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«L’illusion du dépassement du capitalisme»

«L’illusion du dépassement du capitalisme» (Philippe Aghion)

par Philippe Aghion a enseigné à l’université Harvard, à University College London et à Nuffield College, Oxford. Il est depuis octobre 2015 professeur au Collège de France dans l’Opinion

Un article intéressant en ce sens qu’il montre la pauvreté du plaidoyer en faveur du capitalisme. Pas vraiment un papier de scientifique mais plutôt une argumentation partiale et partielle. Comment en effet par exemple mettre dans le même sac la Chine et la Russie. La Chine est devenue la première économie du monde et la Russie ne dépasse même pas le niveau économique de l’Espagne. Bref, un papier aussi schématique que celui des défenseurs du communisme. NDLR

Les inégalités qui explosent, la croissance qui stagne depuis quinze ans, le dérèglement climatique qui se poursuit : ces réalités servent de fonds de commerce à ceux qui proposent de changer radicalement de système et de dépasser le capitalisme.

Cependant, nous avons fait l’expérience d’un système alternatif, celui de la planification centralisée en Union soviétique et dans les autres pays communistes d’Europe centrale et orientale. Ce système n’a pas permis à ces pays de dépasser un niveau intermédiaire de développement, faute d’offrir aux individus la liberté et les incitations économiques nécessaires pour innover.

A lire aussi: «La liberté, condition sine qua non de l’innovation» – par Philippe Aghion
Est-ce à dire qu’il faut accepter les défauts du capitalisme comme un nécessaire prix à payer pour générer la prospérité et sortir de la pauvreté ?

Innovation. Nous pensons tout au contraire qu’il faut s’atteler à corriger ces défauts pour améliorer le système plutôt que de changer de système. L’épisode du Covid a mis en lumière différentes faiblesses du capitalisme d’une rive à l’autre de l’Atlantique. Aux Etats-Unis, elle a montré les limites d’un modèle social qui ne parvient pas à protéger les individus les plus vulnérables contre les accidents de la vie. En Europe, elle a montré notre grave déficit en matière d’innovation : nous n’avons pas été capables de développer à grande échelle des vaccins bases sur l’ARN messager.

Il est possible de rendre le capitalisme à la fois plus innovant, et plus protecteur et inclusif. Deux leviers essentiels pour y parvenir : l’éducation et la concurrence
Sommes-nous condamnés à choisir entre le modèle américain, plus innovant mais moins protecteur, et le modèle européen plus protecteur et égalitaire mais moins innovant ? Nous pensons au contraire qu’il est possible de rendre le capitalisme à la fois plus innovant, et plus protecteur et inclusif. Deux leviers essentiels pour y parvenir : l’éducation et la concurrence. L’éducation permet à un plus grand nombre d’individus d’accéder à l’innovation, ce qui stimule la croissance tout en la rendant plus inclusive. Davantage de concurrence facilite l’entrée de nouvelles entreprises innovantes, ce qui également réconcilie croissance et mobilité sociale.

Le capitalisme est un cheval fougueux : il peut facilement s’emballer, échappant à tout contrôle. Mais si on lui tient fermement les rênes, alors il va là où l’on veut.

Les conditions pour une croissance forte, verte et inclusive»( Philippe Aghion)

  • Les conditions  pour une croissance forte, verte et inclusive»( Philippe Aghion)
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  •  « La destruction créatrice implique des réallocations permanentes de la force de travail. Elle n’est acceptable que si l’on protège les personnes », souligne l’économiste, professeur au Collège de France.(Interview dans l’Opinion)
  • Philippe Aghion est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire « Institutions, innovation, et croissance ». Ses travaux portent principalement sur la théorie de la croissance et de l’innovation. Avec Peter Howitt, il a développé l’approche schumpetérienne de la croissance économique. Il est notamment l’auteur de Endogenous Growth Theory (1998) avec Peter Howitt, Repenser L’Etat, avec Alexandra Roulet (2011), Changer de modèle, avec Gilbert Cette et Elie Cohen (2014), et Repenser la croissance économique (2016). Il vient d’écrire, avec Céline Antonin et Simon Bunel, Le Pouvoir de la destruction créatrice.
  • Vous consacrez 448 pages à l’idée de « destruction créatrice » ! Pourquoi cette notion est-elle si importante à vos yeux ?
  • La force de cette notion est qu’elle permet d’appréhender le processus de croissance, à la fois dans sa dimension historique, et dans l’analyse de ses déterminants et des conflits qu’elle génère. La destruction créatrice est ce processus par lequel de nouvelles activités viennent constamment remplacer d’anciennes activités, de nouvelles entreprises innovantes viennent concurrencer les entreprises existantes, de nouveaux emplois sont créés qui remplacent des emplois existants. Ce processus crée inévitablement des turbulences et des conflits que la société doit maîtriser et gérer. Par ailleurs, la destruction créatrice court toujours le risque de se retourner contre elle-même, dans la mesure où les innovateurs vont vouloir utiliser leur rente d’innovation pour bloquer l’entrée de nouveaux compétiteurs. C’est d’ailleurs un peu ce que l’on voit aujourd’hui avec les Gafam.
    • Vous montrez que le grand décollage économique, au début du XIXe siècle, résulte de la rencontre entre des technologies et des institutions favorables à leur diffusion…
    • Le grand décollage est le résultat d’une alchimie entre plusieurs institutions qui se sont révélées favorables aux innovateurs et aux innovations. Il y a eu d’abord un système de codification des savoirs scientifiques – songeons à l’Encyclopédie – mais aussi de large circulation des idées, qui a permis aux innovateurs de bâtir sans avoir à tout réinventer à chaque fois. La mise en place d’un système de droits de la propriété industrielle a joué également un rôle important, en permettant l’émergence d’un « marché de l’innovation », tout comme le développement d’un système financier organisé, qui permet l’emprunt à grande échelle. Enfin ce décollage a eu lieu en Europe, parce qu’il existait une forme de concurrence entre les pays pour attirer les talents et les savants : cette concurrence a limité la possibilité pour le gouvernement ou les entreprises en place dans un pays d’empêcher certaines innovations, car l’innovateur avait toujours la possibilité d’émigrer dans un autre pays concurrent.
    • Que se passe-t-il lorsqu’un pays a rattrapé ce que vous appelez la « frontière technologique » ?
    • Le concept de frontière est central dans notre analyse : il désigne l’état de l’art de l’innovation, ce qui se fait de mieux dans un domaine. Un pays peut être en rattrapage de la frontière ou bien se trouver à la frontière. Les enjeux pour lui ne sont alors pas les mêmes : imiter dans un cas, innover dans l’autre. Les institutions qui favorisent l’imitation ou l’innovation « à la frontière » ne sont pas les mêmes non plus. Par exemple, la concurrence favorise l’innovation à la frontière : celle-ci nécessite l’entrée sur le marché de nouveaux innovateurs, et la concurrence incite également les entreprises en place à innover pour échapper à leurs rivales. A cet égard, attention à ne pas avoir une vision trop statique de la concurrence, qui se focalise uniquement sur les parts de marché à un moment donné. Il faut accorder une attention plus grande à l’innovation, par exemple lorsque l’on analyse l’impact d’une fusion, et ne pas se focaliser uniquement sur l’impact sur les prix.«Les entreprises qui automatisent le plus sont aussi celles qui créent des emplois. Car ce faisant elles élargissent la taille de leur marché, grâce aux gains de productivité induits par l’automatisation»
    • La destruction créatrice est-elle destructrice d’emplois ? Doit-on choisir entre le robot et l’emploi ?
    • Attention aux idées trop simples : il y a le visible et l’invisible. Les données empiriques montrent que les entreprises qui automatisent le plus sont aussi celles qui créent des emplois. Car ce faisant elles élargissent la taille de leur marché, grâce aux gains de productivité induits par l’automatisation. Opposer le robot à l’emploi n’est donc pas fondé. La solution n’est pas de taxer les robots mais de qualifier davantage la main-d’œuvre, pour qu’elle soit davantage complémentaire du robot.
    • Mais la destruction créatrice entraîne bien une forte turbulence de l’emploi : comment protéger les individus sans bloquer la destruction créatrice ?
    • Oui, la destruction créatrice implique des réallocations permanentes de la force de travail à l’intérieur des secteurs et entre les secteurs. L’Etat a ici un rôle essentiel à jouer pour assurer les individus contre le risque de perte d’emploi, grâce à des garanties de revenus et en les aidant à rebondir sur un nouvel emploi. C’est là que les Danois ont été géniaux, en inventant la flexisécurité. Chez nous, en 2007, la Commission Attali avait émis l’idée d’un « contrat d’évolution » : le salarié demeure toujours un actif occupé, soit avec un emploi, soit avec une formation prise en charge lorsqu’il est en transition entre deux emplois. La destruction créatrice n’est acceptable que si l’on protège les personnes, et une étude récente par Alexandra Roulet et présentée dans le livre montre qu’au Danemark, grâce à la flexisécurité, la perte d’emploi n’a pas d’impact négatif sur la santé.
    • Dans la même veine, la destruction créatrice créée des inégalités de revenus…
    • La destruction créatrice crée de l’inégalité au sommet de la distribution des revenus à cause des rentes de l’innovation, mais en même temps elle stimule la mobilité sociale parce qu’elle permet à de nouveaux individus et de nouvelles entreprises d’émerger. Et également parce que les entreprises innovantes créent davantage de « bons emplois », c’est-à-dire des emplois qualifiants, où l’entreprise investit dans le salarié et lui offre de véritables perspectives de carrière.
    • La destruction créatrice pourrait être mise au service de l’environnement : vous insistez sur le potentiel de croissance de « l’innovation verte ».
    • Notre planche de salut pour réconcilier croissance et maîtrise de l’environnement, c’est l’innovation qui permet de découvrir de sources d’énergie plus propres. Le problème, c’est que, spontanément, l’innovation n’est pas verte : par exemple, nous montrons que les entreprises qui ont beaucoup innové dans les moteurs à combustion dans le passé continuent d’innover dans les moteurs à combustion aujourd’hui. Il faut donc l’intervention de l’Etat pour réorienter le changement technique des entreprises vers les technologies vertes. Le prix du carbone est un levier indispensable, mais il n’est pas le seul. Il y a aussi les investissements ciblés sur les technologies vertes, y compris le nucléaire.
    • Il est justement beaucoup question du rôle de l’Etat dans votre livre…
    • Il faut d’abord souligner que le marché est un instrument crucial pour générer de l’innovation et créer de la richesse. Mais il doit être encadré, régulé, accompagné, guidé par la puissance publique. C’est d’abord un Etat assureur, qui protège les individus, avec des filets de protection dont j’ai parlé plus haut, mais aussi des stabilisateurs automatiques pour assurer les individus et les entreprises contre des chocs macroéconomiques comme celui de la Covid-19. C’est ensuite un Etat investisseur, qui met de l’argent dans des productions à forte externalité comme le système de santé, l’éducation, la recherche et l’innovation. L’Etat est donc incontournable mais il ne suffit pas : encore faut-il qu’il ne soit pas capturé par les intérêts établis et les entreprises en place. D’où l’importance de la société civile comme contre-pouvoir, que ce soit à travers les médias, les corps intermédiaires et le mouvement associatif. Marché, Etat, société civile : tel est le triangle d’or pour que la destruction créatrice puisse générer une croissance à la fois forte, verte et inclusive.
    • Comment est né ce livre, pour vous qui êtes d’abord un chercheur ?
    • Mon cours du Collège de France a constitué le matériau de départ de cet ouvrage, dont l’ambition est de rendre accessible à un large public les recherches menées depuis trente ans sur les questions de croissance et d’innovation. Ce livre doit beaucoup aussi à mes coauteurs, qui l’ont impulsé, enrichi, et m’ont permis de surmonter l’angoisse de la page blanche



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