Le retour des idéologies caricaturales ou le meilleur moyen de pérenniser l’immobilisme
La formidable déflagration sanitaire ouvre un vaste espace de débat sur les perspectives du jour d’après. Cette effervescence démocratique peut être bénéfique à condition de ne pas retomber dans l’affrontement des idéologies caricaturales. Beaucoup en effet profitent de la période pour relooker de vieilles idées qui ne sont pas d’ailleurs forcément en lien avec la situation. Pour schématiser à outrance , s’affrontent à nouveau les partisans de l’ultra libéralisme d’un côté et les supporters d’une pensée marxiste molle plus ou moins consciente de l’autre. On entend déjà les cris d’Orphée : d’un côté surtout pas de nouvelle étatisation de l’économie, de l’autre au contraire la réaffirmation du rôle central de l’État, de la fiscalité et du secteur public.
À juste titre les libéraux reprochent l’inefficacité de la puissance publique dans la gestion de la crise sanitaire et en profitent pour condamner toute immixtion collective dans la gestion des intérêts économiques. Les étatistes font le même constat de l’impuissance gouvernement et des administrations mais en tirent une conclusion inverse à savoir qu’il faut au contraire renforcer l’intervention publique dans le domaine économique, social voire sociétal. Ainsi par exemple renait à gauche l’idée du revenu universel et ou de la nationalisation d’une grande partie de l’activité. Évidemment sans s’interroger sur les conditions de financement de ce revenu, sur ces aspects pervers( la suppression de la couverture sociale universelle) ou sur l’efficacité de la gestion sous tutelle de l’État. Ce n’est évidemment pas la seule problématique caricaturale qui est abordée dans ce débat de crise.
Il y a aussi l’opposition entre les écolos bobos et les productivistes . Pour ces écolos, la solution est simple il suffit de substituer au mode de développement actuel une économie verte. Comme si la transition pouvait être aussi simpliste et rapide. Notons que la plupart des partisans d’une transition radicale n’ont une idée approximative des réalités socioéconomiques appartenant le plus souvent soit au secteur public, soit à la sphère artistique , aux médias ou à l’intelligentsia patentée . Il faudra expliquer aux plus défavorisés déjà condamnés à vivre avec un SMIC à 1200 € qu’on peut être épanouis avec seulement 800 € . Que le loyer mensuel moyen en France de l’ordre de 700 € et que nombre de famille doivent vivre avec autour de 500 € pour les dépenses courantes. Et ce n’est pas une nouvelle répartition des richesses -par ailleurs nécessaire- qui permettra de combler l’insuffisance de richesse produite et distribuée. Faut-il rappeler que la fiscalité représente près de 50 % de la richesse nationale (PIB) et les dépenses encore plus, 55 %.
. La transition vers un autre type de développement est nécessaire mais elle ne pourra qu’être progressive et qu’en tenant compte des réalités. À l’opposé, la persistance d’un modèle économique ultra libéral conduit aux pires gaspillages et à la destruction des équilibres environnementaux. Mais l’affrontement des idéologies caricaturales constituera la meilleure justification pour la pérennisation de l’immobilisme. Et le jour d’après risque de ressembler dramatiquement à aujourd’hui. On ne construit pas un nouvel édifice sociétal sur le sable des illusions pas plus qu’on peut durablement substituer à l’intérêt général la course aux gaspillages et au profit. la transition sera nécessaire longue et complexe: elle ne se fera pas sans la participation active et consciente du citoyen acteur économique et social et sans pise en compte des réalités et des possibilités.