Une alliance contre la percée technologique chinoise
iseUn article du Wall Street Journal explique que les États-Unis entendent créer une alliance internationale pour lutter contre la percée technologique chinoise
Le président Joe Biden décrit les relations entre les Etats-Unis et la Chine comme un conflit de valeurs entre démocratie et autocratie.
Mais cette rhétorique masque une approche pragmatique qui consiste à réunir des groupes de pays pour travailler ensemble sur la technologie. L’objectif est de garder de l’avance sur la Chine dans les domaines des semi-conducteurs, de l’intelligence artificielle et d’autres avancées qui devraient définir l’économie et l’armée de demain.
Des conversations préliminaires ont commencé avec des alliés de Wahington, mais ces efforts devraient prendre des mois, selon des hauts responsables de l’administration.
Les Etats-Unis prévoient d’organiser différentes alliances en fonction des questions, a précisé un haut responsable de l’administration, qui a décrit l’initiative comme modulaire. Les différents groupements incluraient généralement les puissances industrielles du G7 et quelques autres pays. L’idée est généralement appelée Democracy 10 ou Tech 10
La stratégie comporte des éléments offensifs et défensifs. En combinant leurs forces, les Etats-Unis et leurs alliés peuvent dépenser beaucoup plus que la Chine, dont le budget de recherche et développement est désormais presque égal à celui des Américains. Ces alliances peuvent également coordonner des politiques pour refuser à Pékin les technologies dont elle a besoin afin de devenir un leader mondial.
« Nous avons un fort intérêt à nous assurer que les démocraties technologiques s’unissent plus efficacement de façon à ce que ce soit nous qui façonnions ces normes et ces règles », a déclaré le secrétaire d’Etat Antony Blinken lors de son audience de confirmation.
Les Etats-Unis prévoient d’organiser différentes alliances en fonction des questions, a précisé un haut responsable de l’administration, qui a décrit l’initiative comme modulaire. Les différents groupements incluraient généralement les puissances industrielles du G7 et quelques autres pays. L’idée est généralement appelée Democracy 10 ou Tech 10.
Une alliance centrée sur l’intelligence artificielle, par exemple, pourrait inclure Israël, dont les chercheurs sont considérés comme des leaders du domaine. Une autre impliquant le contrôle des exportations intégrerait sans doute l’Inde, pour s’assurer que la Chine ne puisse pas importer certaines technologies. Pour encourager les pays craignant d’offenser Pékin à rejoindre ces alliances, l’administration pourrait s’abstenir d’annoncer leur participation, a indiqué le haut responsable.
Selon les personnes ayant travaillé sur ce concept, il est crucial que les alliances restent flexibles et évitent la bureaucratie. « Créer une nouvelle institution internationale impliquerait de grandes annonces sans actions à la clé », estime Anja Manuel, une ancienne responsable de l’administration Bush. « Avec la technologie, il faut rester agile. »
Parmi les domaines considérés comme mûrs pour des alliances, on peut citer le contrôle des exportations, les normes techniques, l’informatique quantique, l’intelligence artificielle, les biotechnologies, les télécommunications en 5G et les règles gouvernant la technologie de surveillance. La liste doit être réduite, selon des experts en technologie. Poursuivre trop de pistes prendrait trop de temps et serait trop contraignant pour les responsables du gouvernement.
La technologie de semi-conducteurs est en tête de la liste de l’administration, car les microprocesseurs alimentent l’économie moderne. La Chine est le plus grand marché, mais plus de 80 % des puces, particulièrement les modèles avancés, sont soit importées, soit produites en Chine par des entreprises étrangères.
Pékin a dépensé des dizaines de milliards de dollars au cours des dernières décennies pour tenter d’établir une filière nationale majeure, mais le pays reste en retard sur ses concurrents occidentaux. L’administration Biden ne veut pas que cela change.
Sous l’administration Trump, les Etats-Unis ont travaillé avec les Pays-Bas pour bloquer la vente d’équipements de fabrication de semi-conducteurs néerlandais à la plus importante fonderie de semi-conducteurs chinoise, Semiconductor Manufacturing International Corporation (Smic), ce qui aurait pu aider la Chine à produire des puces de pointe. Le département du Commerce, sous Donald Trump, avait également restreint la vente d’équipement de production de puces à Smic.
L’administration Biden assure le suivi de cette stratégie. En février, le conseiller national à la sécurité, Jake Sullivan, a parlé à son homologue néerlandais, Geoffrey van Leeuwen, à propos de la Chine et de la technologie avancée entre autres choses, selon un communiqué de la Maison Blanche.
Les technologues décrivent l’équipement de production de semi-conducteurs comme une technologie de goulot d’étranglement car elle reste dominée par trois pays seulement, les Etats-Unis, le Japon et les Pays-Bas, ce qui rend sa restriction relativement facile. Une alliance autour des semi-conducteurs inclurait sans doute les grands producteurs de puces en Europe, ainsi que la Corée du sud et Taïwan.
En plus de restreindre la technologie vers la Chine, les membres pourraient mettre en commun leurs travaux sur la R&D avancée, avec notamment le financement de sites de production de semi-conducteurs de plusieurs milliards de dollars hors de Chine.
Une initiative à haute visibilité susciterait forcément des inquiétudes et d’éventuelles représailles de Pékin, qui travaille à réduire sa dépendance aux technologies étrangères. La Chine utilise sa puissance économique pour tenter d’intimider les alliés des Etats-Unis, par exemple en réduisant les importations de vin et de charbon d’Australie après que Canberra a demandé une enquête sur les origines de la pandémie de coronavirus.
L’ajout de Taïwan, un producteur majeur de semi-conducteurs, que Pékin considère comme une province rebelle, accroîtrait les inquiétudes de la Chine.
« Une alliance autour des semi-conducteurs menée par les Etats-Unis enfreindrait les principes de l’économie de marché et de la concurrence loyale et ne ferait que diviser artificiellement le monde et détruire les règles de commerce international », a déclaré le ministre chinois des Affaires étrangères dans un communiqué.
« En définitive, les Etats-Unis veulent réduire voire éliminer la capacité de Pékin à exercer des pressions »
Pékin dispose de nombreux leviers. La Chine est le principal fournisseur mondial de terres rares, les minerais indispensables à la production de téléphones mobiles, de produits électroniques et d’équipements militaires. En 2010, la Chine a limité les expéditions de terres rares au Japon en raison d’un conflit territorial au sujet d’un groupe d’îles en mer de Chine orientale, bien que Pékin ait démenti avoir été impliquée dans des actes coercitifs.
La Chine a récemment lancé un nouveau round de réglementations sur les terres rares et a interrogé les entreprises étrangères sur leur dépendance à la production chinoise, ce que certains experts en technologie ont vu comme un avertissement. Le ministre chinois des Affaires étrangères a déclaré que Pékin était « prêt à répondre aux besoins légitimes de tous les pays du monde dans la mesure du possible en accord avec les capacités et le niveau de ressources en terres rares de la Chine. »
Jake Sullivan a applaudi des alliances d’opposition antérieures contre les restrictions de la Chine sur les terres rares et Joe Biden a choisi comme représentante au Commerce des Etats-Unis Katherine Tai, le point de contact de l’administration Obama.
Joe Biden a commandé récemment une étude sur la dépendance des Etats-Unis aux terres rares fournies par l’étranger. Des responsables américains ont travaillé avec l’Australie et d’autres pays pour stimuler la production et créer des substituts synthétiques de ces minerais.
Interrompre les exportations de terres rares se retournerait contre la Chine en nuisant à sa réputation commerciale et en encourageant la production de minéraux dans d’autres pays, note Martijn Rasser, analyste en technologie pour le Center for a New American Security, un think tank basé à Washington.
Les alliances de technologie valent la peine de risquer un retour de bâton, poursuit-il. « En définitive, les Etats-Unis veulent réduire voire éliminer la capacité de Pékin à exercer des pressions. »
(Traduit à partir de la version originale en anglais par Astrid Mélite)
Traduit à partir de la version originale en anglais