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Paradoxe et perspectives suite au coronavirus (collectif)

Paradoxe et perspectives suite au coronavirus 

La crise sanitaire est porteuse de grands maux immédiats, mais pourrait, à terme, aboutir à un grand bien, ou au moins à un moindre mal, analyse le philosophe Jean-Claude Monod dans une tribune au « Monde ».

Tribune. La situation créée par le coronavirus présente un « paradoxe politique » d’un autre ordre que celui que Paul Ricœur avait énoncé dans un article fameux, publié en 1957 dans la revue Esprit, quelques mois après l’écrasement de l’insurrection de Budapest. Le paradoxe de Ricœur voulait que la politique, source potentielle du plus grand bien, d’une vie en commun harmonieuse et heureuse, égale et libre, soit aussi potentiellement la source du plus grand mal, la domination totalitaire et impériale, la mise en esclavage des populations, la terreur politique, l’Etat policier, les massacres de masse. La situation actuelle nous confronte à la combinaison d’un grand mal et de la possibilité d’un bien encore incertain et ambivalent, ou au paradoxe d’un recul démocratique massif assorti d’un « retour du politique », ou en tout cas de la capacité d’action des Etats par rapport à l’antérieure subordination à l’économique.

 

Le grand mal, outre la maladie elle-même et son cortège de morts, ce fut, et c’est encore, un gel sans précédent des libertés d’aller et venir, de se réunir, de vaquer à ses loisirs, d’entreprendre ou de maintenir une activité économique, un repli forcé vers la sphère privée, un contrôle inouï des déplacements, etc. Le confinement a été un mal sans doute « nécessaire » pour faire face à l’épidémie en l’absence de moyens alternatifs – mais même en laissant de côté le fait que certains épidémiologistes estiment qu’il ne s’imposait pas et que des pays ont obtenu d’aussi bons résultats sans une telle privation de liberté, cette absence de matériel de test, de masques, de structures de repérage et de quarantaine des malades peut elle-même constituer un grief politique, comparée aux capacités d’action d’autres pays, de l’Allemagne à la Corée du Sud. Parallèlement, nous avons assisté à un recul de l’équilibre des pouvoirs au profit d’une montée en puissance radicale de l’exécutif, à une réduction des prérogatives du Parlement et du Conseil constitutionnel, légitimée par « l’état d’urgence sanitaire » – là encore, si la rapidité de décision et l’efficacité d’exécution étaient requises face à l’urgence de la pandémie, le choix juridique de l’état d’urgence et de sa prorogation est discutable. 

Néanmoins, l’expérience dont nous sortons peut n’être pas perçue exclusivement comme un « mal », sous deux aspects : d’une part, un certain « retour du politique » et, d’autre part, une mise en question de l’inéluctabilité d’un mode de développement socialement et écologiquement destructeur.

 

Perspectives des monnaies digitales

Perspectives des monnaies digitales

Comment les banques centrales pourraient développer des monnaies digitales pour faire face au projet privé de taux monnaient-type Libra   Par Jean-Jacques Quisquater, Ecole Polytechnique de Louvain, Université de Louvain, et Charles Cuvelliez, Ecole Polytechnique de Bruxelles, Université de Bruxelles.( papier de la Tribune)

Les monnaies digitales des banques centrales, les CBDC (Central Bank Digital Currencies) sont la réponse de plus en plus vocale au Libra et autres projets privés de stablecoins qui fleurissent partout et font peur. Les CBDC sont une nouvelle forme de monnaie souveraine sous forme de cash digital. Les monnaies des banques centrales sont aujourd’hui sous deux formes : le cash physique qui circule et les réserves que les institutions financières déposent à la banque centrale. Les CBDC seraient une troisième voie.

Les CBDC pour particuliers seraient du cash digital contenu par exemple dans son smartphone, dans un porte-monnaie sous forme de cartes prépayées ou sous toute autre forme digitale. Quand la banque centrale émet des CBDC pour particuliers, elle peut avoir besoin de partenaires technologiques pour mettre ces solutions en place. Les CBDC de gros (wholesale), l’autre forme de CDBC, seraient destinés aux paiements interbancaires et autres transactions sur titres et valeurs mobilières. Ces CDBC prendraient la forme de comptes ad hoc possédés par les institutions financières mais elles seraient de peu d’utilité pour les paiements interbancaires au sein d’un même pays puisque les institutions financières peuvent déjà faire usage des réserves qu’elles possèdent auprès de la banque centrale sous la forme de systèmes de règlement brut en temps réel. C’est efficace pour les paiements interbancaires.

Utiles pour les paiements frontaliers

Ces CBDC de gros à usage domestique dans un même pays sont plus utiles alors dans les économies en développement où tout cela ne fonctionne pas encore très bien, dit le Forum économique mondial. C’est pour les paiements transfrontaliers que les CBDC seraient bien utiles. Comme deux banques commerciales dans deux pays différents n’ont alors pas de compte dans une même banque centrale, elles sont aujourd’hui obligées de recourir à des réseaux de paiement complexes avec des intermédiaires. De la même manière, des CBDC pour particuliers pourraient aussi simplifier les envois d’argent à l’étranger, sachant que le digital ne connait pas de frontière. Ceci dit les risques de change entre les CBDC d’un pays vers les CBDC d’un autre pays restent présents sauf si un intermédiaire peut prendre en charge les risques de change traditionnels sous forme digitale. Avec les CBDC, le bilan d’une banque centrale ne doit pas changer. C’est sa répartition qui change. Ceci dit, si la demande pour les CBDC est grande, les clients des banques commerciales pourraient retirer leurs dépôts pour les échanger pour des CBDC. Ce serait un comble : une banque centrale qui menace la stabilité financière.

On peut imaginer des CBDC qui fonctionnent sur base d’un compte possédé directement par le particulier auprès de la banque centrale mais cette dernière devient alors un substitut aux banques commerciales. La banque centrale est-elle vraiment équipée pour prendre en main tout ce côté opérationnel des banques commerciales ? A cet égard, les CBDC basés sur des jetons digitaux, c’est-à-dire des pièces et des billets virtuels stockés dans un portefeuille électronique installé au cœur du smartphone est sans doute préférable. On y retrouve plus les propriétés du cash physique (plus de discrétion, d’anonymat comme pour du vrai cash avec ses défauts aussi alors, blanchiment, financement occulte…)

Mais au fond qu’est-ce qui est innovant dans les CBDC

A l’ère digitale, explique le forum économique mondial, on doit plutôt se demander pourquoi on n’avait toujours pas pensé à réaliser une forme numérique pour le cash. Pour les populations qui n’ont pas accès à des services bancaires (mais qui ont souvent un smartphone), c’est leur permettre d’avoir accès à des comptes directement auprès des banques centrales qui leur servent de porte-monnaie électronique. C’est faciliter les échanges d’argent ente pays, c’est, pourquoi pas, permettre aux banques d’un pays d’avoir un compte CBDC dans la banque centrale d’un autre pays pour les transferts d’argent internationaux assez peu efficaces. Qui dit monnaie digitale c’est-à-dire virtuelle, dit risque de contrefaçon. Ce n’est pas un billet qu’on tient en main et dont on peut vérifier la réalité. Il y a par exemple le problème de la double-dépense du même montant, déjà aperçu pour bitcoin, et la nécessité de valider le paiement pour l’empêcher. La banque centrale pourrait jouer ce rôle ou le laisser à une blockchain sous-jacente sans les dépenses énergétiques folles du bitcoin. Plein de solutions éprouvées existent. Il suffit, par exemple, que les membres du blockchain soient les membres de confiance d’un consortium et non pas des anonymes. La banque centrale pourrait disposer d’un veto pour ajouter de la confiance au choix des nœuds qui valideraient les transactions de CBDC. C’est la solution choisie au Cambodge qui est le premier pays avec un vrai déploiement de CBDC. C’est la banque centrale qui valide toutes les transactions.

Le côté programmable des CBDC au niveau de gros entre banques centrales ouvre des perspectives au-delà du simple échange de devises : les opérations interbancaires sur titre et produits dérivés. La banque centrale européenne et la banque du Japon ont annoncé une recherche commune en ce sens, ainsi que la banque du Canada et la banque de Singapour. En fait, c’est l’idée que deux banques en bilatéral puissent mener des transactions instantanées grâce aux CBDC.

Pas indiqué partout ni pour tout

Mais les CBDC ne sont pas indiqués dans tous les pays : pour le forum économique mondial, la géographie compte. Un pays avec de petites îles dispersées ou des conditions climatiques sévères peut avoir des problèmes dans la gestion et la distribution du cash. Les CBDC ont alors tout leur sens. Les économies dollarisées ou avec une économie de l’ombre ont aussi intérêt à prôner les CDBC pour remettre leur monnaie d’aplomb et mieux la faire circuler On se dit que l’Inde aurait mieux fait d’attendre les CBDC plutôt que de lutter contre l’économie au noir en forçant le rapatriement de tout le cash en circulation. Les CBDC pourraient aussi harmoniser les systèmes de paiement quand ils sont fragmentés. Une banque centrale doit se poser la question du type de CBDC qu’elle veut soutenir : pour les citoyens, pour les banques (et y inclure au passage les acteurs non bancaires, une manière pour la banque centrale de les récupérer sous leur giron de régulateur de manière soft), pour les paiements domestiques, pour les paiements transfrontaliers ?

Concurrent redoutable aux initiatives stablecoins

Les CBDC ont aussi l’avantage de former vite un concurrent redoutable aux initiatives stablecoins privées comme le Libra, soit pour mettre tout le monde d’accord quand il s’agit d’avoir une forme de paiement instantané au niveau international (en cours de développement FedNow aux Etats-Unis, TIPS en Europe). Les acteurs traditionnels du paiement international voient d’ailleurs la menace : Swift développe son gpi, JP Morgan met au point son JP Coin pour favoriser le paiement international entre ses filiales (pour commencer), sans compter la Chine. Si les banques centrales craignent ce nouveau rôle de banque de détail, à juste titre, en ouvrant des comptes CBC ou, si elles veulent garder une distance, elles peuvent recourir aux CBDC hybrides : les banques centrales donneraient accès aux institutions financières qui n’ont en général pas accès aux facilités de dépôt des banques centrales pour les aider à opérer les CBDC et ainsi mieux les contrôler. On augmenterait l’interopérabilité entre les différents services de paiement. Les acteurs actifs en stablecoins pourraient être incités à rentrer dans le rang.

Si un pays décide de ne plus se baser que sur les CBDC, cela posera un problème pour les touristes, étrangers, pour les autre banques centrales, pour les fonds d’investissements, etc. qui n’auront plus accès à ce système. C’est ce que constatent déjà les Occidentaux qui voyagent en Chine. Il devient difficile d’utiliser sa carte de crédit lorsque tout le monde utilise Wechat. Voudra-t-on payer des intérêts sur les CBDC surtout si ce sont des comptes ou même sous cette forme, cela reste encore du vrai cash. Quelles seront les politiques et taux de conversion entre les CBDC et les comptes de dépôt ou même le vrai cash ? Il faut penser à tout cela, il faut organiser tout cela.

Si la banque centrale prend une technologie donnée, il lui faut éviter le ‘vendor lock in’ c’est-à-dire être bloqué avec le seul vendeur qui propose cette technologie qui sera éventuellement différente du pays voisin qui aura peut-être aussi ses CBDC. Il faut une assez forte interopérabilité avec les autres systèmes de paiement, legacy ou pas.

Le Forum économique mondial imagine aussi le jour où on voudra mettre fin au CBDC ou passer à une autre forme de CBDC. Ce sera moins aisé que de simplement émettre un nouveau billet de banque. On détruit facilement les vieux billets de banque mais comment détruira-t-on les CBDC obsolètes. Comment fera-ton le rappel de tous les CBDC pour les remplacer par d’autres ?

Enfin, et surtout, après avoir répondu à toutes ces questions, le plus dur reste à venir : il faudra convaincre le public d’utiliser les CBDC, l’éduquer aux risques et bénéfices des CBDC. On pense à la problématique des mots de passe et des clés privées/publiques des portemonnaies électroniques. Et il faudra sans doute revenir à une forme physique de porte-monnaie pour des raisons de sécurité.

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Pour en savoir plus,

Insight Report, Central Bank Digital Currency Policy‑Maker Toolkit, January 2020, Centre for the Fourth Industrial Revolution, World Economic Forum.

Perspectives économiques 2020 : on s’installe dans la croissance molle durablement

Perspectives économiques 2020 : on s’installe dans la croissance molle durablement

 

L’évolution tendancielle de la croissance en zone euro s’inscrit dangereusement à la baisse. Ainsi au  dernier trimestre 2019, le PIB  devrait enregistrer une augmentation de seulement 0,1 %. ( 0.2% pour la France).  De quoi remettre en cause les modestes prévisions de 1,2 % qui étaient prévus pour l’année 2020. Notons d’ailleurs que les prévisions de 2019, avec une augmentation du PIB de 1,6 %, ont été contredites pour aboutir autour de 1,1 % sur l’ensemble de l’année. Les prévisions de croissance pour 2020 affichent 1.2% en zone euro comme pour la France. Le gouvernement français attend une croissance du PIB de 1,3% cette année et l’an prochain. De son côté, le FMI  prévoit désormais une hausse de 1,2% seulement du produit intérieur brut (PIB) des 19 pays de la région cette année, contre 1,3% prévu en avril, après 1,9% en 2018. Le PIB de la zone euro devrait croître de 1,4% en 2020 et en 2021, précise un FMI un peu optimiste, qui attendait auparavant 1,5% de croissance pour chacune des deux prochaines années. Mais pour le FMI, le PIB français devrait quant à lui progresser de 1,2% en 2019, une prévision réduite de 0,1 point de pourcentage par rapport à celle d’avril. Et le FMI n’attend qu’une légère accélération à 1,3% pour 2020 comme pour 2021.

Ce ralentissement est principalement dû à une croissance anémique en Allemagne, première économie de la région, et à la stagnation de l’Italie, explique-t-il. Il table désormais sur une croissance de 0,5% seulement en Allemagne cette année, contre 0,8% prévu en avril, après 1,5% l’an dernier, avant un rebond à 1,2% en 2020 et 1,4% en 2021. Pour contrer ce ralentissement, le Fonds réaffirme son appel en faveur d’une «réponse budgétaire synchronisée» des gouvernements de la zone euro. Comme il ne faut pas désespérer les acteurs économiques, c’est prévisions paresse un peu optimiste si l’on tient compte notamment d’une part de la baisse tendancielle de l’activité enregistrée en fin d’année, par ailleurs de la baisse du moral des patrons.

 

Au plan international c’est surtout la Chine qui accuse un sérieux coup de en matière de croissance. La croissance du PIB dans la puissance asiatique devrait passer de 6,2% en 2019 à 5,7% en 2020 et 5,5% en 2020. « De nombreux facteurs conjoncturels viennent aggraver des facteurs structurels » .

Parmi les émergents, la situation devrait être encore plus critique en Argentine, avec une récession de 3% de son PIB  cette année (-0,3 point par rapport aux dernières prévisions), avant de s’améliorer quelque peu en 2020, avec un recul de 1,7% (+0,1 point), avant un retour à la croissance en 2021, à +0,7%.

D’une manière générale,, l’OCDE s’inquiète des tergiversations des gouvernements face à la réponse à apporter aux défis actuels, du changement climatique à la numérisation de leurs économies en passant par le nouvel ordre mondial qui a émergé après la chute du communisme dont notamment le président américain a détricoté la régulation..

« Ce serait une erreur politique de considérer ces changements comme des facteurs temporaires qui peuvent être résolus avec une politique monétaire ou fiscale », écrit Laurence Boone, chef économiste de l’OCDE dans le rapport. « En l’absence d’orientations politiques claires » sur ces défis, « l’incertitude persistera » et les perspectives de croissance en seront affectées. Or  de ce point de vue aucune politique claire et significative  n’apparaît en matière de croissance verte (au concept très minimal même pour l’OCDE), rien d’important n’est engagé pour concurrencer  la Chine sur le plan des nouvelles technologies et l’ancienne régulation des échanges part en morceaux avec le développement d’accords particuliers et du protectionnisme.

 

 

Perspectives réforme des retraites: pourquoi Édouard Philippe ne lâchera rien

Perspectives réforme des retraites: pourquoi Édouard Philippe ne lâchera rien

 

 

 

On peut évidemment s’étonner de l’entêtement Édouard Philippe qui a favorisé l’installation d’une chienlit sociale en France qui risque de durer comme celle des gilets jaunes. La question n’est ni sociale, ni financière. Elle est politique. Pour l’instant Édouard Philippe ne joue pas son rôle de fusible vis-à-vis du mécontentement de nombre de Français dont la plupart souhaitent toujours le retrait de la réforme.

Ce mécontentement affecte surtout la popularité de Macron, une popularité déjà faible mais qui va s’écrouler dans les prochains sondages si l’on en juge par exemple par le peu de crédibilité qui lui est accordée après son fastidieux exercice des vœux de fin 2019 ( 76% des Français n’ont pas été convaincus d’après le sondage Odoxa). La lutte politique est clairement engagée entre Macron et Édouard Philippe. Édouard Philippe sait bien qu’il ne pourra demeurer Premier ministre jusqu’en 2022.

Pour redonner un peu de souffle  à un gouvernement particulièrement amorphe, Macron devra peut-être après les élections municipales, changer son équipe.  Édouard Philippe veut partir avec une image de marque de réformateur  beaucoup plus déterminé que Macron qui cultive trop son ambigu en même temps. Édouard Philippe qui appartient toujours au parti des républicains n’aura aucune difficulté à imposer sa légitimité auprès des électeurs de droite.

Or Macron qui a perdu ses soutiens de gauche qui ont permis son élection coure lui aussi uniquement après ces électeurs de droite en espérant aspirer le sang électoral des républicains voire de l’extrême droite. Macron est clairement devenu d’évolution en évolution, le président de la droite. Édouard Philippe sait bien que le pouvoir usera Macron d’autant plus que l’intéressé se réfugie toujours dans une posture hautaine voir méprisante vis-à-vis de ceux  qui ne sont pas d’accord avec lui;  actuellement les 70 % qui contestent sa politique économique et sociale.

Édouard Philippe, comme souvent pour les Premiers ministres de la Ve République, se positionne donc dans l’hypothèse d’un après Macron qui pourra intervenir évidemment en 2027 mais peut-être en 2022 si l’environnement économique et politique se dégrade encore davantage. Édouard Philippe ne lâchera donc pas cet âge pivot, c’est sa posture, son totem politique. Certes, il pourra l’habiller pour faire quelques exceptions mais ne lâchera rien sur ce terrain quitte à partir mais avec l’étendard du réformateur radical que la droite attend depuis Sarkozy. Certains politologues considèrent  qu’Édouard Philippe est sincère en voulant articuler la réforme systémique  avec la réforme paramétrique, qu’il veut préserver l’avenir du système.

En réalité ce qu’il veut préserver, c’est son propre avenir politique car on sait bien que le pouvoir politique, comme d’habitude, sera amené à revoir sa réforme des retraites tous les cinq ans en raison notamment du trop grand nombre d’incertitudes sur l’évolution des paramètres.

 

Perspectives économiques 2020-2021: le monde s’installe dans la croissance molle

Perspectives économiques: le monde s’installe dans la croissance molle

 

 

Un ralentissement conjoncturel dans le cadre de mutations davantage structurelles explique l’installation dans une croissance mondiale  très molle. La dette, l’atonie de la demande ou les tensions commerciales vont en effet faire stagner la croissance d’après la chef économiste de l’OCDE. En outre des facteurs géopolitiques pourraient venir faire émerger le risque de récession . ( Interview la Tribune)

 

Existe-t-il un risque de récession ?

Nous projetons une stagnation de la croissance en 2020 et 2021, puisque celle-ci serait de 2,9 % l’an prochain comme cette année et 3 % l’année suivante. Ce sont les taux les plus faibles depuis la crise financière, et les risques sont nombreux. Par exemple, il y a un large volume de dettes d’entreprises sur les marchés qui pourraient souffrir de ce ralentissement prolongé de la croissance, et dont un défaut pourrait entraîner des ventes massives. Il y a également une résurgence de produits structurés, dont le montage rappelle ceux de l’avant-crise, aux États-Unis notamment. Un ralentissement accru ou plus brutal de la Chine pèserait sur la croissance mondiale. Des tensions géopolitiques pourraient s’aggraver. Enfin, même en année électorale américaine, on ne peut exclure une résurgence des tensions commerciales.

Comment les prévisions macroéconomiques de l’OCDE ont-elles évolué pour les années 2020 et 2021 ?

Nous pensons maintenant que le ralentissement est aussi bien structurel – avec des facteurs touchant aux fondamentaux économiques de long terme – que cyclique. Au-delà du ralentissement et du rééquilibrage de la croissance en Chine, qui sont là pour longtemps, il y a les défis posés par la transformation numérique, l’urgence accrue du changement climatique et l’anxiété suscitée par les mutations du marché du travail, qui est parfois à l’origine de ce repli sur l’économie domestique. Ces facteurs sont structurels et ne peuvent être résolus avec des taux d’intérêt plus bas ou un stimulus budgétaire (du moins, pas seulement). Ils affectent les conditions de développement des entreprises, la nature et le nombre des emplois. Ils vont demander une réponse forte et active des politiques économiques. C’est ainsi que, pour la première fois dans nos prévisions, nous avons mis l’accent sur le changement climatique et les réponses à y apporter.

Quels seront les grands défis pour l’économie internationale en 2020 ?

Il s’agit, d’une part, de recréer de la confiance, un environnement plus prévisible pour les entreprises, et, d’autre part, de lancer et de bâtir les conditions d’un rebond de l’investissement, public comme privé. Pour retrouver la confiance, l’OCDE agit sur deux fronts : elle accroît la transparence en matière commerciale et elle œuvre à un nouveau système de taxation internationale, pour que chaque entreprise paie sa part juste d’impôts sur le territoire où elle réalise des profits.

Pour l’investissement, nous recommandons de créer des fonds d’investissement publics destinés aux transitions numérique et énergétique. Ces fonds doivent servir notamment à financer les infrastructures comme les autoroutes de l’information, les réseaux de distribution d’électricité indispensables au déploiement du renouvelable, et à soutenir des projets innovants dans ces deux secteurs. La gouvernance doit être rigoureuse, car il s’agit d’argent public. Il faut que cela soit contrôlé par le parlement lors du processus budgétaire tout en préservant des conditions de concurrence saine entre les entreprises, car c’est de là que vient l’innovation. On peut s’inspirer de l’agence Darpa du département de la Défense aux États-Unis, ou des PIA (programmes d’investissement d’avenir) à la française.

Quels seraient les principaux leviers à activer pour répondre à l’urgence climatique ?

Il y a plusieurs types d’instruments, dont on doit prendre en compte l’impact redistributif, c’est-à-dire notamment les effets sur les emplois, et le coût pour les ménages et les PME les plus exposées. Prenons le prix du carbone : des régions comme la Colombie-Britannique (Canada) ont réussi à l’augmenter progressivement, mais en redistribuant les recettes aux personnes et aux entreprises les plus affectées. Ainsi, on modifie leur comportement, sans les pénaliser financièrement ou dans leur quotidien. On peut également inciter les investisseurs à diriger leurs fonds vers des financements verts avec la régulation ou des tests qui mettent en évidence à quel point leurs revenus seraient menacés par des chutes de prix d’actifs, comme les actions dans des entreprises d’énergie fossile. Enfin, des investissements publics demeurent nécessaires, comme vient de le souligner la Commission européenne avec la publication de son « Green Deal ».

Les banques centrales (FED, BCE) ont-elles encore des marges de manœuvre pour répondre au ralentissement ? Les taux bas représentent-ils une menace ou une opportunité ?

Les banques centrales ont toujours des marges de manœuvre, la question à se poser est de savoir si les défis que l’on vient d’évoquer relèvent bien du domaine des banques centrales. La réponse est : « Pas vraiment. » En revanche, elles ont lancé le signal qu’elles maintiendraient des taux bas longtemps, ce qui permet d’avoir de la visibilité pour financer les investissements et effectuer des réformes qui, parfois, peuvent avoir un effet transitoire négatif. Profitons-en. Quant à la question d’une « menace », laissez-moi soulever deux points. D’une part, les politiques macroprudentielles et la supervision doivent contrôler et corriger les risques financiers plus que la politique monétaire. D’autre part, la majorité des récessions ont été déclenchées par des hausses de taux. Mais l’économie mondiale n’est pas suffisamment solide pour que les taux remontent tant que la politique budgétaire ne reprendra pas le relais de façon structurée et significative.

Les États disposent-ils encore de marges de manœuvre budgétaires ?

Les positions varient d’un pays à l’autre. Il y a des moyens d’agir pour ceux qui ont une dette élevée : s’attaquer à la composition des dépenses et vérifier que l’argent est utilisé au mieux pour la croissance et le bien être. Trop souvent, les dépenses ont été empilées sans véritable évaluation au cours du temps et ne touchent plus ni les populations qui en ont le plus besoin, ni les investissements qui sont les plus nécessaires.

Perspectives de Croissance Allemagne : seulement +0,6 % en 2019

Perspectives de Croissance Allemagne : seulement +0,6 % en 2019

 

En raison de sa puissance industrielle et du volume de ses exportations l’Allemagne sans doute le pays européen qui souffre le plus du tassement économique mondial. La banque centrale allemande vient en effet de réviser de manière drastique ses prévisions de croissance en espérant plus désormais que 0,6% du produit intérieur brut (PIB) allemand en 2019, soit bien en dessous de sa précédente prévision d’une croissance de 1,6% donnée en décembre. La Bundesbank s’attend à ce que la croissance rebondisse à 1,2% l’an prochain, contre +1,6% attendu auparavant pour 2020.

“L’économie allemande connaît actuellement un ralentissement marqué”, a indiqué la banque centrale à l’occasion de l’actualisation bi-annuelle de ses projections. “C’est principalement dû à un ralentissement dans l’industrie, où la faible croissance des exportations se fait sentir”.

Selon des données publiées, la production industrielle et les exportations de l’Allemagne ont reculé plus que prévu en avril, reflétant les vents contraires auxquels est confronté le pays avec les tensions commerciales et les incertitudes sur le Brexit.

La banque a averti que même si elle ne s’attendait pas à un déclin plus prononcé de l’économie, les risques sur ses estimations restaient orientés à la baisse.

“Pour la croissance économique, et dans une moindre mesure, pour le taux d’inflation, ce sont les risques baissiers qui prédominent en l’état actuel des choses”.

L’inflation est toujours attendue à 1,4% cette année, mais étant donné le ralentissement économique, la hausse des prix serait plus lente qu’anticipé, a indiqué la Bundesbank.

La prévision d’inflation pour 2020 est fixée à 1,5%, contre 1,8% attendu en décembre et sous l’objectif de la Banque centrale européenne (BCE) d’inférieure mais proche de 2%.

La BCE a de nouveau repoussé l’horizon du premier relèvement de ses taux directeurs depuis la crise financière et dit qu’elle pourrait continuer de rémunérer les banques qui prêtent aux entreprises et aux ménages dans un contexte de dégradation des perspectives de croissance.

Les perspectives de l’intelligence artificielle dans les transports (Patrice Caine, PDG de Thales)

Les perspectives de l’intelligence artificielle dans les transports (Patrice Caine, PDG de Thales)

 

Une interview de Patrice Caine, PDG de Thales dans la Tribune sur les perspectives de l’intelligence artificielle dans les transports et qui ne cache pas cependant la vulnérabilité de certains systèmes

 

Quelles pourraient être les nouvelles frontières dans l’aérospatiale et le transport terrestre grâce à l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) ?
PATRICE CAINE -
 Des cas d’usage faisant appel à ces technologies peut être déployés dès à présent par les compagnies aériennes. Celles-ci sont de grandes entreprises, qui disposent d’une supply chain, de nombreux salariés, des ERP [progiciel de gestion intégrée, ndlr] et qui intensifient la numérisation de leur exploitation. Un des éléments clés de cette digitalisation est l’utilisation de l’IA. Par exemple, Thales propose d’ores et déjà de tels cas d’usage aux compagnies aériennes et aux opérateurs de transport, comme dans le cas du métro de Londres ou de Singapour, ou encore pour la SNCF ou la Deutsche Bahn. La prochaine étape sera l’utilisation de l’IA dans les avions, les trains, les métros, ou encore les voitures. La question de savoir jusqu’où on utilise l’IA est en discussion. En d’autres termes, quel degré d’autonomie vise-t-on ? Le monde du transport terrestre est un peu moins complexe que l’aérien. Pour le transport terrestre, il s’agit d’un monde à deux dimensions, voire une seule dans le cas des trains ou des métros. Donner de l’autonomie à ces objets évoluant dans un monde à une ou deux dimensions est moins complexe que dans un monde à trois dimensions comme pour un avion.

Est-ce possible aujourd’hui dans les transports terrestres ?
La technologie a bien progressé. Thales est passé du stade de laboratoire il y a deux à trois ans, à la preuve de concept, par exemple avec le métro de New York. L’automne dernier, pour la première fois, Thales a équipé une rame de métro de multiples capteurs pour lui permettre de se repérer dans l’espace sans avoir besoin de balises sur la voie ferrée. Et nous avons mis des ordinateurs dans le poste de pilotage, avec des algorithmes utilisant de l’IA, pour permettre à la rame de métro de se repérer et de prendre des décisions par elle-même face à des cas de figure imprévus. Cela a permis de voir comment la machine réagissait à un événement qui n’était pas programmé. Et cela a bien fonctionné. Il y a un vrai bénéfice économique lié à l’utilisation de ces technologies, l’économie n’est pas vraiment liée à la présence humaine ou non dans les rames de métro. D’ailleurs, dans les métros automatiques, les opérateurs de transport qui ont gardé la présence humaine, l’ont fait principalement à des fins psychologiques, car en réalité l’homme ne pilote plus ces métros. Le vrai bénéfice des trains ou des métros autonomes sera d’être encore plus efficaces, mais aussi plus économes en pouvant, par exemple, se passer de tous les équipements de positionnement à la voie, les fameuses balises ou même de la signalisation à la voie.

N’aurons-nous pas besoin de redondance pour des systèmes autonomes ?
Pour passer à l’échelle industrielle, il faut faire la démonstration que cette technologie est « safety critical ». Pour cela, on a besoin notamment de redondance, comme dans le secteur aéronautique, en utilisant par exemple deux chaînes de calcul en parallèle comme avec les radioaltimètres qui peuvent être jusqu’à trois exemplaires dans un même appareil afin d’assurer la concordance des informations. Néanmoins, dans l’aérien, c’est encore plus compliqué. Je n’irais pas jusqu’à dire que les normes « safety » [de sécurité] sont plus drastiques, mais l’environnement est différent. Les avionneurs, qui ont une vue d’ensemble du sujet, travaillent notamment sur la notion de SPO (Single Pilot Operation). La question qui se pose n’est pas d’avoir un avion sans pilote et totalement autonome, mais plutôt de passer un jour de deux pilotes humains à un seul pilote humain assisté d’un pilote à base d’intelligence artificielle.

À quel horizon les compagnies aériennes pourront-elles proposer des avions avec un seul pilote assisté par la machine et l’IA ?
C’est une question pour les constructeurs et les compagnies aériennes. Thales ne maîtrise qu’une partie de ce grand défi technologique qui concerne toute la chaîne de pilotage. De plus, ce sont des questions réglementées. C’est bien le constructeur qui dira « je sais faire ou pas », la compagnie aérienne « j’en ai besoin ou pas », et le régulateur « je certifie ou pas ».

Aujourd’hui, est-il possible de faire voler des drones autonomes ?
Est-on capable de rendre les drones autonomes ? Pas encore. Mais cela est imaginable à l’avenir. Là encore, il faudra que tout cela soit conforme aux règles de sécurité. Aujourd’hui, un drone non piloté est automatique et non pas autonome : il fait juste ce qu’on lui a demandé de faire avant qu’il décolle, typiquement en lui indiquant les coordonnées GPS pour définir un parcours à suivre. Ceci rend son pilotage automatique, mais pas autonome.

Du point de vue de Thales, l’IA est-elle déjà mature pour des applications dans le monde réel ?
La technologie est mature pour tout un tas d’application et de cas d’usage. La question est de savoir à quel rythme les clients seront prêts à l’utiliser dans les systèmes, et à quelle vitesse les clients et les utilisateurs seront prêts à l’accepter. Par exemple, pour les compagnies aériennes, le passager peut se poser légitimement la question de la sécurité. Autre exemple, en matière de défense se posent des questions de responsabilité, d’éthique voire de morale. Pour autant, il y a des sujets qui ne posent pas vraiment de problème éthique : c’est le cas de l’auto-apprentissage, une forme d’autonomie-amont, qui permet aux objets d’apprendre par eux-mêmes. C’est le cas des capteurs en général, par exemple les radars, les sonars, ou tout autre capteur électronique, qui peuvent acquérir une autonomie en matière d’apprentissage. La technologie est mature, et Thales est capable d’en faire bénéficier les systèmes qu’il développe dès lors que les questions de responsabilité et d’acceptabilité sociétale, éthique ou morale sont réunies.

Quel est le marché de l’IA dans l’aérospatial ?
L’IA n’est pas un produit ou un marché, c’est une technologie qui permet de créer de la différentiation. Cela permet de faire de l’avionique, des systèmes de contrôle aérien, avec des services supplémentaires plus efficaces et plus intelligents. On ne vend pas de l’IA à proprement parler, on l’embarque dans nos produits ou solutions pour en décupler les capacités. En matière de services de cybersécurité, quand on injecte des algorithmes IA dans les sondes de supervision des réseaux informatiques, on vend toujours des sondes, mais elles sont encore plus performantes grâce à l’IA.

Peut-on ou pourra-t-on certifier l’IA ? Et donc contrôler l’IA ?
C’est une question très sérieuse sur laquelle nous travaillons. Nous sommes pour le moment à une étape intermédiaire, à savoir la mise au point de l’IA explicable. Aujourd’hui, la branche de l’IA qui repose sur l’apprentissage par les données [data based AI] fait appel essentiellement au machine learning ; c’est une IA dite « boîte noire ». On ne saura jamais expliquer pourquoi elle arrive au résultat, mais on constate que ce résultat est exact dans 99,99 % des cas. C’est le cas de la reconnaissance faciale. Mais lorsqu’il lui arrive de se tromper, on ne sait pas l’expliquer. La première étape pour arriver à une IA explicable fera très vraisemblablement appel à de l’IA à base d’apprentissage par les données et à de l’IA à base d’apprentissage par les modèles. Cette hybridation de ces deux types d’IA devrait permettre de produire des algorithmes permettant d’expliquer les résultats de l’IA. On y travaille et on a bon espoir d’y arriver. La deuxième étape, c’est l’IA certifiable. Les grands experts disent que cela prendra sans doute des années et qu’on n’est pas sûr d’y arriver, mais on cherche. Si on y arrive, on pourra l’utiliser de manière plus extensive. Et la plupart des réticences seront levées. On sera dans un autre univers. Enfin, contrôler l’IA, c’est encore autre chose. L’IA produit un résultat. Ce qu’on en fait derrière peut se faire de manière automatique ou en gardant le contrôle.

Est-il possible de développer un cloud souverain à l’échelle de la France ou de l’Europe ?
Dans le champ des technologies numériques, Thales est utilisateur du cloud et pas un fournisseur de cloud en tant que tel. On constate qu’il y a des solutions particulièrement efficaces comme Azure de Microsoft ou AWS d’Amazon. Ces produits mettent à disposition des micro-services, des composants logiciels, qui permettent aux développeurs qui les utilisent d’aller plus vite pour créer leurs propres applications. Le cloud est devenu un élément important de compétitivité et d’efficacité pour les équipes d’ingénierie afin de gagner en temps dans leurs développements. Il sera sans doute très difficile pour des acteurs différents de ceux cités de fournir autant de micro-services. Toutes les semaines Azure et AWS mettent à jour leurs micro-services en en proposant de meilleurs et en y ajoutant de nouveaux.

Mais comment peut-on se protéger de lois extraterritoriales américaines comme le Cloud Act ?
Pour nos activités, on utilise soit du cloud public, soit du cloud privé ou encore nos propres data centers selon la sensibilité des applications et des données. Mais Thales est surtout fournisseur de solutions pour tous ceux qui veulent utiliser le cloud tout en protégeant leurs données. Par exemple, on va systématiquement chiffrer les données avant qu’elles soient stockées dans le Cloud et offrir un service de type « Bring your own key », permettant de créer des clés d’accès personnalisées. La plupart des industriels, qui offrent des services de cloud, proposent des « packages » pour s’occuper de tout : hébergement des données et chiffrage de celles-ci. Cela marche bien pour les industriels qui n’ont pas de sujets de confidentialité. Mais pour les acteurs qui veulent dissocier fournisseur d’hébergement et fournisseur de chiffrement pour des raisons de sécurité et de confidentialité ou d’autres raisons, il est possible de le faire. Thales propose des offres de protection des données en complément des services des hébergeurs de données dans le cloud. Est-ce possible d’avoir un cloud souverain ? Oui, c’est possible pour l’hébergement, mais il sera difficile de rattraper le niveau des acteurs américains quant aux micro-services associés, leur avance dans ce domaine est considérable.

L’affaire Huawei est-elle le début d’une guerre froide technologique ?
D’une façon générale, il s’est ouvert dans le monde de nouveaux champs de confrontation : après les champs de confrontation classiques, militaires ou diplomatiques, on observe de plus en plus une confrontation technologique. Les puissances cherchent à asseoir une domination, qui n’est plus aujourd’hui que militaire et diplomatique. Il y a aussi une course à l’armement sur le terrain technologique qui répond à une logique de puissance. Mais cela n’a-t-il pas toujours été le cas dans l’histoire ? L’invention de la roue n’a-t-elle pas permis de récolter davantage et donc de nourrir plus de personnes et d’avoir des nations plus nombreuses ? Aujourd’hui, le champ des confrontations englobe sans complexe les aspects industriels et technologiques.

De façon plus générale, faut-il craindre un cyber-Pearl Harbor ?
Personne ne le sait avec certitude mais autant s’y préparer. À notre niveau, nous faisons tout pour protéger nos clients et notre entreprise, mais il faut rester modeste. Tous les grands groupes sont attaqués quotidiennement. Il y a derrière les attaques informatiques des intérêts, qui ne sont pas uniquement économiques. On se prépare à toutes les éventualités. Mais la créativité étant sans limite, c’est un combat de tous les instants. Ceci dit, ce type de menace représente également une opportunité et un marché pour Thales. Nous aidons nos clients, les États ou les OIV [Opérateurs d'importance vitale] sur ces questions de cyberprotection. Thales se spécialise plutôt sur les solutions et les produits sachant que les clients font appel aujourd’hui à deux types d’acteurs : ceux axés sur le pur conseil et ceux axés sur les solutions.

Est-on arrivé à une vraie prise de conscience de la menace cyber ?
Le monde économique en parle de plus en plus, mais tous les acteurs n’ont pas encore mené des actions concrètes. Il y a encore un écart entre intention et action, car cela requiert des moyens, mais le sujet n’est plus ignoré. Un cap sera franchi lorsque tous les acteurs investiront suffisamment pour se protéger.

La généralisation de l’Internet des objets (IoT) augmente-t-elle les risques ?
L’IoT est un démultiplicateur du champ des possibles, mais aussi une source additionnelle de vulnérabilité. Pour Thales, c’est un champ de questionnements en interne, et d’opportunités de marché en externe. Dans notre analyse des marchés, le fait de connecter des objets à haute valeur ajoutée, comme des trains, des avions, des voitures, implique une exigence de sécurisation élevée. C’est dans ce domaine que Gemalto va nous apporter des technologies que nous n’avions pas. Cela aurait été un non-sens de vouloir les développer par nous-mêmes. Gemalto sait identifier les objets de manière très sécurisée et sait les gérer, c’est-à-dire les activer et les configurer de manière hautement sécurisée. Il propose des plateformes capables de gérer des millions d’objets de manière hautement sécurisée quant à leur identité numérique. Thales fait le reste, notamment l’exploitation et la gestion des données de mission.

L’acquisition de Gemalto par Thales amène certains observateurs à se demander si Thales va rester dans la défense. Que leur répondez-vous ?
Thales réalise 8 milliards d’euros dans la défense, sur un chiffre d’affaires total de 19 milliards en incluant l’acquisition de Gemalto – 16 milliards avant. Déduire de l’acquisition de Gemalto qu’on se désintéresse du militaire est un non-sens total. Si demain nous avions des opportunités de croissance externe dans la défense, nous les regarderions. Il y a des cycles, et en ce moment on avance plus vite en matière d’acquisition dans nos métiers civils. Mais je tiens à cette dualité défense-­civil. Il faut reconnaître que les acquisitions en matière de défense se font dans un domaine contraint, où on a besoin d’accords qui vont au-delà de celui du conseil d’administration de Thales. De mon point de vue, l’Europe de la défense ne pourra se faire que s’il y a, à un moment donné, une consolidation industrielle. Imaginer qu’on puisse le faire uniquement par de la coopération n’est pas suffisant sur le long terme. Cela renvoie à l’envie des États de pousser ou d’accompagner ce type de consolidation industrielle. Force est de constater que depuis la création d’EADS, il n’y a pas eu de très grande consolidation dans la défense.

Thales est concurrent de Naval Group, dont il est actionnaire, de MBDA dans les missiles et de Safran dans l’optronique. N’y a-t-il pas des rectifications de frontière qui s’imposent ?
Il y a tellement à faire dans le naval, un secteur où on est à la fois concepteur de senseurs/capteurs, de radars, de sonars ainsi que de CMS [Combat Management Systems] avec nos activités aux Pays-Bas. Mais nous ne sommes pas maître d’œuvre, ni plateformiste. Sur les 8 milliards d’euros d’activité que nous réalisons dans le secteur de la défense, il y a déjà énormément de projets à lancer pour améliorer ce que nous faisons déjà avant d’entamer autre chose. Thales a des activités historiques qui sont le fruit de l’héritage du groupe, comme son activité missilière à Belfast. Elle découle d’une volonté politique du Royaume-Uni. Le fait de produire des véhicules blindés en Australie est également le résultat de la volonté du gouvernement australien d’avoir ses activités hébergées par un acteur de confiance comme Thales. Notre groupe est un jardin mixte, à la française et à l’anglaise.

Thales va-t-il rester actionnaire de Naval Group ?
Oui, absolument. Nous avons apporté, à l’époque, notre activité
de CMS à Naval Group afin de consolider et renforcer l’équipe de France du naval. Devenir actionnaire de Naval Group a été, pour nous, à la fois une opération industrielle et un mouvement stratégique longuement réfléchis. Nous avons donc une stratégie de long terme avec Naval Group dans le cadre d’un partenariat industriel, technologique et capitalistique.

Quelle sera la feuille de route du nouveau président de Naval Group ?
Elle sera bien évidemment à définir avec l’État. Il faut trouver un PDG qui écrive la suite de l’histoire de Naval Group pour les dix prochaines années et qui puisse donc s’inscrire dans la durée.

Concernant les exportations, trop de compliances [règles de conformité anti-corruption] ne tuent-elles pas le business ?
Il y a des règles, il faut les appliquer, un point c’est tout. Si on les respecte, on fait du business dans certains pays ou pas. Quand on ne parvient pas à faire du business dans certains pays en respectant les règles, tant pis pour nous…

Pour Thales, le spatial reste-t-il une activité cœur de métier ?
Le spatial est au cœur de nos métiers et représente une activité importante chez Thales : Thales Alenia Space réalise environ 2,5 milliards de chiffre d’affaires. Avec Telespazio, le groupe affiche un chiffre d’affaires d’environ 3 milliards d’euros dans le spatial. Ce n’est donc pas une activité accessoire et dans ce domaine d’activité, nous avons de nombreux projets passionnants à réaliser, des projets créateurs de valeur, bien sûr. Le fait que cette activité soit au cœur de Thales n’empêche pas de travailler ou de coopérer avec d’autres acteurs. La meilleure façon de répondre à un marché exigeant comme celui du spatial, a fortiori lorsqu’un tel marché est difficile et où certains acteurs renoncent, c’est de chercher à travailler de manière pragmatique avec son écosystème. D’une façon générale, nous avons une analyse lucide quelle que soit l’activité concernée. Si nous avons la conviction que nous sommes les mieux placés pour développer telle ou telle activité, nous la développons et nous y investissons de façon significative.

Quelle serait votre position si l’État proposait une consolidation dans le spatial entre Thales et Airbus ?
Comme vous le savez, je ne commente jamais de tels sujets. Ce n’est pas parce que le marché est difficile pour tout le monde en ce moment qu’il faut immédiatement se poser une telle question.

Les géants américains ont des projets pour aller sur Mars, contrairement aux groupes européens. Ne manque-t-il pas des projets emblématiques en Europe pour entraîner le grand public ?
On est déjà allé sur Mars avec ExoMars en 2015. L’ESA l’a fait. L’Europe, qui a été capable de créer l’Agence spatiale européenne (ESA), consacre des sommes importantes à l’espace. La question que l’Europe doit se poser est : comment maintenir une industrie aérospatiale au plus haut niveau capable de rivaliser avec la Chine et les États-Unis ? Aujourd’hui, c’est encore le cas. Par exemple, les Chinois sont encore demandeurs de coopérer avec les Européens : c’est le signe qu’ils ne maîtrisent pas encore tout par eux-mêmes. Quant à la question de l’incarnation en Europe du rêve de la conquête spatiale, peut-être manque-t-on effectivement de fortes personnalités emblématiques, comme Elon Musk ou Jeff Bezos aux États-Unis ?

Pourquoi l’Europe ne veut pas dire qu’elle veut aller coloniser Mars ?
Le spatial est un secteur qui concerne aussi bien la science que le commercial. Aller sur Mars relève difficilement d’une logique de business plan, et les clients, ou candidats au voyage, ne semblent pas très nombreux. C’est peut-être important d’aller explorer ou coloniser Mars, mais ceci relève de la mission scientifique ; ce n’est pas un business pour un acteur industriel comme Thales. Peut-être a-t-on un discours trop réaliste ? Les entrepreneurs qui annoncent vouloir le faire, le font avec leur argent et ils assument leurs rêves. Force est de constater qu’en Europe, nous n’avons pas bénéficié de l’émergence d’entrepreneurs milliardaires emblématiques du numérique.

La France est sur le point de changer de doctrine dans l’espace. Quelle est votre analyse sur ce champ de confrontations ?
Nous avons soumis des idées au ministère des Armées, par exemple dans le domaine de la surveillance de l’espace depuis l’espace [SSA, Space Situational Awarness]. Nous pouvons aider notre pays et l’Europe, à se doter de capacités nouvelles au service de notre défense autonome des capacités tierces. Maintenant, c’est une décision qui appartient au pouvoir politique. Ce qui est relativement nouveau, c’est que l’espace est en train de devenir, voire est devenu, un champ de confrontations assumé, là où il ne l’était pas, ou l’était mais de manière non assumée. Un peu à l’instar de ce qui s’est passé dans le cyberespace où, avant la loi de programmation militaire du précédant quinquennat, la France ne reconnaissait pas l’attaque dans ce domaine. Depuis celle-ci, la France s’est donné la possibilité de se défendre, mais aussi d’attaquer dans le cyber­espace. Les responsables politiques assument qu’il y ait une menace et une stratégie aussi bien défensive qu’offensive.

Comment voyez-vous Thales dans dix ans ?
D’ici à trois ans, j’ai envie de poursuivre tout ce qui a été lancé : consolider Gemalto, intégrer de plus en plus de technologies pour créer de nouveaux différenciateurs et de nouvelles innovations pour nos clients. Au-delà de cette période, il s’agira de continuer de trouver des technologies de rupture pour offrir à nos clients, à nos équipes et à nos actionnaires des perspectives passionnantes au-delà de la décennie pour faire de Thales un laboratoire du monde de demain, axé sur la recherche du progrès pour tous.

Avez-vous des projets qui vous font rêver ?
Oui, et ils sont nombreux. Par exemple, le laser de haute puissance ouvre des champs fantastiques. La question, au-delà de la technologie mise au point pour ce projet ELI-NP [Extreme Light Infrastructure for Nuclear Physics] qui nous a permis de battre un record mondial avec l’émission d’une puissance incroyable de 10 pétawatt [10 millions de milliards de watts], est de savoir s’il va créer du business ou si cet outil restera un outil scientifique. Potentiellement, les applications font rêver : l’une d’elles permettrait de réduire la période de vie des éléments radioactifs. Mais ce champ d’application et de business s’adresse aux acteurs comme EDF, pas à Thales.

Autre projet à dix ans : comment va-t-on utiliser les propriétés quantiques de la matière pour ouvrir de nouveaux champs d’application ?
Le champ d’application de ces propriétés est quasiment sans limite. Nous avons communiqué sur l’utilisation de la « spintronique » [technique qui exploite la propriété quantique du spin des électrons] pour mettre au point des nano­synapses, des nano-neurones avec pour objectif final de faire baisser d’un facteur 10 ou 100 la consommation électrique des supercalculateurs. Si nous y arrivons, nous pourrons transformer l’industrie informatique et des supercalculateurs ainsi que l’utilisation de l’IA, qui est fortement consommatrice en puissance de calcul et donc très énergivore. Mais on se doit encore de rester modeste. Autre champ à l’étude sur lequel Thales a commencé à travailler : les senseurs quantiques, secteur où on peut être capable d’améliorer d’un facteur 10 à 100 - ce qui est colossal pour l’industrie - les précisions de mesure du champ magnétique, de la gravité, du champ électrique, etc. Cela ouvre des champs d’application qui sont totalement disruptifs.

Quelles peuvent être les applications de cette technologie ?
Imaginez un avion qui décollerait de Paris pour atterrir à l’aéroport de New York- JFK et perdrait ses repères extérieurs. Avec les technologies actuelles, il arriverait à destination avec une précision de 2 kilomètres. Grâce à ces technologies utilisant les propriétés quantiques de la matière, il y parviendrait avec une précision de 20 mètres, ce qui lui permettrait de se poser sur la piste. On raisonne beaucoup défense, aéronautique, mais pour autant, l’utilisation de ces capteurs quantiques ouvre des possibilités fantastiques, notamment dans la connaissance et l’exploitation du sol et du sous-sol. On va pouvoir mesurer et détecter ce qui ne peut pas l’être par la sismique classique ou l’observation depuis le ciel ou l’espace. Par exemple, dans la défense, cela permettrait de détecter des mines sous l’eau et, in fine, de mettre l’homme en sécurité.

Ces capteurs quantiques pourraient augmenter la résilience des avions, qui auraient fait l’objet d’un brouillage du GPS ou de Galileo ?
Bien sûr, c’est un gain en précision mais aussi en résilience. Un avion pourrait devenir autonome, sans s’appuyer sur des moyens extérieurs de navigation, potentiellement vulnérables. Brouiller un signal GPS, c’est presque à la portée de tout le monde. On peut imaginer des avions dotés des capteurs quantiques pour disposer de capacités autonomes, leur permettant de se guider indépendamment du GPS. Nous travaillons aussi sur le champ des communications quantiques. C’est de la recherche-amont mais qui nous projette dans le futur au-delà de la décennie.

À quel horizon ce champ de recherches peut-il devenir un champ applicatif ?
Année après année, nous franchissons des étapes qui nous confortent dans nos choix. On a déjà fait des mesures dans nos laboratoires. Cela fonctionne dans le cadre de manipulations de labo, car on est sur des TRL [Technology Readiness Level] très bas en termes de maturité. C’est au moins à cinq ans, voire dix ans, mais aujourd’hui nous avons des pans entiers de la science qui permettent d’entrevoir des applications dans le champ industriel et économique.

Croissance Chine : ralentissement et mauvaises perspectives

Croissance Chine : ralentissement  et mauvaises perspectives

 

 

Tassement de la croissance mais surtout baisse nette des échanges internationaux. La hausse du PIB a été de +6,6%, au dessus de l’objectif de +6,5% que s’était fixé le gouvernement et conforme à la prévision médiane de 13 analystes interrogés par l’AFP. Cette croissance annuelle, bien que proche de celle de 2016 (+6,7%), est la plus faible depuis la très mauvaise année 1990 (+3,9%) à laquelle avaient ensuite succédé des années de croissance à deux chiffres ou quasiment. Pour les échanges,  enregistre bon solde en 2018 mais c’est le résultat d’une forte baisse des imports plus importante que le recul des exports ; La tendance devrait encore être mauvaise jusqu’au moins la moitié de l’année 2019. Des chiffres qui traduisent le tassement de l’économie mondiale qui pourrait flirter avec la récession. Les exportations de Chine ont reculé de 4,4% sur un an au mois de décembre, leur plus forte baisse depuis deux ans, face à une baisse de la demande sur ses grands marchés, alors que les analystes interrogés par Reuters anticipaient une hausse de 3%. Les importations chinoises ont elles aussi nettement ralenti, à 7,6% en rythme annuel, leur plus forte baisse depuis juillet 2016, alors que les analystes s’attendaient à une progression de 5%. »La croissance des exportations a diminué plus que prévu avec le ralentissement de la demande mondiale et l’impact de l’augmentation des droits de douanes américains. La croissance des importations a, elle, aussi fortement baissé en raison d’un ralentissement de la demande intérieure. Nous nous attendons à ce que les deux restent faibles dans les prochains trimestres », écrit Capital Economics dans une note. »Sachant qu’il est peu probable que la politique d’assouplissement monétaire freine la baisse de l’activité économique du pays avant le second semestre, la croissance des importations devrait rester morose. »L’excédent commercial chinois s’est établi à 57,06 milliards de dollars (49,75 milliards d’euros) le mois dernier, contre 44,71 milliards de dollars en novembre et alors que les analystes attendaient un excédent de 51,53 milliards. L’excédent commercial avec les Etats-Unis, à l’origine de la guerre commerciale entre les deux pays, s’est réduit en décembre, à 29,87 milliards de dollars contre 35,54 milliards en novembre, mais il a augmenté de 17,2% sur l’ensemble de l’année 2018, à 323,32 milliards de dollars, son plus haut niveau depuis 2006. .

Croissance Chine : mauvais résultats et mauvaises perspectives

Croissance Chine : mauvais résultats et mauvaises perspectives

 

Un bon solde en 2018 mais c’est le résultat d’une forte baisse des imports plus importante que le recul des exports ; La tendance devrait encore être mauvaise jusqu’au moins la moitié de l’année 2019. Des chiffres qui traduisent le tassement de l’économie mondiale qui pourrait flirter avec la récession. Les exportations de Chine ont reculé de 4,4% sur un an au mois de décembre, leur plus forte baisse depuis deux ans, face à une baisse de la demande sur ses grands marchés, alors que les analystes interrogés par Reuters anticipaient une hausse de 3%. Les importations chinoises ont elles aussi nettement ralenti, à 7,6% en rythme annuel, leur plus forte baisse depuis juillet 2016, alors que les analystes s’attendaient à une progression de 5%. »La croissance des exportations a diminué plus que prévu avec le ralentissement de la demande mondiale et l’impact de l’augmentation des droits de douanes américains. La croissance des importations a elle aussi fortement baissé en raison d’un ralentissement de la demande intérieure. Nous nous attendons à ce que les deux restent faibles dans les prochains trimestres », écrit Capital Economics dans une note. »Sachant qu’il est peu probable que la politique d’assouplissement monétaire freine la baisse de l’activité économique du pays avant le second semestre, la croissance des importations devrait rester morose. »L’excédent commercial chinois s’est établi à 57,06 milliards de dollars (49,75 milliards d’euros) le mois dernier, contre 44,71 milliards de dollars en novembre et alors que les analystes attendaient un excédent de 51,53 milliards. L’excédent commercial avec les Etats-Unis, à l’origine de la guerre commerciale entre les deux pays, s’est réduit en décembre, à 29,87 milliards de dollars contre 35,54 milliards en novembre, mais il a augmenté de 17,2% sur l’ensemble de l’année 2018, à 323,32 milliards de dollars, son plus haut niveau depuis 2006. .

Les GAFA : enjeux et perspectives pour l’Europe

Les GAFA : enjeux et perspectives pour l’Europe

Jean-Charles Simon, président de Stacian, candidat à la présidence du Medef. évoque les enjeux des grandes plateformes numériques et les réponses possibles de l’Europe dans un article de la Tribune

« Nous vivons une époque formidable. En tout cas, c’est la promesse que nous distillent plus ou moins explicitement les géants du numérique. Grâce à leurs services, nous aurions des possibilités fabuleuses et inégalées d’accès à des connaissances, des prestations, des biens ou des interactions. Le plus extraordinaire, c’est qu’un grand nombre de ces services sont gratuits pour leurs usagers. Ils peuvent servir à nous mettre en relation avec des fournisseurs de biens et services payants, mais, là aussi, leur intermédiation est en apparence gratuite, et ils prétendent même contribuer à proposer les meilleurs prix pour ces produits et services distribués. Pourtant, jamais la critique sur ces entreprises n’a été aussi forte et l’inquiétude qu’elles inspirent aussi grande. C’est d’ailleurs un sujet assez global, si on excepte la partie de l’Asie sous influence chinoise dominée par ses propres géants, les BATX. Les tribunes et les déclarations se multiplient au sujet des problématiques de monopoles, d’évasion fiscale, de dommages économiques collatéraux, d’atteinte aux données individuelles et même à la démocratie. Toutes ces analyses ont des fondements sérieux, et les rejeter comme la marque d’une jalousie de perdants européens ou de technophobes ringards est, au mieux, puéril. Ce serait d’ailleurs ignorer que les critiques parmi les plus virulentes viennent aujourd’hui des Etats-Unis et d’une partie du monde de la technologie. Les réponses aux défis soulevés par ces géants et leurs écosystèmes n’ont en revanche rien d’évident. Car il ne doit s’agir ni de freiner l’innovation, un bien supérieur pour tous, ni de limiter les bénéfices que les consommateurs et les citoyens retirent de nombreux services en ligne. Et il serait funeste de céder à des tentations autoritaires là où, au contraire, nous devons rester guidés par des principes, et notamment la liberté d’entreprendre, une valeur cardinale. La situation de domination américaine à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés n’était pas forcément prévisible il y a vingt ans. Certes, Microsoft et Apple régnaient déjà sur les systèmes d’exploitation dans la micro-informatique. Dans les équipements télécoms, les géants étaient en grande partie européens, comme Nokia et Ericsson. Mais, depuis, les fabricants asiatiques ont tout balayé sur leur passage dans ce domaine (y compris des américains comme Motorola), à l’exception d’Apple qui a réussi un tour de force en s’appuyant sur un écosystème exceptionnel… et totalement fermé. Côté plateformes et outils, les géants sont américains, mais ils l’étaient déjà à l’origine : la première génération des MySpace, Yahoo, Napster ou Altavista a simplement été emportée. Cette domination assurée par Facebook, Amazon, Google ou Netflix (les « FANG » de la tech, distingués des « MAN » – Microsoft, Apple et Nvidia du hard/software) ne vient pas de nulle part. Les Etats-Unis ont depuis toujours un extraordinaire écosystème autour de l’informatique et de l’électronique, mêlant excellence universitaire mondiale, capitaux privés surabondants, marchés financiers puissants et commandes publiques et militaires considérables. Il a évidemment entraîné les acteurs du web à sa naissance, lui-même réseau d’origine américaine. Un facteur majeur explique aussi cette concentration aux Etats-Unis : n’en déplaisent aux admirateurs de la construction européenne, le marché unique européen n’existe toujours pas dans les faits. Là où une startup américaine dispose immédiatement d’un marché totalement unifié de près de 350 millions de consommateurs au pouvoir d’achat moyen très élevé, son homologue européenne va ramer sur un marché national bien plus petit avant d’espérer répliquer son éventuelle réussite pas à pas dans les autres pays européens, chacun avec leurs spécificités culturelles et réglementaires, et sans disposer d’une base aussi large et de son levier. Ajoutons que le règne de l’anglais, des normes des affaires et de la puissance globale des investisseurs américains facilite également un déploiement rapide hors des Etats-Unis dans beaucoup de pays du monde, anglophones de fait, et très ouverts aux investissements américains. Dans ce qui était une course évidente à la taille de par la nature même des effets de réseaux, il n’est donc guère étonnant que la domination américaine hors de Chine soit si impressionnante. Le principal atout de l’Europe dans la situation actuelle n’est donc pas sa base d’entreprises de la tech, mais bien davantage ce qu’elle représente comme marché de consommateurs aisés, et peut-être plus encore, de centres de profits pour ces géants de la tech. Nous ne brillons pas comme producteurs dans ces activités, mais nous sommes, en niveau de développement économique et de pénétration des technologies, des clients très recherchés et parfois vitaux. C’est bien de cela, de nos principes juridiques et de nos valeurs, qu’il faut se servir pour répondre aux défis des mastodontes de la technologie. Au moins trois sujets majeurs doivent être traités sous l’angle de l’approche du bien-être global évoquée plus avant : la fiscalité, la concurrence et les données personnelles.

> La fiscalité est peut-être le sujet le plus fréquemment et globalement débattu, et celui pour lequel les solutions seraient a priori les plus simples dans un univers européen coopératif. Aujourd’hui, la facturation de services en ligne et les mécanismes d’érosion de bases fiscales, comme le versement de redevances, conduisent à faire échapper une large partie des profits réalisés par ces géants à l’imposition qui serait due s’ils étaient totalement localisés dans les pays où ils sont générés. C’est évidemment un problème d’équité majeur.

Pour autant, rien ne serait plus dangereux que des fausses solutions déniant nos valeurs fondamentales. A ce titre, la proposition d’une taxation de, par exemple, 3% du chiffre d’affaires des grandes entreprises numériques est néfaste, car la fiscalité doit autant que possible répondre à des règles claires : la capacité contributive ou la consommation effective de services publics. Taxer le chiffre d’affaires dans un seul secteur – alors même que les problématiques de prix de transferts et d’érosion de la base fiscale existent dans bien d’autres – n’est pas sain, même de manière temporaire, même en ciblant les seules « grandes » entreprises. Les suggestions d’une taxation selon le pays d’origine seraient encore pires, probablement contraires à notre droit et de nature à aiguiser les tentations protectionnistes, au détriment in fine de tout le monde.

Deux pistes paraissent en revanche s’imposer et pourraient d’ailleurs être complémentaires. La première, purement nationale et donc très facile à mettre en place, est celle d’une fiscalité pénalisante en cas de montage pouvant être caractérisé comme artificiel. C’est ce que le Royaume-Uni a mis en place (diverted profits tax), l’objectif étant principalement dissuasif afin de pousser les entreprises concernées à acquitter l’impôt sur les sociétés au taux normal plutôt que de chercher à réduire leur profit imposable de manière contestable et d’en être pénalisé par la suite.

Mais l’essentiel est ailleurs, dans les travaux de l’OCDE (BEPS) ou de la Commission européenne (Accis), avec l’objectif d’harmoniser les bases d’imposition et en particulier de définir ce que serait un « établissement stable numérique », en référence à la notion fiscale classique d’établissement stable physique. Avec l’identification de cette empreinte numérique et sa taxation locale évidemment déductible en aval au sein d’un groupe dans un autre pays, une véritable équité fiscale est possible. L’écueil principal est évidemment aujourd’hui la coordination des pays concernés et notamment la capacité qu’auraient certains petits pays européens de rejeter une règle qui pourrait leur retirer une partie de leur avantage comparatif. C’est la responsabilité des grands pays européens de mener à bien au plus vite cette offensive, l’unanimité en matière fiscale ne pouvant faire durablement obstacle à une règle raisonnable qui viserait d’ailleurs surtout les pays non européens. Quitte à manier la menace d’une révision des traités.

> Le sujet de la concurrence est encore bien plus important que celui de la fiscalité. Car l’anomalie des géants de la tech est aujourd’hui d’abord leur niveau de rentabilité. S’il y a un vrai sujet d’imposition des profits, c’est d’abord et avant tout parce que ces profits sont absolument colossaux. Qu’ils ne semblent ni temporaires ni décroissants. Et parce qu’une part toujours plus grande des marges d’écosystèmes entiers semble absorbée par ces nouveaux empires.

Apple, Alphabet, Microsoft dégagent des EBIT de plus de 20% de leur chiffre d’affaires, Facebook de plus de 50%. En 2017, ces quatre entreprises ont dégagé environ 135 milliards de dollars d’EBIT, plus que le CAC 40 ! Et le niveau de leurs actifs financiers nets d’endettement est encore plus impressionnant, près de 130 milliards de dollars pour Apple, 100 milliards pour Google, plusieurs dizaines de milliards pour Microsoft ou Facebook… L’illustration qu’une grande part de leurs profits gigantesques n’ont même pas besoin d’être réutilisés pour maintenir leur position dominante, et qu’ils sont au contraire largement inemployés au sens productif.

La concentration des profits s’observe sur plusieurs segments, comme pour Apple sur les smartphones, malgré une part de marché limitée, mais grâce à l’absence totale de concurrence sous iOS, là où les fabricants sous Android sont légion. Google et Facebook apparaissent quant à eux comme les véritables trous noirs de la publicité numérique, dont ils absorbent une part gigantesque de la valeur. Des pratiques anticoncurrentielles sont par ailleurs régulièrement mises en évidence, comme par exemple la façon dont Google a défavorisé les comparateurs de prix concurrents de son outil. Après une longue procédure à ce sujet, la Commission européenne a infligé l’an dernier une lourde amende au moteur de recherche, qui en a fait appel. Mais des éditeurs, des médias, des détenteurs de droits de propriété intellectuelle ou artistique, des acteurs du tourisme et d’autres se plaignent également des pratiques de ces deux géants ou d’autres plateformes. Par ailleurs, les effets globaux de la concentration, dans la tech mais aussi dans le reste des économies comme celle des Etats-Unis, sont mis en exergue pour expliquer un taux d’entrée de nouvelles entreprises sur les marchés au plus bas, ou encore le faible niveau des investissements. Contrairement à une idée populaire, le processus de destruction créatrice serait particulièrement faible aujourd’hui, avec un impact sur la tendance baissière des gains de productivité et une croissance finalement modeste pour ce qui apparaît être un haut de cycle. Alors que le débat sur ces acteurs allant jusqu’au démantèlement fait rage y compris aux Etats-Unis, avec de nombreuses comparaisons sur les cas les plus célèbres de l’antitrust américain comme la Standard Oil ou ATT, la difficulté tient bien entendu aux lourdeurs propres au respect du droit, à l’absence de coopération internationale et plus encore à la définition des mesures qui permettent de remédier de manière effective aux entraves à la concurrence. Aujourd’hui, avec des moyens parfois déséquilibrés par rapport aux entreprises concernées, c’est l’Union européenne qui est en pointe dans la chasse aux abus de position dominante. Même si ces procédures sont longues et leurs résultats parfois décevants, elle doit redoubler d’efforts en la matière. La critique faite à l’Europe d’empêcher l’émergence de ses champions en s’arcboutant sur le droit de la concurrence n’est pas recevable, car il ne doit pas être question de céder sur ce qui apporte le meilleur en matière de dynamisme économique, d’innovation et de valeur pour le consommateur. En revanche, l’Europe peut être beaucoup plus agressive sur ces questions à l’égard des autres zones économiques qui laissent se constituer des monopoles. S’il faut rester neutre en matière fiscale ou normative, il est bien normal de prendre en compte les biais en matière de concurrence dont bénéficieraient ceux qui ne sont pas encadrés à ce sujet selon nos standards dans leurs pays d’origine. Cela vaut notamment pour les acquisitions d’entreprises européennes, quitte à déplaire aux investisseurs qui souhaitent faciliter leur sortie de nos start-up : l’Europe devrait s’opposer à des acquisitions par des acteurs externes dont la position devient trop forte à l’échelle mondiale. Elle peut aussi être plus dure à leur égard dans l’analyse de pratiques anticoncurrentielles. Et elle doit faire de la lutte contre les positions dominantes un enjeu diplomatique de premier plan, notamment dans le dialogue transatlantique.

Pour finir, la question des données personnelles est devenue un autre débat majeur autour des GAFA, notamment avec l’affaire liant Facebook et Cambridge Analytica. Beaucoup de propositions et de débats ont eu lieu ces dernières années, avec une réelle créativité, sur la manière d’organiser l’utilisation des données personnelles. Au moins trois voies s’opposent : une forme de statu quo autour du consentement au libre usage des données personnelles dès la connexion à un service en ligne de type plateforme ; la marchandisation des données personnelles, qui deviendraient une propriété cessible par chacun ; la régulation de l’usage par des droits nouveaux en faveur des individus. C’est la voie européenne à ce jour, avec le RGPD et peut-être bientôt la directive ePrivacy. Une voie que la France avait en partie anticipé avec sa loi « Informatique et libertés » de 1978, qui avait notamment donné naissance à la Cnil. L’Europe est parfois accusée de mettre en place des régulations trop dures pour ses propres petites entreprises et, au moins de manière relative, plus douces avec les géants du web. Certains vont jusqu’à plaider pour une régulation différenciée selon l’origine géographique de l’entreprise concernée, ce qui paraît comme en matière fiscale discriminatoire et injustifié. L’argument de la taille est plus recevable, mais les textes européens font déjà certaines différences. Surtout, ils ont la bonne idée d’avoir une visée extraterritoriale – peu importe où se trouve l’entreprise collectant les données – et de prévoir des amendes en proportion du chiffre d’affaires mondial, ce qui devrait être dissuasif pour les plus grands acteurs. En fait, les critiques de ces initiatives en Europe viennent surtout de l’écosystème de la publicité ciblée. Or, au-delà du sort des modèles économiques concernés, y a-t-il un réel préjudice pour la société à limiter les capacités de ces entreprises, surtout si leurs externalités négatives sont avérées ? Si on part de l’importance majeure pour chacun de pouvoir mettre à l’abri ses données personnelles et surtout les plus sensibles, si l’on s’accorde sur le fait qu’il s’agit effectivement d’un bien supérieur, alors il est bien légitime d’accorder une protection renforcée à ces données. Plutôt qu’une improbable commercialisation de celles-ci dont on peine (malgré des travaux très sérieux menés à ce sujet) à apprécier la mise en œuvre concrète et surtout le pouvoir dissuasif dans ce qui restera une relation très déséquilibrée entre monopoles acheteurs et foules de vendeurs, il paraît tout à fait légitime de permettre de s’opposer à certains usages sans conséquence dommageable sur les services proposés. Ainsi, il pourrait être exigé d’offrir le droit à chacun de refuser non seulement la vente de ses données personnelles mais aussi leur usage à ce niveau de granularité. Chacun pourrait par exemple choisir de ne pas accepter le traitement de ses données conduisant à de la publicité ciblée personnalisée sans la moindre restriction sur le service sous-jacent (par exemple un réseau social, une place de marché…). Les entreprises auraient ainsi des usagers ou clients de trois niveaux : ceux refusant toute collecte de donnée auxquels ils pourraient refuser différents services ou en modifier les conditions (par exemple les rendre payants), ceux qui accepteraient la collecte de donnée mais pas leur usage individualisé, et ceux qui accepteraient tout, par exemple pour recevoir de la publicité très ciblée, avec interdiction de discriminer les conditions d’accès aux services entre ces deux derniers publics. Tous ceux qui refusent l’utilisation de leurs données personnelles par des tiers ou des algorithmes les impliquant seraient ainsi dans la position de l’audience d’une chaîne de télévision : ils pourraient recevoir de la publicité globale correspondant aux statistiques agrégées sur l’audience du site concerné, que celui-ci continuerait d’avoir le droit de proposer aux annonceurs, mais ne verraient plus leurs données personnelles utilisées comme un vecteur de ciblage. C’en serait ainsi fini des possibilités de ciblage à la Cambridge Analytica en fonction de ce que vous avez pu dire ou aimé, de vos caractéristiques ou de vos fréquentations. Certains, et notamment les plus financièrement intéressés aux possibilités actuelles, dénonceront une régression, une perte de valeur pour la publicité et d’utilité pour le consommateur. Mais dès lors que ce dernier peut choisir ou non d’accepter cet usage et ce traitement de ses données, c’est au contraire un progrès puisque cela préserve des droits qu’il peut juger plus importants qu’une publicité moins bien ciblée ou un service globalement plus cher car moins bien financé par les annonceurs.

D’ailleurs, l’hyper segmentation n’est pas toujours un optimum social, loin s’en faut. C’est le cas par exemple en assurance santé, où beaucoup de pays comme la France interdisent ou pénalisent le traitement de données trop sensibles. C’est vrai aussi en statistique publique, où certains niveaux de granularité sont inaccessibles pour préserver la confidentialité de données individuelles. De même, il n’y a pas de raison que le parangon de la publicité moderne soit le ciblage le plus fin si cela contrevient aux préférences des destinataires et à leur « bien-être » au sens économique. Cette voie aurait l’avantage de limiter l’immixtion subie par un consentement léonin, par exemple l’acceptation de conditions générales d’un site ou des cookies de navigation sans quoi l’accès au service est purement et simplement refusé. Ce qui serait perdu en ROI de la publicité et donc en ressources pour les sites concernés serait largement regagné par la confiance accrue dans l’ensemble de l’écosystème web et mobile, le niveau d’engagement des utilisateurs, les capacités réduites d’acteurs malveillants et une moindre dissémination à risque des données personnelles. En traitant de manière ambitieuse et offensive ces trois sujets – fiscalité, concurrence, données personnelles -, en restant fidèle à ses grands principes de liberté de marché et de protection des consommateurs, l’Europe aurait les moyens de s’affirmer la puissance numérique qu’elle peut être compte tenu des intérêts qu’elle représente. »

Intelligence artificielle : enjeux et perspectives (Charles-Édouard Bouée)

 

Charles-Édouard Bouée, le président du cabinet de conseil Roland Berger, explique les défis qui nous attendent avec l’arrivée de l’intelligence artificielle dans une interview à la Tribune

 

Sommes-nous en train de vivre un tournant avec l’arrivée de l’intelligence artificielle dans nos vies ?

 

CHARLES-ÉDOUARD BOUÉE - À l’évidence, oui ! Tous les indices que nous observons depuis deux ans le montrent. Nous entrons dans l’âge des machines intelligentes. En 2016, il y a eu des prises de position très claires de personnages emblématiques des nouvelles technologies – Elon Musk, Bill Gates, etc. – et des victoires hautement symboliques de l’IA contre les champions du monde du jeu de go, de poker ou du jeu Civilisation, qui est un jeu de stratégie encore plus complexe. On a aussi vu émerger de nouveaux acteurs de l’IA, comme Nvidia qui a doublé de valeur boursière en un an. Le vrai point d’inflexion a eu lieu il y a dix ans, en 2005-2006. C’est là que les premières puces Nvidia et les premières applications de machine learning sont apparues. Mais le mot intelligence artificielle n’est entré dans le vocabulaire des entreprises que depuis 2016. La France s’en est rendu compte avec retard mais a lancé en janvier dernier France IA, une initiative intéressante dotée d’une enveloppe de 1,5 milliard d’euros sur dix ans, et qu’il faut désormais développer. Tous les grands pays en ont fait une priorité : dès 2016 aux États-Unis, un rapport très complet sur les enjeux de l’IA a été remis à Barack Obama. Les Chinois aussi en ont fait leur nouvel objectif national prioritaire. Les entreprises en parlent, les États s’en préoccupent et le sujet commence aussi à intéresser le grand public, à voir les nombreuses unes de la presse qui y sont consacrées.

Il y a donc une accélération ces deux dernières années…

L’intelligence artificielle coïncide avec la prise de conscience de l’impact des technologies nouvelles sur le travail, et sans être au coeur des enjeux des élections dans les différents pays, elle percute le débat politique parce qu’elle aura des conséquences pour l’économie et l’emploi. En mai 2014, Roland Berger avait fait une étude remarquée selon laquelle la robotisation pourrait menacer 42 % des emplois. C’était très prospectif. Les débats restaient très académiques. C’est aujourd’hui devenu un sujet de l’actualité. Tout le monde en parle. Il y a une accélération du temps. Pas seulement celui des technologies mais de tout. Hartmut Rosa, le philosophe allemand, a raison : le temps s’accélère.

Quels scénarios envisager pour l’arrivée de l’IA dans nos vies ?

Elle est déjà présente mais cela reste peu visible. Dans mon livre, j’essaie de décrire ce qui va se passer à un double horizon de dix ans et de vingt ans. 2026-2036, c’est à la fois loin et très proche. Cela va être selon moi un tsunami, en deux vagues. La première, sur la période 2016-2026, va être marquée par le basculement dans l’intelligence artificielle portative, intégrée dans les téléphones mobiles et également dans tous les autres équipements que nous utilisons. L’intelligence artificielle portative pour tous, cela veut dire que notre vie va changer encore davantage dans les dix prochaines années que dans les dix précédentes. L’IA portative va nous faire gagner du temps, en réalisant à notre place tout une série de tâches simultanément et rapidement. L’homme augmenté avec son smartphone intelligent sera capable de gérer plusieurs dimensions en parallèle : notre intelligence artificielle portative pourra en même temps faire nos courses sur plusieurs sites Internet et nous faire livrer à domicile au meilleur prix les meilleurs produits, réserver nos vacances, comparer les prix des abonnements de téléphone tout en vérifiant que nos données personnelles ne sont pas utilisées par des tiers sans notre accord – car notre IA portative effectuera elle-même les recherches et les achats, disruptant ainsi des secteurs entiers comme la grande distribution ou la publicité. Elle se connectera aussi avec l’IA portative de nos voisins, par exemple pour acheter de l’électricité au distributeur local. Notre vie quotidienne et toutes les industries vont être radicalement transformées.

Il y a un gros débat sur la productivité à l’heure du numérique, car on ne la voit pas dans les statistiques. Cette IA portative va tout changer ?

Oui, et elle va faire disparaître la fracture numérique, le fameux digital divide, à part pour ceux qui ne sauront pas se servir d’un smartphone… C’est comme l’énergie. On est tous égaux devant l’électricité. L’IA portative entraînera aussi un rééquilibrage du rapport de force entre les entreprises et les particuliers. Aujourd’hui, l’entreprise, même traditionnelle, a le pouvoir sur nos données et sur la technologie. Demain, avec l’IA portative, l’écart va se combler car tout le monde aura accès à cette puissance informatique. Avec la montée des cadres nomades et des freelancers, les rapports de force sociaux et le monde du travail pourraient évoluer sensiblement : nous tous, salariés comme consommateurs, serons « augmentés » et pourrons postuler aux nouveaux emplois, nous procurer les nouveaux produits et services avec l’appui de notre IA personnelle.

Qui seront les acteurs de cette intelligence artificielle portative ?

Selon moi, les leaders de cette nouvelle révolution ne seront pas les Gafa. Ni Google ni Apple ni Facebook ni Amazon, ni même les Chinois des Bat (Baidu, Alibaba et Tencent). Il y aura un rééquilibrage entre les grands acteurs de l’Internet, les entreprises et les individus. La question de la sécurité des données, des data, sera cruciale. On crée tous les deux ans autant de données que celles qui ont été produites avant par l’humanité. C’est vertigineux. Celui qui pourra avoir accès à des données « fraîches » sera très rapidement au même niveau que celui qui l’a précédé. Avec une IA portative, personne ne voudra avoir affaire à un commerçant qui dispose de son historique de données. Tout nouvel acteur capable de garantir cette protection des données aura donc une prime sur les autres. Ce pourra être un spin off des Gafa, ou bien un nouvel acteur encore inconnu. Les données n’auront plus la même valeur économique. Les futurs nouveaux algorithmes seront probablement moins consommateurs de données car l’IA sera de plus en plus élaborée. Aujourd’hui le machine learning [apprentissage automatique ou apprentissage statistique, Ndlr] a besoin d’une masse considérable de data et de capacité de calcul. Demain, nous passerons au machine reasoning avec une IA interprétative ayant une plus forte capacité de raisonnement. La dernière preuve empirique que les Gafa ne seront pas forcément les gagnants de la bataille de l’IA, c’est l’observation du passé. Il y a eu trois vagues technologiques depuis les années 1990 : la vague de l’ordinateur portable avec Microsoft et IBM ; la vague d’Internet avec les grands opérateurs fournisseurs d’accès à Internet, comme AOL (America Online). Et enfin, on a eu la vague des Gafa avec Apple, Google, Facebook et Amazon.

En dix ans, les Gafa ont atteint en Bourse l’équivalent du PIB de la France… Comment imaginer leur disparition ?

Ces entreprises ne vont pas disparaître mais elles peuvent connaître le même sort que celui des opérateurs télécoms. Dans dix ans, il y aura des sociétés qui auront une capitalisation boursière de plus de 1 000 milliards de dollars mais selon moi, ce ne seront pas les Gafa. Les nouveaux acteurs dominants seront ceux qui fourniront l’IA portative en protégeant les données personnelles. L’histoire a montré qu’à chaque transition, les consommateurs ont cherché un nouveau produit et une nouvelle marque. Google au début était un service neutre qui n’essayait pas de nous vendre quelque chose. Le moteur de recherche s’est imposé et est ensuite devenu un service marchand. Il y a donc beaucoup de présomptions que les dernières années ne sont pas une garantie pour le futur. On peut imaginer que la prochaine disruption technologique, qui est la plus grosse, se fera avec de nouveaux acteurs.

Cela veut dire que tout le monde repart du même point. Mais les Gafa sont tellement riches qu’ils pourraient aspirer tous les cerveaux. N’a-t-on pas atteint un point de non-retour ?

Ce n’est pas qu’une question de puissance et d’argent mais d’algorithmes et de créativité pour engendrer de nouveaux business. Ceux qui ont fait fortune, ce ne sont pas les créateurs d’Internet, mais ceux qui ont suivi, qui ont su créer les services, fait un comparateur, un site de vente en ligne ou de voyage ou de rencontres… Au début des années 1990, les étudiants d’Harvard allaient chez Microsoft qui attirait tous les talents et pourtant ce sont d’autres qui ont gagné la bataille de l’Internet. Donc rien ne garantit que les Gafa seront les gagnants pour l’éternité. En dix ans, un nouvel entrant avec peu de capitaux mais les bons cerveaux peut prendre leur place.

Donc, c’est la révolution des cerveaux… humains ?

Oui, heureusement… mais cela sera différent dans les dix années qui suivent. Dans la séquence 2026-2036, les progrès de l’IA seront encore plus spectaculaires : machine learning, machine reasoning, la machine qui apprend, celle qui raisonne ; puis viendront les algorithmes génétiques qui se corrigent et se transforment, c’est-à-dire une machine capable d’évoluer génétiquement, comme un cerveau humain.

On va donc vers l’IA forte ?

Progressivement, de plus en plus d’applications utiliseront l’IA portative. Ma thèse est qu’à un moment donné, de manière aléatoire, une machine va s’éveiller. Dans le livre, je date cet événement, qui correspond au fameux point de singularité, au 15 août 2038. Cela peut arriver n’importe où, n’importe quand. Ce sera un « accident ». Ce n’est pas nécessairement celui qui cherche qui trouvera. Dans la thèse du livre, c’est une mise à jour de routine de l’IA qui déclenche son éveil.

Oui, et cela pose dès lors toute une série de questions philosophiques. Comment se comporte l’IA devenue consciente ?

Il y a deux écoles. Ceux qui pensent que la machine aura tous les caractéristiques humaines. Les bonnes et les mauvaises… Elle sera cupide, voudra du pouvoir et asservir les autres. Et il y a ceux, les plus nombreux, qui pensent que la machine raisonnera par rapport à son propre empire. Elle voudra sécuriser son accès à l’énergie, la stocker et survivre. Elle va donc s’assurer que l’environnement climatique et énergétique est sécurisé. C’est tout ce dont elle a besoin. Elle cherchera à éviter les guerres et tout ce qui pourrait perturber ses infrastructures.

Elle va gouverner la planète Terre… Ce sera « la chute de l’empire humain » ?

Elle va s’assurer de sa survie sur Terre. La machine ne raisonnera pas selon les critères humains, mais en fonction de ses besoins propres. La chute de l’empire humain à l’ère de l’intelligence artificielle forte, ce sera du Gengis Khan ludique et indolore. Comme le décrit Elon Musk, l’homme vivra dans un énorme jeu vidéo, une sorte de Matrix – car pour la machine ce sera le meilleur endroit où mettre les humains.

Les gens en auront-ils conscience ?

Non. Pour l’instant les gens sont sur la plage : ils contemplent les vaguelettes et ne voient pas l’énorme tsunami qui arrive.

Pourtant on voit poindre un début de révolte contre les technologies…

Empiriquement, on sait qu’on ne peut pas arrêter les technologies. Même le nucléaire ne l’a pas été. La question est de savoir dans quel monde nous voulons vivre et comment nous souhaitons contrôler la technologie, ou pas. Mais le vrai problème est que nous n’avons pas conscience de la situation. Si l’être humain savait avec certitude qu’une machine prend le contrôle, alors il se battrait pour sa souveraineté. Mais la probabilité que nous ne soyons pas dans une immense simulation est d’une sur un milliard, a dit Elon Musk. Sa thèse est que la chute de l’empire humain, nous ne la verrons pas. Il se pourrait que nous y soyons déjà.

Sans aller aussi loin dans la prospective, l’intelligence artificielle est aussi une énorme opportunité de business ?

Je ne suis pas d’accord avec ceux qui pensent qu’on est coincé dans un monde de raréfaction du travail et où le revenu universel va s’imposer. Il nous reste dix ans devant nous pendant lesquels nous pouvons encore gagner la bataille. On est à l’aube d’un âge d’or si on sait s’adapter.

Pourtant le patron de Microsoft dit, comme certains hommes et femmes politiques, qu’il faudra taxer les robots pour financer un revenu universel…

Nous avons encore dix ans devant nous pendant lesquels nous pouvons gagner. Le revenu universel, c’est beaucoup trop tôt pour l’envisager. C’est reconnaître qu’on va perdre la bataille de l’IA. C’est exactement l’inverse de ce qu’il faut faire. Nos hommes et femmes politiques sont loin d’être les seuls à tenir ce discours, il y a aussi des représentants de la Silicon Valley qui en parlent. Mais la différence est que ceux-ci sont persuadés qu’ils vont gagner la bataille de l’IA. Le revenu universel, c’est pour expliquer aux gens qu’il faut qu’ils se préparent à être d’éternels perdants, qu’ils ne pourront qu’être pauvres, et subventionnés pour ne pas travailler. Au contraire, les syndicalistes devraient s’emparer de l’IA pour réclamer un effort massif d’éducation et de formation, et permettre aux étudiants et aux travailleurs français d’être les meilleurs. Aujourd’hui, il faut regrouper nos forces : travailler avec les Allemands ainsi qu’avec les autres pays européens, et faire effet de levier face aux Américains qui sont actuellement un peu affaiblis en raison de leurs clivages internes.

Et les entreprises, que font-elles pour se préparer ?

La prise de conscience a commencé. Depuis deux ans, les entreprises se sont lancées à marche forcée dans la transformation digitale. Elles sont en train de comprendre que ce n’est qu’une promenade de santé au regard de la montagne à gravir. Mais je leur dis que c’est une opportunité incroyable pour une entreprise de la vieille économie, car cela rebat toutes les cartes. En ayant une stratégie IA, elles peuvent rattraper leur retard. Aujourd’hui, tous nos clients se sentent menacés par les Gafa. Leur dire que même les Gafa peuvent disparaître avec l’arrivée en dix ans de nouveaux acteurs, c’est de nature à leur redonner l’espoir.

L’Europe a sa chance dans cette nouvelle bataille ?

Oui, parce qu’on a les mathématiciens, les ingénieurs, les cerveaux. Et on n’a pas les Gafa. Pourquoi les Gafa ont-ils gagné contre les opérateurs télécoms ? Parce que les opérateurs étaient persuadés qu’ils avaient la maîtrise du débit et du client. Les fournisseurs d’accès Internet ont cru qu’ils allaient gagner parce qu’ils avaient les abonnés. Mais lorsque les Gafa ont débarqué avec des applications qui ont été d’emblée adoptées par les clients, c’était fini pour eux. Ils sont passés de très riches à très pauvres. C’est une des raisons pour lesquelles l’Europe a raté le virage. Les opérateurs télécoms européens étaient les maîtres du monde et ils ont été vaincus : Vodafone, Deutsche Telekom, France Telecom avaient une stratégie d’expansion mondiale. C’étaient des cash machines qui émettaient de la monnaie papier car ils contrôlaient les consommateurs en les équipant de portables. Et les Gafa les ont remplacés en dix ans. C’est la preuve empirique que tout reste possible. On n’est pas assez stratèges en Europe. Les Chinois ont gagné la bataille suivante parce qu’ils sont partis de zéro. Il faut sortir de notre complexe d’infériorité vis-à-vis de la Silicon Valley. La bonne nouvelle, c’est que les grands groupes européens, dans l’automobile, l’industrie, les cosmétiques, n’ont pas peur des Gafa. L’IA est une opportunité pour eux. Ensuite, c’est aux gouvernements nationaux et à l’Europe de fournir les moyens de cette transformation. L’Europe doit lancer une plateforme IA en open source. Si l’Europe, qui a créé le GSM, sait définir les normes de l’intelligence artificielle portative, elle deviendra la référence, au moins pour l’Europe continentale.

Ceux qui auront donné le tempo sur les normes auront un avantage compétitif fort.

Aujourd’hui le problème de l’IA, c’est qu’elle n’est pas portable. C’est la forêt, ça foisonne, on est avant que Microsoft n’impose son système d’exploitation pour tous les ordinateurs. Celui qui saura développer l’OS de l’IA va emporter la mise.

Une stratégie IA pour une entreprise, c’est quoi ?

C’est très différent d’une stratégie classique où l’on regarde la concurrence, le marché, les produits, les clients, etc. La première étape est de visualiser le futur, un futur assez lointain, au moins 2030. Dans ce futur, il faut analyser tout ce qui dans son activité peut être impacté par l’IA. Ensuite, il faut développer une stratégie de conquête. Il faut apprendre à se projeter dans le futur : qu’est que ce qu’on va fournir au consommateur de 2036, qui aura accès à l’IA comme celui de 2017 a accès à l’Internet haut débit ? La seconde étape est d’analyser ses actifs, et déterminer ceux qui sont utiles et ceux qui ne le sont pas.

C’est simple à dire, pas à réaliser…

C’est beaucoup plus simple quand on a pris conscience des conséquences de l’arrivée de l’IA. C’est écrire avec le comex les futurs possibles et voir comment on peut les préempter et prendre de l’avance. C’est pour cela que les groupes traditionnels ont encore leur chance. Ils ont un avantage beaucoup plus grand qu’ils ne le pensent…

 

Embauches : perspectives en hausse

 

D’après le  baromètre Manpower Group la prévision nette d’emploi serait  en hausse de 2% pour le premier trimestre de cette nouvelle année. Des intentions d’embauches qui sont exactement les mêmes que celles enregistrées l’année passée, à la même période. Seconde leçon de cette étude: plus la structure concernée est grande, plus les prévisions sont optimistes. Ainsi, les petites entreprises – de 10 à 49 salariés – prévoient une hausse du solde net des embauches de 7%. Chez les moyennes entreprises – dont l’effectif est compris entre 50 et 249 employés – Manpower mise sur une augmentation de 11% de ce solde. Et chez les grandes entreprises – qui comptent plus de 250 collaborateurs – le solde net monte à 19%! Pour ces dernières, c’est 8% de plus que l’année passée à la même période. Seules les TPE prévoient un taux d’embauche nul par rapport à l’année dernière. «Cette accélération des embauches dans les grands groupes devrait impacter positivement les entreprises de plus petites tailles dans les moins à venir», analyse Alain Roumilhac, président de Manpower en France. Géographiquement parlant, on note plusieurs disparités à l’échelle régionale. Ainsi, les prévisions d’embauches sont moins florissantes en région parisienne et le Centre-Est. En revanche, le Centre-Ouest est beaucoup plus optimiste avec une hausse de 5% des perspectives d’embauches. Au niveau international, on constate que les employeurs de 41 des 43 pays sondés anticipent un accroissement de leurs effectifs entre janvier et mars 2018. C’est à Taïwan, au Japon, en Inde et au Costa Rica que les prévisions d’embauches sont les plus ambitieuses. Les États-Unis affichent des ambitions très optimistes: +19%. Du jamais vu depuis 2007!

Créations d’emplois : perspectives de reprise

Créations d’emplois : perspectives de reprise

 

 

Pour la rentrée, la France pourrait retrouver une perspective de création de 200 000 emplois par an, soit une progression encore supérieure à 2016. En 2016 l’économie française a créé 187 200  postes , en net, dans le secteur marchand . En revanche, l’industrie et la construction continuent de détruire plus d’emplois qu’elles n’en créent. C’est une performance inédite depuis 2007, selon les chiffres définitifs de l’Insee publiés jeudi 9 mars. L’économie française a créé 187 200 postes, en net, dans le secteur marchand (+ 1,2 %) sur l’ensemble de l’année 2016. Ces chiffres viennent confirmer à quelques milliers près les estimations provisoires de février (191 700 emplois). Le dernier trimestre de 2016 s’est bien terminé, avec 64 400 créations nettes d’emplois dans les secteurs marchands non agricoles (+ 0,4 % par rapport au trimestre précédent), soit le septième trimestre consécutif de hausse, précise l’Insee. le nouveau baromètre ManpowerGroup des perspectives d’emploi pour le 3è trimestre 2017 -baromètre réalisé dans 43 pays et territoires, du 19 avril au 2 mai, auprès de 58.000 employeurs issus d’entreprises privées et d’organismes publics, dont 1003 employeurs de France- dont Le Figaro dévoile les principaux résultats pour l’Hexagone, le solde net d’emplois attendu dans le commerce est «le plus important depuis 14 ans», c’est-à-dire depuis le lancement de l’étude en 2003: +11% des intentions d’embauche, soit 9 points de plus comparé au trimestre précédent et 12 points par rapport au 3è trimestre de 2016. Une première donc, qui confirme que l’emploi semble bel et bien reparti en France, avec une tendance proche des 200.000 créations de postes par an selon les données provisoires de l’emploi salarié qui doivent être confirmées ce mardi matin. D’ailleurs, dans une étude publiée à la mi avril concernant les besoins de main-d’œuvre sur le territoire, Pôle emploi faisait également état d’intentions d’embauches au plus haut depuis 2002. L’hôtellerie-Restauration est particulièrement bien orientée, avec des perspectives d’embauche en progression de 8% et un solde net d’emploi qui grimpe de 6 points par rapport au trimestre précédent. «Le secteur regagne du terrain et observe une forte dynamique», note ainsi ManpowerGroup. Suivent les secteurs des Services publics (+2%), de l’Industrie Manufacturière et du Transport et Logistique, qui sont tous deux en croissance de 1%. Seuls les employeurs de secteur de l’Agriculture, de la Forêt, de la Chasse et de la Pêche sont les plus pessimistes sur leurs intentions d’embauche au trimestre prochain avec une prévision de recrutements qui plonge de 6% et un solde net d’emploi qui dégringole de 11 points sur un an. Globalement, les employeurs interrogés en France font état d’intention d’embauches positives, la prévision nette d’emploi après correction des variations saisonnières atteignant +2% et confirmant «la tendance positive observée depuis maintenant 5 trimestres consécutifs». Au 3è trimestre 2017, les effectifs devraient donc croître dans 5 des 10 secteurs d’activité étudiés. Pour la période comprise entre juillet et septembre, 7% des employeurs interrogés entendent renforcer leurs effectifs alors que 3% d’entre eux prévoient de les réduire. Ainsi, près de 9 employeurs sur 10 n’anticipent aucune évolution de leurs effectifs au cours du prochain trimestre. «Des perspectives d’embauche si positives dans deux secteurs clés de la consommation -le commerce et l’hôtellerie-restauration- traduisent une confiance renouvelée dans l’avenir et attestent que la France se relève après des périodes de doutes et de morosité, traduit Alain Roumilhac, Président de ManpowerGroup France. Il est par ailleurs intéressant d’observer que le moral des employeurs est également au beau fixe au niveau EMEA puisque 23 des 25 pays prévoient d’accroître leurs effectifs au cours du prochain trimestre.

 

 » Perspectives d’avenir pour l’automobile américaine «  » Xavier Mosquet (BCG)

 » Perspectives d’avenir pour l’automobile américaine «  » Xavier Mosquet (BCG)

 

Xavier Mosquet (directeur associé au Boston Consulting Group),  expert du marché automobile américain esquisse les perspectives de ce marché outre atlantique. (Interview de la Tribune)

 

LA TRIBUNE – Aux Etats-Unis, le salon automobile de Détroit ouvre ses portes ce lundi 9 janvier. Nous n’avons pas encore les chiffres définitifs sur la tenue du marché en 2016, pouvez-vous néanmoins faire le point sur l’état du marché automobile américain ?

XAVIER MOSQUET - Fondamentalement, nous devrions rester, à quelques centaines de milliers d’unités près, au même niveau qu’en 2015, c’est-à-dire autour de 17,5 millions d’immatriculations. C’est en soit une bonne nouvelle puisque cela montre que le marché américain tient sur des facteurs démographiques, et que ce n’est pas un marché subventionné. C’est ce qui me fait penser que désormais, le marché va fluctuer autour de ce niveau de 17,5 millions d’immatriculations.

La remontée des taux d’intérêts que semble amorcer la banque centrale américaine pourrait pourtant impacter le marché en 2017…

Il est vrai que la faiblesse des taux d’intérêts a permis de soutenir le marché automobile américain. La volonté des autorités monétaires américaine de resserrer les taux devrait effectivement impacter les conditions de financement d’achat d’automobiles. Mais l’économie américaine est en bonne santé, les constructeurs se sont restructurés et le marché pourra absorber la hausse des taux d’intérêts.

Dans ce contexte de marché saturé, c’est-à-dire où on ne peut plus espérer de croissance en volume, les constructeurs ne sont-ils pas tentés de conquérir des parts de marché par une guerre des prix ?

Globalement, les constructeurs ont été raisonnables en 2016. Il n’y a pas eu de guerre des prix. General Motors, Ford et Toyota, les trois premiers groupes qui dominent le marché américain ont préféré de légères pertes de parts de marché, plutôt que baisser leurs prix. A l’inverse, Nissan, Honda ou Fiat Chrysler, ont été plus offensifs en matière commerciale. En fait, les groupes comptent plus sur leur stratégie produit pour faire de la conquête. Celle-ci repose sur deux axes : la qualité des produits et de l’image de marque, et les nouveautés produits.

Autrement dit, faire de la valeur plutôt que du volume ?

Le marché américain est resté stable en volume, mais le mix-produit (part des produits à haute valeur ajoutée, ndlr) s’est nettement amélioré. Si on prend seulement la segmentation du marché, on a observé une forte progression des gros SUV et pick-ups. En 2012, ces deux segments représentaient 29% du marché total. Il est passé à 33% du marché en 2016. Il y a une véritable substitution d’un segment par un autre. Sur le segment des berlines C par exemple, en un an, les volumes ont baissé de 8%, tandis que son équivalent crossover a progressé de 6%. Cela montre à quel point, les constructeurs ont dégagé beaucoup plus de valeurs sur des volumes quasi-constants. Cela a été favorisé par la baisse des prix du pétrole.

Les prix très bons marché du carburant, ont-ils eu un effet défavorable aux motorisations électrifiées (hybrides et voitures 100% électrique) ?

Depuis quatre ans maintenant, les ventes de voiture électrique et hybrides n’ont cessé de baisser. L’arrivée d’une nouvelle administration pourrait aggraver la situation puisque celle-ci a d’ores et déjà annoncé son intention de passer en revue toutes les subventions fiscales. Elle pourrait ainsi remettre en cause l’aide de 7.500 dollars sur les voitures électriques.

2016 a-t-il marqué un coup d’arrêt sur les ventes de diesel qui étaient en progression les années précédentes, c’est-à-dire avant le scandale Volkswagen…

Oui, mais le diesel est et reste un phénomène marginal aux Etats-Unis. Contrairement à l’Europe, le diesel n’est pas subventionné, et il est plus cher à la pompe. Le groupe Volkswagen avait effectivement tendance à le subventionner lui-même, mais le scandale qui la frappé a stoppé net cette politique commerciale. Au final, le diesel est soumis à des conditions de marché très transparent, et sa baisse s’effectue indépendamment de ce contexte d’image de marque.

Vous parliez des projets de la nouvelle administration Trump qui doit prendre les rênes de la présidence à la fin du mois. Celle-ci a d’ores et déjà mis la pression sur les constructeurs automobiles américains y compris étrangers comme Toyota, pour maintenir la production automobile sur le territoire américain. Dans quelle ambiance, les constructeurs appréhendent cette nouvelle orientation politique ?

Le niveau d’incertitude a nettement augmenté, et certains sont inquiets. C’est notamment sur les accords de libre-échange que Donald Trump a adressé ses plus vives critiques, annonçant leur révision. Du traité transpacifique, signé récemment par l’administration Obama, et le Tafta (traité transatlantique) en cours de discussion avec les Européens, Donald Trump voudrait décélérer sur les politiques de libre-échange qui ont prévalu jusque-là. A cela, il faut ajouter les incertitudes sur les relations avec la Chine, mais également sur les réglementations sur les systèmes anti-pollution, et comme je le disais sur les incitations sur certaines motorisations comme la voiture électrique. L’arrivée de Donald Trump pourrait signifier la fin d’une période où l’interventionnisme étatique était de moins en moins la règle. C’est assez nouveau.

Perspectives économiques 2017 : un alignement des planètes moins favorables

 

Perspectives économiques 2017 : un alignement des planètes moins favorables

 

Bien qu’il soit toujours difficile d’esquisser des scénarios économiques même à court et moyen terme, il n’empêche que l’environnement risque d’être moins favorable en 2017 qu’en  2016,  année pourtant de croissance molle pour l’Europe et notamment la France. Premier élément mais pas le plus fondamental celui du redressement des matières premières en particulier du pétrole. Un pétrole qui était monté à 100 $ le baril et qui a chuté à 30 ou 40 mais qui se redresse lentement. Toutefois faute d deux dynamisme de l’activité internationale (notamment de la Chine), on peut penser que le prix du pétrole se stabilisera autour de 60 $ le baril ; une augmentation modeste mais cependant suffisante pour affecter les coûts de production. Second élément important celui-là, la fin sans doute des taux zéro. Le processus est enclenché aux États-Unis du fait de la bonne tenue économique et du redressement de l’emploi. La BCE va sans doute tenter de résister mais elle sera bien contrainte de modifier sa politique accommodante en matière de taux car nombre de pays européens ont besoin de ressources pour combler leurs déséquilibres budgétaires. Les taux pourraient remonter de 1 à 2 %. Une augmentation qui paraît faible mais qui est à mettre en relation avec une inflation qui demeurera encore insignifiante au cours de l’année 2017. Cette faible inflation demeurera par contre encore un atout pour la compétitivité. Autre élément à prendre en compte la baisse significative de l’euro qui a perdu une grande partie de sa valeur pour atteindre pratiquement la parité avec le dollar. Une sorte de dévaluation qui ne dit pas son nom mais qui permet de renforcer la compétitivité des exportations sans pour autant générer d’inflation excessive. Parmi les facteurs qui risquent de peser sur l’environnement économique : les changements politiques en cours en Europe et dans le monde. Au plan international,  les incertitudes viennent surtout de la politique du nouveau président américain qui a à peu près tout promis et son contraire. En Grande-Bretagne la question du brexit sera officiellement posée en 2017 et ses effets sont difficiles à mesurer tellement les hypothèses de sortie de l’union européenne sont encore floues et contradictoires. L’Allemagne et la France connaîtront des élections qui vont hypothéquer la confiance pendant une grande partie de l’année et paralyser un peu plus  l’Europe. Dernier sujet d’interrogation l’évolution du contenu des traités commerciaux internationaux passés et à venir. L’alignement des planètes en 2017 sera loin d’être aussi favorable qu’en 2016 même si l’Europe et la France ont été peu capables de valoriser cet environnement. Le plus à craindre c’est que les acteurs économiques devant ses différentes incertitudes choisissent encore l’attentisme en particulier en matière d’investissement déjà très faiblard en France. Dans cet environnement,  l’emploi évoluera peu aux dires mêmes des institutions officielles, pire il est probable qu’on préférera accentuer encore les emplois précaires par rapport au CDI d’autant qu’une réforme CDD CDI est attendue en milieu de 2017.

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