Archive pour le Tag 'Peut-on'

Peut-on éviter la crise de régime ?

Peut-on  éviter la crise de régime ?

 Tout en rappelant le contexte politique et historique de la situation politique française abracadabrantesque, le groupe Mars analyse les possibles conséquences des élections législatives d’une victoire du RN ou du Front populaire dans le domaine de la défense. Par le groupe de réflexions Mars. ( dans la Tribune)

Les sondages disaient donc vrai ! Aux élections européennes du 9 juin dernier, près d’un électeur sur trois a choisi, parmi 38, la liste Bardella et 40% des électeurs ont voté pour une liste classée à l’extrême-droite. En cumulant l’ensemble des listes classées à l’extrême-gauche, le total des votes hostiles à la construction européenne actuelle est majoritaire en France. Le chef de l’État en a tiré une conclusion politique tout aussi radicale que ce vote annoncé : il a dissous l’Assemblée nationale et convoqué de nouvelles élections législatives dès que possible. La France aura donc un nouveau Premier ministre le 14 Juillet …

A vrai dire, cet enchaînement institutionnel ne devrait pas constituer une surprise. La crise politique couvait depuis que les précédentes élections législatives il y a deux ans n’avaient pas permis de donner au président une majorité claire. La surprise est ailleurs : dans l’ampleur du soutien populaire dont jouit dorénavant le Rassemblement national (RN), tant géographiquement que sociologiquement. Un exemple suffit à illustrer l’ampleur du phénomène : à l’exception d’une poignée restée fidèles à la tradition de vote rouge, dans toutes les communes de Haute-Vienne le RN est arrivé en tête, et largement.

A Oradour-sur-Glane, où le chef de l’État se trouvait au lendemain de sa déroute électorale, le RN a séduit 36% des votants. Le résultat est similaire dans les communes environnantes et dans quasiment tout le département, y compris Limoges. Inimaginable encore en 2017, un tel résultat devrait provoquer une remise en cause radicale du discours et de la pensée politique. Il n’en est rien.

 Plutôt que de reconnaître son erreur historique d’avoir abandonné l’électorat populaire à l’extrême-droite, la gauche se fait plaisir en annonçant un nouveau « Front populaire ». Sympathique, mais pitoyable. N’est-ce pas Karl Marx qui disait que lorsque l’histoire se répète, c’est la première fois comme une tragédie, et la seconde comme une farce. Il est malgré tout intéressant de tenter de comparer les deux époques. Quand, en 1934, la gauche marxiste française décide d’oublier pour un temps les haines recuites du congrès de Tours, rejointe par des radicaux en perte d’influence, la France, atteinte avec un temps de retard par la crise économique, est menacée par le révisionnisme des dictatures fascistes qui s’installe chez ses plus grands voisins : Italie, Allemagne et prochainement Espagne.

Sur le front intérieur, la menace fasciste semble également se concrétiser depuis les évènements du 6 février qui ont vu les Ligues d’extrême-droite s’en prendre au Parlement. Quant à la condition ouvrière, elle est encore très difficile : en-dehors du paternalisme du patronat chrétien, les avancées sociales sont maigres, tant en termes de conditions de travail, de loisirs, de logement et de protection sociale, et les travailleurs se voient comme « des esclaves en location ».

90 ans plus tard, la situation est tout de même fort différente. La condition ouvrière ne ressemble en rien à celle d’avant 1936, la France n’est pas menacée par ses voisins immédiats et s’il existe une violence politique depuis 50 ans, elle est essentiellement le fait de l’extrême-gauche, des terroristes rouges des « années de plomb » à l’activisme vert radical d’aujourd’hui. Quant à l’antisémitisme, c’est encore à l’extrême gauche qu’il s’exprime aujourd’hui sans retenue. S’il n’est pas de même nature que dans les années trente, la haine du Juif est la même.

Dans ces conditions, la résurgence officielle d’un soi-disant « Front populaire » est problématique pour la crédibilité-même de la gauche, et donc de son avenir politique au sein de la République. L’idéologie révolutionnaire partagée par toutes les chapelles du trotskisme a fait suffisamment de mal à la social-démocratie. Au contraire, c’est sur sa vocation originelle de protection des couches populaires que la gauche doit se reconstruire un avenir afin de récupérer son électorat naturel quand il aura été suffisamment déçu par un RN directement confronté à l’exercice du pouvoir.

En se déplaçant plus au centre de l’hémicycle, le bloc libéralo-centriste n’est pas non plus épargné par les contradictions. Son « progressisme » auto-proclamé est au progrès social ce que le nationalisme de l’extrême-droite est à l’idée de nation : une trahison. Le progrès social (cf. les réformes des retraites et de l’assurance chômage) et les libertés individuelles (cf. la société du QR code et de la reconnaissance faciale) n’ont jamais autant régressé depuis que le pouvoir se dit progressiste. Est-ce qu’un pouvoir qui se dit nationaliste portera autant atteinte aux intérêts de la nation ?

Or le progrès comme la nation sont des idées de gauche. Celle-ci ne peut se reconstruire politiquement sans les assumer à nouveau, non comme des slogans mais pour répondre aux vrais besoins des gens. Ces besoins sont bien connus, à commencer par le sentiment d’insécurité sous toutes ses formes. Mais on ne lutte pas contre l’insécurité, qu’elle soit physique, sociale, culturelle ou relative aux intérêts vitaux de la nation. L’insécurité en tant que telle n’existe pas, c’est juste un slogan, un mot destiné à surtout ne rien faire. Par contre, c’est une réponse pénale adaptée qu’il faut opposer au crime, organisé ou non. C’est un filet de protection sociale raisonnable et adapté qu’il faut entretenir face aux accidents de la vie. C’est une culture particulière qu’il faut préserver et enrichir face à l’appauvrissement des écrans. Et c’est un ennemi, étatique ou non, qu’il faut se préparer à combattre s’il nous agresse.

De la même façon, l’immigration en tant que telle n’est pas un problème, du moins pour une vision de gauche. Par contre, quand on accueille des immigrés, il faut les accueillir vraiment, en leur partageant ce que nous avons de meilleur : notre sécurité (physique et sociale), notre culture, nos valeurs. On ne les laisse pas croupir dans des ghettos où ils s’enferment entre eux dans leurs valeurs réactionnaires sans autre perspective qu’une instruction au rabais et une éducation défaillante pour leurs enfants.

Tous ces défis, la gauche aurait pu et aurait dû les assumer quand elle était au pouvoir. Le fait est qu’aujourd’hui, une majorité de Français, considérant qu’elle a échoué, s’apprête à donner sa chance à un parti aux origines pour le moins controversées. Nul n’ignore que le RN est l’héritier direct du FN qui était il y a 50 ans un groupuscule d’extrême-droite fondé par un ancien député poujadiste antigaulliste qui ne répugnait ni à la violence ni à la provocation. Transformé par la fille du fondateur, le groupuscule a acquis en quelques années une respectabilité nourrie par la somme des erreurs de ses adversaires politiques.

Et voilà aujourd’hui l’ancien groupuscule devenu premier parti de France et peut-être demain majoritaire dans une Assemblée toujours élue par un mode de scrutin qui lui était jusqu’à présent défavorable. Ironie de l’histoire et des institutions, c’est grâce au scrutin majoritaire à deux tours que le RN pourrait demain emporter la majorité absolue des sièges avec moins d’un tiers des voix.

La bonne nouvelle, c’est que son (éventuelle) accession au pouvoir sous le régime de la cohabitation lui évitera de commettre l’irréparable dans bien des domaines, à commencer par celui qui intéresse le groupe Mars au premier chef, à savoir la défense. Réputé hostile à la présence de la France dans l’OTAN, le RN ne parviendra pas à en sortir notre pays du fait de l’opposition du chef des armées (et de tous les chefs militaires) à cette perspective.

Quitter l’OTAN serait en effet une catastrophe pour notre pays, tant du point de vue diplomatique qu’économique, et finalement pour notre sécurité. Vis-à-vis de ses alliés, la France perdrait une crédibilité qu’elle peinerait à reconquérir sous la forme de traités bilatéraux. Quant à ses ennemis potentiels, ils se réjouiraient de l’affaiblissement de sa défense. Car remplacer les garanties de sécurité d’une alliance aussi puissante que l’OTAN aurait un coût que nos finances publiques délabrées ne pourraient pas se permettre. Il en résulterait un déclassement historique de la nation France. Trahison, vous dit-on !

A l’inverse, l’autre bonne nouvelle de ces élections européennes, c’est la déroute des listes dont le programme prévoyait de consacrer davantage de moyens à l’Union européenne de défense, comme disent les Allemands. Il faut dire que la ficelle était un peu grosse : annoncer comme priorité la création d’un fonds de cent milliards d’euros pour la défense, de la part de listes dont les matières régaliennes n’étaient pas le point fort, cela sonnait étrangement faux. Il faut en effet rappeler que l’argent magique n’existe pas et que, par conséquent, si l’UE dépense 100 en plus, la France sera ponctionnée au bas mot de 18, et plus probablement de 20, voire plus en fonction de la position des autres États membres.

En milliards d’euro, cela correspond exactement à une annuité d’investissements dans des équipements de défense, c’est-à-dire le minimum du minimum pour faire face aujourd’hui aux menaces et à nos engagements. Créer un « fonds de défense » à cent milliards reviendrait en réalité à priver notre pays d’une annuité d’achats d’armements et de munitions. Une saignée complètement irresponsable. Ces listes proposaient donc ni plus ni moins que d’affaiblir notre défense au profit d’une avancée de la construction européenne. Et l’on s’étonne ensuite du résultat..

L’effondrement de l’axe central du paysage politique française au profit de ses franges extrémistes tient sans doute moins à l’adhésion spontanée de l’électorat aux discours radicaux qu’à la médiocrité du personnel politique incarnant cet axe central et son incapacité à affronter les vrais défis. La fuite en avant vers le fédéralisme européen (et un inepte discours guerrier tenant lieu de soutien à l’Ukraine agressée) n’est que la conséquence de la vacuité de ses convictions et de son inaptitude à penser la politique dans son cadre naturel qu’est la nation.

Nous voilà donc revenus à l’état naturel d’un affrontement droite-gauche, mais dans sa version monstrueuse. Soucieux avant tout de préserver quelques sièges et les financements qui vont avec, la gauche et la droite modérées s’estiment contraintes, sous la pression de leur électorat respectif, de se livrer aux radicaux de leur « camp ». Tel est l’héritage de l’ère Macron, qui restera sans doute dans l’histoire comme l’illustration d’une mauvaise réponse à une bonne question.

Car le « populisme » de droite ou de gauche ne prospérerait pas sans une réalité que les « modérés » n’ont pas voulu voir et encore moins affronter. La seule réponse raisonnable au défi posé par l’échec de l’axe central est la reconstruction d’une offre politique fondée sur le progrès social et la défense nationale dans toutes ses dimensions, sécuritaire bien-sûr, mais tout autant culturelle et économique. Il n’y aura sans doute pas d’autre solution face à la crise de régime qui s’annonce, quand les institutions resteront bloquées faute de majorité claire et que toute nouvelle dissolution sera suspendue à l’expiration des délais constitutionnels. Le problème est que, à ce jour, cette offre nouvelle n’est pas incarnée. Or la Ve République, au contraire de celles qui ont précédé, exige de mettre un visage et un nom sur un programme.

                     —————————————————————–

* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.

Peut-on éviter la crise de régime ?

Peut-on  éviter la crise de régime ?

 Tout en rappelant le contexte politique et historique de la situation politique française abracadabrantesque, le groupe Mars analyse les possibles conséquences des élections législatives d’une victoire du RN ou du Front populaire dans le domaine de la défense. Par le groupe de réflexions Mars. ( dans la Tribune)

Les sondages disaient donc vrai ! Aux élections européennes du 9 juin dernier, près d’un électeur sur trois a choisi, parmi 38, la liste Bardella et 40% des électeurs ont voté pour une liste classée à l’extrême-droite. En cumulant l’ensemble des listes classées à l’extrême-gauche, le total des votes hostiles à la construction européenne actuelle est majoritaire en France. Le chef de l’État en a tiré une conclusion politique tout aussi radicale que ce vote annoncé : il a dissous l’Assemblée nationale et convoqué de nouvelles élections législatives dès que possible. La France aura donc un nouveau Premier ministre le 14 Juillet …

A vrai dire, cet enchaînement institutionnel ne devrait pas constituer une surprise. La crise politique couvait depuis que les précédentes élections législatives il y a deux ans n’avaient pas permis de donner au président une majorité claire. La surprise est ailleurs : dans l’ampleur du soutien populaire dont jouit dorénavant le Rassemblement national (RN), tant géographiquement que sociologiquement. Un exemple suffit à illustrer l’ampleur du phénomène : à l’exception d’une poignée restée fidèles à la tradition de vote rouge, dans toutes les communes de Haute-Vienne le RN est arrivé en tête, et largement.

A Oradour-sur-Glane, où le chef de l’État se trouvait au lendemain de sa déroute électorale, le RN a séduit 36% des votants. Le résultat est similaire dans les communes environnantes et dans quasiment tout le département, y compris Limoges. Inimaginable encore en 2017, un tel résultat devrait provoquer une remise en cause radicale du discours et de la pensée politique. Il n’en est rien.

 Plutôt que de reconnaître son erreur historique d’avoir abandonné l’électorat populaire à l’extrême-droite, la gauche se fait plaisir en annonçant un nouveau « Front populaire ». Sympathique, mais pitoyable. N’est-ce pas Karl Marx qui disait que lorsque l’histoire se répète, c’est la première fois comme une tragédie, et la seconde comme une farce. Il est malgré tout intéressant de tenter de comparer les deux époques. Quand, en 1934, la gauche marxiste française décide d’oublier pour un temps les haines recuites du congrès de Tours, rejointe par des radicaux en perte d’influence, la France, atteinte avec un temps de retard par la crise économique, est menacée par le révisionnisme des dictatures fascistes qui s’installe chez ses plus grands voisins : Italie, Allemagne et prochainement Espagne.

Sur le front intérieur, la menace fasciste semble également se concrétiser depuis les évènements du 6 février qui ont vu les Ligues d’extrême-droite s’en prendre au Parlement. Quant à la condition ouvrière, elle est encore très difficile : en-dehors du paternalisme du patronat chrétien, les avancées sociales sont maigres, tant en termes de conditions de travail, de loisirs, de logement et de protection sociale, et les travailleurs se voient comme « des esclaves en location ».

90 ans plus tard, la situation est tout de même fort différente. La condition ouvrière ne ressemble en rien à celle d’avant 1936, la France n’est pas menacée par ses voisins immédiats et s’il existe une violence politique depuis 50 ans, elle est essentiellement le fait de l’extrême-gauche, des terroristes rouges des « années de plomb » à l’activisme vert radical d’aujourd’hui. Quant à l’antisémitisme, c’est encore à l’extrême gauche qu’il s’exprime aujourd’hui sans retenue. S’il n’est pas de même nature que dans les années trente, la haine du Juif est la même.

Dans ces conditions, la résurgence officielle d’un soi-disant « Front populaire » est problématique pour la crédibilité-même de la gauche, et donc de son avenir politique au sein de la République. L’idéologie révolutionnaire partagée par toutes les chapelles du trotskisme a fait suffisamment de mal à la social-démocratie. Au contraire, c’est sur sa vocation originelle de protection des couches populaires que la gauche doit se reconstruire un avenir afin de récupérer son électorat naturel quand il aura été suffisamment déçu par un RN directement confronté à l’exercice du pouvoir.

En se déplaçant plus au centre de l’hémicycle, le bloc libéralo-centriste n’est pas non plus épargné par les contradictions. Son « progressisme » auto-proclamé est au progrès social ce que le nationalisme de l’extrême-droite est à l’idée de nation : une trahison. Le progrès social (cf. les réformes des retraites et de l’assurance chômage) et les libertés individuelles (cf. la société du QR code et de la reconnaissance faciale) n’ont jamais autant régressé depuis que le pouvoir se dit progressiste. Est-ce qu’un pouvoir qui se dit nationaliste portera autant atteinte aux intérêts de la nation ?

Or le progrès comme la nation sont des idées de gauche. Celle-ci ne peut se reconstruire politiquement sans les assumer à nouveau, non comme des slogans mais pour répondre aux vrais besoins des gens. Ces besoins sont bien connus, à commencer par le sentiment d’insécurité sous toutes ses formes. Mais on ne lutte pas contre l’insécurité, qu’elle soit physique, sociale, culturelle ou relative aux intérêts vitaux de la nation. L’insécurité en tant que telle n’existe pas, c’est juste un slogan, un mot destiné à surtout ne rien faire. Par contre, c’est une réponse pénale adaptée qu’il faut opposer au crime, organisé ou non. C’est un filet de protection sociale raisonnable et adapté qu’il faut entretenir face aux accidents de la vie. C’est une culture particulière qu’il faut préserver et enrichir face à l’appauvrissement des écrans. Et c’est un ennemi, étatique ou non, qu’il faut se préparer à combattre s’il nous agresse.

De la même façon, l’immigration en tant que telle n’est pas un problème, du moins pour une vision de gauche. Par contre, quand on accueille des immigrés, il faut les accueillir vraiment, en leur partageant ce que nous avons de meilleur : notre sécurité (physique et sociale), notre culture, nos valeurs. On ne les laisse pas croupir dans des ghettos où ils s’enferment entre eux dans leurs valeurs réactionnaires sans autre perspective qu’une instruction au rabais et une éducation défaillante pour leurs enfants.

Tous ces défis, la gauche aurait pu et aurait dû les assumer quand elle était au pouvoir. Le fait est qu’aujourd’hui, une majorité de Français, considérant qu’elle a échoué, s’apprête à donner sa chance à un parti aux origines pour le moins controversées. Nul n’ignore que le RN est l’héritier direct du FN qui était il y a 50 ans un groupuscule d’extrême-droite fondé par un ancien député poujadiste antigaulliste qui ne répugnait ni à la violence ni à la provocation. Transformé par la fille du fondateur, le groupuscule a acquis en quelques années une respectabilité nourrie par la somme des erreurs de ses adversaires politiques.

Et voilà aujourd’hui l’ancien groupuscule devenu premier parti de France et peut-être demain majoritaire dans une Assemblée toujours élue par un mode de scrutin qui lui était jusqu’à présent défavorable. Ironie de l’histoire et des institutions, c’est grâce au scrutin majoritaire à deux tours que le RN pourrait demain emporter la majorité absolue des sièges avec moins d’un tiers des voix.

La bonne nouvelle, c’est que son (éventuelle) accession au pouvoir sous le régime de la cohabitation lui évitera de commettre l’irréparable dans bien des domaines, à commencer par celui qui intéresse le groupe Mars au premier chef, à savoir la défense. Réputé hostile à la présence de la France dans l’OTAN, le RN ne parviendra pas à en sortir notre pays du fait de l’opposition du chef des armées (et de tous les chefs militaires) à cette perspective.

Quitter l’OTAN serait en effet une catastrophe pour notre pays, tant du point de vue diplomatique qu’économique, et finalement pour notre sécurité. Vis-à-vis de ses alliés, la France perdrait une crédibilité qu’elle peinerait à reconquérir sous la forme de traités bilatéraux. Quant à ses ennemis potentiels, ils se réjouiraient de l’affaiblissement de sa défense. Car remplacer les garanties de sécurité d’une alliance aussi puissante que l’OTAN aurait un coût que nos finances publiques délabrées ne pourraient pas se permettre. Il en résulterait un déclassement historique de la nation France. Trahison, vous dit-on !

A l’inverse, l’autre bonne nouvelle de ces élections européennes, c’est la déroute des listes dont le programme prévoyait de consacrer davantage de moyens à l’Union européenne de défense, comme disent les Allemands. Il faut dire que la ficelle était un peu grosse : annoncer comme priorité la création d’un fonds de cent milliards d’euros pour la défense, de la part de listes dont les matières régaliennes n’étaient pas le point fort, cela sonnait étrangement faux. Il faut en effet rappeler que l’argent magique n’existe pas et que, par conséquent, si l’UE dépense 100 en plus, la France sera ponctionnée au bas mot de 18, et plus probablement de 20, voire plus en fonction de la position des autres États membres.

En milliards d’euro, cela correspond exactement à une annuité d’investissements dans des équipements de défense, c’est-à-dire le minimum du minimum pour faire face aujourd’hui aux menaces et à nos engagements. Créer un « fonds de défense » à cent milliards reviendrait en réalité à priver notre pays d’une annuité d’achats d’armements et de munitions. Une saignée complètement irresponsable. Ces listes proposaient donc ni plus ni moins que d’affaiblir notre défense au profit d’une avancée de la construction européenne. Et l’on s’étonne ensuite du résultat..

L’effondrement de l’axe central du paysage politique française au profit de ses franges extrémistes tient sans doute moins à l’adhésion spontanée de l’électorat aux discours radicaux qu’à la médiocrité du personnel politique incarnant cet axe central et son incapacité à affronter les vrais défis. La fuite en avant vers le fédéralisme européen (et un inepte discours guerrier tenant lieu de soutien à l’Ukraine agressée) n’est que la conséquence de la vacuité de ses convictions et de son inaptitude à penser la politique dans son cadre naturel qu’est la nation.

Nous voilà donc revenus à l’état naturel d’un affrontement droite-gauche, mais dans sa version monstrueuse. Soucieux avant tout de préserver quelques sièges et les financements qui vont avec, la gauche et la droite modérées s’estiment contraintes, sous la pression de leur électorat respectif, de se livrer aux radicaux de leur « camp ». Tel est l’héritage de l’ère Macron, qui restera sans doute dans l’histoire comme l’illustration d’une mauvaise réponse à une bonne question.

Car le « populisme » de droite ou de gauche ne prospérerait pas sans une réalité que les « modérés » n’ont pas voulu voir et encore moins affronter. La seule réponse raisonnable au défi posé par l’échec de l’axe central est la reconstruction d’une offre politique fondée sur le progrès social et la défense nationale dans toutes ses dimensions, sécuritaire bien-sûr, mais tout autant culturelle et économique. Il n’y aura sans doute pas d’autre solution face à la crise de régime qui s’annonce, quand les institutions resteront bloquées faute de majorité claire et que toute nouvelle dissolution sera suspendue à l’expiration des délais constitutionnels. Le problème est que, à ce jour, cette offre nouvelle n’est pas incarnée. Or la Ve République, au contraire de celles qui ont précédé, exige de mettre un visage et un nom sur un programme.

                     —————————————————————–

* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.

IA- peut-on vraiment employer le concept d’intelligence ?

IA- peut-on vraiment employer le concept d’intelligence ?

par Jean-Louis Dessalles, Institut Mines-Télécom (IMT) dans the Conversation

Il y a près de 10 ans, en 2012, le monde scientifique s’émerveillait des prouesses de l’apprentissage profond (le deep learning). Trois ans plus tard, cette technique permettait au programme AlphaGo de vaincre les champions de Go. Et certains ont pris peur. Elon Musk, Stephen Hawking et Bill Gates s’inquiétèrent d’une fin prochaine de l’humanité, supplantée par des intelligences artificielles échappant à tout contrôle. N’était-ce pas un peu exagéré ? C’est précisément ce que pense l’IA. Dans un article qu’il a écrit en 2020 dans The Guardian, GPT-3, ce gigantesque réseau de neurones doté de 175 milliards de paramètres explique : Je suis ici pour vous convaincre de ne pas vous inquiéter. L’intelligence artificielle ne va pas détruire les humains. Croyez-moi ! »

En même temps, nous savons que la puissance des machines ne cesse d’augmenter. Entraîner un réseau comme GPT-3 était impensable, littéralement, il y a encore cinq ans. Impossible de savoir de quoi seront capables ses successeurs dans cinq, dix ou vingt ans. Si les réseaux de neurones actuels peuvent remplacer les dermatologues, pourquoi ne finiraient-ils pas par nous remplacer tous ?

Y a-t-il des compétences mentales humaines qui restent strictement hors d’atteinte de l’intelligence artificielle ?
On pense immédiatement à des aptitudes impliquant notre « intuition » ou notre « créativité ». Pas de chance, l’IA prétend nous attaquer sur ces terrains-là également. Pour preuve, le fait que des œuvres créées par programmes se sont vendues fort cher, certaines atteignant presque le demi-million de dollars. Côté musique, chacun se fera bien sûr son opinion, mais on peut déjà reconnaître du bluegrass acceptable ou du quasi Rachmaninoff dans les imitations du programme MuseNet créé, comme GPT-3, par OpenAI.

Devrons-nous bientôt nous soumettre avec résignation à l’inévitable suprématie de l’intelligence artificielle ? Avant d’en appeler à la révolte, essayons de regarder à quoi nous avons affaire. L’intelligence artificielle repose sur plusieurs techniques, mais son succès récent est dû à une seule : les réseaux de neurones, notamment ceux de l’apprentissage profond. Or un réseau de neurones n’est rien de plus qu’une machine à associer. Le réseau profond qui fit parler de lui en 2012 associait des images : un cheval, un bateau, des champignons, aux mots correspondants. Pas de quoi crier au génie.

Sauf que ce mécanisme d’association possède la propriété un peu miraculeuse d’être « continue ». Vous présentez un cheval que le réseau n’a jamais vu, il le reconnaît en tant que cheval. Vous ajoutez du bruit à l’image, cela ne le gêne pas. Pourquoi ? Parce que la continuité du processus vous garantit que si l’entrée du réseau change un peu, sa sortie changera peu également. Si vous forcez le réseau, qui hésite toujours, à opter pour sa meilleure réponse, celle-ci ne variera probablement pas : un cheval reste un cheval, même s’il est différent des exemples appris, même si l’image est bruitée.

Bien, mais pourquoi dire qu’un tel comportement associatif est « intelligent » ? La réponse semble évidente : il permet de diagnostiquer les mélanomes, d’accorder des prêts bancaires, de maintenir un véhicule sur la route, de détecter une pathologie dans les signaux physiologiques, et ainsi de suite. Ces réseaux, grâce à leur pouvoir d’association, acquièrent des formes d’expertise qui demandent aux humains des années d’études. Et lorsque l’une de ces compétences, par exemple la rédaction d’un article de presse, semble résister un temps, il suffit de faire ingurgiter à la machine encore davantage d’exemples, comme ce fut fait avec GPT-3, pour que la machine commence à produire des résultats convaincants.

Est-ce vraiment cela, être intelligent ? Non. Ce type de performance ne représente au mieux qu’un petit aspect de l’intelligence. Ce que font les réseaux de neurones ressemble à de l’apprentissage par cœur. Ce n’en est pas, bien sûr, puisque ces réseaux comblent par continuité les vides entre les exemples qui leur ont été présentés. Disons que c’est du presque-par-cœur. Les experts humains, qu’ils soient médecins, pilotes ou joueurs de Go, ne font souvent pas autre chose lorsqu’ils décident de manière réflexe, grâce à la grande quantité d’exemples appris pendant leur formation. Mais les humains ont bien d’autres pouvoirs.

Un réseau de neurones ne peut pas apprendre à calculer. L’association entre des opérations comme 32+73 et leur résultat à des limites. Ils ne peuvent que reproduire la stratégie du cancre qui tente de deviner le résultat, en tombant parfois juste. Calculer est trop difficile ? Qu’en est-il d’un test de QI élémentaire du genre : continuer la suite 1223334444. L’association par continuité n’est toujours d’aucun secours pour voir que la structure, n répété n fois, se poursuit par cinq 5. Encore trop difficile ? Les programmes associatifs ne peuvent même pas deviner qu’un animal mort le mardi n’est pas vivant le mercredi. Pourquoi ? Que leur manque-t-il ?

La modélisation en sciences cognitives a révélé l’existence de plusieurs mécanismes, autres que l’association par continuité, qui sont autant de composantes de l’intelligence humaine. Parce que leur expertise est entièrement précalculée, ils ne peuvent pas raisonner dans le temps pour décider qu’un animal mort reste mort, ou pour comprendre le sens de la phrase « il n’est toujours pas mort » et la bizarrerie de cette autre phrase : « il n’est pas toujours mort ». La seule prédigestion de grandes quantités de données ne leur permet pas non plus de repérer les structures inédites si évidentes pour nous, comme les groupes de nombres identiques dans la suite 1223334444. Leur stratégie du presque-par-cœur est aussi aveugle aux anomalies inédites.

La détection des anomalies est un cas intéressant, car c’est souvent à travers elle que nous jaugeons l’intelligence d’autrui. Un réseau de neurones ne « verra » pas que le nez est absent d’un visage. Par continuité, il continuera à reconnaître la personne, ou peut-être la confondra-t-il avec une autre. Mais il n’a aucun moyen de réaliser que l’absence de nez au milieu du visage constitue une anomalie.

Il existe bien d’autres mécanismes cognitifs qui sont inaccessibles aux réseaux de neurones. Leur automatisation fait l’objet de recherches. Elle met en œuvre des opérations effectuées au moment du traitement, là où les réseaux de neurones se contentent d’effectuer des associations apprises par avance.

Avec une décennie de recul sur le deep learning, le public averti commence à voir les réseaux de neurones bien plus comme de « super-automatismes » et bien moins comme des intelligences. Par exemple, la presse a récemment alerté sur les étonnantes performances du programme DALL-E, qui produit des images créatives à partir d’une description verbale – par exemple, les images que DALL-E imagine à partir des termes « fauteuil en forme d’avocat », sur le site OpenAI). On entend maintenant des jugements bien plus mesurés que les réactions alarmistes qui ont suivi la sortie d’AlphaGo : « C’est assez bluffant, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un réseau de neurones artificiel, entraîné pour accomplir une tâche ; il n’y a aucune créativité ni aucune forme d’intelligence. » (Fabienne Chauvière, France Inter, 31 janvier 2021)

Aucune forme d’intelligence ? Ne soyons pas trop exigeants, mais restons lucides sur l’énorme fossé qui sépare les réseaux de neurones de ce que serait une véritable intelligence artificielle.

Jean‑Louis Dessalles a écrit « Des intelligences très artificielles » aux éditions Odile Jacob (2019).

Inflation : peut-on la combattre ?

Inflation : peut-on la combattre ?

Dans un papier  de l‘Opinion, Frédéric Pretet, co-directeur de la recherche macroéconomique chez BNP Paribas Exane donne son avis sur la possibilité de combattre l’inflation. Pour lui il apparaît clairement qu’on ne peut totalement la compenser mais l’amortir un peu surtout pour les plus défavorisés.( Par parenthèse pas vraiment l’orientation retenue par le gouvernement concernant l’importante dépense de carburant dont les ristournes profiteront à tous).Bref pour résumer l’inflation ne peut pas être compensée totalement loin s’en faut et ce sont les ménages qui vont l’amortir avec une baisse de pouvoir d’achat

L’inflation, principalement portée par les prix de l’énergie et de l’alimentation, a accéléré en juin de 5,8 % sur un an, selon l’Insee, qui s’attend à une progression d’«un peu moins de 7 % en septembre».

« L’impact direct de tout ce qui est prix de l’alimentation et prix de l’énergie, ça représente 70 à 80 % de l’inflation qu’on a sur un an, analyse Frédéric Pretet, co-directeur de la recherche macroéconomique chez BNP Paribas Exane. Ça c’est l’impact direct, et en plus, on a un impact indirect. C’est-à-dire que l’on sait que quand il y a des chocs sur les prix des matières premières, de l’énergie, ça va se diffuser sur d’autres secteurs, en particulier, par exemple, sur les prix des billets d’avion. On sait que quand les prix agricoles montent, ça va se diffuser dans les prix des restaurants. »

Les tensions sur les chaînes d’approvisionnement dues à la crise de la Covid-19 se sont accentuées avec la guerre en Ukraine, tirant un peu plus les prix à la hausse. La dépréciation de l’euro face au dollar augmente le coût des importations et participe également à cette hausse généralisée des prix.

« L‘euro a baissé d’à peu près 10 % par rapport au dollar, donc on va dire que ça représente 0,5 point d’inflation en plus, commente Frédéric Pretet. Donc c’est plutôt marginal dans le +8 % d’inflation qu’on a en Europe mais ça contribue aussi à cette inflation qui surprend à la hausse mois après mois. »

Ces augmentations des prix devraient se poursuivre dans les mois à venir. Frédéric Pretet : « On s’attend à ce que sur l’été, on ait encore des chiffres de l’inflation qui grimpent. C’est aussi, par exemple, les estimations de l’Insee pour la France. Donc on a une inflation qui devrait, normalement, toucher son pic sur le mois de septembre. Donc sur l’Europe, on est à 8,6 %, on sera peut-être plutôt au-dessus de 9 %. Sur la France, ça va aussi continuer de se tendre. Mais ça dépend évidemment beaucoup de l’environnement sur les matières premières puisque comme je vous le disais, c’est quand même le facteur qui est le plus important sur la dynamique de l’inflation, au moins à court terme. »

Pour y faire face, le gouvernement souhaite adopter une série de mesures pour protéger le pouvoir d’achat des Français : création d’une «indemnité carburant travailleur», chèque alimentation, augmentation des minima sociaux, des retraites de base…

Frédéric Pretet, co-directeur de la recherche macroéconomique chez BNP Paribas Exane : « Pour compenser complètement, il faudrait, en gros, geler toutes les hausses de prix dans tous les secteurs. Ce n’est pas, évidemment, le but du gouvernement dans son paquet pouvoir d’achat d’aller jusque-là. On a eu quand même, dans certains secteurs, un gel des prix. Par exemple, sur la France, c’est les prix du gaz. On a eu des hausses l’été dernier jusqu’au mois de septembre, et à partir du mois d’octobre, le gouvernement a décidé de geler les prix du gaz. Donc là-dessus, on peut dire que c’est efficace.

Mais on le voit sur les prix à la pompe, on est plutôt dans une logique d’amortir la hausse plutôt que de complètement compenser la hausse des prix de l’énergie. Sur l’alimentation c’est pareil, on envoie des chèques qui sont très importants, en particulier pour protéger les classes les plus défavorisées, celles qui ont les plus petits salaires et donc du coup qui sont les plus exposées au risque inflation et donc c’est très ciblé pour essayer de compenser au maximum sur ces catégories sociales. Mais d’un point de vue macroéconomique, pour l’ensemble des ménages, évidemment, on ne compense pas complètement cette hausse des prix, on essaie de l’amortir mais ce n’est pas une compensation totale.

Par contre, on voit quand même que la France est dans les pays qui font le plus. Si je regarde par exemple les prix de l’énergie en France, ils ont fortement progressé, autour de 30 % de hausse au mois de juin par rapport à ce qu’ils étaient l’année d’avant. Mais sur l’Europe on est plutôt au-dessus de 40 %. Donc il y a un écart, il y a un amortissement qui s’est fait par la politique du gouvernement français. Cet amortissement, cet écart entre 30 et 40 %, c’est l’équivalent d’un point d’inflation. Parce que l’inflation française, qui est autour de 6,5 % (Eurostat), serait plutôt à 7,5 %. Donc finalement beaucoup plus proche de l’inflation européenne à 8,6 % que ce qu’elle est aujourd’hui si le gouvernement n’avait pas mis en place toutes ces mesures pour, en tout cas, amortir ce choc énergétique, ce choc inflationniste. »

De son côté, la Banque centrale européenne a annoncé qu’elle allait durcir sa politique monétaire pour tenter de contenir l’inflation. Mais cette hausse des taux ne serait pas sans risque pour les finances publiques de la France.

Frédéric Pretet : « A partir du moment où les taux d’intérêt remontent, la charge de la dette va commencer à s’amplifier donc ça va être un facteur qu’il va falloir prendre en compte. Alors l’impact n’est pas immédiat, il se trouve que la France est un pays qui emprunte sur des maturités autour de 7 ans. Donc vous voyez que c’est plutôt dans 7 ans qu’on subira complètement l’impact des taux. Donc il y a une espèce d’inertie dans la charge d’intérêt qui est plutôt progressive.

Donc ça veut dire qu’il faut faire attention, il n’y a pas un risque immédiat sur les finances publiques de la France, mais il y a un risque qui, peut-être, s’amplifie. Et donc c’est pour ça que le gouvernement est dans une stratégie avec moins de «quoi qu’il en coûte», on essaie de cibler sa politique, en particulier pour amortir le choc énergétique et c’est pour ça qu’on le cible sur les catégories sociales les plus fragiles, et qu’on ne peut pas complètement compenser parce qu’on n’a plus les moyens de compenser complètement ce genre de choc. »

Peut-on contester la légitimité de la politique énergétique ?

Peut-on contester la légitimité de la politique énergétique ?

 

Non,  dit le maire de Mouliherne (Maine et Loire)  qui justifie ainsi un projet contesté d’éoliennes. Ici comme ailleurs, les oppositions se manifestent lors  des projets d’installation d’éoliennes. Cette légitimité est cependant très  discutable dans la mesure où les orientations sont complètement incohérentes et contradictoires avec les orientations budgétaires qui constituent l’instrument essentiel de la politique du gouvernement. Une politique irréaliste d’après la Cour des Comptes. En effet, le surcoût des « Énergies Renouvelables chiffré dans le rapport de la « Cour des comptes » publié le 26 juillet 2013 s’élève à 70,1 milliards d’€ (Md€) pour la période 2005 à 2020. Alors que dans le même temps le gouvernement autorise le grand carénage des réacteurs nucléaires qui prolongera leur durée de vie de 20 ans (sans parler des autres dépenses qu’EDF aura à supporter pour l’enfouissement des déchets à Bus, la reprise d’Areva, la dérive des dépenses de l’EPR de Flamanville et d’Hinkley en Grande-Bretagne. En clair,  il faudra trouver 200 à 300 milliards dans les 20 ans à venir pour l’électricité d’origine nucléaire qui va donc conserver sa part de production. Parallèlement,  la loi de transition énergétique entraînera des dépenses de 70 milliards sur une période à peu près équivalente à fin de financer des énergies nécessairement subventionnées faute de rendement énergétique. (Le rendement énergétique des centrales nucléaires est de 90 % tandis que celui des éoliennes atteint seulement 20 % puisque soumis aux problèmes de l’aléa du vent). Cette politique énergétique est une politique de gribouille comme d’ailleurs la politique budgétaire considérée comme insincère récemment par la Cour des Comptes. Pour tenter de rééquilibrer un peu les comptes dans le domaine énergétique,  il faudrait augmenter rapidement les prix de l’électricité de 50 % d’après la Cour des Comptes. Ce qui évidemment impacterait le pouvoir d’achat des ménages sans parler des conséquences néfastes sur la compétitivité et donc aussi sur l’emploi. La Cour des Comptes estime que cette problématique n’a jamais fait l’objet d’une évaluation sérieuse. Il en est de même au plan local pour le schéma d’orientation (Scot, document ésotérique  construits sur des chiffres obsolètes concernant la réalité socio-économique et sur des orientations essentiellement littéraires sans scénarios  financiers). De même pour le   schéma des éoliennes des Pays de Loire,  par ailleurs retoqué par le tribunal administratif pour insuffisance dévaluation de l’impact sur l’environnement. Sans doute doit- on admettre  que le choix du nucléaire n’était pas le plus judicieux notamment du point de vue environnemental, reste que l’investissement dans ce patrimoine de 200 à 300 milliards payé par le consommateur et le contribuable sera forcément amorti jusqu’en 2040- 2050.Ce ne sont pas que les éoliennes totalement subventionnées et d’un rendement énergétique dérisoire qui pourront les remplacer. Le mix énergétique de Ségolène Royal est une  fumisterie. Il conviendra de la remettre en cause totalement à partir des réalités économiques et sur des bases sérieuses. C’est possible,  il y a des perspectives pour la réduction de la consommation de l’énergie primaire,  pétrole compris (voitures électrique, résidentiel et tertiaire à énergie positive, énergies vraiment alternatives etc.). La politique énergétique n’a pas davantage de légitimité que d’autres politiques en particulier dans le domaine budgétaire : irréalisable, et relevant de l’imposture. La cour des comptes parle pudiquement d’ « insincérité » ! En clair on a truqué les comptes. Comme on a truqué la politique énergétique de Ségolène Royal.

 

Ce site est réalisé sous la direction de  Gaston Bessay*

 

 

 

*G.Bessay

.Ingénieur expert consultant international
.Président de l’institut prospective transport
.Président de l’institut développement transport et territoires

.Ancien président du comité d’orientation du service économique du ministère des transports (OEST)
.Ancien vice-président du conseil national des transports

.Ancien président de groupe du PREDIT (programme interministériel de recherche)
.Ancien président de l’IFRET (institut fer-route-études transport)
.Ancien président du groupe transport du plan (ministère du plan)
.Fondateur de l’association nationale des consultants transports

.Ancien membre des conseils scientifiques de l’école nationale des ingénieurs des travaux publics (ENTPE), du laboratoire d’économie des transports (Université Lyon2) et du Comité National Routier

- ancien membre de la commission des comptes transport de la nation

officier de la légion d’honneur
officier de l’ordre national du mérite

 

 




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