Archive pour le Tag 'Perspectives'

Economie mondiale: perspectives contrastées pour 2024 ?

Economie mondiale: perspectives contrastées pour 2024 ?

Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) livre son décryptage annuel des grandes tendances à venir dans son ouvrage collectif « L’économie mondiale 2024 » publié aux Éditions La Découverte (collection Repères), à paraître le 7 septembre. Tour d’horizon des grandes questions de l’année à venir avec Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran, coordinatrices de l’ouvrage.

dans The Conversation France

Dans un contexte des plus difficiles, à la fois de crise énergétique et de guerre sur le sol européen, d’inflation généralisée, de resserrement des politiques monétaires, de turbulences financières, l’économie mondiale n’aura pas si mal résisté. La croissance a certes été divisée par presque deux, de 6,1 % en 2021 à 3,4 % en 2022, mais, dans ces conditions, l’atterrissage aurait pu être bien plus brutal.

Sur le front de l’inflation, la hausse observée depuis fin 2021 dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’est repliée en octobre 2022, lorsque les tensions sur les marchés de l’énergie et de l’alimentation se sont atténuées.

Toutefois les pressions inflationnistes restent fortes, notamment en zone euro. Si, entre début 2022 et début 2023, l’inflation importée a largement contribué, pour 40 %, à celle des prix à la consommation en zone euro (plus précisément du déflateur de la consommation), la contribution de l’augmentation des profits a été plus forte encore, à hauteur de 45 %, d’après le Fonds monétaire international (FMI).

Pour faire face à la persistance de l’inflation, les banques centrales ont très fortement resserré leur politique monétaire en 2022 et en 2023. Ces resserrements n’allaient pas de soi, notamment en zone euro, où l’inflation ne résultait pas d’une surchauffe de l’économie. Leurs conséquences ont commencé à se manifester avec notamment des tensions dans le secteur bancaire, se traduisant par des faillites de plusieurs banques régionales aux États-Unis et du Credit Suisse sur le continent européen.

Avec les fortes hausses de taux de la Réserve fédérale américaine (Fed), ce sont aussi les dettes publiques des pays en développement qui ont été affectées. Le niveau record de défauts souverains dans ces pays en atteste : 9 entre début 2020 et début 2023, contre 13 entre 2000 et 2019.

Le durcissement des politiques monétaires a également conduit à un retournement du cycle immobilier dans les pays de l’OCDE et en Chine. C’est un moteur de la croissance qui se grippe, avec des conséquences d’autant plus fortes que la dépendance de l’économie au secteur de la construction l’est aussi.

Mais au-delà, c’est tout un modèle de croissance, fondé sur la demande et nécessitant en permanence la hausse des prix de l’immobilier et de l’endettement privé, qui apparaît à bout de souffle. La priorité est désormais donnée à la réindustrialisation pour regagner en autonomie et inverser les conséquences sociales de la désindustrialisation. Il n’est pas simple cependant de rétablir le tissu productif dans un modèle de croissance qui a déformé la structure de production en faveur des services et au détriment du secteur manufacturier. Ce redéploiement de l’industrie ne sera possible qu’en changeant de modèle et que s’il s’inscrit dans un plan de décarbonation indispensable face à la menace existentielle que constitue le dérèglement climatique.

Des reconfigurations annonciatrices d’un changement plus ou moins profond sont-elles à l’œuvre ?

Il nous semble que oui. C’est même le fil directeur de cette édition 2024 de l’ouvrage annuel du CEPII : l’économie mondiale est en phase de reconfigurations, au pluriel. D’abord celle de la mondialisation, pour laquelle un changement de paradigme s’observe. Et en la matière, Isabelle Bensidoun et Thomas Grjebine montrent dans leur contribution que ce sont les États-Unis qui ont donné le ton.

Certes les différents épisodes qui se sont succédé – l’après-crise financière, la crise sanitaire, les ruptures d’approvisionnement post-crise sanitaire et la guerre en Ukraine – ont tous conduit à faire de la sécurité une nouvelle priorité. Mais c’est bien la décision des États-Unis de changer de logiciel, pour faire de la réindustrialisation et de la lutte contre le changement climatique leurs priorités, et pour cela d’avoir recours à des subventions massives et des mesures protectionnistes, dans le cadre de l’Inflation Reduction Act notamment, qui ont mis un terme à la mondialisation telle qu’on l’a connue depuis quatre décennies.

C’est aussi en proposant un nouveau consensus de Washington en avril 2023, dont la politique industrielle est le pilier, où le retour des États dans la gestion économique est consacré, et où la promotion du libre-échange n’est plus en vogue, mais remplacée par la recherche d’alliances avec ceux qui partagent les mêmes valeurs, le friendshoring, que les Américains ont rompu avec l’ancien consensus qui reposait sur le retrait des États et la recherche d’une libéralisation toujours plus poussée des forces du marché.


S’il est un domaine où les questions de sécurité et de recompositions ont dû s’observer cette année c’est bien celui de l’énergie ?

Tout à fait. Et c’est un domaine où les recompositions ont dû se faire dans l’urgence, en faisant appel aux alliés ou « amis », comme on veut bien les appeler. Que ce soit les États-Unis pour le gaz liquéfié ou la Norvège et l’Algérie pour le gaz.

Pour Anna Creti et Patrice Geoffron, les conséquences de la guerre en Ukraine ont dépassé les frontières de l’Union européenne, en perturbant les routes mondiales d’acheminement des hydrocarbures, ainsi que le niveau et les mécanismes de prix (prix plafond, rabais forcés), avec pour conséquence un monde énergétique qui tend à se recomposer entre un « marché russe », regroupant les pays qui acceptent de commercer avec la Russie, et un « marché non russe », avec des passerelles comme l’Inde qui raffine du brut russe et le réachemine en partie en Europe.

Toutefois la vulnérabilité des approvisionnements européens, que la guerre en Ukraine a mis au jour, a surtout eu pour conséquence de faire s’envoler les prix du gaz et par contagion ceux de l’électricité, les craintes de rupture ayant pu être limitées par les recompositions. Si début 2023 les prix n’étaient plus aussi délirants qu’à la mi-2022, l’approche de l’hiver pourrait les faire à nouveau augmenter, ce qui réclame que la réforme du marché de l’électricité, pour le rendre moins dépendant des fluctuations des prix du gaz, soit rapidement opérationnelle.

Les politiques industrielles reviennent sur le devant de la scène, le nouveau consensus de Washington en fait son pilier, mais pourquoi un tel retournement ?

Dans leur présentation du nouveau consensus de Washington, les Américains ont été très clairs : tous les modèles de croissance ne se valent pas et celui qui a conduit à atrophier la capacité industrielle dans des secteurs essentiels comme les semi-conducteurs, a fait, de leur point de vue, trop de dégâts pour être poursuivi : dégâts en matière d’indépendance, dégâts sociaux, dégâts politiques.

C’est un nouveau paradigme, où, selon Thomas Grjebine et Jérôme Héricourt, la primeur donnée aux baisses de prix, que la libéralisation commerciale a permis, pour favoriser le pouvoir d’achat du consommateur au prix d’une concurrence accrue pour la production manufacturière nationale, n’est plus de mise.

La politique industrielle est aussi une condition nécessaire pour réussir la transition écologique. C’est une nouvelle révolution industrielle qui s’engage, dont l’enjeu pour les grandes puissances est de ne pas la rater. Et pour cela, l’histoire nous l’enseigne, l’État doit intervenir : protection des industries naissantes et révolutions industrielles sont allées de pair.

Si les raisons pour légitimer les politiques industrielles sont nombreuses, il n’en reste pas moins qu’elles posent de sacrés défis en économie ouverte. Car réindustrialiser est particulièrement difficile dans les pays où la consommation intérieure reste le moteur de la croissance économique et où la désindustrialisation est avancée.

Dans ce cadre, les politiques de relance pour soutenir la demande tendent à réduire la part du secteur manufacturier alors que ce qui est recherché par les politiques industrielles, c’est justement l’inverse. Se pose alors inévitablement la question des protections à mettre en place pour mener à bien la réindustrialisation.

Dans ce contexte, quelle place pour les politiques commerciales, dont l’objet était avant tout de favoriser la libéralisation ?

C’est effectivement le rôle qui leur a été dévolu au tournant des années 1970-1980 et que les années 1990-2000 ont semblé entériner. Les politiques commerciales recherchaient alors avant tout l’efficacité économique par l’exploitation des avantages comparatifs, la minimisation des coûts ou l’optimisation des chaînes de valeurs mondiales. Mais de nouveaux objectifs sont en train de supplanter ceux d’hier.

Pour Charlotte Emlinger, Houssein Guimbard et Kevin Lefebvre, la lutte contre le réchauffement climatique, la sécurité nationale ou encore la sécurisation des approvisionnements redessinent les contours des politiques commerciales. Ce faisant, ces politiques vont se trouver de plus en plus étroitement imbriquées avec les politiques industrielles nationales. À cela s’ajoutent l’augmentation des obstacles au commerce liés à la militarisation des politiques commerciales et la rivalité sino-américaine.

Tout cela laisse penser que les périodes de libéralisation du commerce international sont derrière nous. Le risque cependant dans ce monde qui se polarise est de voir les impératifs géoéconomiques de court terme l’emporter sur les défis environnementaux conditionnant le long terme de l’humanité. Pour éviter qu’il en soit ainsi, il va alors falloir trouver comment restaurer un minimum de multilatéralisme. Une entreprise dont le succès est loin d’être assuré !

La mondialisation commerciale se recompose, les impératifs climatiques et la sécurité économique prennent le pas sur la libéralisation, mais qu’en est-il de la mondialisation financière ?

Là encore, des mutations s’opèrent. L’encensement de la liberté des flux de capitaux et de la flexibilité des taux de changes a fait long feu. Certes, la mondialisation financière n’a pas disparu, mais la tournure qu’elle a prise au fil des crises et de la montée des tensions géopolitiques est très éloignée de l’illusion libérale qui en a été le berceau.

Les banques centrales prennent de plus en plus de mesures qui influencent les flux de capitaux, avec des implications géopolitiques. Elles interviennent sur les marchés des changes, s’accordent des prêts entre elles, échappant ce faisant au multilatéralisme hérité de la fin des années 1940, qui reposait sur de grandes institutions financières internationales telles que le FMI.

La question se pose de ce qui va advenir du dollar dans ce nouveau système monétaire international. Pour Éric Monnet, un monde plus multipolaire se dessine où, sans du tout faire disparaître le dollar, des monnaies différentes, et notamment le renminbi, seront utilisées et thésaurisées en fonction des liens commerciaux et géopolitiques.

Ces reconfigurations qui émergent, avec un rôle plus résolu de la puissance publique, sauront-elles relever le défi de la transition écologique ?

À l’heure où la plupart des limites planétaires, ces seuils que l’humanité n’aurait pas dû dépasser pour ne pas compromettre la viabilité de l’espèce, ont déjà été franchies, pour Michel Aglietta et Étienne Espagne, la planification écologique constitue le seul rempart face au capitalocène, cette ère dans laquelle non seulement l’activité humaine mais aussi le système d’accumulation dans lequel elle se déploie ont conduit à un tel désastre. Et qui dit planification, dit retour des États.

Donc oui ces reconfigurations, bien que très partielles encore, vont dans le bon sens, que ce soit le Green New Deal américain avec la loi IRA – Inflation Reduction Act, le_ Green Deal européen et son Net Zero Industry Act ou la promotion d’une Civilisation écologique en Chine.

Deux écueils toutefois à ces avancées : primo, le cadre de conflictualité géopolitique dans lequel elles s’organisent et les limites que cela produit pour bâtir une planification écologique à l’échelle mondiale, la seule valable pour répondre à la crise écologique ; secundo, la difficulté pour les pays du Sud de trouver leur place dans ce nouveau contexte, sachant que leurs leviers économiques sont bien en deçà de ceux que la Chine, les États-Unis et l’Union européenne peuvent mobiliser.

Dès lors, les stratégies que ces pays peuvent développer sont forcément subordonnées à celles de ces trois blocs, avec plusieurs menaces liées à la concurrence accrue pour les ressources minérales ou à la mise en place de nouvelles chaînes de valeur des technologies vertes. Aussi pour éviter que la planification écologique ne soit réservée à un club restreint, la coopération internationale, moteur fondamental et aujourd’hui manquant, doit être vigoureusement réactivée.

Une planification écologique se met en place, avec certes encore des limites, mais la plus importante d’entre elles n’est-elle pas l’insuffisance des investissements qui y sont consacrés ?

Les évaluations sont désormais nombreuses des besoins d’investissement pour la transformation écologique. Aussi diverses soient-elles, car fondées sur des périmètres sectoriels et des scénarios de transition contrastés, toutes font effectivement état d’un manque d’investissement. Cela pose inévitablement la question de savoir s’il n’y a pas là un problème de financement.

C’est à première vue assez paradoxal puisqu’il existe une masse énorme d’actifs financiers. De quoi se demander s’il ne suffirait pas de mieux les orienter : vers le financement de la transition. Mais pour Jézabel Couppey-Soubeyran et Wojtek Kalinowski, le financement de la transition ne se réduit pas à un problème de réorientation des flux.

D’abord, il ne faut pas surestimer la fluidité́ de cette réorientation : les investissements verts ne remplacent pas nécessairement les investissements bruns, et pour un temps au moins ne font que s’y ajouter, ce qui élève les besoins financiers. Le secteur agricole ou celui des transports fournissent des illustrations utiles.

Ensuite, si tout doit bien sûr être mis en œuvre pour permettre la réorientation des financements privés, il ne faut pas sous-estimer le besoin de fonds publics car, même bien réorientés, les fonds privés n’iront que vers des investissements suffisamment rentables, or ceux nécessaires à une transformation écologique juste ne le sont pas tous.

La part non rentable réclame des financements publics adaptés, protégés de la pression du marché, gratuits voire même sans exigence de retour financier. De nouvelles formes sont en ce sens envisageables sous la forme de dons de monnaie centrale, plus ou moins compatibles avec les cadres institutionnels actuels, selon qu’ils feraient intervenir directement la banque centrale ou des sociétés financières publiques. Nonobstant ces obstacles institutionnels que le débat démocratique pourrait lever, le chemin existe !

Economie mondiale: quelles perspectives pour 2024 ?

Economie mondiale: quelles perspectives pour 2024 ?

Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) livre son décryptage annuel des grandes tendances à venir dans son ouvrage collectif « L’économie mondiale 2024 » publié aux Éditions La Découverte (collection Repères), à paraître le 7 septembre. Tour d’horizon des grandes questions de l’année à venir avec Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran, coordinatrices de l’ouvrage.

dans The Conversation France

Dans un contexte des plus difficiles, à la fois de crise énergétique et de guerre sur le sol européen, d’inflation généralisée, de resserrement des politiques monétaires, de turbulences financières, l’économie mondiale n’aura pas si mal résisté. La croissance a certes été divisée par presque deux, de 6,1 % en 2021 à 3,4 % en 2022, mais, dans ces conditions, l’atterrissage aurait pu être bien plus brutal.

Sur le front de l’inflation, la hausse observée depuis fin 2021 dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’est repliée en octobre 2022, lorsque les tensions sur les marchés de l’énergie et de l’alimentation se sont atténuées.

Toutefois les pressions inflationnistes restent fortes, notamment en zone euro. Si, entre début 2022 et début 2023, l’inflation importée a largement contribué, pour 40 %, à celle des prix à la consommation en zone euro (plus précisément du déflateur de la consommation), la contribution de l’augmentation des profits a été plus forte encore, à hauteur de 45 %, d’après le Fonds monétaire international (FMI).

Pour faire face à la persistance de l’inflation, les banques centrales ont très fortement resserré leur politique monétaire en 2022 et en 2023. Ces resserrements n’allaient pas de soi, notamment en zone euro, où l’inflation ne résultait pas d’une surchauffe de l’économie. Leurs conséquences ont commencé à se manifester avec notamment des tensions dans le secteur bancaire, se traduisant par des faillites de plusieurs banques régionales aux États-Unis et du Credit Suisse sur le continent européen.

Avec les fortes hausses de taux de la Réserve fédérale américaine (Fed), ce sont aussi les dettes publiques des pays en développement qui ont été affectées. Le niveau record de défauts souverains dans ces pays en atteste : 9 entre début 2020 et début 2023, contre 13 entre 2000 et 2019.

Le durcissement des politiques monétaires a également conduit à un retournement du cycle immobilier dans les pays de l’OCDE et en Chine. C’est un moteur de la croissance qui se grippe, avec des conséquences d’autant plus fortes que la dépendance de l’économie au secteur de la construction l’est aussi.

Mais au-delà, c’est tout un modèle de croissance, fondé sur la demande et nécessitant en permanence la hausse des prix de l’immobilier et de l’endettement privé, qui apparaît à bout de souffle. La priorité est désormais donnée à la réindustrialisation pour regagner en autonomie et inverser les conséquences sociales de la désindustrialisation. Il n’est pas simple cependant de rétablir le tissu productif dans un modèle de croissance qui a déformé la structure de production en faveur des services et au détriment du secteur manufacturier. Ce redéploiement de l’industrie ne sera possible qu’en changeant de modèle et que s’il s’inscrit dans un plan de décarbonation indispensable face à la menace existentielle que constitue le dérèglement climatique.

Des reconfigurations annonciatrices d’un changement plus ou moins profond sont-elles à l’œuvre ?

Il nous semble que oui. C’est même le fil directeur de cette édition 2024 de l’ouvrage annuel du CEPII : l’économie mondiale est en phase de reconfigurations, au pluriel. D’abord celle de la mondialisation, pour laquelle un changement de paradigme s’observe. Et en la matière, Isabelle Bensidoun et Thomas Grjebine montrent dans leur contribution que ce sont les États-Unis qui ont donné le ton.

Certes les différents épisodes qui se sont succédé – l’après-crise financière, la crise sanitaire, les ruptures d’approvisionnement post-crise sanitaire et la guerre en Ukraine – ont tous conduit à faire de la sécurité une nouvelle priorité. Mais c’est bien la décision des États-Unis de changer de logiciel, pour faire de la réindustrialisation et de la lutte contre le changement climatique leurs priorités, et pour cela d’avoir recours à des subventions massives et des mesures protectionnistes, dans le cadre de l’Inflation Reduction Act notamment, qui ont mis un terme à la mondialisation telle qu’on l’a connue depuis quatre décennies.

C’est aussi en proposant un nouveau consensus de Washington en avril 2023, dont la politique industrielle est le pilier, où le retour des États dans la gestion économique est consacré, et où la promotion du libre-échange n’est plus en vogue, mais remplacée par la recherche d’alliances avec ceux qui partagent les mêmes valeurs, le friendshoring, que les Américains ont rompu avec l’ancien consensus qui reposait sur le retrait des États et la recherche d’une libéralisation toujours plus poussée des forces du marché.


S’il est un domaine où les questions de sécurité et de recompositions ont dû s’observer cette année c’est bien celui de l’énergie ?

Tout à fait. Et c’est un domaine où les recompositions ont dû se faire dans l’urgence, en faisant appel aux alliés ou « amis », comme on veut bien les appeler. Que ce soit les États-Unis pour le gaz liquéfié ou la Norvège et l’Algérie pour le gaz.

Pour Anna Creti et Patrice Geoffron, les conséquences de la guerre en Ukraine ont dépassé les frontières de l’Union européenne, en perturbant les routes mondiales d’acheminement des hydrocarbures, ainsi que le niveau et les mécanismes de prix (prix plafond, rabais forcés), avec pour conséquence un monde énergétique qui tend à se recomposer entre un « marché russe », regroupant les pays qui acceptent de commercer avec la Russie, et un « marché non russe », avec des passerelles comme l’Inde qui raffine du brut russe et le réachemine en partie en Europe.

Toutefois la vulnérabilité des approvisionnements européens, que la guerre en Ukraine a mis au jour, a surtout eu pour conséquence de faire s’envoler les prix du gaz et par contagion ceux de l’électricité, les craintes de rupture ayant pu être limitées par les recompositions. Si début 2023 les prix n’étaient plus aussi délirants qu’à la mi-2022, l’approche de l’hiver pourrait les faire à nouveau augmenter, ce qui réclame que la réforme du marché de l’électricité, pour le rendre moins dépendant des fluctuations des prix du gaz, soit rapidement opérationnelle.

Les politiques industrielles reviennent sur le devant de la scène, le nouveau consensus de Washington en fait son pilier, mais pourquoi un tel retournement ?

Dans leur présentation du nouveau consensus de Washington, les Américains ont été très clairs : tous les modèles de croissance ne se valent pas et celui qui a conduit à atrophier la capacité industrielle dans des secteurs essentiels comme les semi-conducteurs, a fait, de leur point de vue, trop de dégâts pour être poursuivi : dégâts en matière d’indépendance, dégâts sociaux, dégâts politiques.

C’est un nouveau paradigme, où, selon Thomas Grjebine et Jérôme Héricourt, la primeur donnée aux baisses de prix, que la libéralisation commerciale a permis, pour favoriser le pouvoir d’achat du consommateur au prix d’une concurrence accrue pour la production manufacturière nationale, n’est plus de mise.

La politique industrielle est aussi une condition nécessaire pour réussir la transition écologique. C’est une nouvelle révolution industrielle qui s’engage, dont l’enjeu pour les grandes puissances est de ne pas la rater. Et pour cela, l’histoire nous l’enseigne, l’État doit intervenir : protection des industries naissantes et révolutions industrielles sont allées de pair.

Si les raisons pour légitimer les politiques industrielles sont nombreuses, il n’en reste pas moins qu’elles posent de sacrés défis en économie ouverte. Car réindustrialiser est particulièrement difficile dans les pays où la consommation intérieure reste le moteur de la croissance économique et où la désindustrialisation est avancée.

Dans ce cadre, les politiques de relance pour soutenir la demande tendent à réduire la part du secteur manufacturier alors que ce qui est recherché par les politiques industrielles, c’est justement l’inverse. Se pose alors inévitablement la question des protections à mettre en place pour mener à bien la réindustrialisation.

Dans ce contexte, quelle place pour les politiques commerciales, dont l’objet était avant tout de favoriser la libéralisation ?

C’est effectivement le rôle qui leur a été dévolu au tournant des années 1970-1980 et que les années 1990-2000 ont semblé entériner. Les politiques commerciales recherchaient alors avant tout l’efficacité économique par l’exploitation des avantages comparatifs, la minimisation des coûts ou l’optimisation des chaînes de valeurs mondiales. Mais de nouveaux objectifs sont en train de supplanter ceux d’hier.

Pour Charlotte Emlinger, Houssein Guimbard et Kevin Lefebvre, la lutte contre le réchauffement climatique, la sécurité nationale ou encore la sécurisation des approvisionnements redessinent les contours des politiques commerciales. Ce faisant, ces politiques vont se trouver de plus en plus étroitement imbriquées avec les politiques industrielles nationales. À cela s’ajoutent l’augmentation des obstacles au commerce liés à la militarisation des politiques commerciales et la rivalité sino-américaine.

Tout cela laisse penser que les périodes de libéralisation du commerce international sont derrière nous. Le risque cependant dans ce monde qui se polarise est de voir les impératifs géoéconomiques de court terme l’emporter sur les défis environnementaux conditionnant le long terme de l’humanité. Pour éviter qu’il en soit ainsi, il va alors falloir trouver comment restaurer un minimum de multilatéralisme. Une entreprise dont le succès est loin d’être assuré !

La mondialisation commerciale se recompose, les impératifs climatiques et la sécurité économique prennent le pas sur la libéralisation, mais qu’en est-il de la mondialisation financière ?

Là encore, des mutations s’opèrent. L’encensement de la liberté des flux de capitaux et de la flexibilité des taux de changes a fait long feu. Certes, la mondialisation financière n’a pas disparu, mais la tournure qu’elle a prise au fil des crises et de la montée des tensions géopolitiques est très éloignée de l’illusion libérale qui en a été le berceau.

Les banques centrales prennent de plus en plus de mesures qui influencent les flux de capitaux, avec des implications géopolitiques. Elles interviennent sur les marchés des changes, s’accordent des prêts entre elles, échappant ce faisant au multilatéralisme hérité de la fin des années 1940, qui reposait sur de grandes institutions financières internationales telles que le FMI.

La question se pose de ce qui va advenir du dollar dans ce nouveau système monétaire international. Pour Éric Monnet, un monde plus multipolaire se dessine où, sans du tout faire disparaître le dollar, des monnaies différentes, et notamment le renminbi, seront utilisées et thésaurisées en fonction des liens commerciaux et géopolitiques.

Ces reconfigurations qui émergent, avec un rôle plus résolu de la puissance publique, sauront-elles relever le défi de la transition écologique ?

À l’heure où la plupart des limites planétaires, ces seuils que l’humanité n’aurait pas dû dépasser pour ne pas compromettre la viabilité de l’espèce, ont déjà été franchies, pour Michel Aglietta et Étienne Espagne, la planification écologique constitue le seul rempart face au capitalocène, cette ère dans laquelle non seulement l’activité humaine mais aussi le système d’accumulation dans lequel elle se déploie ont conduit à un tel désastre. Et qui dit planification, dit retour des États.

Donc oui ces reconfigurations, bien que très partielles encore, vont dans le bon sens, que ce soit le Green New Deal américain avec la loi IRA – Inflation Reduction Act, le_ Green Deal européen et son Net Zero Industry Act ou la promotion d’une Civilisation écologique en Chine.

Deux écueils toutefois à ces avancées : primo, le cadre de conflictualité géopolitique dans lequel elles s’organisent et les limites que cela produit pour bâtir une planification écologique à l’échelle mondiale, la seule valable pour répondre à la crise écologique ; secundo, la difficulté pour les pays du Sud de trouver leur place dans ce nouveau contexte, sachant que leurs leviers économiques sont bien en deçà de ceux que la Chine, les États-Unis et l’Union européenne peuvent mobiliser.

Dès lors, les stratégies que ces pays peuvent développer sont forcément subordonnées à celles de ces trois blocs, avec plusieurs menaces liées à la concurrence accrue pour les ressources minérales ou à la mise en place de nouvelles chaînes de valeur des technologies vertes. Aussi pour éviter que la planification écologique ne soit réservée à un club restreint, la coopération internationale, moteur fondamental et aujourd’hui manquant, doit être vigoureusement réactivée.

Une planification écologique se met en place, avec certes encore des limites, mais la plus importante d’entre elles n’est-elle pas l’insuffisance des investissements qui y sont consacrés ?

Les évaluations sont désormais nombreuses des besoins d’investissement pour la transformation écologique. Aussi diverses soient-elles, car fondées sur des périmètres sectoriels et des scénarios de transition contrastés, toutes font effectivement état d’un manque d’investissement. Cela pose inévitablement la question de savoir s’il n’y a pas là un problème de financement.

C’est à première vue assez paradoxal puisqu’il existe une masse énorme d’actifs financiers. De quoi se demander s’il ne suffirait pas de mieux les orienter : vers le financement de la transition. Mais pour Jézabel Couppey-Soubeyran et Wojtek Kalinowski, le financement de la transition ne se réduit pas à un problème de réorientation des flux.

D’abord, il ne faut pas surestimer la fluidité́ de cette réorientation : les investissements verts ne remplacent pas nécessairement les investissements bruns, et pour un temps au moins ne font que s’y ajouter, ce qui élève les besoins financiers. Le secteur agricole ou celui des transports fournissent des illustrations utiles.

Ensuite, si tout doit bien sûr être mis en œuvre pour permettre la réorientation des financements privés, il ne faut pas sous-estimer le besoin de fonds publics car, même bien réorientés, les fonds privés n’iront que vers des investissements suffisamment rentables, or ceux nécessaires à une transformation écologique juste ne le sont pas tous.

La part non rentable réclame des financements publics adaptés, protégés de la pression du marché, gratuits voire même sans exigence de retour financier. De nouvelles formes sont en ce sens envisageables sous la forme de dons de monnaie centrale, plus ou moins compatibles avec les cadres institutionnels actuels, selon qu’ils feraient intervenir directement la banque centrale ou des sociétés financières publiques. Nonobstant ces obstacles institutionnels que le débat démocratique pourrait lever, le chemin existe !

Perspectives Chine : vers le déclin ?

Perspectives Chine : vers le déclin ?


L’économie chinoise est une étoile supermassive, mais qui menace de s’effondrer sur elle-même. Dans un tel scénario, le trou noir chinois pourrait alors avaler tout ce qui gravite autour de lui. Par Karl Eychenne, chercheur chez Oblomov & Bartleby dans la Tribune

Lorsque l’on parle de la Chine, on doit lever les yeux au ciel. On ne raisonne plus au niveau du pékin moyen, mais à l’échelle cosmologique. Depuis son envol en 2001 (entrée dans l’OMC), la Chine a pulvérisé tous les standards économiques. Une croissance insolente, dopée par un commerce extérieur désinhibé, des investissements pharaoniques, et une main-d’œuvre inépuisable à bas coût. La Chine représentait 10% du PIB mondial il y a 20 ans ; elle en représente désormais 20%, devant les États-Unis et la zone euro tous deux à 15% (FMI, données en parité de pouvoir d’achat). La Chine est devenue un ogre. Mais aujourd’hui l’ogre est bedonnant, et ses statistiques en pâtissent. Feu la croissance à 10%, la Chine peine désormais à atteindre les 5% et demain on lui promet seulement 2%. La faute à ses deux moteurs, devenus deux boulets. Il y a le vieillissement de sa population, inexorable, anticipant une contribution négative de la population active à la croissance économique. Et il y a la décélération de la productivité du travail, phénomène mondial mais exacerbé en Chine par des investissements massifs pas toujours bienvenus. La crise Covid a pu un temps cacher tous les problèmes sous le tapis, prétextant le confinement comme source majeure de déconvenue économique. Mais depuis, les mauvaises nouvelles s’accumulent. Et parmi elles, une nouvelle venue : la déflation.

Il faut réaliser que ni la Chine ni le Japon n’ont connu l’hystérie inflationniste post déconfinement qu’a pu connaitre le reste du monde. Si le Japon semble aujourd’hui enregistrer enfin quelques tensions sur les prix, ce n’est pas du tout le cas de la Chine bien au contraire. Les prix chinois sont même en baisse symbolique de -0,3% sur les 12 derniers mois. Pour comparaison, ces mêmes prix sont encore en hausse de près de 5,5% en zone euro et 3,2% aux États-Unis. Plus inquiétant, les prix à la production chinois sont en baisse de -4,5%, sachant que ces prix sont les indicateurs les plus fidèles des bénéfices à venir des entreprises. Certes, les experts semblent moins inquiets, insistant sur des mouvements de prix plus rassurants sur la période plus récente. Mais le mal est fait.

Ces mauvais chiffres économiques semblent surprendre beaucoup de monde. Mais pas du tout les investisseurs. Cela fait bien longtemps qu’ils n’anticipent plus grand-chose du marché d’actions chinois. Un marché qui fait du surplace depuis 10 ans, et il faut compter sur les seuls dividendes versés pour contenter l’actionnaire. En cause, une croissance des bénéfices des entreprises quasi – nulle sur la période, malgré une croissance du PIB en valeur proche de 10%. Certes, il faut dire que la classe émergente dans son ensemble ne fait guère mieux sur la période. Seule l’Inde tire son épingle du jeu parmi les grosses pointures avec une hausse de 100% ! Mais le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud déçoivent, comme la Chine.

Si l’ensemble du bloc émergent est assez décevant, seule la Chine inquiète vraiment. Pour une raison très simple : la Chine est devenue un acteur incontournable de la scène économique mondiale. Probablement la Chine ne peut pas faire sans le reste du monde. Mais c’est réciproque. Les exportations chinoises ne sont peut-être plus aussi fringantes, le retour à un certain protectionnisme aidant. Mais on ne démêle pas aussi facilement des chaines de valeur. L’économie chinoise est partout. Les élasticité-prix des économies aux produits chinois sont peut-être fortes qu’avant, signifiant un rôle accru de la concurrence, mais les produits chinois vampirisent toujours les étalages de nos magasins. Personne ne peut rester insensible au sort de l’économie chinoise, parce qu’on imagine mal comment faire sans.

La Chine c’est Venise ! un amplificateur d’émotions, pour paraphraser Philippe Sollers. Si la Chine est de bonne humeur, le reste du monde chante à tue-tête. Si la Chine n’a pas la tête à ça, le reste du monde est pris d’une migraine intense.

Une étoile qui meurt est un spectacle étourdissant. Mais une étoile supermassive qui meurt est plus angoissante. Pour information, nous avons alors affaire à un trou noir. Et la physique d’un trou noir économique est peu réjouissante. Il aspire alors tout ce qui gravite autour de lui, tous les corps, même la lumière qu’ils émettent. En poussant la métaphore jusqu’au bout, on imagine alors la disparition de toutes les économies plus ou moins dépendantes de l’économie chinoise. La Chine avec. On n’en est pas encore là.

Perspectives économiques–Quelle évolution de l’inflation ?

Perspectives économiques–Quelle évolution de l’inflation ?

L’inflation qui s’affichait à 5,8% en juin reste encore loin de la cible des 2%. Christopher Dembik, directeur de la recherche macro-économique chez Saxo Bank, analyse pour La Tribune les marges de manœuvres de la BCE.

La BCE devrait annoncer une nouvelle hausse de taux jeudi, pourtant ça ne semble pas avoir d’effet concret sur l’inflation sous-jacente au sein de la zone euro contrairement aux Etats-Unis qui se sont même permis de marquer une pause lors de la précédente réunion, même si la Fed devrait, à nouveau, annoncer un relèvement le 26 juillet prochain. Pourquoi ?

CHRISTOPHER DEMBIK – Il y a une première réponse à cette question : la BCE a commencé son cycle de hausses de taux quelques mois plus tard que les Etats-Unis. Or, il faut généralement neuf à dix-huit mois pour constater l’impact des relèvements sur l’économie. Ce qui explique qu’il y ait déjà un décalage de l’impact de la politique monétaire dans la zone euro par rapport aux Etats-Unis.

Autre point important, il y a, aux Etats-Unis, une structure globalement unifiée entre les Etats alors que du côté européen, la BCE doit composer avec les vingt-sept Etats membres qui ont chacun leurs propres spécificités. Par exemple, l’Espagne connaît une tendance à la désinflation très marquée avec des prix à la production en contraction alors qu’en Allemagne le processus de désinflation est un peu plus lent. Cela complique donc la tâche de la BCE pour mener sa politique monétaire.

Cet écart tient également à la nature même de l’inflation. Aux Etats-Unis, lors de la crise sanitaire, les mesures de soutien en faveur des ménages ont largement permis de préserver leur pouvoir d’achat, leur permettant de se constituer un surplus d’épargne ce qui, d’une certaine manière, était inflationniste puisque cela leur a permis de davantage consommer. Un phénomène que l’on n’a pas observé en Europe où les dispositifs ont été très différents d’un pays à l’autre. Ainsi, aux Etats-Unis c’est davantage une inflation par la demande alors que du côté européen elle est plutôt liée à l’offre. En effet, dans l’UE, c’est le coût des intrants dans le processus de production, comme l’énergie ou les matériaux provenant de Chine ou d’Inde, qui tire les prix à la hausse.

Zone euro : l’inflation va-t-elle vraiment revenir à son niveau d’avant-crise ?

L’exercice de la BCE est extrêmement compliqué car personne n’est en mesure de dire à quel niveau se situera l’inflation au-delà de trois mois. De plus, on a réfléchi avec une logique qui datait d’avant la crise sanitaire : celle de dire que si on augmente les taux, cela va provoquer des faillites d’entreprises donc du chômage et donc une récession. La réalité est pourtant tout autre désormais, et Jerome Powell [le président de la Fed, ndlr] l’a bien souligné lors du forum de la BCE : les corrélations qui valaient avant le Covid-19 d’un point de vue économique ne fonctionnent plus désormais. Cela peut être temporaire ou peut-être sommes-nous face à un vrai changement de paradigme, mais cela illustre du moins toute la difficulté de faire des exercices de prévision dans la situation actuelle. On le voit également aux Etats-Unis où on a longtemps annoncé une récession. Or ce n’est clairement pas le cas. L’économie est plus difficile à prévoir, même sur six mois.

Une légère récession, est-ce si grave ?

L’Espagne, l’Italie et la Grèce ne cessent d’alerter la BCE contre de futures hausses de taux. Quels risques de nouveaux relèvements pourraient-ils faire peser sur ces économies ?

Elles ont conscience que si on normalise davantage la politique monétaire actuelle, le coût d’emprunt global va de facto augmenter pour toute la zone euro, et ce, davantage pour leurs pays que, par exemple, pour la France. Et pour cause, la Grèce, notamment, présente un taux d’endettement à 178 % du Produit intérieur brut (PIB). Elle pourrait alors avoir des difficultés pour se financer sur les marchés du fait d’un manque de confiance de la part des investisseurs. Ce n’est, pour autant, pas ce qu’on observe. Dans le cas de l’Italie par exemple, qui avait, en début d’année, l’objectif de lever 5 milliards d’euros. Elle est finalement parvenue à en lever 26 milliards. En effet, nous ne sommes pas dans la situation de 2012 marquée par une crise de la dette qui avait largement touché les pays du sud de l’Europe. Désormais, la politique monétaire se transmet bien, et si demain, on devait aider un pays en difficulté, on disposerait des mesures nécessaires pour intervenir de manière efficace. De quoi rassurer les investisseurs. Sans compter que ces pays du sud de la zone euro connaissent, actuellement, une performance économique bien meilleure que les pays du centre.

En revanche, il existe un risque pour les entreprises qui peut inquiéter les gouvernements italiens ou encore grecs. En effet, si le coût d’emprunt augmente trop du fait du resserrement monétaire, nombreuses sont celles qui risquent de se retrouver en difficulté car elles ne pourront plus accéder au crédit bancaire et donc ne pourront plus se refinancer ou investir, ce qui pénalisera leur croissance future. L’Etat devra alors choisir ou non de mettre les moyens pour les sauver. Donc, à mesure que la BCE relève ses taux, la question qui se pose est : quel va être l’impact pour les entreprises ? Or, on commence d’ores et déjà à constater des difficultés dans tous les pays de la zone euro, à commencer par les TPE et PME comme en France. Et on sait qu’elles constituent le premier étage de la fusée.

Automobiles: les perspectives de la voiture électrique (Luca de Meo, Renault)

Automobiles: les perspectives de la voiture électrique (Luca de Meo, Renault)

Le patron de Renault Luca de Meo s’explique dans la tribune sur les perspectives de la voiture électrique et la concurrence internationale.

La concurrence chinoise est de plus en plus forte en Europe. Êtes-vous inquiet ?

Ils ont un gros avantage sur nous lié au contrôle de la chaîne de valeur de la voiture électrique. Certains matériaux sont en effet concentrés dans très peu de pays, où l’influence géopolitique chinoise est très forte. Et le raffinage de ces métaux est essentiellement réalisé en Chine. L’autre avantage tient au système que la Chine a mis en place pour que l’industrie automobile chinoise puisse, non seulement contrôler le marché intérieur avec leur technologie, mais aussi commencer la conquête internationale, en commençant par l’Europe, parce que les Américains ont fermé leurs portes. Pour avoir une industrie automobile forte à l’international, les constructeurs chinois ont très vite compris qu’il fallait miser sur l’électrique en ayant une génération d’avance sur ce type de véhicules plutôt que d’essayer de concurrencer les constructeurs européens sur les voitures thermiques où il leur était impossible de rattraper leur retard. Ils ont mis de gros moyens dans les capacités de production de batteries et peuvent compter sur les achats des provinces et des municipalités qui leur assurent des milliers de ventes. Aujourd’hui, il y a une cinquantaine de marques chinoises qui font des voitures électriques, et il y en aura deux ou trois qui vont devenir très fortes.

Le gouvernement français va conditionner l’octroi du bonus pour les voitures électriques à l’empreinte carbone des véhicules. Ces mesures visent clairement les importations chinoises. Vous paraissent-elles suffisantes ?

Entre l’hyper libéralisme et le protectionnisme, il peut y avoir une voie médiane. Le protectionnisme pur crée de l’inefficacité sur le long terme et il peut engendrer des représailles de la part des pays concernés par les mesures de protection. Pour autant, la Chine et les Etats-Unis avec l’inflation reduction act (IRA) font du protectionnisme et l’Union européenne doit trouver la façon de se protéger, non pas pour défendre une industrie du passé, mais pour faire décoller l’industrie de demain. Pour sortir de cette impasse, il faudrait des mesures coordonnées au niveau mondial, ce qui est très difficile je le reconnais. Il faut négocier pour éviter les représailles avec des règles qui évoluent dans le temps, tenter des choses, voir si elles fonctionnent et les corriger si ce n’est pas le cas. Ce n’est pas la façon de faire de l’Europe. Elle n’a pas de stratégie pour l’automobile. On fixe des réglementations et des objectifs comme la fin des voitures thermiques en 2035, mais on ne dit pas comment faire pour les atteindre. Il faut que l’Europe négocie au minimum un principe de réciprocité, elle a été assez généreuse pour faire entrer tous les constructeurs du monde sur son marché. Il faut désormais mettre des règles à respecter pour entrer en Europe. Les exportations de la Chine vers l’Europe ont été multipliées par 6 quand, dans le même temps, les exportations de l’Europe vers la Chine ont diminué de 10 %. Dans le top 10 des voitures électriques vendues en Chine, il n’y a qu’une Tesla, toutes les autres sont chinoises.

La Chine n’a-t-elle pas ouvert son marché aux constructeurs européens ?

Oui, mais le marché est en fait fermé d’un point de vue technologique. La Chine a exigé plein de choses pour attirer les constructeurs étrangers : faire des joint-ventures à 50/50 et localiser chez eux la production en faisant venir nos fournisseurs. Faisons la même chose. Il faut demander aux constructeurs chinois de créer des usines en Europe, d’amener le Cobalt et de faire des batteries… Il faut respecter un principe de réciprocité. La Chine peut apporter beaucoup en investissant en Europe.

Peut-on donc imaginer demain des usines chinoises en France ?

Oui, c’est possible.

Ce bonus écologique que prépare la France et mis en place pour contrer la concurrence et protéger l’industrie française peut-il impacter les importations de vos voitures produites à l’étranger ?

Comme je vous le disais, toutes les voitures électriques de la marque Renault seront produites en France, sur notre pôle Electricity dans les Hauts-de-France. Certes, Dacia commercialise la Spring fabriquée en Chine, mais nous ne parlons que d’un modèle.

Que demandez-vous pour être plus compétitif en France ?

Je ne demande rien. C’est à nous de trouver des solutions. Pour autant, il faut un plan coordonné sur certains sujets. Il est clair que, pour régler des problèmes systémiques, nous avons besoin d’une coordination des différentes industries impliquées dans la réalisation de nos voitures. Car des sujets comme la transition énergétique et la digitalisation sont transverses à plusieurs secteurs. Les pouvoirs publics peuvent nous mettre autour de la table et nous forcer à travailler ensemble. Parce que s’il n’y a pas quelqu’un qui installe de supers chargeurs sur les autoroutes, nous ne vendrons pas des voitures. Même chose s’il n’y pas quelqu’un qui trouve un moyen de nous fournir de l’énergie renouvelable décarbonée, ou si personne ne se retrousse les manches pour aller chercher du cobalt ou faire du raffinage de lithium…. La deuxième chose, ce sont des mesures qui garantissent la compétitivité de l’Europe comme système. Il faut faire des choix qui favorisent un secteur en phase de décollage. Dans le cas d’une gigafactory, par exemple, qui consomme énormément d’énergie, il faudrait, dans ce cas spécifique, que l’énergie soit compétitive pendant le temps nécessaire à la maturité du marché. Sinon, cela ne marchera pas. Ça, c’est de la stratégie industrielle.

Par ailleurs, on constate une augmentation des ventes de voitures électriques en Europe ces derniers temps (+13 % en mai), mais elles restent largement minoritaires par rapport aux voitures à moteur thermique malgré les objectifs européens, comment l’expliquez-vous ?

Pour l’instant, le marché de l’électrique n’est pas un marché naturel. Si on demandait aux gens s’ils voulaient vraiment acheter une voiture électrique, on serait loin d’obtenir 100% de réponses positives. C’est donc un marché qui a besoin de soutien. Or, paradoxalement, alors que la transition vers le véhicule électrique a besoin d’aides publiques pour décoller, certains pays (Royaume-Uni, ndlr) ont arrêté d’accorder des subventions. Je comprends les exigences budgétaires, mais on ne peut pas demander de passer dans un peu plus de 10 ans à 100% de voitures électriques en Europe sans mettre le paquet en termes d’aides publiques. Et ce, alors que les prix des voitures électriques ont augmenté en raison de l’inflation des matières premières comme le nickel, le lithium ou encore le cobalt, nécessaires aux batteries électriques. Cette hausse des coûts ne s’est pas observée de la même façon pour les matières premières de la chaîne de valeur des moteurs à combustion. Il faut également tenir compte de l’augmentation du prix de l’électricité, qui rend moins favorable l’achat d’un véhicule électrique par rapport à une voiture thermique. Enfin, si on veut utiliser une voiture électrique de la même façon qu’une voiture à combustion, avec la même autonomie, il faut des véhicules avec 100 kWh de batteries, qui coûtent cher. Pour autant, il n’y a pas de retour en arrière sur l’électrique, même si certains parlent d’une clause de revoyure en 2026 par rapport à l’interdiction des ventes de voitures thermiques en Europe en 2035. En 2026, le train aura déjà quitté la gare.

Croyez-vous vraiment que la cible à 2035 est tenable ?

Je ne suis pas là pour croire ou pas. J’ai des règles du jeu qui me sont données. Initialement, nous aurions souhaité plutôt une cible à 2040 pour nous laisser le temps de construire une chaîne de valeur capable de concurrencer les constructeurs chinois qui disposent d’une génération d’avance. On a toujours dit que toutes les règles européennes devaient respecter un principe de neutralité technologique. C’est-à-dire que le politique doit fixer un point d’arrivée, mais qu’il doit laisser les constructeurs trouver les moyens d’atteindre les objectifs. Si l’ennemi est le CO2, qu’on nous laisse proposer une solution pour le réduire. Et aujourd’hui, la meilleure façon, c’est de renouveler le parc existant. Mais je comprends bien qu’il est plus facile de donner des règles à quelques constructeurs que de dire à la population qu’elle ne pourra plus utiliser son véhicule s’il est classé Euro 2.

ChatGPT : Perspectives et limites

ChatGPT : Perspectives et limites

Par Benoît Bergeret, directeur exécutif ESSEC Metalab for Data, Technology and Society et co-fondateur du Hub France IA.

En seulement cinq semaines, ChatGPT a été adopté par plus d’un million d’utilisateurs. Mais tous comprennent-ils les limites de l’outil, qui nous étonne par sa capacité à produire des textes cohérents, grammaticalement corrects et apparemment pertinents ? Quel impact anticiper pour son usage en entreprise ? Le système dont tout le monde parle peut-il devenir une « machine pensante » ? Est-il fondé de le voir comme un pas de plus vers l’IA généralisée, celle qui finira par nous diriger ?

Le langage n’est pas la pensée. Mais l’illusion est impressionnante. Selon Nick Cave, chanteur de The Bad Seeds, « les paroles écrites par ChatGPT sont une grotesque moquerie de ce qu’est être humain ». Il rejoint ainsi le philosophe américain John Searle : un système syntaxique peut donner l’impression qu’il comprend la langue alors qu’il ne comprend ni les prompts, ni les réponses produites. Et la recherche en neurosciences cognitives montre que la maîtrise du langage nécessite des capacités comme le raisonnement, les connaissances sur le monde et la cognition sociale. ChatGPT, système syntaxique par nature, a des compétences linguistiques formelles indéniables, mais rien de plus.

Neurosciences. Searle rejoint aussi les neurosciences : l’esprit humain n’est pas un système computationnel, il résulte de processus biologiques. Or, le numérique ne peut que simuler ceux-ci, pas les dupliquer. C’est un obstacle infranchissable au développement de la conscience, donc d’une IA capable d’égaler l’humain. Contrairement aux apparences, ChatGPT est une avancée intéressante, mais pas un « pas décisif » vers l’IA généralisée.

Bien sûr, la combinaison de cet outil syntaxique avec des moteurs de recherche sémantiques, produira des résultats impressionnants pour des usages « étroits » (« Narrow AI »). Mais nous resterons loin de l’IA généralisée.

L’outil va disrupter les stratégies de déploiement centralisées de l’IA : il va être difficile de demander à renoncer à son utilisation. L’expérience de Sciences Po, qui en a interdit récemment l’usage par ses étudiants, va être suivie avec beaucoup d’intérêt.

Pour les entreprises, il va falloir s’adapter vite, compléter les stratégies top-down d’adoption de l’IA à l’accueil et à l’intégration raisonnée de ces nouveaux outils. A minima, dans les semaines qui viennent, il va leur falloir mettre en place une gouvernance. Par exemple : définir le périmètre acceptable d’usage et interdire toute autre utilisation, mettre en place un contrat engageant la responsabilité du fournisseur, pour diminuer le risque lié à une interruption inattendue de l’accès au système.

Confiance. Il faut aussi établir la confiance par l’éducation en expliquant les limites de l’outil, en rappelant qu’il ne peut pas garantir la véracité des informations générées et que le producteur de contenu a la responsabilité d’une nécessaire vérification manuelle de toutes les informations. Les entreprises devront assurer une stratégie de résilience (« j’utilise ChatGPT, que ferai-je si je n’y ai plus accès ? »), garantir le respect des normes éthiques et des lois lors de l’utilisation, et enfin mettre en place un système de détection de ChatGPT dans les contenus produits.
Souhaitable pour l’entreprise s’il est utilisé de manière appropriée, l’outil va ajouter de la valeur au travail des employés. Selon moi, ChatGPT (avec ses imperfections) se révélera in fine un catalyseur de l’adoption de l’IA en entreprise.

Son arrivée soulève les questions liées à l’introduction rapide auprès du public de technologies numériques peu matures et mal comprises. La question de l’adoption consciente et informée de cet outil se pose : comment éviter les dégâts collatéraux similaires à ceux causés par les réseaux sociaux ?
Mais n’ayons pas peur de chatGPT : ce n’est au fond qu’un outil, le successeur fonctionnel du traitement de texte et du correcteur orthographique ! Un outil merveilleux, plein de promesses, mais qu’il ne faut pas adopter à l’aveugle. Et les entreprises ont une grande responsabilité dans le bon usage qui en sera fait.

Benoît Bergeret, directeur exécutif, ESSEC Metalab for data, technology and society et Co-fondateur du Hub France IA

Perspectives de conflit social : sur le pouvoir d’achat ou la réforme des retraites ?

Perspectives de conflit social : sur le pouvoir d’achat ou la réforme des retraites ?

Rémi Bourguignon , chercheur et enseignant à l’IAE Paris Est, Université Paris Est-Créteil estime les tensions plus probables sur le pouvoir d’achat sur la réforme des retraites (interview la Tribune).


Les Français se moquent-ils d’un passage de l’âge de départ à la retraite à 65 ans ?

Rémi Bourguignon – Non, mais cela fait tellement longtemps que l’exécutif en parle que finalement, les Français s’y préparent. Il y a une forme de fatalisme, de lassitude, de fatigue sur ce dossier. Et puis la réforme qui va être présentée en janvier par Emmanuel Macron revient à un format assez classique, que les Français connaissent : le décalage de l’âge. Le président a abandonné son grand projet de réforme par points, avec un passage à un système universel de retraite… qui était, au final, bien plus anxiogène. On revient à une réforme paramétrique. Que les syndicats se préparent à combattre cette réforme, est attendu. Mais je ne suis pas sûr qu’ils emporteront avec eux l’adhésion des Français, comme en 2010 par exemple. Les bastions habituels se mobiliseront, notamment les régimes spéciaux. Mais pour le reste, les Français ont la tête occupée à autre chose : maintenir leur pouvoir d’achat. Et, pour ce faire, c’est bien dans les entreprises que les bras de fer vont s’exercer, pour obtenir des hausses de salaires.

On l’a constaté en 2022, il y a eu une hausse des conflits sociaux autour des rémunérations. Il n’y a aucune raison qu’en 2023 cela change, car l’inflation va rester élevée selon les économistes. Surtout, depuis les ordonnances Macron de 2018, la négociation se fait au niveau des entreprises. Il est probable que les salariés des grands groupes s’en sortent mieux, et obtiennent des revalorisations, mais pour les autres, les marges de manœuvre risquent d’être faibles… et donc alimenter la grogne, nourrir du ressentiment.

Les syndicats vont devoir se positionner…
Oui, et d’autant plus que cette année 2023 va être très dense en élections professionnelles. Il va y avoir dans de nombreuses entreprises, les votes pour le renouvellement des CSE, les comités sociaux et économiques. C’est une conséquence directe de la loi de 2018 d’ailleurs. Ils doivent être renouvelés au maximum 4 ans après. Nous y sommes. Le législateur ne l’a pas forcément anticipé, mais là, où auparavant, il y avait des élections professionnelles au fil de l’eau dans le secteur privé, elles vont être organisées quasiment toutes en même temps. Ce qui va générer de la concurrence entre les centrales, des bras de fer. Ce calendrier risque d’accroitre les tensions intersyndicales, et de polariser les différences. De tendre encore le climat social global. Surtout, si les syndicats sont trop occupés à se faire réélire sans obtenir des avancées – de pouvoir d’achat -, les Français les mettront en minorité. Ils s’en détourneront, en se disant, que décidément, « ils ne servent à rien ».

Surtout dans un contexte, où les syndicats se font doubler par des collectifs…
Effectivement ! Les Gilets jaunes restent un véritable traumatisme pour la CGT. Et on l’a vu récemment avec le conflit des contrôleurs à la SNCF, il a échappé aux centrales habituelles… Il est né sur les réseaux sociaux, les contrôleurs ont exprimé leur ras le bol et se sont organisés pour mener des actions. Au final, ils l’ont emporté et ça a payé. De fait, ces expériences mettent en difficulté les organisations classiques. Elles se sentent – à raison – menacées. Le risque de se faire déborder peut donc les amener à vouloir montrer les muscles, alors qu’en d’autres temps, elles auraient plus facilement négocié avec la direction. Auparavant, les organisations auraient évité une grève en période de Noël etc.

Ne croyez-vous pas un mouvement coordonné de grande ampleur ?
Non, on le voit bien : chacun se mobilise pour sa « paroisse ». La CGT a essayé de lancer un mouvement général de grève quand il y a eu le conflit dans les raffineries Total, en octobre dernier, en embarquant la SNCF, ou la RATP. Cela n’a pas pris. On revient de plus en plus au contraire à une approche catégorielle. Les travailleurs se mobilisent métier par métier. Il n’y a pas de solidarité globale. Le rêve de la grève générale de la CGT aura bien dû mal à prendre. Ce qui est plus facile à gérer pour le gouvernement. Ce dernier reste d’ailleurs fidèle à lui-même : c’est, dans l’ entreprise, dans la branche que les problèmes doivent se régler. Pour lui, l’action politique n’a pas à négocier. Le gouvernement amène les syndicats à fournir un avis. Mais au final, c’est bien lui qui tranche.

L’année 2023 va aussi être marquée par le congrès de la CGT..
Oui, mais la succession de Philippe Martinez n’est pas claire. La CGT est en crise depuis longtemps, et n’a pas tranché en termes de lignes à tenir. Ce qui conduit plusieurs candidats à se déclarer. La CGT est tiraillée entre les durs, les radicaux, et ceux qui sont ouverts à la négociation. Avec ce passage de mandat de Philippe Martinez, elle risque de se trouver encore plus affaiblie qu’auparavant. Quant à la CFDT, elle reste assez discrète. Elle va essayer de limiter les dégâts de l’inflation, mais elle ne sera pas en capacité d’obtenir beaucoup d’avancées. Elle n’est pas très écoutée par le gouvernement, y compris sur le sujet des retraites. L’année 2023 prévoit d’être difficile pour ces organisations.

Perspectives Entreprises : taux de marge en baisse

Perspectives Entreprises : taux de marge en baisse

De façon mécanique la hausse d’abord des matières premières ensuite et surtout de l’énergie va peser sur les perspectives de taux de marge des les entreprises. Une baisse de cinq points est envisagée pour 2023.

L’inflation touche les entreprises comme les particuliers et la baisse du rendement financier va assécher une partie des finances et freiner les investissements d’autant que la demande sera nettement à la baisse voire en régression. En outr,e la remontée des taux d’intérêt va alourdir les charges financières des investissements.

Après le sommet des 34 % de la valeur ajoutée en 2021, celui-ci est passé à 31,4 % en 2022, et pourrait s’établir à 30,5 % l’année prochaine ainsi qu’en 2024, selon la Banque de France.

En cause ? L’augmentation notable des factures de gaz et d’électricité, ainsi que la hausse des coûts salariaux unitaires (le ratio du coût de la main-d’œuvre sur la productivité au travail). Le contexte joue donc à plein, alors que la guerre en Ukraine se poursuit, maintenant une inflation conséquente, et que la pénurie d’emploi se fait jour dans certains secteurs.

Des disparités existent d’ailleurs. En 2022, l’énergie et les services ont retrouvé un niveau « historiquement élevé » du taux de marge, selon l’Insee. A l’inverse, il s’est nettement dégradé dans le reste de l’industrie (- 2 points par rapport à 2018).

En fin de course, c’est l’investissement des entreprises qui risque lui aussi de ralentir, aussi impacté par les hausses des taux d’intérêt. En progression de 3 % au troisième trimestre 2022, il devrait se retrouver en quasi-stagnation (+ 0,1 %) au dernier trimestre de cette année, ainsi que lors des trois premiers mois de 2023, selon l’Insee. Un redoux pourrait néanmoins arriver au printemps (+ 0,4 %).

Perspectives Croissance reportées par Macron en 2024 !

Perspectives Croissance reportées par Macron en 2024 !


Alors que le gouvernement avait promis que l’économie sortirait de ses difficultés en 2023, Macron annonce le report en 2024.

Bref, la dialectique habituelle quand une situation est mauvaise et qui consiste à annoncer le printemps pour plus tard. Bien évidemment Macron n’en sait strictement rien. Par avance, il s’excuse des mauvais résultats. En matière notamment d’inflation qui va peser sérieusement sur la consommation des ménages dont le pouvoir d’achat est durement entamé.Et la responsabilité est reportée par Macron sur la conjoncture internationale afin de dédouaner le gouvernement.

Peut-être c’est que cette tendance récessionniste qui s’installe effectivement au plan mondial pourrait durer plus longtemps que ne le dit Macron. En effet si on peut prévoir le début d’un tassement économique, il est plus beaucoup plus difficile d’en prévoir la fin qui dépendra de l’inflation et du comportement des ménages face à la baisse de leur pouvoir d’achat. Sans parler de l’imprévisible évolution de la situation géopolitique.

Pour dégager sa responsabilité, Emmanuel Macron a donc prévenu que l’année 2023 serait « un moment un peu difficile de notre histoire » à cause du « ralentissement de l’économie mondiale », mais a espéré une « reprise qui devrait arriver en 2024, ce samedi sur TF1. « Je sais que les jours sont durs, que le coût de la vie pèse sur votre quotidien », a-t-il déclaré dans cet entretien donné à l’issue de sa visite d’Etat aux Etats-Unis.

Néanmoins la France figure « parmi ceux qui s’en sortent le mieux », a assuré le président de la République. « On va continuer de tenir, on va absorber ce choc, et il faut maintenant relancer les choses, par les réformes -sur le travail, l’éducation, la santé, les retraites- pour être plus forts », a-t-il ajouté..

Bref la dialectique habituelle quand une situation est mauvaise et qui consiste à annoncer le printemps pour plus tard. Bien évidemment ma condensée strictement rien. Par avance il s’excuse des mauvais résultats. En matière notamment d’inflation qui va peser sérieusement sur la consommation des ménages dont le pouvoir d’achat est durement entamé.

. « Il nous faut continuer le travail et nous préparer à une reprise qui je pense devrait arriver dans l’année 2024″, a estimé le chef de l’Etat.
« Nous avons tout pour sortir plus forts, plus grands de ce moment un peu difficile de notre histoire, et nous avons peut-être plus que beaucoup de nos voisins ( !!!), donc nous allons y arriver », a-t-il voulu rassurer.

Sondage croissance : stable en août mais perspectives en baisse

Sondage croissance  : stable en août mais perspectives en baisse

 

D’après  l’Insee, le moral des chefs d’entreprise demeure encore satisfaisant en août. Paradoxalement ,il est en contradiction avec celui des ménages particulièrement pessimistes sans doute à cause des dégâts de l’inflation sur le pouvoir d’achat sans parler des inquiétudes sur l’énergie . Le  moral des chefs d’entreprise, s’est établi à 103, au-dessus de sa moyenne de long terme qui est de 100. Dans le détail, la détérioration enregistrée dans l’industrie a été compensée par une amélioration dans le commerce de détail et dans une moindre mesure dans le bâtiment.

L’économie française semble donc avoir encore devant elle une période de répit relatif. De quoi rassurer Bercy qui table sur une croissance de 2,5 % cette année. « Ce niveau devrait être atteint, il est même possible que le chiffre soit finalement supérieur. En revanche le choc sera pour 2023, et j’ai un très gros doute sur l’objectif de croissance de 1,3 % affiché pour le moment par l’exécutif », estime Patrick Artus. Le conseiller économique de Natixis table pour sa part sur « une croissance négative l’an prochain ». « La croissance marquera le pas en 2023 et s’établira probablement proche de 0 % pour l’ensemble de l’année », estime ING.

Moins pessimiste, Mathieu Plane évoque « un grand flou pour 2023 ». « La récession n’est pas notre scénario central, mais l’objectif de 1,3 % sera difficile à tenir  », juge-t-il, alors que l’OFCE avait annoncé en juillet tabler sur +1 % l’an prochain.

Sondage activité économique : stable en août mais perspectives en baisse

D’après  l’Insee, le moral des chefs d’entreprise demeure encore satisfaisant en août. Paradoxalement ,il est en contradiction avec celui des ménages particulièrement pessimistes sans doute à cause des dégâts de l’inflation sur le pouvoir d’achat sans parler des inquiétudes sur l’énergie . Le  moral des chefs d’entreprise, s’est établi à 103, au-dessus de sa moyenne de long terme qui est de 100. Dans le détail, la détérioration enregistrée dans l’industrie a été compensée par une amélioration dans le commerce de détail et dans une moindre mesure dans le bâtiment.

L’économie française semble donc avoir encore devant elle une période de répit relatif. De quoi rassurer Bercy qui table sur une croissance de 2,5 % cette année. « Ce niveau devrait être atteint, il est même possible que le chiffre soit finalement supérieur. En revanche le choc sera pour 2023, et j’ai un très gros doute sur l’objectif de croissance de 1,3 % affiché pour le moment par l’exécutif », estime Patrick Artus. Le conseiller économique de Natixis table pour sa part sur « une croissance négative l’an prochain ». « La croissance marquera le pas en 2023 et s’établira probablement proche de 0 % pour l’ensemble de l’année », estime ING.

Moins pessimiste, Mathieu Plane évoque « un grand flou pour 2023 ». « La récession n’est pas notre scénario central, mais l’objectif de 1,3 % sera difficile à tenir  », juge-t-il, alors que l’OFCE avait annoncé en juillet tabler sur +1 % l’an prochain.

Perspectives croissance 2023 en Europe : vers la récession ?

Perspectives croissance  2023 en Europe : vers la récession ?

 

On peut se demander si la BCE n’agit pas à contre-courant en décidant  des hausses des taux d’intérêt et cela tant que l’inflation ne sera pas ramenée à 2 %. En effet ,  tous les indicateurs économiques sont orientés vers le rouge et cette hausse pourrait précipiter l’Europe vers la récession. Les indicateurs de juillet témoignent de la chute brutale de l’environnement économique.De ce point de vue, il se pourrait que la banque centrale européenne agisse à contretemps. En effet la perspective de récession prend son origine dans la baisse de la demande constatée aujourd’hui. Augmenter le coût de l’argent c’est assommer un peu plus l’activité. On sait à peu près prédire l’hypothèse d’une récession mais beaucoup plus difficilement le calendrier de sa sortie. La BCE pourrait alors être conduite non pas à augmenter les taux d’intérêt d’ici quelques mois mais au contraire de les diminuer pour tenter de relancer la croissance.

La situation particulièrement inquiétante de l’Allemagne pourrait précipiter encore davantage la dégringolade de la croissance européenne qui se caractériserait alors par une forte inflation mais une activité économique en déclin.

Les indices PMI dévoilés ce vendredi 22 juillet montrent que l’économie européenne s’écroule. L’indicateur synthétique de la zone euro est entré en territoire négatif au mois de juillet à 49.4 contre 52 au mois de juin. Il s’agit d’un plus bas depuis 17 mois. Pour rappel, l’activité est en contraction quand cet indice, très scruté dans les milieux économiques et financiers, passe sous le seuil de 50 points ; et elle est en expansion lorsqu’il dépasse ce chiffre.

« Si on exclut les périodes de confinements sanitaires, la baisse de l’activité globale enregistrée en juillet est la première depuis juin 2013. Elle indique en outre un recul trimestriel du PIB de l’ordre de 0,1 %, soit un rythme de contraction pour l’heure marginal, mais qui, compte tenu du fort repli des nouvelles affaires, de la baisse du volume des affaires en cours et de la dégradation des perspectives d’activité, devrait s’accélérer dans les prochains mois », a déclaré Chris Williamson, chef économiste chez à S&P Global Market Intelligence.

Au sein de la zone euro, c’est en Allemagne que la baisse de l’activité est la plus marquée, avec un repli de l’indice PMI à 48, soit le plus faible niveau depuis juin 2020. Dans une note de blog publiée ce vendredi, les économistes du FMI ont révisé fortement à la baisse leurs projections de croissance pour l’Allemagne, passant de 2,9% à 1,2% pour 2022. En France, l’activité a continué d’augmenter en juillet, mais à un rythme extrêmement ralenti, avec un PMI de 50,6 en juillet. Au-delà de ces indicateurs conjoncturels, le ralentissement économique est en train de se transformer en crise bien plus systémique.

 

La hausse du coût de la vie fait trembler l’économie européenne. La guerre en Ukraine a propulsé l’indice des prix à un niveau record en juin dernier à 8,6% en glissement annuel selon les derniers chiffres de la Commission européenne. Poussée par la flambée des prix de l’énergie, des matières premières et les pénuries, l’inflation grignote peu à peu le pouvoir d’achat des ménages sur le sol européen.

En France, une étude du conseil d’analyse économique (CAE), publiée ce jeudi 21 juillet, montre que les ménages en bas de l’échelle ont largement puisé dans leur modeste épargne. Les classes moyennes ont un stock d’épargne équivalent à la tendance pré-covid. Quant aux plus riches, ils possèdent un stock d’épargne supérieur. En Europe, l’inflation risque ainsi de plomber la demande des familles qui ont la plus forte propension à consommer. Les récentes enquêtes de conjoncture indiquent également que la confiance des ménages est en chute libre. Au final, compte tenu de l’inflation, le niveau de vie d’un grand nombre d’Européens a déjà commencé à chuter.

 Dans l’industrie au mois de juillet, l’indice PMI s’est infléchi à 49.6 contre 52.1 en juin. Il s’agit du niveau le plus bas depuis 25 mois au pic de la pandémie. « A l’exception de celles observées pendant les périodes de confinements sanitaires, la baisse de l’activité enregistrée en juillet a été la plus marquée depuis décembre 2012, » soulignent les économistes de S&P.

Cette chute s’explique en grande partie par les difficultés persistantes de l’industrie allemande particulièrement exposée aux conséquences de la guerre en Ukraine et des difficultés d’approvisionnement. « C’est dans le secteur manufacturier, où un volume de nouvelles commandes plus faible qu’anticipé a entraîné une hausse sans précédent des stocks d’invendus, que la situation est la plus inquiétante » souligne Chris Williamson.

 Du côté des services, les indicateurs virent également au rouge. L’indice PMI est passé de 53 en juin à 50,6 en juillet frôlant ainsi la contraction. Plusieurs branches ont connu un recul ou un coup de frein de l’activité dans les loisirs, les transports ou encore le tourisme. Cette moindre activité s’explique en partie par une hausse du coût de la vie pour un grand nombre d’Européens obligés de faire des choix plus drastiques dans leur quotidien face à l’inflation galopante.

Dans l’immobilier et le secteur bancaire, les analystes font également part de difficultés en raison notamment d’un resserrement des conditions financières depuis plusieurs mois. Compte tenu du poids du tertiaire dans le produit intérieur brut européen (environ 65%), tous ces mauvais signaux ne laissent pas présager de perspectives favorables pour la fin de l’année 2022 et le début de l’année 2023.

Perspectives de la France face aux crises

Perspectives  de la France face aux crises

Des événements de diverses natures ont entraîné des conséquences géopolitiques bien au-delà de leur perception par leurs contemporains ( article de André Yché dans la Tribune)

En remportant la bataille de Chéronée en 338 avant JC, Philippe II de Macédoine assure la domination de son pays sur la Grèce et prépare l’entreprise conquérante d’Alexandre le Grand qui, pénétrant en Orient jusqu’en Asie Centrale et en Inde, ouvre les « routes de la soie ».

De même, la peste de Justinien, au milieu du VIème siècle, en décimant les armées byzantines engagées dans la reconquête de l’Italie, met un terme à l’ultime tentative de réunification de l’Empire romain et, de fait, scelle le sort, à terme, de l’Empire byzantin.

Les batailles de Chesapeake Bay et de Yorktown, en 1781, remportées par de Grasse et Rochambeau, ouvrent la voie à l’indépendance américaine et jouent un rôle déterminant dans l’Histoire mondiale du XXe siècle.

La bataille de Sadowa, qui accélère le déclin de l’Empire austro-hongrois, marque le début de l’hégémonie prussienne en Europe centrale, avec les conséquences dramatiques que l’on sait.

Enfin, la crise de 1929 n’est surmontée qu’à partir du moment où les Etats-Unis s’engagent dans une politique de réarmement, d’abord au profit des démocraties européennes, puis pour leur compte propre à partir du 8 décembre 1941. Pour soixante-dix ans, la doctrine Monroe est mise entre parenthèses et l’Amérique renonce à son isolationnisme traditionnel. Jusqu’à quand ?

En même temps, la dimension géopolitique de l’Histoire se heurte constamment aux réalités territoriales, aux ancrages nationaux, à l’enracinement des Hommes qui tressent un lien indissoluble entre histoire et géographie.

C’est ainsi que tout au long du premier tiers du XVe siècle, le grand empereur chinois, Yongle, parraine les expéditions maritimes de Zheng He, afin d’ouvrir le monde à la Chine : l’océan Indien, les côtes de l’Afrique de l’Est, la mer Rouge, jusqu’en Egypte. Mais l’agitation turco-mongole sur les frontières du nord impose le recentrage de l’effort budgétaire sur la restauration de la Grande Muraille et, pour protéger le Hebei, l’Empire céleste se détourne durablement du « Grand Large ».

Au cours du dernier tiers du XIXème siècle, alors que monte en Angleterre un courant en faveur du libre-échange qui ouvre le monde entier à la City, porté par l’aristocratie foncière reconvertie dans la finance après l’abrogation des lois protectionnistes sur le blé (« Corn Laws ») par Robert Peel en 1846, une forte opposition se fait jour, conduite aux Communes par Benjamin Disraeli. Derrière ce courant protectionniste, les intérêts portuaires britanniques sont en cause ; ils bénéficient du régime de l’« Exclusif » avec l’Empire qui alimente les réexportations vers le continent. L’entreprise coloniale, ce sont également, à proximité des bases navales, les arsenaux de la Navy et de l’Army qui constituent le cœur de la métallurgie anglaise.

Comme aux Etats-Unis et en France aujourd’hui, les Anglais sont donc en plein débat sur la protection de leur industrie, auquel s’ajoutent les polémiques entre Malthus (protectionniste) et Ricardo (libre-échangiste) sur la souveraineté alimentaire nationale.

Quels enseignements utiles faut-il tirer de ces épisodes historiques quant à l’impact probable de la crise sanitaire, économique et géopolitique que nous traversons?

La France et le Monde

L’expérience pratique de l’Antiquité grecque est celle d’un monde éclaté, dans lequel chaque Cité fixe ses lois, règle son gouvernement, décerne sa citoyenneté. Au-delà, c’est le monde barbare, qui ne parle pas grec et qui, de ce fait, n’est pas civilisé.

Pour autant, Platon n’ignore pas l’idée d’universalité : mais elle est purement intellectuelle ; elle tient dans l’aptitude de tout être humain à penser ; c’est, en quelque sorte, le « Cogito » de Descartes, avant l’heure.

L’universalisme romain ne se conçoit, juridiquement, qu’à travers l’attribution de la citoyenneté, considérablement élargie à partir de l’édit de Caracalla en 212, qui accorde la qualité de citoyen romain à tout homme libre de l’Empire.

Il n’en demeure pas moins que le véritable vecteur du concept d’universalisme réside dans le christianisme, à travers notamment la prédication de Saint Paul :

« Il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme. »

La réalisation de ce principe soulèvera, bien sûr, maintes difficultés, y compris au sein de la communauté chrétienne et sera à l’origine de très vives tensions entre Paul et Pierre, à l’occasion de leur rencontre à Antioche. Avec la fin de l’Empire, le christianisme demeure le seul cadre porteur de valeurs universelles, ce qui ne manquera pas de susciter de nombreux conflits politiques au Moyen-Age, face à l’émergence des nations : le volet politique de la réforme grégorienne illustre, entre dogmes religieux persistants et nouvelles réalités d’un monde recomposé, une contradiction que Machiavel tranchera définitivement en laïcisant la pensée politique.

Il est nécessaire de percevoir qu’en réalité, la divergence entre principes universalistes et réalités nationales est une constante historique.

Le grand penseur de l’universalisme des Lumières est Emmanuel Kant, qui fait de l’universalité une condition essentielle de la morale : « Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse être érigée en loi universelle. ». Ce principe, qu’il élève au rang d’« impératif catégorique », n’est donc pas, à ses yeux, discutable. Pour autant, Kant mesure bien que concrètement, c’est la loi de l’Etat qui s’impose. Il considère que la contrainte physique que peut exercer l’Etat n’a pas d’effet durable sur la société et que ce qui compte, c’est l’obligation morale d’obéir à la loi que chaque individu perçoit intérieurement, parce qu’elle découle, précisément, d’une norme universelle.

Très belle construction intellectuelle, qui inspirera les fondateurs de la Société des Nations, de l’ONU… Mais en pratique, qu’en est-il ? Pour citer Charles Péguy :

« Kant a les mains pures, mais il n’a pas de mains. »

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, tout comme les textes fondateurs de la République américaine, s’inspirent naturellement de la philosophie kantienne, mais concrètement, la distinction est clairement établie entre ceux qui détiennent des droits subjectifs, les « citoyens », et les autres, les « hommes » qui ne peuvent exciper que de droits objectifs. Et la réalité révolutionnaire est essentiellement nationale (Valmy…) avant de devenir impérialiste, puis colonialiste : Jules Ferry est le symbole de l’ambition civilisatrice universelle de la République, quitte à transiger avec les principes de la laïcité :

« L’anticléricalisme n’est pas un produit d’exportation. »

C’est précisément par la voie de la colonisation que survient la première véritable mondialisation et, bien sûr, elle repose sur un principe d’asymétrie. L’opinion publique pense immédiatement : esclavage, commerce triangulaire. La réalité est plus complexe : c’est le régime de l’Exclusif qui assure à la métropole le monopole des échanges avec ses colonies, de telle sorte que par le biais de réexportations massives qui permettent au colonisateur de capter l’essentiel de la valeur ajoutée, l’équilibre commercial de la puissance colonisatrice est assuré. Ce modèle perdurera jusqu’en 1913 et se traduira par un poids des échanges extérieurs dans l’économie européenne qui ne sera à nouveau atteint qu’à la veille du premier choc pétrolier, au début des années 70.

Entretemps, la science économique a progressé. Le courant de pensée initial est celui des avantages comparatifs de Ricardo, décliné à travers le modèle de Heckscher- Ohlin-Samuelson qui souligne l’importance majeure de la dotation de chaque pays en facteurs de production, de telle sorte, par exemple, que l’abondance de capital aux Etats-Unis devrait conduire l’économie américaine à se spécialiser dans les produits à forte intensité capitalistique, ce qui n’est pas toujours le cas. Par ailleurs, les phénomènes d’accumulation des avantages comparatifs, d’oligopoles et de dissymétrie des termes de l’échange ont conduit à l’émergence d’une critique croissante, en faveur de la réinstauration d’un certain protectionnisme.

La première question est celle des secteurs stratégiques, éléments essentiels de la souveraineté. Mais comment repenser la souveraineté à l’heure de la construction européenne ? L’industrie de défense, l’approvisionnement énergétique occupent le premier rang de ces préoccupations.

Les nanotechnologies, la santé figurent depuis longtemps parmi les priorités industrielles, aux côtés de l’électronique et des technologies de l’information. Mais quelles conséquences en tirer quant à la localisation de ces activités ? La bonne échelle ne serait-elle pas européenne ?

C’est ici qu’intervient la question de l’emploi. Par exemple, il est certain que la maîtrise de la filière du médicament est un sujet stratégique et économique majeur. Mais peut-on analyser de la même manière la fabrication de masques de protection, eu égard à la réalité de la demande en temps normal ? A ce stade de la réflexion, comme en matière énergétique avec le gaz, le pétrole et l’uranium, on voit bien que la question est plutôt celle de la sécurité, notamment politique, des sources d’approvisionnement : le conflit qui déchire l’ex-empire soviétique illustre cette réalité. D’où le problème du « sourcing » chinois, surtout s’il est exclusif. En définitive, l’arbitrage à opérer se posera en termes de maîtrise des approvisionnements qui, n’implique pas une origine nationale, et d’emplois industriels productifs, c’est-à-dire compétitifs. Au-delà, il est évident que les enjeux de pouvoir d’achat, surtout en période d’inflation et de crise des finances publiques, limiteront les ambitions en termes de relocalisation quoiqu’en disent les prophètes annonciateurs d’un « nouveau monde ».

La principale révélation de la crise globale, en pratique, est celle de la relative fragilité de la chaîne logistique, levier essentiel de la mondialisation. Et c’est sur cet aspect du problème, qui n’est pas nouveau en dépit de la propagande chinoise autour des « routes de la soie », que mérite d’être réexaminée la dimension territoriale de l’économie, en lien avec les questions stratégiques et environnementales.

Traiter d’économie territoriale, c’est, d’abord, parler des territoires et de la relation du local au national. Dans cette démarche délicate, quelques fanaux éclairent le cheminement.

Fernand Braudel, d’abord, qui ne vivra pas assez longtemps pour conclure son ouvrage de synthèse, « L’identité de la France », dont il trace néanmoins les grandes lignes : un pays de pays, morcelés par la géographie et réunis par l’Histoire ; une tension entre de multiples irrédentismes et une centralisation opérée par l’Etat, au profit de la capitale et de son rayonnement mondial, au détriment, par exemple, de Lyon, pourtant mieux situé en termes de flux d’échanges européens. Au final, Braudel ne récuse pas ce travail historique et exprime sa méfiance à l’égard de la résurgence politique des territoires. Il n’est guère décentralisateur et il rejoint, sur ce point, Michelet qui résume sa thèse : l’Histoire s’est finalement imposée à la Géographie, et c’est très bien ainsi. La référence absolue, sur la question territoriale, demeure Vidal de la Blache et son « Tableau de la géographie de la France » de 1903, dans lequel il démontre comment, à cette époque, les seules métropoles qui aient véritablement émergé sont périphériques : tous les grands ports, Strasbourg sur le Rhin… Il montre également l’importance des complémentarités entre territoires et le processus de fertilisation croisée qui en résulte, notamment sur le plan démographique : La France est « une terre qui semble faite pour absorber sa propre émigration ». Mais Vidal est un homme de l’intérieur, du continent, qui ne connaît guère les côtes océaniques et qui manque du recul de Braudel pour distinguer les failles du modèle français : la France a raté la mer et n’a acclimaté que tardivement l’industrialisation et le capitalisme parce que pour le meilleur ou pour le pire, elle a toujours été attirée par son terroir et par les frontières continentales, lieu des menaces directes pesant sur son intégrité. Que dire de plus, et qu’en déduire ?

D’abord, que la question des territoires de la République est essentiellement franco-française et n’interfère qu’indirectement et de façon relativement marginale avec les questions de « déglobalisation » et de souveraineté économique. Certes, divers centres de production peuvent être réimplantés sur le territoire national, mais leur localisation précise dépendra surtout de considérations logistiques : la concurrence entre territoires, que l’on peut pressentir, correspondrait donc à une débauche d’énergie, peu productive.

En revanche, des leviers majeurs de redynamisation territoriale existent et, indépendamment de la crise sanitaire et économique, méritent d’être actionnés.

Le premier d’entre eux est relatif au développement de l’offre d’habitat, qui deviendra un facteur d’attractivité essentiel, s’agissant notamment des key-workers, particulièrement de ceux que leur métier écarte du télétravail. Il est évident que l’offre d’habitat intermédiaire à proximité des centres hospitaliers constituera, par exemple, une priorité à réexaminer dans l’avenir. Plus généralement, la revitalisation des villes moyennes et en particulier des « cœurs de ville » passe par la création d’une offre d’habitat adaptée à des clientèles potentiellement intéressées par les aménités culturelles, mais aussi sanitaires et éducatives : l’attractivité du centre-ville conditionne l’avenir de la périphérie.

Le deuxième enjeu, puisqu’il n’existe pas véritablement de territoire autonome en regard de l’économie nationale, réside dans la connexion au marché : national, européen, mondial. Connexion numérique, d’abord, mais aussi logistique physique et, notamment, multimodale.

Le troisième enjeu est relatif à la constitution de clusters autour des établissements universitaires et, à moindre échelle, des centres de formation d’ampleur régionale, de manière à coupler recherche et production, constituant ainsi de véritables pôles d’attractivité.

Au final, il est évident que les enjeux de revitalisation des territoires revêtent une dimension essentiellement nationale et qu’il est quelque peu artificiel de les raccorder à la question de la « déglobalisation », analysée comme ressort de nombreuses « relocalisations » sur le territoire national, ce qu’elle n’est probablement pas.

Si relocalisations il doit y avoir, ce qui paraît vraisemblable, c’est à l’échelle de l’Europe et du pourtour méditerranéen qu’il faudra les concevoir. Dans cette perspective, la connexion politique et opérationnelle entre les territoires et l’Etat central revêtira une importance accrue. En conclusion, la grande erreur est d’avoir pensé le capitalisme indépendamment d’une stratégie régalienne. L’erreur symétrique serait de penser les relocalisations indépendamment des principes du capitalisme.

L’Europe, ainsi nommée par les Grecs selon la célèbre princesse phénicienne enlevée, aux dires d’Esope, par Zeus métamorphosé en taureau, n’a longtemps été qu’une réalité géographique mal connue, à l’Ouest de l’espace hellène. Plus tard, l’entité politique structurante est l’Empire romain, essentiellement méditerranéen, qui ne franchit guère le Rhin et le Danube, tandis que la chrétienté réunit Occident et Orient, le christianisme étant d’ailleurs une religion d’origine orientale. Le premier, l’Empire de Charlemagne s’inscrit brièvement dans un espace correspondant à celui de l’Europe des Six. Issue du traité de Verdun de 843, une « Francia occidentalis » séparée par l’éphémère Lotharingie de son pendant oriental, participe du démembrement de l’Occident. Le Moyen-Age ignore donc la dimension européenne, qui n’est révélée que grâce à la prise de Byzance par les Turcs en 1453. Le pape Pie II s’en inquiète en ces termes : « des querelles intestines laissent les ennemis de la Croix se déchaîner » en préambule de son traité « De Europa ».

Tandis qu’Erasme y voit, déjà, l’espace d’une possible paix perpétuelle, Charles Quint tente, contre François Ier, d’imposer l’union par la force, sans succès ; François Ier n’hésite pas à s’allier à Soleiman pour contrer ce dessein, et la flotte turque, passant un hiver à Toulon, transforme ce port en ville musulmane, peuplée de milliers de janissaires et de leurs captifs chrétiens. François Ier frise l’excommunication, avant que la flotte ottomane ne lève l’ancre pour le Levant.

Napoléon, qui tente d’unifier l’espace péninsulaire du bloc asiatique par la force et par le droit, échoue pareillement et le Congrès de Vienne institue une Sainte Alliance dont ne s’excluent volontairement, signe précurseur, que l’Angleterre et le Vatican.

Dès lors, toute construction idéaliste, comme celle de Victor Hugo, bute sur la rivalité franco-allemande, jusqu’au grandiose projet d’Aristide Briand, à la fin des années vingt, mis à bas par la crise mondiale. Et c’est Churchill, au lendemain de la guerre, qui invite les continentaux à s’unir, sans inclure, lucidement, le Royaume-Uni dans la perspective ainsi tracée.

Ainsi, toute l’histoire de l’Europe met en évidence deux faits saillants : d’abord, que l’Angleterre n’est guère concernée ; ensuite, que la réalisation du projet dépend entièrement de la configuration, naturellement conflictuelle, de l’axe franco-allemand.

Un épisode l’illustre singulièrement : à l’issue de la signature du traité de l’Elysée, en 1963, qui pose les bases du projet européen, l’entregent de Jean Monnet permet à celui-ci de faire introduire devant le Bundestag, pour sa ratification, un préambule repositionnant le traité dans une perspective atlantiste, expressément écartée par le général de Gaulle qui, furieux, évoque la possibilité d’un renversement d’alliance « avec la Russie » ! Les limites politiques du « couple » franco-allemand sont ainsi tracées.

Au fond, c’est sur ce compromis que l’Europe a progressé : un grand marché ouvert au monde libre, supervisé en matière de droit de la concurrence ; la politique agricole commune pour satisfaire la France et quelques Etats méditerranéens ; des fonds structurels pour accompagner les retardataires ; et surtout, en contrepartie d’une clientèle assurée pour l’industrie allemande, une union monétaire, assortie de règles disciplinaires strictes. Un « deal » intelligent, sans doute le meilleur que l’on puisse espérer, et qui s’avère incontestablement « gagnant-gagnant ».

A ceci près qu’une fois encore, la relation franco-allemande soulève des difficultés, non pas à cause d’un écart de compétitivité entre les deux économies, qui fluctue dans le temps, mais d’un différentiel majeur de croissance démographique qui est structurellement stable et qui condamne la France à un taux de chômage élevé, pour des niveaux de croissance équivalents. De là viennent les excédents d’une grande Suisse, les déficits d’une « petite Russie » dépourvue de richesses naturelles, hormis sa puissante agriculture. Et au final, un « spread » croissant sur les marchés financiers.

Cette situation représente-t-elle un problème ? Assurément, dans le contexte de crise globale que nous traversons. Est-il insurmontable ? Peu vraisemblablement : la France et sa dette publique ne peuvent se passer de l’euro, pas plus que l’Allemagne d’un de ses principaux clients.

Pour autant, nous ne saurions ignorer qu’à partir de son origine sanitaire, la crise revêt une dimension économique et, désormais, géopolitique.

L’Union européenne, à travers ses plans de relance et la mobilisation du système européen de banques centrales a couvert, dans des conditions relativement satisfaisantes, son champ d’intervention naturel, économique et financier, sous une réserve majeure : l’enjeu agroalimentaire, et d’abord agricole, ne saurait être abordé selon sa seule dimension écologique, qui ne peut être exclusive de son poids économique et de son impact stratégique. La France aurait beaucoup à perdre de ce cantonnement idéologique.

Ce constat renvoie à une question fondamentale : après le Brexit, l’exclusion de la Turquie et la guerre en Ukraine, l’UE offre-t-elle le cadre pertinent pour parler de sécurité européenne, alors même qu’à l’exception de la France, toutes les nations européennes (hors Grèce, Croatie et Serbie) suivent l’exemple de l’Allemagne pour se détourner de la construction d’une industrie de défense européenne, socle indispensable d’une Europe (au sens de l’UE) de la défense ? Dès lors, puisqu’il ne s’agit que de parler de capacités militaires, au sens de « second pilier de l’OTAN », est-il raisonnable de s’en tenir à un tête-à-tête avec l’Allemagne, sans intégrer le Royaume-Uni, la Suède et la Turquie dont le poids militaire est essentiel sur le théâtre européen.

La question posée est donc celle de la réactivation d’un cadre similaire à celui de l’Union de l’Europe Occidentale, qui pourrait retrouver son utilité lorsque la relance d’un processus de discussion avec la Russie, analogue à celui de l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s’avèrera indispensable. En l’absence d’un tel dispositif, le destin du continent européen pourrait fort bien être traité directement entre Washington et Moscou.

Politique-Perspectives 2022 : quelle gouvernance publique pour réformer

Politique-Perspectives 2022 : quelle gouvernance publique pour réformer

 

Le sujet de la réforme de l’État va revenir sur le devant de la scène prochainement, conférant une actualité nouvelle à la question de la gouvernance de l’exécution des réformes. En effet, si des réalisations sont à noter, une telle gouvernance apparaît à conforter autour de trois piliers. Par Arnauld Bertrand, associé EY Consulting, responsable mondial des activités Secteur Public et Arnaud Lizé, directeur associé EY Consulting Secteur Public. ( dans la « Tribune »)

 

Un article intéressant concernant le management des réformes mais qui devrait sans doute inclure au préalable la nécessité d’une remise à plat des tâches régaliennes. En clair, remettre sur la table le rôle de l’État en même temps que ses méthodes de fonctionnement.NDLR 

Depuis 2017, des initiatives visant à optimiser cette gouvernance ont été engagées, avec des succès divers. Des efforts ont été menés afin de rapprocher société civile et sphère de la décision publique, qu’il s’agisse de démarches de consultation citoyenne comme la Grande cause des territoires, de la structuration d’un dialogue entre ministères et experts pour faire émerger des propositions de réforme (Comité Action Publique 2022), ou de la tentative de diversifier des profils chargés de la mise en œuvre des politiques publiques

L’instauration d’un pilotage par le résultat a été confortée, par exemple avec la mise en place d’un Baromètre de l’action publique ou encore avec le déploiement de mesures d’incitation en direction des acteurs en charge de l’exécution (ex : évaluation des préfets).

La territorialisation des réformes a vu le jour, à travers la priorisation des réformes à la maille des départements et régions, ou via le renforcement autour des préfets, des capacités d’intervention, de coordination / pilotage de l’État dans les territoires.

Cependant, la crise sanitaire a ralenti la transformation publique, en France comme à l’étranger, et ces initiatives n’ont pas pu produire leurs pleins effets.

Face à ce constat, il est essentiel de consolider la gouvernance interministérielle des réformes à travers trois piliers. En clarifiant la posture de chef de file de la DITP en matière de réformes et en articulant, de façon plus systématique, l’action des administrations concernées et celle du ministère chargé de la transformation publique. Ceci supposera notamment :

  • Un portage au plus haut niveau de l’État avec un comité de pilotage présidé par le Président de la République et devant lequel les ministres présenteront l’avancement de leurs réformes et, au plan ministériel, un pilotage direct des réformes par le ministre, avec l’appui d’un comité exécutif (Comex) rassemblant le directeur de cabinet, les Directeurs d’administrations centrale ainsi que le DRH, pour piloter les réformes, la performance ministérielle et les enjeux RH / managériaux associés.
  • Un renforcement du rôle du ministère chargé de la transformation publique, avec une responsabilité de pilotage opérationnel interministériel et une approche intégrée des sujets de transformation (dans ses dimensions organisationnelles, digitales et RH).
  • La mise en place de «ministères-plateformes» avec, par exemple, la DGFIP investissant pour le compte de différents ministères sur le sujet de traitement des données (en relation avec la DINUM).
 Le second pilier suppose de privilégier la réalisation d’une transformation en profondeur sur quelques sujets prioritaires avec :
  • Une priorisation en faveur de la simplification et numérisation d’une trentaine de mesures afin de faciliter les démarches des Français .
  • La réalisation complète de transformations à fort impact concernant une dizaine de politiques (digitalisation des forces de police, établissements d’enseignement…).

Un dernier pilier consistera à se doter de compétences à la hauteur de l’ambition affichée pour la réforme de l’action publique, ce qui implique :

  • De renforcer les capacités de pilotage de la performance au sein des administrations centrales en s’inspirant d’expériences étrangères, tel le Mandate Letter Tracker, par lequel la réalisation des engagements pris par le gouvernement canadien est suivie ;
  • De conforter les capacités en matière d’évaluation, tout en renforçant la culture orientée «client» des ministères ;
  • De revisiter les formations, pour une montée en gamme collective sur les nouvelles technologies numériques afin d’accompagner les transformations digitales ;
  • D’instaurer des dispositifs d’association/information, sur l’avancement des réformes, des agents pour favoriser leur pleine adhésion.

Ces orientations devront être portées par un récit mobilisateur, à destination des agents comme des citoyens, sur les progrès engendrés par ces transformations.

 

Perspectives 2022 : quelle gouvernance publique pour réformer

.Le sujet de la réforme de l’État va revenir sur le devant de la scène prochainement, conférant une actualité nouvelle à la question de la gouvernance de l’exécution des réformes. En effet, si des réalisations sont à noter, une telle gouvernance apparaît à conforter autour de trois piliers. Par Arnauld Bertrand, associé EY Consulting, responsable mondial des activités Secteur Public et Arnaud Lizé, directeur associé EY Consulting Secteur Public. ( dans la « Tribune »)

 

Un article intéressant concernant le management des réformes mais qui devrait sans doute inclure au préalable la nécessité d’une remise à plat des tâches régaliennes. En clair remettre sur la table le rôle de l’État en même temps que ses méthodes de fonctionnement.NDLR 

Depuis 2017, des initiatives visant à optimiser cette gouvernance ont été engagées, avec des succès divers. Des efforts ont été menés afin de rapprocher société civile et sphère de la décision publique, qu’il s’agisse de démarches de consultation citoyenne comme la Grande cause des territoires, de la structuration d’un dialogue entre ministères et experts pour faire émerger des propositions de réforme (Comité Action Publique 2022), ou de la tentative de diversifier des profils chargés de la mise en œuvre des politiques publiques

L’instauration d’un pilotage par le résultat a été confortée, par exemple avec la mise en place d’un Baromètre de l’action publique ou encore avec le déploiement de mesures d’incitation en direction des acteurs en charge de l’exécution (ex : évaluation des préfets).

La territorialisation des réformes a vu le jour, à travers la priorisation des réformes à la maille des départements et régions, ou via le renforcement autour des préfets, des capacités d’intervention, de coordination / pilotage de l’État dans les territoires.

Cependant, la crise sanitaire a ralenti la transformation publique, en France comme à l’étranger, et ces initiatives n’ont pas pu produire leurs pleins effets.

Face à ce constat, il est essentiel de consolider la gouvernance interministérielle des réformes à travers trois piliers. En clarifiant la posture de chef de file de la DITP en matière de réformes et en articulant, de façon plus systématique, l’action des administrations concernées et celle du ministère chargé de la transformation publique. Ceci supposera notamment :

  • Un portage au plus haut niveau de l’État avec un comité de pilotage présidé par le Président de la République et devant lequel les ministres présenteront l’avancement de leurs réformes et, au plan ministériel, un pilotage direct des réformes par le ministre, avec l’appui d’un comité exécutif (Comex) rassemblant le directeur de cabinet, les Directeurs d’administrations centrale ainsi que le DRH, pour piloter les réformes, la performance ministérielle et les enjeux RH / managériaux associés.
  • Un renforcement du rôle du ministère chargé de la transformation publique, avec une responsabilité de pilotage opérationnel interministériel et une approche intégrée des sujets de transformation (dans ses dimensions organisationnelles, digitales et RH).
  • La mise en place de «ministères-plateformes» avec, par exemple, la DGFIP investissant pour le compte de différents ministères sur le sujet de traitement des données (en relation avec la DINUM).
 Le second pilier suppose de privilégier la réalisation d’une transformation en profondeur sur quelques sujets prioritaires avec :
  • Une priorisation en faveur de la simplification et numérisation d’une trentaine de mesures afin de faciliter les démarches des Français .
  • La réalisation complète de transformations à fort impact concernant une dizaine de politiques (digitalisation des forces de police, établissements d’enseignement…).

Un dernier pilier consistera à se doter de compétences à la hauteur de l’ambition affichée pour la réforme de l’action publique, ce qui implique :

  • De renforcer les capacités de pilotage de la performance au sein des administrations centrales en s’inspirant d’expériences étrangères, tel le Mandate Letter Tracker, par lequel la réalisation des engagements pris par le gouvernement canadien est suivie ;
  • De conforter les capacités en matière d’évaluation, tout en renforçant la culture orientée «client» des ministères ;
  • De revisiter les formations, pour une montée en gamme collective sur les nouvelles technologies numériques afin d’accompagner les transformations digitales ;
  • D’instaurer des dispositifs d’association/information, sur l’avancement des réformes, des agents pour favoriser leur pleine adhésion.

Ces orientations devront être portées par un récit mobilisateur, à destination des agents comme des citoyens, sur les progrès engendrés par ces transformations.

 

 

1234