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Quelle pérennité des cryptomonnaies ?

Quelle pérennité des  cryptomonnaies ?

Un article dans le Wall Street Journal de Peter Santilli, Caitlin Ostroff et Paul Vigna 

 

Les cryptomonnaies comme le bitcoin, l’ether et le dogecoin ont atteint des pics que peu d’investisseurs auraient imaginé il y a un an. Même les traders les plus optimistes ne peuvent pas s’empêcher de s’interroger sur la pérennité de ce rebond.

Les forces sous-tendant cette ruée vers les cryptomonnaies rappellent celles qui ont fait grimper les actions GameStop cette année. Le surplus d’argent des chèques d’aide pour soutenir les plus démunis a également alimenté les comptes en Bourse sans frais de courtage. Par ailleurs, dans le monde entier, les gens ont passé davantage de temps chez eux, face à des écrans, alors que les entreprises étaient fermées en raison de la crise sanitaire.

Les restrictions imposées au trading d’actions par certaines maisons de courtage cette année ont peut-être poussé certains boursicoteurs de Reddit à se tourner vers les cryptomonnaies, estiment des investisseurs. L’adoption du bitcoin et d’autres monnaies numériques par le patron de Tesla, Elon Musk, et l’introduction en Bourse à Wall Street de la plateforme d’échange de cryptomonnaies Coinbase ont également nourri ce rebond.

Au-delà du bitcoin

L’appétit pour les jetons non fongibles (ou NFT) a abouti à une explosion d’activité sur Ethereum, le réseau informatique reposant sur la blockchain sur lequel s’appuie la plupart des NFT. Le prix de l’ether, la monnaie interne du réseau, a atteint des records, alors que davantage de personnes ont adopté cette technologie. Les NFT sont des actifs comparables à des bitcoins reliés à des œuvres d’art numériques ou d’autres objets physiques et vendus comme bien numérique unique.

Au cours d’une année où des investisseurs particuliers ont fait grimper le prix de certains actifs, aucune évolution sur les marchés des monnaies numériques ne définit plus le pouvoir des mèmes Internet que l’essor du dogecoin. Cette cryptomonnaie lancée comme une plaisanterie a néanmoins gagné plus de 10 000 % en 2021 en date de vendredi 14 mai.

La valorisation du dogecoin a dépassé 80 milliards de dollars lors de son pic de 2021 atteint en mai, contre 600 millions de dollars à la fin de l’année dernière. L’attention portée à cette monnaie par Elon Musk et le rappeur Snoop Dogg, entre autres, a transformé les utilisateurs des réseaux sociaux en investisseurs et a encouragé de nouveaux acheteurs à faire leur entrée, avec l’objectif de faire grimper la cryptomonnaie à 1 dollar. Elle s’échange actuellement à 50 cents.

Les créateurs du dogecoin n’avaient jamais prévu qu’il prenne une valeur significative. Mais les investisseurs spéculent sur un futur rallye basé uniquement sur les effets des réseaux sociaux. Cela peut les rendre plus vulnérables aux pertes et aux fortes fluctuations, une fois le buzz essoufflé.

Les fortes fluctuations du dogecoin représentent aussi un avertissement pour les investisseurs en bitcoins. Si les promoteurs de la première cryptomonnaie soulignent son utilité pour se protéger de l’inflation ou s’en servir comme valeur de réserve, aucun historique à long terme ne confirme ses mérites dans ces deux fonctions, et sa valorisation est étroitement liée au sentiment du marché. Si l’opinion générale lui devient défavorable, le cours de la monnaie peut chuter, alors que la hausse du cours du bitcoin constitue son principal attrait pour les nouveaux investisseurs.

Les investisseurs haussiers sur le bitcoin aiment mettre en avant l’adoption croissante de la cryptomonnaie par les investisseurs institutionnels comme un moteur du rallye, mais des signes indiquent que la demande des institutionnels a fléchi au cours des derniers mois, bien que le cours ait continué de grimper. Le nombre de grosses transactions sur le bitcoin, typiques des gestionnaires de fonds professionnels, a légèrement reculé au premier trimestre, par rapport au trimestre précédent, selon un rapport de la plateforme de trading de cryptomonnaie OKEx. Les flux dans les produits négociés sur les plateformes d’échange de crypto ont également baissé, après avoir atteint un pic en janvier, selon CoinShares, une société de gestion d’actifs basée à Londres.

Le volume d’échanges a augmenté pendant la pandémie, car un nombre croissant d’investisseurs ont eu accès aux marchés crypto par le biais de différentes plateformes. A noter que la valeur du volume des produits dérivés a dépassé celle du marché spot, les investisseurs ayant placé plus de 200 milliards de dollars en paris sur les actifs numériques lors des journées les plus actives de l’année.

Le recours de plus en plus fréquent aux produits dérivés sur les cryptomonnaies est significatif, car les investisseurs peuvent utiliser ces marchés pour faire des paris sur de fortes sommes en n’avançant qu’une petite partie de l’argent, profitant de l’effet de levier, selon la méthode d’emprunter pour amplifier le rendement. Une grande partie de la hausse de l’activité sur les contrats à terme et options intervient sur des plateformes de dérivés de cryptomonnaies peu réglementées, qui autorisent un levier plus important que des marchés à terme américains comme CME Group. Le recours à un effet de levier important peut accélérer les pertes pour les investisseurs en cas de baisse des cours.

Gonflée par l’essor du bitcoin, de l’ether et du dogecoin, la valorisation des cryptomonnaies a grimpé à plus de 2 000 milliards de dollars, contre 260 milliards de dollars, il y a un an. Avec une valorisation d’environ 67 milliards de dollars, à lui seul, le dogecoin vaut plus que 75 % des entreprises cotées au S&P 500. Bien que les monnaies numériques aient bondi au cours des derniers mois, cette catégorie d’actifs ne représente qu’une fraction des marchés des actions, des obligations et de l’or.

Malgré ses progrès, le bitcoin peine à trouver un autre rôle que celui d’outil de spéculation. Certains observateurs du secteur estiment qu’il doit gagner du terrain en tant que moyen de paiement pour devenir plus universel. Il n’est pas facile de le dépenser et son utilisation est généralement réservée à des achats haut de gamme.

L’un des obstacles majeurs réside dans les frais de transaction intégrés dans le code du réseau, qui varient selon le trafic. Les utilisateurs paient des commissions plus élevées pour placer leur transaction au début de la file de traitement. Les tarifs ont grimpé en flèche avec l’explosion de popularité des cryptomonnaies, limitant l’intérêt de recourir au bitcoin pour de petites transactions.

Au fil des ans, beaucoup d’entreprises ont révélé leur intention d’accepter le paiement en bitcoin à l’avenir, avant d’abandonner ce projet. Même Elon Musk a annoncé mercredi sur Twitter que Tesla allait suspendre le mode de paiement en bitcoin pour ses véhicules électriques.

L’entrepreneur milliardaire a évoqué un autre défi pour le secteur : les inquiétudes autour de l’impact environnemental du minage de la cryptomonnaie.

Le bitcoin dépend du travail de différents ordinateurs en concurrence pour débloquer de nouvelles unités en résolvant des problèmes mathématiques pour sécuriser le réseau, un processus appelé minage. Le rallye du bitcoin a engendré une augmentation du nombre d’ordinateurs tentant de débloquer de nouveaux bitcoins, et la rentabilité du minage a doublé depuis le début de l’année.

Cette évolution a fait naître des craintes que l’essor du bitcoin ait un impact écologique plus lourd que les autres cryptomonnaies, car davantage d’ordinateurs sont déployés pour trouver des bitcoins, et ils consomment plus d’électricité qu’auparavant.

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Astrid Mélite)

Italie : un enjeu pour la pérennité de l’Europe

Italie : un enjeu pour la pérennité de l’Europe  

Stéphanie Villers, chef économiste chez  Humanis, souligne l’enjeu que constitue l’Italie pour l’union européenne et notamment la zone euro. (‘Interview la Tribune)

 

« Il serait bien malhabile de croire que l’Italie risque de subir le sort de la Grèce. Bien au contraire, la Péninsule a, aujourd’hui, les cartes en main pour imposer davantage de souplesse dans les traités et plus de solidarité face aux défis exogènes.  Ainsi, la coalition  « improbable » entre un mouvement antisystème M5S et un parti populiste de la Ligue, dispose d’un pouvoir de nuisance et de persuasion vis-à-vis de Bruxelles, que les partis traditionnels et les petits pays de la zone n’ont pas. Rappelons que la victoire de cette coalition résulte de l’incapacité de la zone euro de s’emparer du problème migratoire que subit l’Italie.

Les dirigeants italiens ont, pourtant, maintes fois, alertée contre la menace que constitue le flux de migrants sur leur territoire et des risques encourus à moyen terme. Or, la zone euro est restée muette, mettant en exergue une incohérence insoutenable entre la nécessité de poursuivre la rigueur budgétaire et les conséquences notamment financières de l’arrivée massive de réfugiés en provenance d’Afrique et du Proche-Orient.

En toute logique, il semble difficilement conciliable d’imposer le respect des règles en matière de déficits alors que le pays connaît une croissance atone depuis près de deux décennies et fait face à une vague migratoire exponentielle, imposant de nouvelles dépenses de structure et d’accueil.

Cette attitude de Bruxelles est d’autant plus inappropriée que le pays a réalisé de réels efforts pour maintenir son excédent primaire depuis la crise de 2011. En clair, en dépit du ralentissement économique, le solde budgétaire hors intérêts de la dette est resté positif. L’Italie perçoit des recettes (impôts et taxes) supérieures à ses dépenses.

Ses partenaires européens ne peuvent donc pas accuser l’Italie de mener un train de vie disproportionné. Seule la dette publique demeure à des niveaux inquiétants. Représentant plus de 130% du PIB, elle est le résultat des politiques passées et ne préjugent en rien des efforts actuels fournis.

Dans ce contexte, Bruxelles ne pourra pas contraindre l’Italie, 3e puissance économique de la zone euro, comme ce fut le cas pour la Grèce. Le rapport de force n’est plus le même et le risque de contagion est tel qu’il va obliger la Commission européenne à se montrer plus souple et plus conciliante. Il en va de la légitimité de la zone euro et de sa pérennité. Bruxelles et la BCE ne peuvent se permettre de laisser se développer une crise tous les 5 ans.

En revanche, les solutions européennes au problème italien demeurent limitées. La BCE  a déjà injecté près de 4000 milliards d’euros sur les marchés obligataires européens. Compte tenu de l’amélioration globale de la situation économique de la zone, l’Institut a annoncé la fin progressive de son Quantitative Easing (QE). Il serait, dès lors, malvenu d’annoncer un prolongement de sa politique monétaire ultra-accommodante au-delà de 2018. L’Allemagne s’y opposerait catégoriquement.

Au demeurant, l’Italie, qui dégage un excédent primaire, conserve des petites marges de négociation sur le front budgétaire. Bruxelles pourrait ainsi accepter temporairement de laisser filer les déficits publics italiens afin de soutenir la croissance. Cet ajustement conjoncturel pourrait apporter une bouffée d’oxygène à l’économie locale et relancer progressivement la machine. Ajoutons toutefois que la réforme des retraites avec l’abaissement de l’âge de départ ne paraît pas acceptable, compte tenu de la déformation de la courbe démographique et du vieillissement de la population.

La zone euro doit, de même, proposer des solutions pour sortir de l’impasse migratoire. L’absence de réponse politique lors du prochain conseil européen, en juin, aurait des conséquences dévastatrices pour l’Italie mais aussi l’Europe. Le projet du budget de l’Union Européenne pour la période 2021-2027 prévoit une allocation de 13 milliards d’euros pour la défense et la protection des frontières. Même si c’est une première, ce montant reste clairement insuffisant, compte tenu de l’ampleur des enjeux. Les partenaires de la zone euro, ceux qui partagent le pacte de stabilité et ses contraintes, doivent offrir une issue financière pour que l’Italie puisse sortir de l’impasse.

Ne rien faire sur le problème migratoire et arc-bouter sur le respect des critères de Maastricht vis-à-vis de l’Italie, qui s’est montrée jusqu’à présent bon élève dans la gestion de la crise de la dette souveraine, serait pour les pays membres de la zone euro une prise de risque imprudente et insouciante. Elle  pourrait remettre en cause la pérennité de la zone euro. »




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