement du système monétaire international ?

Je ne crois pas à une modification à court terme du système monétaire international. On peut mesurer les forces respectives des monnaies par la facturation, ou leur part dans les réserves des banques centrales, mais la mesure ultime, c’est le stock d’actifs disponibles pour les investisseurs. Et ce n’est pas demain la veille que les stocks en euros ou en yuans vont dépasser les stocks en dollars. Le vrai facteur limitant, il est là. Tant que les Chinois n’auront pas changé de position sur le fait qu’un change ouvert, c’est bon pour l’économie, cela ne changera pas. C’est d’ailleurs curieux qu’on puisse être membre du FMI et ne pas avoir un change ouvert. Mais c’est le cas.

Dans les pays occidentaux, en Europe et France notamment, il y a une certaine remise en cause de la mondialisation par une partie de la population, pensez-vous qu’elle peut encore de l’ampleur ?

J’ai toujours pensé et dit que la mondialisation est à la fois efficace et douloureuse je crois aujourd’hui que et que la démondialisation est inefficace et douloureuse. Il y a eu une période où les antimondialistes disaient que la globalisation serait nuisible pour les pays en développement. La réalité a démontré le contraire. L’impact pour les pays développés a été inégal, mais d’autant plus ressenti négativement que les systèmes sociaux ont moins bien pris en charge l’insécurité sociale des changements rapides dans l’emploi qui sont intervenus, et qui proviennent pour à 85% de la technologie, et à 15% de la globalisation. Et ces 15% ont mordu dans les pays où les systèmes sociaux étaient les plus médiocres comme aux Etats-Unis et en partie en Angleterre, qui après la crise de 2008 a subi un programme d’austérité nettement plus sévère que sur le continent. D’où le Brexit, ou l’élection de Trump. Il y a effectivement une partie de l’opinion occidentale qui considère que la globalisation est négative pour l’emploi, mais ce n’est pas le cas partout. Ce n’est pas le cas dans les petits pays, un peu en France, pas beaucoup en Allemagne, ni en Italie ni en Espagne.

Comment l’expliquez-vous en France ?

La France a toujours été une exception, un angle mort du commerce international. C’est l’une de nos constantes culturelles. Il y a eu seulement une brève période de vrai libéralisme économique et commercial en France, sous Napoléon III. Avant il y avait Colbert, après il y a eu Méline. L’une des raisons pour lesquelles les Anglais sont restés libres échangistes et les Français sont devenus protectionnistes, tient à la structure foncière. En Angleterre, de grands domaines agricoles ont été conservés. Quand le prix du blé s’est effondré sur le commerce transatlantique au 19ème siècle, l’État a refusé de mettre des droits de douane pour éviter de faire monter le prix du pain et protéger les pauvres. Cette décision allait à l’encontre des landlords. En France, parce que la révolution française avait morcelé les propriétés foncières, il fallait bien protéger les petits paysans et pour éviter qu’ils soient en difficulté, l’Etat a mis des droits de douane. Dans nos mentalités collectives, la terre fermée compte plus que la mer ouverte.

Les résultats du RN et de LFI montrent que le discours anti-mondialisation a une forte résonance en France

Si on regarde les sondages en France, l’opinion est à près de 60% en faveur de la globalisation. Mais chez LFI et RN, 80% sont contre. C’est très polarisé. De mon point de vue, les économies ouvertes se développent mieux que les économies fermées. Mais je n’ai jamais été un inconditionnel de l’ouverture des échanges. Il y a simplement beaucoup plus de cas où cela donne de bons résultats que l’inverse. Mais c’est l’un parmi beaucoup d’autres instruments de politiques publiques destinées à améliorer la croissance et la qualité de vie et à réduire les inégalités. Si l’on compare les réussites et les échecs des pays dans le monde depuis cinquante ans, l’ouverture des échanges compte, mais l’éducation, la formation, le niveau des connaissances, l’innovation, la cohésion sociale, viennent loin devant.

Pouvoir d’achat : Plaidoyer contre l’augmentation des salaires !

Pouvoir d’achat : Plaidoyer contre l’augmentation des salaires !

 

 

OPINION. La vraie question n’est pas de savoir quoi faire pour bloquer les prix et sauvegarder le pouvoir d’achat mais plutôt de savoir comment accompagner cette hausse des prix et cette baisse du pouvoir d’achat de façon à ce qu’elle soit la plus brève possible. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs à l’ESSEC. (la Tribune)

 

Une vision classique chez les néolibéraux qui oublient simplement que la baisse du pouvoir d’achat est en train de tuer la consommation et la croissance ( « Accessoirement » de  faire diminuer les recettes publiques et augmenter la dette). Sans parler de l’opposition à engager une enquête sur la spéculation qui ne renforce pas la crédibilité du propos un peu trop teinté idéologiquement;  et que penser de cet appel politique à  la population à se préparer à une baisse du pouvoir d’achat !  Par ailleurs la condescendance du discours  ne constitue pas un gage de pertinence NDLR

 

Les politiques de tous bords et les deux assemblées semblent subitement prendre conscience que leur ignorance tant de la macroéconomie que des faits économiques diminuait leur crédibilité et leur capacité d’action face à la hausse des prix et la baisse du pouvoir d’achat. Ainsi le groupe CRCE au Sénat a demandé une mission d’information sur les origines de l’inflation. De même, des élus Nupes à l’Assemblée nationale, tant PS que LFI, soutiennent également la création d’une enquête parlementaire sur la hausse des prix.

Voilà une attitude fort louable, la première connaissance devant être celle de son ignorance, si toutefois cette volonté de comprendre ne cache pas des arrière-pensées visant à incriminer le gouvernement, les industriels voire la « Finance internationale ». En effet, la demande d’une commission d’enquête sur les causes de l’inflation ressemble davantage à l’organisation d’un procès et une recherche de coupables bien plus qu’à une étude sur les causes de l’inflation et les actions possibles du gouvernement pour combattre ce phénomène.

En effet, il n’est pas sûr que la réponse la plus raisonnable aux causes de l’inflation soit à leur goût. La cause première de l’inflation est l’écart entre la forte demande dopée par les dépenses publiques et la faiblesse relative de la production fortement dégradée par la gestion de la pandémie et les ruptures logistiques. Or le PS et LFI se sont tous deux distingués avec des programmes de dépenses encore plus gargantuesques que ceux du gouvernement. Ils peuvent donc se compter dans les incendiaires. La loi économique en la matière est aussi simple que fatale. Si les revenus augmentent artificiellement plus vite que la production alors la seule variable d’ajustement est le prix, qui augmente automatiquement pour équilibrer l’offre et la demande. La guerre en Ukraine et le renchérissement des prix de l’énergie et des matières premières n’ont fait qu’aggraver la situation inflationniste en place depuis mars 2022.

Objectivement la politique de relance post-Covid du gouvernement brille par son côté générique et n’est ni pire, ni meilleure que celle des autres pays, pas plus que le lemming lambda ne se distingue du reste de la troupe de lemmings qui galope vers la falaise. La Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE) d’une part, le gouvernement américain et la Fed d’autre part, portent d’ailleurs une responsabilité bien plus lourde que le gouvernement d’une puissance moyenne et moutonnière comme l’est devenue la France. Certes, le gouvernement s’est ensuite rendu coupable de dépenses « stratégiques », engagées juste avant les élections présidentielles, avec une centaine de milliards d’euros dépensée en blocage des prix de l’énergie et en chèques inflation. Là encore, cette politique brille par son côté standard. Tous les gouvernements font de même avant une élection clef. La période officieuse de deux mois étant passée, le président vient, de la façon la moins surprenante, d’annoncer la fin de cette politique en faveur d’un ciblage, standard lui-aussi, des populations fragiles et des travailleurs et pensionnées de l’État.

La cape rouge vers laquelle le taureau Nupes frotte son sabot sont les industriels profiteurs de guerre tirant avantage de la situation pour augmenter les prix. La preuve ultime de la félonie industrielle se trouverait dans le niveau encore élevé des profits des entreprises. Cette preuve est contestable. Comme ils le trouveraient prescrit dans un cours d’introduction à la comptabilité, en période de forte inflation le résultat d’exploitation n’est plus un bon indicateur de l’état financier de l’entreprise car il n’indique pas les coûts auxquels l’entreprise va continuer son activité, mais les coûts des ressources déjà utilisées. Ainsi, une entreprise peut faire des profits et être en incapacité de se maintenir à flot quasiment en même temps. Il serait bon pour les enquêteurs de la Nupes de se référer aux normes comptables pour les pays à forte inflation.

De leurs côtés, les Républicains (LR) proposent (nous serions tentés de dire, qu’il neige ou qu’il vente, pour la toux ou le mal de ventre) une baisse de la TVA à 5%. Ainsi, LR ou Nupes, chacun avec ses armes usuelles (plus de dépenses pour l’un, moins d’impôts pour l’autre) proposent de continuer à détériorer les comptes publics pour sauvegarder le pouvoir d’achat. Rien de surprenant puisqu’ils savent que le gouvernement ne peut plus dépenser et ils pensent ainsi le mettre en porte-à-faux sur le pouvoir d’achat.  Comportement standard de partis de l’opposition, ni pire, ni meilleur et sans surprise.

Il nous semble que la vraie question n’est pas de savoir quoi faire pour bloquer les prix et sauvegarder le pouvoir d’achat mais plutôt de savoir comment accompagner cette hausse des prix et cette baisse du pouvoir d’achat de façon à ce qu’elle soit la plus brève possible. Pour cela, il est temps de cesser de se voiler la face. L’inflation est là et le pouvoir d’achat va baisser. Cette baisse du pouvoir d’achat est inévitable du fait de l’écart entre offre et demande, conséquence des excès budgétaires au temps de la pandémie, et du fait de la guerre en Ukraine. Il n’est pas raisonnable de faire croire que nous sommes dans un monde où il fait toujours beau avec une mer toujours calme.

Il faut également laisser les prix relatifs s’ajuster. Il faut que le prix de l’énergie augmente, ce qui d’une part créera une incitation nécessaire pour réaliser des économies d’énergie, mais fera aussi baisser d’autres prix. Pour s’ajuster, l’économie a besoin de signaux de prix et pas de la planification en version Nupes. L’accompagnement ne doit cibler que les ménages les plus défavorisés comme indiqué par l’OCDE dans son dernier rapport, et pas l’ensemble des ménages, car le gouvernement doit signaler qu’il maitrise les finances publiques.

La hausse des prix peut suffire pour aligner rapidement l’offre avec la demande excessive à condition que les anticipations d’inflation restent mesurées et que les mécanismes d’auto-alimentation de l’inflation ne se mettent pas en place. Sur ce plan, on pourrait se rassurer en observant que, pour l’instant, la boucle augmentation des prix et des salaires ne s’est pas encore activée en France. Selon nous, le principal risque viendrait plutôt des trillions de monnaie imprimés par la BCE depuis 2012, et dont la croissance s’est accélérée depuis 2020. Il est urgent que la BCE agisse et diminue son bilan. Malheureusement, pour l’heure il n’est question que de commencer à augmenter les taux courts et simplement de ne pas augmenter davantage le bilan. Il est à craindre qu’avec des taux d’intérêt largement inférieurs au taux d’inflation, l’offre de monnaie continue d’augmenter via la production de crédits pour des projets plus ou moins viables.

Ce qui retient le bras de la BCE n’est pas difficile à deviner. La dette des pays du Sud de l’Europe, et singulièrement celle de l’Italie, apparaissent pour ce qu’elles sont, de véritables bombes à retardement pour la zone euro. En effet, la prime de risque sur les obligations italiennes ne cesse pas d’augmenter. L’instabilité du gouvernement Draghi face aux propositions excessives du parti populiste 5-Etoiles alimente encore plus le risque sur la dette italienne. La BCE cherche à mettre en place des mesures qui dégonfleraient un peu ces primes de risques mais, dans le contexte actuel, la faisabilité est plus qu’incertaine. En effet, quand en 2012 Mario Draghi lui-même a mis en place le dispositif de sauvegarde des dettes des Etats fragiles en zone euro (dispositif Opérations Monétaires sur Titres) et coupé court à la défiance des marchés, le taux d’inflation était quasiment zéro. Avec une inflation supérieure à 8% et un euro qui se dégrade de plus en plus, la marge de manœuvre de la BCE pour des nouvelles innovations institutionnelles est proche de zéro.

L’Allemagne qui a garanti les emprunts européens par le passé se dirige maintenant vers une récession en raison de sa dépendance excessive du gaz russe et n’a certainement plus la volonté de jouer ce rôle.

Allons-nous voir nos bons politiciens, quel que soit leur bord politique, appeler la population à se préparer à une baisse du pouvoir d’achat et à réorganiser leurs dépenses pendant une période d’un ou deux ans ? Il est à craindre qu’ils n’aient pas ce courage. Pour la rentrée, préparons-nous à la séquence habituelle de rigueur qui ne dit pas son nom, de grèves pesantes sur les citoyens suivies de capitulations du gouvernement, puis cela passera comme les crises précédentes tout en laissant le pays dans une situation moins favorable pour le rebond à venir.

Plaidoyer pour le revenu universel !

 

Les trois économistes Nezih Guner, Remzi Kaygusuz et Gustavo Ventura étudient, dans une tribune au « Monde », les scénarios permettant d’instaurer aux Etats-Unis un « revenu universel » versé à chaque Américain.

Sorte de plaidoyer qui passe sur le fait que les plus démunis ne seront jamais en capacité d’épargner pour couvrir des besoins sociaux essentiels comme la santé ou la retraite ( Ce qui n’interdit pas évidemment d’éclaircir sérieusement le maquis des prestations actuelles). NDLR

 

La proposition d’un revenu universel (RU), c’est-à-dire d’une allocation publique versée sans condition à tout individu, est abondamment débattue par les économistes et les politiques. Selon certains, il pourrait être la solution à la croissance des inégalités de revenu et à l’insuffisance des allocations existantes.

Pour d’autres, ce serait un moyen de réduire l’inefficacité du système de prestations actuel, qui consiste généralement en un patchwork de nombreux programmes gérés par une bureaucratie pléthorique. Les dépenses sociales représentent environ 20 % du produit intérieur brut (PIB) des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

En France, leur part est d’à peu près 30 %, le plus haut taux des pays de l’OCDE, alors qu’aux Etats-Unis il est de 18 %, à peine inférieur à la moyenne. La santé et les retraites s’adjugent la part du lion, et le reste, soit 8,1 % du PIB en France et environ 2,7 % aux Etats-Unis, correspond à des allocations versées à la population en âge de travailler.

Ces allocations sont en général soumises à conditions de ressources, c’est-à-dire que seuls les individus ayant un revenu inférieur à un certain seuil sont en droit de les percevoir. Ces allocations peuvent être soit des prestations monétaires, en liquide ou en chèque, versées directement ou sous forme de crédit d’impôts, soit des services en nature, comme le logement social ou les crèches payées par le gouvernement.

Si l’on répartissait le montant actuel de ces allocations entre tous les habitants, enfants comme adultes, cela représenterait 3 100 euros par personne et par an en France, et 1 400 euros aux Etats-Unis. Aujourd’hui, tout le monde ne reçoit bien entendu pas cette somme-là, car beaucoup de gens perçoivent des revenus suffisamment élevés pour être inéligibles, tandis que ceux qui ont droit aux allocations publiques reçoivent en général une somme relativement plus importante.

Imaginons que soit mis en place un revenu universel. La France verserait alors 3 100 euros par an à tout le monde, et les Etats-Unis 1 400 euros, en supprimant tout simplement tous les programmes d’allocations existants et en adressant un chèque annuel .

Encore un plaidoyer pour les cryptomonnaies !

Encore un plaidoyer pour les cryptomonnaies !

.Comme un retour aux sources, la monnaie devient un outil d’échange, d’unité de compte, de réserve, et de troc digital, sous forme d’actifs physiques digitaux, parfois intelligents, ou d’actifs financiers. (*) Par Yann Le Floch, expert en monnaies digitales ( dans la Tribune)

 

Un nouveau plaidoyer pour les cryptos qui fait par ailleurs un peu l’impasse sur les enjeux d’une politique monétaire. Un plaidoyer peu convaincant dans une période où les crypto s’écroulent.

Ainsi a crise des cryptomonnaies fait une nouvelle victime. Le fonds d’investissement Three Arrows Capital devait rembourser avant le 27 juin un prêt contracté auprès du courtier Voyager Digital. Le hedge fund se retrouve finalement en défaut de paiement selon son créancier. Il n’a pas remboursé les 675 millions de dollars empruntés sous la forme de 15.250 bitcoins et 350 millions de dollars en USD Coin, une monnaie stable dont la valeur est fixée au dollar. La nouvelle est d’autant plus gênante que «3AC» finance à hauteur de 10 milliards de dollars l’écosystème des cryptos. Un milieu qui est déjà mis en danger par la conjoncture. Sa chute potentielle pourrait alors provoquer un effet domino destructeur. NDLR

Tribune 

Il est pour habitude de considérer que la monnaie, outil économique que nous utilisons tous les jours, a pour fonction d’être un instrument d’échange, d’unité de compte, et de réserve de valeur, définition attribuée souvent à Aristote, 4 siècles avant notre ère.

Dans l’environnement économique ambiant, il est possible d’observer qu’un vent d’innovation se projette sur les questions monétaires, dont l’écosystème des dites cryptomonnaies a pu être l’initiateur, les monnaies digitales de banques centrales pouvant être le relais de ce type d’initiatives.

Il apparaît de manière marquée au sein de l’écosystème des dites cryptomonnaies, que certaines monnaies, tel que le Bitcoin, présentent d’un point de vue économique un caractère hybride d’actifs financiers, se fondant avec les fonctions classiques de la monnaie. Le Bitcoin est aujourd’hui un outil d’échange, de réserve de valeur, et d’unité de compte dans certains référentiels, et aussi un actif financier volatil régi par des processus de marché.

Le monde économique et financier a eu pour habitude d’aborder la question monétaire dans une approche d’abord comptable, la monnaie étant ainsi perçue comme un étalon, l’unité de compte. Cela se traduit dans l’écosystème des monnaies digitales, par une définition technologique de la monnaie comme « account based », traduit littéralement par « basé sur un compte ». Dans l’usage courant que les citoyens peuvent avoir de la monnaie, avec une approche physique réelle ou symbolique, la monnaie peut être aussi perçue comme une pièce ou un jeton, ce qui se traduit par une définition technologique de la monnaie comme « token based », littéralement traduit par basé sur un jeton. Dans l’écosystème financier et économique traditionnel, notre monnaie électronique est basée sur un compte, ce qui est aussi le cas pour Bitcoin dans une certaine mesure avec une adresse publique sur laquelle se trouve des unités de compte. Concernant Ethereum, à l’adresse publique d’un Ether, est associé des jetons technologiques qui peuvent être programmés, via les dits « smart contracts » ou contrats intelligents. Cette différence de perception de la monnaie entre une approche comptable d’unité de compte, ou physique d’instrument d’échange, peut être perçu comme un verbiage secondaire, mais a un impact sur les choix technologiques afférents, et l’usage des monnaies qui en est faite ensuite dans la pratique. En effet, l’approche technologique physique basée sur un jeton d’Ethereum a ainsi permis la création des fameux NFTs artistiques notamment, ces œuvres d’art ou de luxe dont les jetons NFTs en sont la représentation et certification digitale, avec une forme de digitalité physique de jetons.

Pour aller au-delà, la monnaie peut ainsi démontrer avoir une propriété physique et économique d’actif, un « asset » dans la langue de Shakespeare :

- plus proche d’un actif d’usage comme il était le cas dans le monde du troc dans l’échange d’objets physique, un poulet, des pommes, un kilo de farine, et pourquoi pas un NFT.

- ou d’un actif financier comme il est le cas pour beaucoup des cryptomonnaies de premier rang.

Cette réalité physique qui se dégage dans la nature et la définition de la monnaie apparaît ainsi en filigrane dans l’écosystème pratique des monnaies digitales, la monnaie devient ainsi, un outil d’échange, d’unité de compte, de réserve, et de troc digital, sous forme d’actifs physiques digitaux, parfois intelligents, ou d’actifs financiers, comme un retour aux sources.

Cette porosité qui apparaît ainsi entre les différentes fonctions économiques des outils monétaires, présente dans la pratique des potentialités d’usage et technologiques très marquées.

Ainsi, Bernard Lietaer, économiste et universitaire belge, qui a été membre du board de la création de l’ECU, ancêtre monétaire de l’Euro, et professeur à l’université de Berkeley en Californie jusqu’à son décès en 2019, œuvrait pour la création d’un écosystème monétaire institutionnelle présentant une richesse de monnaies de natures différentes, et hybrides, projet que les technologies contemporaines, dont la Blockchain, permettraient de réaliser.

Sa vision de la nature de la monnaie était une approche complémentaire entre des monnaies Yang, masculine symboliquement, et des monnaies Yin, à la philosophie féminine.

Synthétiquement, les monnaies Yang, sont les monnaies nationales, rares, incitant à la compétition, créant des capitaux financiers, utilisées pour le commerce international. Les monnaies Yin sont considérées comme des monnaies complémentaires, coopératives, émis en quantité suffisante, ayant pour vocation de créer du capital social.

Les nouvelles technologies permettent ainsi de réaliser d’un point de vue théorique dans le monde réel l’ensemble de ces visions monétaires sur une nature différente de la monnaie, le tout dans un cadre institutionnel sage et avisé, mais innovant et audacieux.

Au-delà, en couplant les philosophies de monnaies complémentaires, avec la nature de la monnaie qui s’exprime pas à pas comme un actif monétaire, il est possible de créer des monnaies actifs à la potentialité économique et humaine tout à fait remarquable.

Un exemple pourrait être les monnaies duales. Il est parfois dit dans certaines philosophies de vie « qu’il faut donner pour recevoir ». Dans l’économie classique, le paiement/don d’argent se fait contre un actif économique ou financier, selon des règles dites de marché. Serait-il ainsi envisageable de créer une « monnaie », un actif monétaire dual, dont le paiement d’un bien ou d’un service, se fasse dans un échange bilatéral d’actif monétaire, ou complémentaire d’actif monétaire. Concrètement, vous allez à la pizzeria, vous payez à la fin de votre repas votre pizza en euros selon des modalités classiques, vous avez la possibilité de payer avec des actifs monétaires institutionnelles dédiés, des jetons, des bons points, pour le service du restaurant, ou d’en recevoir comme client agréable. Ces jetons complémentaires étant par exemple distribués à l’origine en « Air Drop », ou monnaie hélicoptère, par les états en coordination avec les banques centrales aux particuliers et commerçants. Dans cet exemple, l’axe de dualité de l’échange pourrait être monétisable en argent de référence euros, que si un certain nombre de « Match » entre bons points/jetons reçus et bons points/jetons donnés, pouvaient s’exprimer, dans un équilibre complémentaire des échanges marchands. La relation économique classique s’ouvrant ainsi sur des dimensions différentes dans une dualité de rapports commerciaux et économiques complémentaires. Il va de soi que la dimension de satisfaction réciproque dans la relation commerciale, pourrait s’étendre à des dimensions environnementales, à des dimensions de perception de qualité, à des dimensions humaines et sociales en tout genre. Un point d’attention serait que la monétisation duale de ces dimensions non monétisées à ce jour, nécessiterait une architecture économique fine, pour éviter des effets de bord délétères.

Au-delà, nous pouvons comprendre ainsi, que des monnaies duales, ouvertes à des dimensions de monétisation complémentaires des échanges, selon des axes par exemple ESG (Environnement, Social, Gouvernance), ouvrent une forme de vision spectrale de l’échange économique, et s’échanger des spectres de fréquences économiques différents, c’est ainsi s’échanger des ondes, et des énergies, selon la définition physique (voir par exemple les définitions des transformations de Fourrier sur Wikipedia pour les plus curieux sur ces thèmes). Les nouvelles technologies monétaires feront-elles donc sur le long terme de l’économie un jeu d’échange d’énergie, cela est tout à fait probable.

Ainsi, de par les dites nouvelles technologies, une nouvelle mise en perspective de la nature de la monnaie se dessine pas à pas. Est-ce que Bitcoin, Ethereum, Hyperledger, seront aux monnaies digitales, un acte fondateur de transformations monétaires et technologiques encore plus profondes structurellement, cela est très probable. Existe-t-il aujourd’hui des technologies monétaires conçues par conception pour s’échanger des actifs monétaires au sens strict, voir des actifs monétaires ondulatoires, pas « by design ». La monnaie programmée n’est pas ainsi au sens strict une monnaie programmable.

Dans cette période où il se dit dans différents milieux du renseignement militaire, et sous différents drapeaux, que le nerf de certaines guerres est le rapport de force entre des zones monétaires concurrentes, existantes ou en construction, et que de trouver des raisons pratiques de se faire la guerre, et ensuite assez aisée, il serait peut-être de bon ton, de réfléchir à d’autres perspectives monétaires pour l’humain et l’humanité.

En France, nos spécialistes des technologies de pointe comme Thales, Dassault, Atos, Wordline, seront-ils en capacité de développer des technologies avancées de paix monétaire dans la guerre économique, sur la base de changements potentiels de la nature de la monnaie, au service de l’humain et du progrès ?

Plaidoyer pour les cryptomonnaies !

L’enjeu majeur de la blockchain ?

Un plaidoyer un peu optimiste mais confus sur le rôle des cryptomonnaies et de la technologie blockchain ; Surtout au moment où  le Bitcoin  a perdu 25 % de sa valeur . Si la technique blockchain apporte un progrès considérable dans la gestion de toutes les informations, il en va différemment pour les cryptommonaies , valeur virtuelle qui ne repose sur aucun actif et n’a  aucun avenir sans mise au point d’une régulation par les autorités monétaires

 

Tribune par  Toufik Lerari, PDG de tequila rapido et membre du Conseil d’Administration de Modex.( dans la Tribune)

 

Tim Berners-Lee, l’inventeur du WEB, souhaitait qu’il soit « universel, gratuit, libre et transparent ». 28 ans plus tard Tim Berners-Lee, lui-même, concède que la technologie n’a pas « réalisé son plein potentiel » limitée par trois facteurs : la désinformation, la publicité ciblée (commerciale et politique) et la domination opaque d’algorithmes qui abusent des données personnelles.

Google et Facebook affichent une valorisation cumulée de 3800 Mds$, l’équivalent du PIB réuni de la France et de l’Italie. Cette hyper-concentration de moyens financiers et de données personnelles est un danger pour la compétitivité et pour nos libertés.

Internet, pour être plus libre, transparent, pourvoyeur de confiance et sécurisé, doit être moins centralisé. Chacun doit pouvoir reprendre en main sa « destinée numérique ». C’est justement l’une des plus grandes promesses de la technologie blockchain. Mais pas seulement.

En 2021, selon la Banque mondiale, 589 milliards de dollars ont été transférés vers des pays à revenu faible et intermédiaire. Pour ce seul flux, le montant d’intermédiation perçu par les banques est de plus de 37 milliards de dollars. Un constat insupportable pour beaucoup et, en particulier, pour Satoshi Nakamo, l’inventeur de la technologie blockchain.

C’est durant la crise financière de 2008 qu’il imagine la création d’une monnaie numérique, le Bitcoin, qui pourrait garantir des transactions financières de pair à pair en s’appuyant sur une infrastructure décentralisée, donc sans intermédiaire.

Pour ce faire, il lui faut inventer une technologie d’échange qui garantisse à la fois la désintermédiation, la confiance, la transparence, l’inclusion et la sécurité. La technologie blockchain est ainsi née. Elle est à la fois une prouesse technique majeure mais aussi une pensée technologique puissante qui bouscule notre conception du tiers de confiance et notre rapport même à la gouvernance.

Prendre le temps de comprendre le fonctionnement intrinsèque de cette technologie, permet de comprendre comment elle corrige certaines dérives de l’Internet, déstabilise de nombreux ordres établis et nous offre un potentiel de transformation durable pour de nombreux secteurs.

La blockchain est d’abord une technologie d’échange et d’enregistrement des données. Il faut l’imaginer comme un Livre, dont les pages sont des « blocs » et dont chaque ligne est une « transaction ». La blockchain est un Livre original qui rassemble des co-éditeurs, des co-auteurs, des contributeurs et des lecteurs.

Les co-éditeurs sont appelés les « Nœuds » : ils garantissent l’intégrité du Livre et détiennent chacun une version à jour. Les co-auteurs sont appelés les « Mineurs » : ils écrivent les nouvelles pages du Livre en s’assurant de la validité de chaque ligne. Les contributeurs quant à eux proposent des nouvelles lignes, c’est-à-dire des transactions qu’ils soumettent sur le réseau blockchain.

En janvier 2022, la blockchain publique Bitcoin était disponible simultanément sur plus 14 000 nœuds. Elle comptait environ 19 millions de blocs et elle rassemblait des millions de « mineurs » qui mutualisent leurs ressources de calcul pour contribuer à l’écriture de ce Livre.

La puissance de cette technologie repose sur quatre fondamentaux :

  • L’immuabilité

Les blocs de données forment une chaîne inaltérable dont l’intégralité est sauvegardée simultanément et en temps réel sur des milliers de nœuds décentralisés. Cette infrastructure distribuée rend la blockchain et son contenu immuable et hautement tolérante aux pannes. Il faudrait que tous les nœuds tombent en panne en même temps pour la rendre inaccessible.

  • La transparence

L’identité de tous les utilisateurs est confidentielle mais l’historique de toutes les transactions effectuées depuis le premier bloc est transparent et public. Chaque utilisateur inscrit possède une clé privée et une clé publique (liée par un principe cryptographique). A la clé publique sont rattachées toutes les transactions de l’utilisateur. A la clé privée est rattaché le droit d’exécuter des transactions.

  • La sécurité cryptographique

La blockchain intègre un système cryptographique robuste. Chaque bloc ajouté est crypté ainsi que toutes les transactions qu’il contient. De plus, comme les pages d’un livre, chaque bloc est lié au bloc précédent. Ainsi, un hacker qui voudrait changer le contenu d’une transaction, devra non seulement réussir à hacker ce bloc mais aussi, simultanément, tous les blocs qui le précède et tous ceux qui le suivent. Par ce principe de maillage cryptographique, les informations inscrites sont infalsifiables.

  • La décentralisation de la confiance

La blockchain n’a pas d’organe central de contrôle ni de tiers de confiance. La gouvernance est distribuée et s’opère par le nombre d’acteurs impliqués et fédérés à travers un système de consensus accepté par tous.

De la digitalisation de la monnaie à la digitalisation de la confiance

Depuis le Bitcoin en 2008, de nombreuses blockchains publiques ont vu le jour telles que Ethereum, Litecoin, Tezos, Binance, Cardano… Il existe également des blockchains semi-privées ou privées, exclusives à une organisation spécifique mais aussi des blockchains à consortium, réunissant plusieurs organisations ayant un intérêt à collaborer et fluidifier entre elles les échanges.

Les usages se multiplient dans de nombreux secteurs : Finance, Jeux, Énergie, Sport, Santé, Transport, Metaverse, Arts… Et, les transactions entre parties sont rémunérées non pas en ayant recours à la monnaie légale, mais à la cryptomonnaie.

Aujourd’hui, on référence plus de 9.500 cryptomonnaies. Leur capitalisation boursière dépasse les 1.700 milliards de dollars pour un volume d’échange quotidien avoisinant les 80 milliards de dollars. Ce paradigme accélère l’entrée des acteurs de la finance traditionnelle mais aussi des États, entraînés de facto dans une course à la régulation.

Comme la technologie Internet a démocratisé et digitalisé l’information, cette nouvelle ère technologique, elle, digitalise la valeur économique, mais cela ne s’arrête pas à la monnaie. La technologie blockchain est, en fait, en mesure de digitaliser toute forme d’actif (appelé Token) : une monnaie, une ressource ou accès à un service, un droit d’auteur, une part de capital ou d’un bien immobilier, un vote, une identité, un diplôme… Leurs échanges deviennent naturellement transparents et performants, réduisant drastiquement les frictions, ralentissements et coûts liés aux intermédiations établies.

Introduit dans le marché de l’art en 2020, le NFT, est le principe de tokenisation le plus célèbre. Il sécurise la propriété de l’œuvre, invente de nouveaux modèles de distribution de la valeur entre le créateur et l’acquéreur. En 2021, le marché traditionnel de l’art représentait un chiffre d’affaires de 17 milliards de dollars. Le marché des crypto-arts, quant à lui, dépassait les 40 milliards de dollars.

Dans la santé, la blockchain challenge de façon ambitieuse la manière de stocker et partager nos données de santé. Elle facilite l’interopérabilité des systèmes d’informations des acteurs de la santé (qui sont atomisés et pluriels). Elle est une solution d’avenir stratégique pour la traçabilité des médicaments et la lutte contre la contrefaçon.

Dans le secteur public, les potentialités sont immenses. Depuis 2011, l’Estonie a adopté la blockchain au sein de ses systèmes d’informations pour permettre l’authentification unifiée des citoyens, la sécurisation de leurs données personnelles et la fluidification des services administratifs. L’Estonie prépare même le lancement de son propre Token « Estcoin » qui permettrait à quiconque d’investir dans le pays. Adieu les obligations et bons du Trésor.

Dans de nombreux pays (Finlande, USA, Honduras, Australie, notamment) les initiatives se multiplient pour faciliter et sécuriser l’accès aux services administratifs, la numérisation et l’authentification de documents publics ou diplômes, le parcours de santé, les transferts sociaux, le vote et la contribution citoyenne. En termes d’optimisation de coûts, d’efficacité des ressources allouées et de fluidification des usages, cet apport technologique est sans doute le choc dont les administrations ont besoin pour bâtir un service public moderne, c’est-à-dire performant, participatif, fluide et sécurisé.

La technologie blockchain est jeune mais son évolution technique est très rapide. Elle interroge et challenge notre rapport à la confiance et nous invite à le repenser. La blockchain tend à redéfinir le « tiers de confiance » et dessine de nouvelles règles de gouvernance, au sein et entre les organisations, où la transparence, l’inclusion et la sécurité ne seront pas seulement des objectifs mais des règles immuables.

Un plaidoyer politique woke

Un plaidoyer politique woke   

Alex Mahoudeau, « docteur en sciences politiques », démonte dans un ouvrage publié chez textuel les débats outrés et purement moraux qui font obstacle aux revendications de l’antiracisme, du féminisme ou des LGBT. En réalité un ouvrage qui n’a pas grand chose de scientifique. Un plaidoyer très politique qui en plus utilise des arguments moraux qu’il reproche précisément aux adversaires de la dérive  gauchiste woke. Un extrémisme qui se discrédite lui-même par son manque de rigueur et ses outrances. 

 

« La Panique Woke », d’Alex Mahoudeau (Textuel).

Livre. « Wokisme ». Apparu soudainement dans le débat public français en 2021, le terme a conquis en quelques semaines les plateaux des talk-shows, les chroniques de la presse nationale et les étals des librairies, jusqu’à justifier le lancement d’un think tank par le ministre de l’éducation. La raison ? Des groupes minoritaires (et plus généralement la jeunesse) menaceraient l’universalisme républicain et la cohésion de la société par leurs revendications « identitaires ».


Si elle se présente comme un débat d’actualité, la polémique s’inscrit en réalité dans une longue « offensive réactionnaire » qu’analyse Alex Mahoudeau dans La Panique woke« Le “woke”, écrit ce docteur en sciences politiques, spécialiste des idéologies réactionnaires, vient s’ajouter à l’“indigénisme”, la “cancel culture” et l’“islamo-gauchisme”, mais aussi au “communautarisme”, au “politiquement correct” et au “néoféminisme intersectionnel”. »


Si cette généalogie est assez familière, l’auteur la prolonge, pour identifier « ce que signifie politiquement un tel engouement ». Le comparant à d’autres épisodes en France et ailleurs, il voit dans ce moment woke un exemple de « panique morale », « une série d’anecdotes plus ou moins exagérées ou inventées [qui] vient nourrir le sentiment d’une menace importante ». Des anecdotes soigneusement décontextualisées et sélectionnées, qui dressent un tableau éloigné du réel. C’est pourquoi les sciences sociales, qui décrivent une autre réalité, sont toujours parmi les cibles privilégiées de ces paniques.

A posteriori, la manœuvre est flagrante, comme après la peur, au milieu des années 1960, de « voir la société britannique s’effondrer » à cause de la violence de la jeunesse ou celle, vingt ans plus tard, d’une « vague de satanisme » submergeant les Etats-Unis. Sur le wokisme et ses variants, Alex Mahoudeau fait déjà le même constat : « Plusieurs mois après avoir annoncé organiser la lutte contre “l’islamo-gauchisme” sur les campus, et sans que rien, à part une polémique, ne se soit passé, la ministre Frédérique Vidal annonçait que le problème était réglé. »

 

Mais ne pas prendre ces paniques au sérieux serait une erreur, alerte l’auteur, même si des sondages semblent indiquer que le wokisme intéresse peu l’opinion. Car elles ont des effets très concrets, par une « mise à l’agenda » des obsessions réactionnaires qui installe le débat public sur un terrain moral et rhétorique. Les revendications politiques, sociales, économiques de l’antiracisme, du féminisme ou des LGBT sont ainsi effacées ou tournées en dérision.

Plaidoyer pour metaverse : Vraie perspective ou illusion ?

Plaidoyer pour metaverse : Vraie perspective ou illusion ?

Pour l’instant « metaverse » rencontre quelques difficultés à apparaître comme un projet un peu sérieux et concret. En gros , on nous promet un monde virtuel duplication d’un monde réel dont on aurait supprimé les souffrances. Beaucoup de supputations aussi sans doute l’illusion dans ce projet dont Facebook est à l’origine. Des applications possibles sans doute mais peut-être pas au point de devenir majeures dans la transformation des économies modernes. Les possibilités offertes par  metaverse sont loin de se réduire aux domaines du jeu et de la socialisation estime un playdoyer  de Benoit Peyrichout, cofondateur d’Oceans.ai.

Le metaverse repose sur les technologies suivantes : réalité augmentée (ex. : objets 3D qui viennent s’intégrer dans une pièce), réalité virtuelle (simulation d’un environnement en 3D existant dans le monde physique), blockchain, 5G, IOT (connexion d’objets physiques à internet), industrie 4.0 (qui correspond à la convergence du monde virtuel avec les objets réels) et intelligence artificielle. (Crédits : Reuters)

Le metaverse va fondamentalement changer la manière dont l’économie fonctionne. Les grands acteurs financiers l’ont bien compris. AXA Investment Managers a lancé il y a quelques semaines son fonds thématique sur le metaverse. Il se compose d’environ 250 titres répartis en quatre catégories : jeu, socialisation, travail et facilitateur technologique. Jusqu’à présent, une grande partie de l’attention suscitée par le metaverse s’est concentrée sur les deux premières catégories (jeu et socialisation). Mais c’est en tant que facilitateur technologique que les retombées en termes de création de valeur et d’innovations seront certainement les plus importantes. Certains parlent de « metaverse industriel ». C’est la même idée.

Des applications industrielles nombreuses

L’objectif est de simuler des expériences ou des phénomènes dans le monde virtuel afin de pouvoir apporter une réponse aux problèmes du monde physique. L’exemple le plus emblématique est certainement celui de Nvidia, société cotée américaine spécialisée dans les processeurs graphiques, l’intelligence artificielle et qui a un pied dans le metaverse. En décembre dernier, le PDG du groupe, Jensen Huang, a annoncé vouloir créer un jumeau numérique de la Terre capable de prédire le changement climatique en utilisant l’intelligence artificielle. Ce n’est pas un projet qui pourrait aboutir à court terme. Il faudra peut-être au moins dix ou quinze ans de recherche et d’investissements. Mais supposons que Nvidia réussisse. Cela pourrait permettre d’anticiper et de prévenir les changements climatiques qui vont survenir sur le monde physique, aux entreprises de s’adapter, aux assureurs et à tous les acteurs économiques.

D’autres applications sont possibles. Chez Oceans.ai, nous ambitionnons de créer d’ici quelques années un metaverse qui puisse permettre d’anticiper et de prévoir l’impact de la corrosion sur les infrastructures énergétiques, par exemple. La corrosion, au sens large (aussi bien les pipelines, les conduites de gaz, les infrastructures routières, etc.) a coûté près de 84 milliards d’euros à la France en 2019. C’est l’équivalent de 3,5 % du PIB. Si nous pouvions mieux anticiper la dégradation des matériaux sous l’effet de l’environnement, cela permettrait de réduire les coûts engendrés ainsi que les risques et de renforcer la sécurité des biens.

Dans le même ordre d’idée, Boeing est en train de créer son propre metaverse interne reposant sur des jumeaux numériques afin d’éviter les erreurs de conception sur ses avions. Boeing cherche également à perfectionner la maintenance et l’inspection de ses aéronefs. Le groupe américain utilise les données de maintenance actuelles et historiques et a développé un algorithme d’apprentissage automatique qui, si le projet aboutit, pourrait anticiper les points de fragilité à surveiller sur les avions en priorité. Ce n’est toutefois pas une tâche aisée.

Réglementation et complexité du traitement des données

Le metaverse repose sur les technologies suivantes : réalité augmentée (ex. : objets 3D qui viennent s’intégrer dans une pièce), réalité virtuelle (simulation d’un environnement en 3D existant dans le monde physique), blockchain, 5G, IOT (connexion d’objets physiques à internet), industrie 4.0 (qui correspond à la convergence du monde virtuel avec les objets réels) et intelligence artificielle. L’accès aux données est la clé du succès pour cette dernière. On a coutume de dire que dans l’intelligence artificielle il y a besoin d’importants volumes de données. C’est vrai. Mais ce qui n’est pas souvent mis en avant, c’est que la qualité des données (données continues et cohérentes, par exemple) est encore plus primordiale. Cela permet notamment de créer des systèmes d’exploitation servant d’ossature aux jumeaux numériques que nous avons évoqués.

La qualité des données n’est pas une fin en soi. Il convient également d’avoir à l’esprit tous les besoins en matière de confidentialité des données et les réglementations, encore disparates, qui s’appliquent ici et là dans ce domaine. Contrairement à ce que nous pourrions croire en Europe, nous sommes chanceux. La réglementation va dans le bon sens. Début avril, le Parlement européen a adopté des règles plus souples afin de faciliter le partage des données (intermédiaires neutres pour agréger les données, incitation pour que les acteurs publics partagent leurs données, etc.). Cela devrait permettre de favoriser le climat d’innovation autour de l’intelligence artificielle et donc autour du metaverse. Enfin, ce dispositif devrait être complété prochainement par une loi concernant l’usage des données générées par les objets connectés (actuellement en discussion au niveau des Etats membres). C’est un point également crucial pour l’industrie.

L’enjeu désormais est de canaliser les fonds du private equity davantage vers les thématiques d’innovation dans l’industrie. C’est un challenge en France où les levées sont essentiellement dominées par le segment fintech et, dans une moindre mesure, par la medtech. Dans bien des cas, seul le corporate venture capital (fonds détenus par des grands groupes industriels) avec la Banque Publique d’Investissement (BPI) en appui sont présents. C’est insuffisant si on veut réindustrialiser la France et multiplier les filières d’excellence. Souhaitons que l’actuel locataire de l’Elysée s’attaque à ce sujet également.

Plaidoyer pour le véhicule autonome !

Plaidoyer pour le véhicule autonome !

Un véritable plaidoyer pour le véhicule autonome. Il en faudra d’autres et surtout de vrais succès pour convaincre de l’intérêt de cet pseudo technologie par ailleurs très contestable sur le plan de la sécurité lorsque ces engins circulent sur des voies banalisées. La conduite autonome existe depuis longtemps mais sur des voies en site propre. Pour l’instant,  le véhicule autonome en  site banalisé demeure une illusion.

par Par Brendan McDonald, VP of Engineering & Green Economy chez IDA Ireland

.En novembre 2021 en France, un bus sans chauffeur(*) est devenu le premier véhicule européen autorisé à circuler de manière « totalement autonome sur la voie publique ». La navette EZ10 sans conducteur, qui transporte jusqu’à 12 passagers, a reçu l’autorisation de circuler sur la voie publique après une première démonstration sur un campus médical à Toulouse en mars de la même année. Elle fonctionne désormais au niveau 4 de l’échelle d’automatisation de la Society of Engineers (SAE). En d’autres termes, elle peut fonctionner en autonomie dans le cadre d’un ensemble de limitations et suivre un itinéraire fixe de 600 mètres. En comparaison, cette même fonction sur une voiture Tesla électrique est en « automatisation partielle », c’est-à-dire que le conducteur doit rester constamment impliqué dans la surveillance du véhicule. Par Brendan McDonald, VP of Engineering & Green Economy chez IDA Ireland

 

Le succès de cette expérience témoigne du recours potentiellement accru aux véhicules autonomes, et permettra de résoudre la question du manque de chauffeurs dans les transports publics. Benoit Perrin, le directeur général d’EasyMile, la société à l’origine d’EZ10, estime qu’« il s’agit d’une étape importante vers la commercialisation réelle de la conduite autonome, tant sur les sites privés que sur les routes publiques. » Selon lui, la présence humaine à bord n’est plus nécessaire, la navette pouvant toujours être soumise à une « supervision à distance ». Cette caractéristique ouvre la voie à de futures avancées, car elle permettra à un centre de contrôle unique et centralisé de gérer simultanément une flotte de plusieurs véhicules autonomes.

La France a amorcé le virage vers les véhicules autonomes le 1er juillet 2021, avec la signature de la loi modifiant le code de la route, afin de permettre l’essai de véhicules à conduite automatisée sur la voie publique. Ce faisant, la France est devenue le premier pays européen à adapter sa réglementation routière afin de permettre l’exploitation de véhicules entièrement automatisés sur la voie publique. Il s’agit de la législation la plus récente de ce type, qui constitue une mise à jour de la stratégie nationale pour le développement des véhicules autonomes, publiée en mai 2018. Le gouvernement français a publié le texte législatif adaptant les dispositions respectivement du Code de la Route et de celui des Transports pour autoriser les véhicules équipés de systèmes de conduite déléguée et de systèmes de transport routier automatisés, sur des itinéraires ou des zones prédéfinis, à partir de septembre 2022.

Le nouveau décret apporte divers compléments à la législation française sur les transports, tels que la mise à jour du système de responsabilité pénale. Cela permet au conducteur de dégager sa responsabilité dès que le système de conduite automatisée est activé, conformément à ses conditions d’utilisation. Il détaille également le niveau d’attention requis de la part du conducteur lorsqu’un système de conduite automatisée est activé. En outre, le décret récemment publié est considéré comme un développement majeur, dont Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué aux Transports, a souligné l’importance. Selon lui, ce décret, permet de « faire un pas de plus vers la mobilité du futur ». Il estime que « la France s’impose comme l’un des premiers pays à adapter son droit pour accueillir les véhicules autonomes. Dès aujourd’hui, nous donnons à nos fabricants et aux opérateurs de transport la visibilité nécessaire pour les développer – et demain, les faire fonctionner. »

Jusqu’au 28 juillet 2021, les dispositions légales en Allemagne n’autorisaient que l’utilisation régulière d’un véhicule par un conducteur jusqu’au niveau 3 de la norme SAE. Toutefois, la nouvelle loi introduite en juillet signifie qu’un conducteur n’est plus nécessaire et vise à autoriser l’utilisation de « fonctions de conduite autonome » de niveau 4 selon la norme SAE, en opération régulière dans des zones d’opération définies. Cela place la législation allemande au même niveau que celle de la France. La loi allemande sur la conduite autonome est principalement axée sur les scénarios opérationnels commerciaux, tels que les transports par navette, les déplacements de personnes et le transport Hub2Hub. En outre, la croissance des nouveaux services de mobilité, notamment dans le domaine de l’intermédiation numérique des trajets et des services de covoiturage, a également été encouragée lors de la révision de la loi allemande sur le transport de passagers. Pour ce faire, l’Allemagne a adopté une législation qui permettra aux entreprises de déployer des robots-taxis et des services de livraison sans chauffeur sur les routes publiques courant 2022.

Ailleurs dans l’UE, l’Irlande est devenue un pôle technologique européen de choix lorsqu’il s’agit de la prochaine génération d’entreprises et de technologies pour la mobilité connectée. Par exemple, Jaguar Land Rover a créé un important centre de recherche en ingénierie logicielle à Shannon, considérée comme un centre d’excellence de renommée mondiale pour les talents en ingénierie logicielle. General Motors (GM) Ireland travaille pour sa part sur les technologies à venir en matière de solutions autonomes, de covoiturage et de conduite plus sûre. Le groupe GM vise notamment à conduire l’avenir de la mobilité personnelle par la convergence de l’électrification, des véhicules autonomes et des services de connectivité et de mobilité partagée. Les entreprises internationales sont ainsi les pionnières de l’utilisation des véhicules autonomes en Irlande.

Par ailleurs, l’équipementier automobile français Valeo, a également choisi l’Irlande pour développer sa technologie de véhicule autonome. Ses capteurs, qui fonctionnent comme les yeux et les oreilles du véhicule, constituent un élément crucial de la conduite autonome. Son centre de R&D d’excellence basé à Tuam est en effet une référence mondiale dans le domaine des systèmes de vision et de stationnement automatisé.

Dans l’ensemble de l’UE, les gouvernements prennent des mesures proactives pour réglementer la conduite autonome dans leur propre pays. La Commission européenne est notamment en train d’élaborer des règlements pour soutenir le futur déploiement des véhicules connectés et autonomes. En attendant la mise en œuvre de la nouvelle législation européenne, les constructeurs automobiles et les fournisseurs de logiciels doivent analyser leur responsabilité pays par pays afin d’évaluer leur exposition potentielle. Entre-temps, des pays de l’UE comme la France, l’Allemagne et l’Irlande ont pris des mesures en faveur de l’utilisation de véhicules autonomes sur les routes publiques. Ces pays comblent les lacunes de la réglementation européenne, actuellement incomplète, et continuent d’avancer vers la consolidation de l’avenir de la conduite autonome en dépit de ces circonstances.

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(*) https://www.toulouse-metropole.fr/jeudis-de-l-innovation/ez10-la-navette-electrique-sans-conducteur-d-easymile

Plaidoyer contre la réforme des retraites

Plaidoyer contre la réforme des retraites

 

 S’il est réélu, le président sortant envisage de repousser progressivement l’âge légal de départ à 65 ans. Cette mesure nie la loi biologique du vieillissement et augmenterait le chômage, selon Laurent Izard, agrégé en économie et gestion dans le Figaro.

 

Une tribune avec des arguments pertinents mais avec le défaut principal de parler d’âge de la retraite en général sans tenir compte des conditions de pénibilité et des spécificités des métiers. Bref le défaut habituel des approches françaises notamment de gauche. Qui peut prétendre que la pénibilité est la même pour un couvreur par exemple par rapport à un professeur d’université ? NDLR

Laurent Izard est normalien et agrégé de l’Université en économie et gestion. Il est l’auteur de nombreux manuels d’enseignement supérieur en économie et gestion. Il a notamment publié A la sueur de ton front (L’Artilleur) en 2021.


Le débat semble clos avant d’avoir réellement commencé: face aux déséquilibres structurels de notre régime de retraite et compte tenu du vieillissement de la population, il serait impératif de repousser à 64 ans ou plus l’âge légal de départ à la retraite. On nous explique qu’il n’existe pas de solution alternative, et que nous sommes en retrait sur ce sujet par rapport à nos voisins: En Allemagne, on travaille jusqu’à 65 ans et 8 mois (pour les assurés nés en 1954). On part à la retraite à 67 ans en Italie, à 65 ans en Espagne, et à 66 ans au Royaume-Uni…

Mais l’on «oublie» souvent de préciser qu’en Chine l’âge légal (et obligatoire) de départ à la retraite est de 60 ans pour les hommes et de 50 ans pour les femmes (sauf fonctionnaires). Dans les pays nordiques, cet âge légal est de 61 ans en Suède, 62 ans en Norvège et 63 ans en Finlande. Et en allant plus loin, l’âge légal de départ à la retraite reste fixé aux alentours de 60 ans en Algérie, en Biélorussie, en Ukraine, au Pakistan, au Vietnam, en Inde ou en Russie…

S’appuyer sur les régimes de retraite en vigueur dans les autres pays pour décider de notre avenir est révélateur de notre renonciation à défendre une certaine indépendance et un modèle social français spécifique.

Ce que l’on oublie également, c’est que l’âge légal ne constitue qu’une pièce du puzzle: il convient aussi de s’intéresser à l’âge moyen réel de départ à la retraite dans les différents pays, qui peut s’éloigner sensiblement de l’âge légal: par exemple, en Italie, l’âge moyen de départ à la retraite est inférieur à 62 ans, soit plus de 5 années avant l’âge légal… Tout dépend en fait des modalités de décote des départs anticipés, du montant des pensions et des multiples dérogations à l’âge légal qui existent dans de nombreux pays.

On le voit, les comparaisons internationales sont en fait plus complexes qu’il n’y paraît au premier abord. Et s’appuyer sur les régimes de retraite en vigueur dans les autres pays pour décider de notre avenir est révélateur de notre renonciation à défendre une certaine indépendance et un modèle social français spécifique.

Autre question centrale: on le sait, le taux d’emploi des séniors est nettement plus faible que celui de l’ensemble de la population active: à peine plus de 30% des 60-64 ans occupent un emploi. On peut facilement expliquer ce décalage par le fait que les séniors, plus difficilement employables, sont davantage découragés et ne s’inscrivent donc plus à Pôle emploi.

Et pourtant, tout ou presque a été fait pour inciter les séniors à travailler plus longtemps: suppression des dispositifs de préretraite, report de l’âge légal de 60 à 62 ans en 2010, projets de réforme des retraites incitant à travailler plus longtemps, etcLa dispense de recherche d’emploi dont bénéficiaient certains séniors au chômage, âgés de 57 ans et plus, a été supprimée le 1er janvier 2012 conformément à l’objectif gouvernemental de « mettre un terme aux dispositifs participant à écarter les salariés séniors du marché du travail ».

Et pour favoriser le retour à l’emploi des plus de 50 ans, le gouvernement Valls a lancé le «Plan senior», dévoilé à l’occasion de la grande conférence sociale de juillet 2014, qui vise en particulier à lutter contre les freins au recrutement et au maintien en emploi des seniors. De fait, les Français sont censés rester plus longtemps en activité.

En accentuant ce processus, une éventuelle mise en œuvre de la réforme des retraites proposée par Emmanuel Macron risquerait de contrarier un peu plus une loi biologique incontournable: avec le temps, le corps comme le cerveau vieillissent et il est donc déraisonnable d’imposer un «âge de départ à la retraite pour tous» trop tardif. Qui accepterait de se faire opérer par un chirurgien dont les mains tremblent et dont la vue baisse, mais qui doit continuer à pratiquer pour atteindre le nombre de trimestres de travail requis (la future loi «santé» envisage pour eux un âge limite à 72 ans avec de possibles prolongations d’activité !) ? Jusqu’à quel âge un enseignant dispose-t-il de suffisamment d’énergie pour affronter une classe de 35 élèves turbulents (une note de la Région académique Île-de-France diffusée en juin 2021 envisage l’hypothèse d’une prolongation d’activité au-delà de 72 ans…)? Est-il raisonnable d’exercer un métier physique (couvreur, pompier…) passé un certain âge ? On le voit, le projet de réforme pose de façon aiguë la question d’un âge légal unique de départ à la retraite. Cette question reste taboue en France, notamment en raison du fort attachement à ce principe d’une majorité de syndicats.

Et pour celles et ceux qui quittent tardivement leur emploi, volontairement ou non, la probabilité d’en retrouver un autre s’avère particulièrement faible. Ainsi, même si cela n’est pas toujours visible dans les statistiques officielles, un cadre (ou un ouvrier) de plus de 50 ans à la recherche d’un emploi part avec un sérieux handicap et le recul programmé de l’âge de la retraite ne va pas améliorer sa situation. Le premier effet mécanique de la réforme envisagée sera de transformer des dizaines de milliers de potentiels retraités en vrais chômeurs…

Autre élément du débat trop souvent occulté: les jeunes constituent les premières victimes du chômage qui altère leur entrée sur le marché du travail, mais également leurs rémunérations et perspectives de carrière. Le taux de chômage des jeunes actifs est deux fois supérieur à celui de l’ensemble de la population française (selon l’Insee, il stagne depuis des années entre 20 et 25%). En fait, la tranche d’âge des 16-25 ans constitue une variable d’ajustement en cas de crise ou de choc externe. Elle subit prioritairement tous les aléas de l’activité économique et l’analyse empirique montre effectivement que le chômage des jeunes explose après chaque crise internationale. La crise sanitaire de 2020 en a apporté une nouvelle illustration: stages annulés ou introuvables, offres d’emploi en chute libre, contrats courts non renouvelés, débuts de carrière amputés, salaires d’embauche révisés à la baisse, etc.

Et lorsqu’un jeune obtient un emploi, il y a une forte probabilité que ce soit un contrat à durée déterminée: selon le ministère du Travail, la part des CDD dans les flux d’embauches est passée de 76% en 1993 à 87% en 2017. Et 30% de ces CDD ne durent qu’une seule journée ! Pour le Céreq, «cette nouvelle « norme » de recrutement n’est pas sans effets sur les possibilités effectives de stabilisation à moyen terme des jeunes dans l’emploi. Elle peut constituer pour certain·es un tremplin vers une carrière, mais pour d’autres une trappe à précarité».

Dans une étude publiée le 7 février 2020, la Dares admet qu’en 2018, 963 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans n’étaient ni en études, ni en emploi, ni en formation – Not in Education, Employment or Training (NEET) –, selon la définition d’Eurostat. Or cette définition conduit à minorer l’ampleur du phénomène. Car en y incluant les jeunes jusqu’à 29 ans, le nombre de NEETS en France avoisine plutôt les 1,7 million de personnes !

Résumons : d’un côté, une majorité de séniors qui désirent partir plus tôt à la retraite, l’âge idéal souhaité selon un récent sondage se situant autour de 58 ans. De l’autre une multitude de jeunes qui peinent à entrer sur le marché du travail. Même s’il n’existe pas de relation mécaniste entre les deux phénomènes, le simple bon sens ne serait-il pas de permettre aux seniors qui le souhaitent de «libérer» un emploi qui pourrait être occupé par un jeune ?

Ainsi, quand bien même il serait indispensable de «travailler davantage», cela n’implique pas nécessairement que les Français déjà en activité doivent travailler plus longtemps: comme le remarque fort justement l’OCDE, «les Français qui travaillent le font autant que dans les autres pays de l’OCDE, mais ils sont moins souvent employés et travaillent aussi moins longtemps sur la durée de leur vie ce qui nuit à leur pouvoir d’achat pendant leur vie professionnelle comme au moment de leur retraite».

Mais ce qui pose réellement problème, outre l’entrée tardive des jeunes dans le monde du travail, c’est avant tout le taux d’emploi total des Français. Ce ratio s’élevait à 65,5% fin 2019, inférieur de trois points à la moyenne des pays de l’OCDE. Autrement dit, si nous parvenions à réduire significativement le chômage, et en particulier le chômage des jeunes, il ne serait plus nécessaire d’augmenter l’âge de départ à la retraite.

 

Autre aspect de la question, malgré la persistance du chômage de masse, nous améliorons chaque année notre productivité du travail. Selon les scénarios les plus pessimistes, la productivité horaire du travail dans notre pays pourrait désormais tourner autour de 1 % par an, ce qui est beaucoup plus rapide que l’évolution de l’espérance de vie. Bref, la croissance de notre productivité ne pourrait-elle pas compenser l’allongement de l’espérance de vie ? On le voit, reculer l’âge de la retraite résulte d’un choix politique plus que d’une obligation comptable ou financière. Un constat partagé par le Conseil d’orientation des retraites (COR) qui écrit dans son dernier rapport que malgré le vieillissement de la population française, et sans réforme d’envergure, «les évolutions de la part des dépenses de retraite dans le PIB resteraient sur une trajectoire maîtrisée à l’horizon 2070».

Dans l’idéal, chaque individu devrait pouvoir choisir ses temps de travail et la date de son départ à la retraite (avec un système de décote soutenable), compte tenu de sa situation personnelle, de son appétence professionnelle et de ses besoins financiers. Et, a minima, chaque nation devrait pouvoir déterminer démocratiquement la durée du travail souhaitée en arbitrant entre le temps de travail (création de richesses) et le temps libre disponible (loisirs, repos, famille, culture…). Il s’agit d’un enjeu politique et d’un choix de société qui devrait donner lieu à de vrais débats et à des décisions souveraines.

La mondialisation nous l’interdit. En effet, dans une économie ouverte, sans mécanismes d’ajustement, il convient de rester en permanence compétitifs et de nous aligner peu ou prou sur la durée du travail pratiquée dans les pays concurrents. Des écarts sont évidemment possibles, mais le prix à payer peut être élevé (perte de compétitivité, chômage…). Le différentiel de coût du travail constitue un obstacle difficilement surmontable, et à moins de bouleverser nos relations économiques avec le reste du monde, nous sommes contraints de suivre les pratiques des économies dominantes : États-Unis, Chine ou Japon… pour lesquelles un équilibre harmonieux entre-temps de travail et temps libre ne constitue pas une priorité… ni même un objectif de second rang.

La contrainte internationale ne doit toutefois pas conduire à occulter le débat sur l’avenir de notre système de retraite, bien au contraire… Car repousser de trois années l’âge légal de départ à la retraite revient à contraindre de nombreux Français à vivre les trois années les plus difficiles de leur vie professionnelle et à se priver des trois plus belles années de leur retraite.

Plaidoyer intox pour les éoliennes

Plaidoyer intox pour les éoliennes

L’exemple même du travail d’intoxication des lobbys des éoliennes qui se gavent des subventions publiques et qui réussissent même à persuader certains Journalistes approximatifs de la  Tribune.

Alors que la flambée des prix spot de l’énergie, et notamment des hydrocarbures, a permis aux opérateurs de parcs éoliens de dégager des marges exceptionnelles, ceux-ci ont pu rendre l’intégralité des subventions publiques qui leur ont été accordées l’année dernière, ont fait savoir les professionnels du secteur. Si la crise durait, les producteurs d’énergie renouvelable pourraient même permettre à l’Etat français d’engranger des recettes nettes dès 2025.

A l’heure où les deux finalistes à l’élection présidentielle souhaitent reculer sur l’éolien terrestre, la filière craint pour son avenir. Et pour cause, tandis qu’Emmanuel Macron a revu ses ambitions à la baisse sur le sujet, mettant en avant la « préservation des paysages », Marine Le Pen plaide purement et simplement pour un démantèlement, en plus d’un moratoire, qui mettrait donc directement en péril les installations existantes.

Face à ces propositions et alors que 13,7 GW de projets sont actuellement en cours d’instruction, les professionnels du secteur comptent bien se faire entendre. Et brandissent cette fois-ci l’argument économique, jusqu’ici souvent utilisé contre eux. Car l’équation budgétaire s’est inversée, affirment-ils : longtemps subventionnés, ces géants à pales qui mouchettent le territoire français, notamment dans le nord et l’est du pays, pourraient en fait soulager les finances publiques en ces temps de flambée des prix de l’énergie, assure l’association France Energie Eolienne (FEE). Et ainsi permettre à l’Etat de redistribuer les « gains » obtenus, afin de « protéger le pouvoir d’achat » des citoyens.

Une recette nette pour l’Etat dès 2025

En 2021, la filière éolienne a en effet remis à l’Etat l’intégralité des 1,8 milliards d’euros de subventions qu’elle avait perçues, et donc « cessé d’être une charge pour les finances publiques », se félicite l’association. Surtout, si l’on en croit ses prévisions, le secteur devrait même générer des « recettes exceptionnelles » en 2022, puisqu’il sera excédentaire de 3,7 milliards d’euros. Il ramènera par là-même cette somme « équivalente au budget du ministère de la Culture » à l’Etat d’ici à la fin de l’année, souligne FEE, qui appelle à sortir des « postures » de certains politiques accusant l’éolien d’être « cher et inutile ».

« La filière éolienne aura reversé à la fin de l’année 34 % de ce qu’elle a perçu depuis le début du soutien, en 2003 », précise sa présidente, Anne-Catherine de Tourtier.

Surtout, le calcul devrait in fine bénéficier au budget de la France, qui a jusqu’ici mis la filière sous perfusion afin d’accompagner son développement. Car l’équivalent de l’ensemble du soutien public qu’elle a perçu depuis 2003 « aura été reversé d’ici le dernier trimestre 2024 », soit près de 11 milliards d’euros, si les prix restent conformes aux prévisions de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE).

D’ici à 2035, l’éolien rapportera même une recette nette estimée à 18 milliards d’euros à l’Hexagone, si tant est que le pays respecte les objectifs ambitieux qu’il s’est fixés en la matière, assure FEE. De quoi pousser les candidats à revenir sur leurs positions, et les encourager à développer massivement cette source d’énergie renouvelable, espère Anne-Catherine de Tourtier.

L’éolien profite de la hausse des cours

Mais cette nouvelle rentabilité ne vient pas de nulle part. Elle tient en fait dans l’explosion du prix « spot » de l’électricité, qui est passé d’environ 50 euros le MWh en moyenne à plus de 250 euros aujourd’hui. Ce qui a rendu les éoliennes très compétitives par rapport aux combustibles fossiles, jusqu’ici considérés comme bon marché mais dont les cours n’en finissent plus de s’envoler. S’y ajoute un mouvement plus structurel de baisse des coûts des renouvelables, puisque ceux-ci se sont effondrés au cours de la décennie. Longtemps estimé à 200 euros le MWh, l’éolien offshore est même passé à 45 euros seulement (tarif d’achat du futur parc de Dunkerque), soit bien en dessous des prix actuels du gaz fossile sur le marché.

Or, les contrats prévoient une compensation financière aux opérateurs d’énergie renouvelable lorsque les prix « spot » sont inférieurs à un prix cible, fixé lors des appels d’offres, mais aussi, en retour, un versement de l’excédent à la puissance publique quand ces prix lui sont supérieurs. « Un mécanisme gagnant-gagnant pour l’éolien et l’Etat », vante aujourd’hui FEE, puisque les producteurs éoliens peuvent « profiter » de la crise pour rembourser leur « dette ».

Et si l’association estime que l’intégralité aura été remboursé d’ici à 2025, c’est tout simplement parce que les prix sur le marché de l’électricité devraient continuer d’être hauts, et flirter autour des 200 euros le MWh jusqu’à cette date, avant de se stabiliser à 90 euros le MWh environ lors des dix années suivantes, selon les perspectives de la CRE. « En termes d’ordre de grandeur, les estimations de FEE sur les recettes de l’éolien semblent réalistes », confirme une source de la CRE à La Tribune.

 

Cependant, ces chiffres restent des estimations, et personne ne sait aujourd’hui prévoir avec exactitude l’évolution des cours dans les prochains mois. Le gouvernement avait d’ailleurs longtemps affirmé que la hausse des prix n’était que « conjoncturelle » et se calmerait dès l’arrivée du printemps, avant d’admettre qu’elle durera « probablement » longtemps, sans néanmoins mentionner de date. L’issue est d’autant plus incertaine que la guerre en Ukraine, qui a débuté il y a presque deux mois, déstabilise un peu plus les marchés, laissant les analystes désarmés.

« La CRE calcule les charges de service public de l’énergie une fois par an, et la prochaine évaluation sera publiée en juillet seulement, les travaux étant en cours », précise-t-on à la CRE.

La situation internationale pourrait d’ailleurs peser lourd sur l’industrie éolienne, alors que l’acier utilisé pour les tours offshore se vend actuellement à plus de 2.000 dollars la tonne, soit environ trois fois plus qu’il y a quelques mois. « L’état de la chaîne d’approvisionnement est [...] malsain à l’heure actuelle [...] parce que nous avons un marché inflationniste qui dépasse ce que quiconque avait prévu même l’année dernière », a ainsi récemment alerté Sheri Hickok, directrice générale de GE Renewable Energy (filiale française de l’Américain General Electric). Et de souligner que la guerre a « tout déréglé » pour l’éolien terrestre, dont le coût pourrait par là-même augmenter.

 

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