Archive pour le Tag 'pénurie'

Médicaments : pourquoi la pénurie

Médicaments : pourquoi la  pénurie

 

 

Au même moment, la mise en vente du fabricant de médicaments génériques Biogaran était justifiée par les difficultés à maintenir la production en France, en raison de prix trop bas des médicaments. C’est loin d’être la première fois que les laboratoires pharmaceutiques « alertent » sur la question, notamment par la voix du LEMM, le syndicat professionnel des industries pharmaceutiques). Mais que dit le « prix » d’un médicament de sa valeur véritable ? Comment est-il déterminé, et quel est son rapport avec les coûts de production, ou son intérêt thérapeutique ? Comment fonctionne l’industrie pharmaceutique de ce point de vue ? Regards croisés d’un pharmacologue et d’une économiste sur ces questions.

 

par   Enseignant-chercheur économie de l’innovation, laboratoire BSE (Bordeaux Sciences Economiques), Université de Bordeaux  Professeur émérite de pharmacologie – Président du conseil scientifique international du groupement d’intérêt scientifique (GIS) EPI-PHARE de l’ANSM et la CNAM , Université de Bordeaux dans The Conversation 

L’étape préalable à la commercialisation d’un médicament consiste à obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM), délivrée selon son type soit par la Commission européenne (l’évaluation se faisant par l’Agence européenne des médicaments), soit par des agences nationales, comme l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en France.

Dans l’Union européenne (UE), quatre procédures d’AMM sont possibles : une procédure centralisée (qui permet de vendre un médicament dans tous les états membres), une procédure décentralisée (pour les médicaments destinés à deux états membres ou plus), une procédure de reconnaissance mutuelle (qui permet d’étendre à d’autres États une AMM déjà obtenue dans un pays européen) et enfin une procédure nationale (pour les médicaments vendus dans un seul état).

Obtenir une AMM est obligatoire pour certaines classes de médicaments : médicaments de thérapie innovante, issus des biotechnologies, contenant une nouvelle substance active ou permettant de traiter certaines affections comme le VIH ou le cancer, médicaments orphelins (destinés au traitement des maladies rares).

Les laboratoires pharmaceutiques doivent présenter un dossier regroupant les données collectées au cours des essais précliniques (tests sur les animaux) et cliniques (chez l’humain), ainsi que celles relatives à la qualité chimique (ou microbiologique) ainsi qu’aux procédés de fabrication du médicament.

Une fois l’AMM obtenue, reste à fixer les modalités de vente.

Les industriels qui ont obtenu l’autorisation de vendre leurs médicaments peuvent opter pour une vente libre (on parle alors de médicament OTC – pour « over the counter » en anglais, autrement dit vendu « au comptoir »). Dans ce cas, ils peuvent en fixer le prix à leur guise, mais les acheteurs ne bénéficient d’aucun remboursement par l’Assurance maladie. L’autre possibilité est de négocier des accords avec l’État pour accéder au remboursement.

Pour qu’un médicament soit éligible au remboursement, il doit être évalué. L’objectif de l’évaluation médico-économique est de faire des choix en matière d’allocation des ressources, afin de garantir la pérennité du système de santé dans un contexte de prise en charge financière collective des soins.

En France, c’est le Comité économique des produits de santé (CEPS) qui fixe les prix des médicaments pris en charge par l’Assurance maladie, après avis de la Haute Autorité de santé (HAS).

À la demande de l’industriel et sur la base des documents fournis, la HAS évalue deux critères : le service médical rendu (SMR : le médicament a-t-il un intérêt suffisant pour être pris en charge par la solidarité nationale ?) et l’amélioration du service médical rendu (ASMR : quelle est sa valeur ajoutée par rapport aux traitements déjà disponibles ?).

Négocié avec l’industriel, le prix est ensuite fixé par le CEPS, notamment sur la base du niveau d’ASMR, du prix des autres médicaments à même visée thérapeutique, des volumes de vente envisagés, de la population cible et des prix pratiqués à l’étranger.

Soulignons que l’Europe est régie par des règles communes en ce qui concerne le médicament. Seuls le choix de rembourser ou non et la fixation du prix sont des privilèges nationaux. La France se distingue surtout par une permissivité nettement plus forte que chez ses voisins.

Celle-ci se traduit non seulement par une mise à disposition précoce sans qu’une vraie évaluation ultérieure ne soit exigée, mais aussi par une liberté quasi totale de prescription aboutissant à un non-respect des indications bien plus fort que dans d’autres pays.

Pour comprendre où se situe le problème, il faut s’intéresser à la façon dont fonctionne l’industrie pharmaceutique.

L’industrie pharmaceutique, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est relativement récente. Elle est, en grande part, née après la Seconde guerre mondiale en même temps que la Sécurité sociale.

Auparavant, les formulations des produits pharmaceutiques n’étaient pas protégées (au sens de la propriété industrielle) et les préparations (les médicaments) essentiellement faites dans les officines de pharmacie.

Initialement mise en place à l’échelle nationale, la protection, associée au système de protection sociale, a permis de combiner incitation à innover, financement de la R&D (recherche et développement) et accès aux soins pour le plus grand nombre. Le vingtième siècle voit ainsi l’industrialisation du médicament, notamment sous la pression des firmes pour protéger leurs innovations, moteur essentiel de leurs profits.

En 1994, des accords internationaux ont été mis en place afin d’intégrer les droits de propriété intellectuelle, notamment les brevets, dans le système de l’OMC et d’harmoniser les systèmes nationaux, notamment sur la durée de la protection (minimum de 20 ans).

Baptisés ADPIC, ces accords sur le droit des brevets ont eu un impact très fort sur la structure de l’industrie pharmaceutique. Ils ont en effet conféré aux firmes détentrices des brevets un pouvoir de monopole, lequel pouvait désormais s’exercer au niveau mondial.

Du point de vue des industriels, la nécessité d’une telle protection se justifierait par les contraintes réglementaires liées à l’obtention des AMM, ainsi qu’à la durée et au coût des essais (précliniques puis cliniques) et à la difficulté de trouver des médicaments plus efficaces et plus sûrs que les médicaments déjà présents sur le marché.

Pour mémoire, en moyenne, il faut dix à quinze ans pour aboutir à la mise sur le marché d’un nouveau médicament.

Dans un tel contexte, et dans une logique financière, les firmes se concentrent sur la recherche et la production de princeps.

Un princeps – ou spécialité de référence – est un médicament « de base », dont la formulation originale protégée par le brevet pour une durée de 20 ans après le dépôt) qui pourra servir de référence au développement de médicaments génériques, une fois le brevet tombé dans le domaine public. Un médicament générique est ainsi fabriqué à partir de la même molécule (le même principe actif) que le médicament princeps.

Les firmes pharmaceutiques qui ont les moyens d’innover privilégient donc, chaque fois que possible, la mise au point de « médicaments stars » (ou « blockbusters ») permettant des marges très élevées répondant aux exigences des actionnaires.

Afin de garantir les marges, ce « pari » sur l’innovation est compensé par une réduction des coûts sur les médicaments anciens (on parle de médicaments matures). Concrètement, cela se traduit par des délocalisations ou des approvisionnements dans des pays low cost. Ce qui, nous le verrons, pose problème en augmentant notamment le risque de pénuries (pouvant être liées à une production insuffisante).

Pour les médicaments classiques (par opposition à ceux à forte valeur ajoutée et économique découlant d’innovations récentes, tels que les conjugués anticorps-médicaments ou les médicaments basés sur les acides nucléiques par exemple), les entreprises pharmaceutiques considèrent qu’il existe un double risque : financier (en raison du coût que représente la mise au point d’une nouvelle molécule) et de profitabilité (à cause de la menace que font peser sur la concurrence les génériques).

Pour cette raison, elles préfèrent souvent développer des « me-too drugs » plutôt que de nouveaux médicaments réellement innovants. Un « me-too » (ou médicament similaire) est un médicament appartenant à la même classe thérapeutique que le médicament de référence (protégé par le brevet qui arrive à expiration). La différence par rapport à ce dernier est que le « me-too » bénéficie d’innovations ou de modifications mineures, tout en étant suffisantes pour ne pas être considéré comme un générique.

En ce domaine, si la rentabilité éclaire la stratégie des firmes, elle ne contribue qu’à la marge à l’objectif de santé publique. Rappelons que l’industrie pharmaceutique compte parmi les industries les plus financiarisées, qu’il s’agisse de grands groupes pharmaceutiques cotés sur les marchés financiers ou de petites structures créées sur le mode start-up et souvent soutenues par des investissements à capital-risque. Elle reste également l’une les plus rentables, si ce n’est la plus rentable.

Le problème est que bon nombre des médicaments matures (et donc relativement peu coûteux) restent essentiels et irremplaçables en thérapeutique.

Se pose alors une autre question, celle du rapport entre le prix du médicament et sa valeur thérapeutique.

Le prix des médicaments ne reflète pas leur valeur thérapeutique

En France, les dépenses de santé, et donc de médicaments, sont encadrées par l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM, fixé chaque année depuis 1996 par la loi de financement de la Sécurité sociale (PFLSS).

Concernant les médicaments matures, la politique du prix toujours plus bas prévaut. Or, les baisses successives des prix depuis plus de trente ans ont été actées sans tenir compte de l’intérêt thérapeutique qu’ils représentent.

Nous sommes face à un paradoxe : la société paye parfois des fortunes pour des médicaments présentés comme « innovants », sans toujours vérifier qu’ils tiennent leurs promesses thérapeutiques.

Ceci est notamment dû au fait que le positionnement des médicaments nouveaux et présentés comme innovants (notamment, ceux issus de la biotechnologie) se fait de plus en plus vers les maladies graves, pour lesquelles les attentes d’un progrès thérapeutique sont très fortes, notamment par les associations de malades.

Face à ces pressions, les pouvoirs publics ont progressivement accepté de mettre ces médicaments à disposition le plus rapidement possible, avant que les phases d’évaluation de leur efficacité ne soient entièrement terminées (grâce à une procédure dite d’accès précoce en France) ; ceci sous réserve d’une évaluation sur la base des premiers traitements qui n’est en réalité faite que dans un peu plus de la moitié des cas.

En parallèle à cette situation, certains traitements, pourtant d’indication thérapeutique majeure, coûtent, pour un mois de prescription, moins cher qu’un verre au comptoir du bistrot du coin… Ceci s’explique par le fait que le coût investi dans le princeps est considéré avoir été « amorti » au moment où le médicament devient génériquable.

Conjuguée au très fort lobbying de l’industrie (autour de l’idée qu’« il faut payer l’innovation à son juste prix »), ainsi qu’à une absence de raisonnement de santé publique (qui mettrait en balance les coûts consentis et les besoins de santé publique), cette situation aboutit à une déconnexion entre le prix du médicament et sa valeur thérapeutique. Ce qui pose deux problèmes majeurs.

Le premier problème découle des pressions sur les prix des médicaments matures : face aux coûts de l’innovation et aux exigences de rentabilité des actionnaires, les firmes cherchent à réduire les coûts de fabrication des molécules anciennes en délocalisant ou en s’approvisionnant dans les pays low cost. Les acteurs de l’approvisionnement se sont, de leur côté, concentrés, pour profiter des économies d’échelle.

Ce nombre réduit de fournisseurs accentue la dépendance et le risque de pénuries, face auxquelles les plans de relocalisation annoncés, anecdotiques, ne seront probablement pas plus efficaces que l’application d’un pansement sur une hémorragie grave.

Les pénuries constituent justement le second problème : elles concernent en effet souvent des médicaments d’indication thérapeutique majeure, ainsi que des médicaments essentiels. Autrement dit, des médicaments matures, qui ne sont plus des priorités pour les firmes pharmaceutiques.

Cette situation peut s’avérer particulièrement grave quand il n’existe pas de produits de substitution : tout arrêt ou retard de distribution se traduit par une perte de chance pour les patients.

Pour cette raison, il semble clair que la France doit se doter d’une politique du médicament mature. Mais laquelle ?

Une piste pourrait être de tout simplement augmenter le prix des médicaments matures, afin de permettre aux industriels de sécuriser leur approvisionnement (« multi-sourcing ») voire de produire localement ou à proximité. Toutefois, sans contreparties imposées, rien ne garantit que cette augmentation du prix ne sera pas tout simplement pas répercutée dans les marges des laboratoires pharmaceutiques.

Une autre voie pourrait être celle du financement, par les industriels eux-mêmes, des médicaments matures, en prélevant une part des profits générés par les médicaments innovants. Mais cette approche ne semble pas du tout dans l’air du temps.

Peut-être faudrait-il aussi, dans ce contexte, questionner les rouages de notre politique de santé. Car les sources d’économies, et donc de financement du système de santé et de sécurisation de l’approvisionnement ou de la production des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), sont peut-être à portée de main du décideur. S’il accepte d’être éclairé…

Bernard Bégaud, co-auteur de cet article a, en 2020, dressé le constat suivant La France malade du Médicament :

« 10 milliards d’euros par an sont gaspillés en pure perte par des médicaments qui ne servent à rien (et qui peuvent produire des effets indésirables) »_

10 milliards d’euros par an… La dys-médication mérite, du point de vue du pharmacologue comme de celui de l’économiste, d’être interrogée en profondeur. Le temps n’est-il pas venu d’assujettir la politique industrielle aux objectifs sanitaires et non l’inverse ? Autrement dit, d’inverser la logique qui gouverne notre économie.

De ce point de vue, le plan d’action gouvernemental présenté le 21 février 2024 pose question sur plusieurs points, non seulement en matière de lutte contre le mésusage, mais aussi de relocalisation de la production : Biogaran,filiale du laboratoire Servier et premier fabricant de génériques français, pourrait être racheté par un groupe pharmaceutique indien…

Santé-Médicaments : pénurie en France ?

Santé-Médicaments : pénurie en France ?

Des médicaments aussi classiques que les antibiotiques ou le paracétamol risquent de manquer cet hiver. En cause, les guerres qui perturbent l’approvisionnement mondial et le fait que la plupart des traitements sont produits en Asie notamment Chine. Évidemment, malgré la prise de conscience, la réindustrialisation de la filière pharmaceutique en Europe est encore loin d’être réalisée.

Plus de 3 700 médicaments ont connu des pénuries ou des tensions d’approvisionnement en 2022 en France et le chiffre risque d’augmenter en 2023, avec 3 500 déclarations de rupture ou risque de rupture à la fin du mois d’août, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). A la date du 18 octobre, les pharmacies étaient déjà à flux tendus sur plusieurs médicaments majeurs de l’hiver, selon un recensement de l’ANSM. Les stocks de certaines formes d’amoxicilline, de paracétamol, de prednisolone ou de fluticasone étaient ainsi inférieurs à sept jours, voire à trois jours, contre un stock de plus de sept jours dans une situation considérée comme normale.

Aurélien Rousseau a rappelé sur France Inter que le gouvernement s’attaquait aux problèmes des pénuries en « relocalisant en France la production de 25 médicaments stratégiques » et en travaillant à la meilleure disponibilité de « 450 médicaments essentiels ».

L’Union européenne s’est aussi saisie du sujet. La Commission a dévoilé, fin octobre, son plan pour remédier aux pénuries, annonçant notamment le lancement d’un mécanisme européen de solidarité volontaire en matière de médicaments, dès octobre.

Parmi les autres mesures dévoilées, on trouve aussi l’autorisation de dérogations réglementaires à partir de 2024, par exemple en prolongeant la durée de conservation de certaines molécules ou l’acquisition de stocks conjoints à l’UE pour l’hiver prochain.

« Difficile de savoir si ces mesures seront suffisantes pour passer l’hiver, car on n’a pas encore assez de recul. » pour Bruno Maleine, représentant des officines à l’Ordre national des pharmaciens

Parmi les pistes encore à creuser, il estime, comme de nombreux observateurs, qu’il « faut s’interroger sur la rentabilité » des médicaments pour les industriels… c’est-à-dire leur prix.

Le pharmacien pointe par ailleurs que la vente à l’unité n’est pour l’instant pas « adaptée » à la façon dont sont conçus les médicaments.

Médicaments : une pénurie en France ?

Médicaments : une pénurie en France ?

Des médicaments aussi classiques que les antibiotiques ou le paracétamol risquent de manquer cet hiver. En cause, les guerres qui perturbent l’approvisionnement mondial et le fait que la plupart des traitements sont produits en Asie notamment Chine. Évidemment, malgré la prise de conscience, la réindustrialisation de la filière pharmaceutique en Europe est encore loin d’être réalisée.

Plus de 3 700 médicaments ont connu des pénuries ou des tensions d’approvisionnement en 2022 en France et le chiffre risque d’augmenter en 2023, avec 3 500 déclarations de rupture ou risque de rupture à la fin du mois d’août, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). A la date du 18 octobre, les pharmacies étaient déjà à flux tendus sur plusieurs médicaments majeurs de l’hiver, selon un recensement de l’ANSM. Les stocks de certaines formes d’amoxicilline, de paracétamol, de prednisolone ou de fluticasone étaient ainsi inférieurs à sept jours, voire à trois jours, contre un stock de plus de sept jours dans une situation considérée comme normale.

Aurélien Rousseau a rappelé sur France Inter que le gouvernement s’attaquait aux problèmes des pénuries en « relocalisant en France la production de 25 médicaments stratégiques » et en travaillant à la meilleure disponibilité de « 450 médicaments essentiels ».

L’Union européenne s’est aussi saisie du sujet. La Commission a dévoilé, fin octobre, son plan pour remédier aux pénuries, annonçant notamment le lancement d’un mécanisme européen de solidarité volontaire en matière de médicaments, dès octobre.

Parmi les autres mesures dévoilées, on trouve aussi l’autorisation de dérogations réglementaires à partir de 2024, par exemple en prolongeant la durée de conservation de certaines molécules ou l’acquisition de stocks conjoints à l’UE pour l’hiver prochain.

« Difficile de savoir si ces mesures seront suffisantes pour passer l’hiver, car on n’a pas encore assez de recul. » pour Bruno Maleine, représentant des officines à l’Ordre national des pharmaciens

Parmi les pistes encore à creuser, il estime, comme de nombreux observateurs, qu’il « faut s’interroger sur la rentabilité » des médicaments pour les industriels… c’est-à-dire leur prix.

Le pharmacien pointe par ailleurs que la vente à l’unité n’est pour l’instant pas « adaptée » à la façon dont sont conçus les médicaments.

Pénurie de riz

Pénurie de riz ?

Après la pénurie de blé qui a affecté le monde et pas seulement les pays développés, c’est au tour du riz d’être contingenté et de voir les prix s’envoler. La pénurie de blé a pénalisé encore davantage les pays pauvres notamment ceux qui progressivement ont abandonné culture et nourriture locales pour le pain et la nourriture occidentale.

Maintenant c’est le riz qui est aussi concerné à la fois lui aussi par la spéculation ( comme le blé) mais aussi par des rendements en nette diminution, sans parler des taxes supplémentaires sur les importations. En quelque sorte la double peine pour nombre de pays pauvres dans le riz constitue l’aliment de base.

Après la moutarde, l’huile de tournesol, le blé et le beurre, c’est au tour du riz d’être inquiété par un risque de pénurie. Dans l’un de ses communiqués, le Syndicat de la Rizerie Française alerte sur des problèmes d’approvisionnements en grains de riz qui pourraient survenir à partir de février, à l’arrivée des nouvelles récoltes. Cela concernerait «la totalité des variétés et des origines», avec des ruptures plus marquées sur les riz basmati, les étuvés et les risottos.

Plusieurs éléments expliquent ces pénuries, à commencer par les conditions climatiques. L’Inde et le Pakistan, deux pays producteurs de basmati, ont connu une période de forte chaleur mi-mai, qui a directement impacté les rendements. À cela s’ajoutent des épisodes de pluies diluviennes en juin et en septembre derniers qui ont recouvert 10% de la surface des pays. «Au moins 250.000 tonnes de riz ont été perdues», souligne le Syndicat de la Rizerie Française. Arthur Portier, consultant Agritel, précise que l’Inde devrait produire 124 millions de tonnes cette année, contre 130 l’année dernière, dont 109 sont consommés localement.

Même constat pour le Pakistan, qui devrait produire 4,7 millions de tonnes cette année, contre 5 millions l’an passé. Qu’il s’agisse de l’Inde ou du Pakistan, «les pays exportateurs privilégieront leur marché local, au détriment des stocks d’exportations», relève Arthur Portier. Du côté de l’Union européenne, qui importe 2,5 millions de tonnes chaque année, les pays producteurs de riz ont manqué d’eau, principalement en Italie, en Espagne et en Grèce.

Pénurie de carburant : combien de temps ?……Un certain temps !

Pénurie de carburant : combien de temps ?……Un certain temps !

On connaît la fameuse histoire de Fernand Raynaud à propos du temps nécessaire pour le refroidissement du fût de canon : un certain temps ! C’est aussi le délai qui sera vraisemblablement nécessaire pour le rétablissement normal de la situation concernant le carburant. Au début, le gouvernement a totalement sous-estimé la question, puis considéré que le problème serait réglé en quelques jours et maintenant on parle de plusieurs semaines sans savoir par avance qu’elle sera l’évolution de la situation qui pourrait évoluer vers une radicalisation à défaut de généralisation sociale.

En bref, personne n’en sait rien même avec la réquisition. Il se pourrait qu’il faille plusieurs semaines pour sortir vraiment de la crise cela d’autant plus qu’au manque réel de carburant s’ajoute un environnement de panique.

Dans les faits, ces réquisitions doivent permettre de libérer les stocks de carburant et redémarrer les livraisons. Elles s’appuient sur un article du code des collectivités territoriales qui donne ce pouvoir aux préfets, en cas d’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre.
Seuls les salariés du dépôt seront concernés, pas ceux de la raffinerie.

A priori, une fois que les arrêtés préfectoraux de réquisition sont publiés, il ne faut que quelques heures pour relancer les expéditions de carburant en toute sécurité. Sur franceinfo Eric Layly, président de la Fédération française des combustibles estime faudra au moins « deux à trois jours » pour que la situation s’améliore concrètement, et « uniquement à proximité » des dépôts concernés. Il précise qu’une fois la grève terminée, il faudra « une dizaine de jours » pour que tout revienne à la normale.

Pénurie d’essence ou de sens en France ?

Pénurie d’essence ou de sens en France ?

Il est clair que les perturbations dans la distribution de carburant affecte la vie des Français en particulier pour se rendre au travail. À juste titre des salariés des groupes pétroliers réclament leur part de gâteau. Pas étonnant quand on sait qu’une société comme Total a réalisé plus de 10 milliards de bénéfices pour le seul premier semestre essentiellement en raison de la spéculation pétrolière.

Le problème, c’est que le mouvement de raréfaction carburant touchent surtout ceux qui sont contraints d’utiliser la voiture dont la grande masse est constituée de salariés. Ceux-là ne peuvent pas se permettre le luxe d’avoir une heure ou deux de retard à l’embauche pour avoir utilisé d’autres modes de transport. Il y a donc une sorte de contradiction entre les revendications mêmes légitimes des salariés de sociétés pétrolières et les besoins de la population.

Notons cependant que cette rareté du carburant combinée en plus à l’envol des prix va dans le sens des écologistes radicaux qui réclament d’ailleurs en plus une taxe carbone au motif de l’effet prix. Ils sont rejoints en cela par certains économistes qui introduisent dans la logique de marché la problématique environnementale. En réalité, l’élasticité entre prix et demande est très faible dans la mesure où les moyens de transport ( même chose pour le chauffage) ne sont pas performants voire n’existe pas.

La cohérence passerait donc par une réduction de la demande y compris une baisse de la croissance voire même comme le demandent les ultras écolos la condamnation du travail !

Bref, il ne s’agit pas simplement d’une panne d’essence mais d’une panne de sens que souligne la crise actuelle du carburant.

Les mêmes contradictions se retrouvent sur les autres énergies. Ainsi la France comme d’autres pays européens , a délaissé ses approvisionnements en gaz avec le moyen-orient pour se ligoter avec les Russes.Parallèlement Engie ( résultat de la privatisation de GDF) n’a pas su diversifier ses approvisionnements et investir suffisamment dans des énergies alternatives.

Concernant l’électricité les contradictions sont encore plus criantes puisque la France a bien voulu se soumettre aux exigences des écologistes allemands en fermant d’une part Fessenheim et en prévoyant la fermeture de 14 réacteurs. La filière nucléaire a été complètement délaissée ; mais devant la crise Macon a complètement changé de position en décidant de revoir en hausse la part du nucléaire dans le mix énergétique avec notamment la construction de six EPR puis de six autres ultérieurement. Et toujours pour faire plaisir aux écolos, en même temps de construire les anecdotiques éoliennes et autres équipements solaires qui viennent toutes ou presque de Chine.

On pourrait multiplier les exemples de contradictions entre la politique économique, la politique énergétique et les préoccupations environnementales. La vérité c’est que le gouvernement depuis déjà des années navigue à vue sur des sujets qui au contraire nécessitent une vision de long terme et une cohérence. La guerre en Ukraine n’a fait que révéler les contradictions du pouvoir.

Pénurie de gaz en Europe : une chute de croissance jusqu’à 6 % (FMI)

Pénurie de gaz en Europe : une chute de croissance jusqu’à 6 % (FMI)

 

Le FMI estime que la pénurie du gaz pourrait provoquer une chute de croissance jusqu’à 6 % dans certains pays. Principal pays sans doute affecté l’Allemagne. Autant dire que c’est l’ensemble de l’union économique qui pourrait se retrouver en récession ; En effet on ne prévoyait pour la zone euro qu’une croissance de 1,4 % en 2023.  l’Union pourra encaisser une chute des livraisons de gaz russe «allant jusqu’à 70%», en partie grâce à la baisse de la demande entraînée par l’inflation. En clair du fait de l’envolée des prix de l’énergie et de la perte du pouvoir d’achat des ménages.  Les Vingt-Sept devront s’appuyer sur d’autres sources d’approvisionnement ou faire preuve de sobriété.

Tous les pays ne seront pas égaux dans l’épreuve : certains, dont la Hongrie, l’Allemagne ou la Slovaquie sont en effet bien plus dépendants de Moscou. Un scénario plus pessimiste d’une coupure complète des approvisionnements serait bien plus délicat à gérer, nuancent les auteurs : la Russie, qui pesait jusqu’à 100% des importations en gaz de certaines nations, est en effet difficile à remplacer. Des pénuries pourraient même se voir dans les États les plus dépendants, selon le FMI, allant jusqu’à «40% de la consommation de gaz», et les prix augmenteraient, renforçant d’autant l’inflation.

Regardant différents scénarios, les experts soulignent que quatre pays européens – la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque et l’Italie – pâtiraient tout particulièrement d’une interruption complète des livraisons, voyant leur croissance fortement affectée, «la chute concomitante du produit intérieur brut pouvant atteindre jusqu’à 6%». Ces pays comptent aussi parmi les plus vulnérables en cas de limitation des approvisionnements, avec la Croatie. Berlin verrait aussi sa croissance limitée de plusieurs pour cents, alors que d’autres capitales, dont Paris, Athènes, Dublin et Luxembourg souffriraient moins. L’Hexagone, la Belgique et les Pays-Bas, ainsi, «pourraient s’adapter» à la situation, notamment grâce aux importations de gaz naturel liquéfié (GNL), note le document.

Les auteurs s’attardent plus longuement sur l’exemple allemand. Une rupture des approvisionnements pourrait mener à des pénuries de gaz équivalentes à 9% de la consommation nationale, sur la seconde moitié de l’année, et jusqu’à 10% en 2023. Les conséquences seraient probablement endossées par les entreprises, en particulier durant l’hiver à venir, et les prix augmenteraient fortement. «Les impacts économiques peuvent être réduits de manière significative», jusqu’au tiers, voire aux trois cinquièmes, grâce à des mesures d’économie d’énergie, y compris du côté des ménages ou des entreprises consommant de grandes quantités de gaz, avancent les documents.

Dans tous les cas, les populations comme les États doivent se préparer au pire. C’est d’ailleurs l’ambition de la Commission européenne, qui demande notamment aux membres de réduire volontairement leur consommation de gaz de 15 % dès le 1er août et jusqu’au 31 mars 2023. En France, l’exécutif prend la menace au sérieux : début juillet, Élisabeth Borne jugeait ainsi l’hypothèse d’une rupture des approvisionnements russes «crédible». Pour l’heure, les efforts du bloc européen restent insuffisants, selon l’Agence internationale de l’énergie, qui s’est dite «inquiète pour les mois qui viennent».


La pénurie de main-d’oeuvre

La pénurie de main-d’oeuvre

Aux rencontres d’Aix-en-Provence qui se sont déroulées ce week-end, le ministre de l’Economie a fort justement souligné le grave problème de la pénurie de main-d’œuvre. Un phénomène qui affecte à peu près tous les secteurs et même toutes les catégories socioprofessionnelles. La conséquence sans doute d’un certain désintérêt vis-à-vis du travail encouragé d’une part par le fonctionnement monarchique de nombre d’entreprises et l’absence de concertation et de participation des salariés. Bref une perte de sens qui accentue la contradiction entre un niveau élevé de chômage et une demande d’emploi sans réponse. Sans doute aussi un certain laxisme des pouvoirs publics vis-à-vis d’une distribution parfois aveugle d’aide sociale. Mais aussi des salariés qui ne sont guère encouragés à travailler compte tenu du faible niveau des salaires.

De la grande entreprise à l’usine ou à la toute petite PME, les difficultés à recruter sont partout. « Il n’y a rien de plus « shadockien » que d’avoir encore autant de chômage et autant d’entreprises qui cherchent des salariés. Il faut traiter ce problème dès la rentrée de septembre », a martelé le ministre de l’Economie et des Finances aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence qui se sont tenues de vendredi à dimanche.

Une priorité absolue, selon lui, à la fois pour soutenir la croissance de l’économie française – à l’heure où elle est ralentie par les conséquences de la guerre en Ukraine – et pour atteindre l’objectif de plein-emploi que s’est fixé l’exécutif pour ce quinquennat. « Une perspective devenue possible » a assuré le ministre du Travail, Olivier Dussopt, lui aussi présent à Aix-en-Provence.

De ce fait, « tout ce qui peut faciliter l’accès à l’emploi est une bonne chose » a lancé Bruno Le Maire, qui a appelé à un travail collectif. Aux entreprises revient ainsi, selon lui, la responsabilité d’être plus attractives en proposant une plus grande flexibilité dans l’organisation du travail et en offrant à tous les salariés des perspectives de carrière. Par ailleurs, le travail doit être mieux rémunéré : « Toutes celles qui le peuvent doivent augmenter les salaires » a-t-il lancé, recevant de l’auditoire un accueil plutôt mitigé.

 

 

Inflation: Vers une économie de pénurie?

Inflation: Vers une économie de pénurie?

 

L’économiste Robert Boyer analyse, dans une tribune au « Monde », l’augmentation des prix actuelle comme étant d’une nature différente de celle des années 1970 ; elle est le signe avant-coureur d’une régulation économique fondée sur la pénurie.

 

Face au retour de l’inflation, il est une interprétation séduisante : la période de grande modération et de taux d’intérêt très faibles aurait constitué une exception puisque l’excès de liquidité créée par les banques centrales se traduirait enfin dans les statistiques des prix à la consommation. En conséquence, il conviendrait de revenir au plus vite aux politiques monétaires orthodoxes grâce à une rapide remontée des taux d’intérêt.

Ce pourrait être une dangereuse erreur d’analyse, car c’est la convergence de changements structurels majeurs qui explique en réalité la conjoncture actuelle.

En premier lieu, la pandémie a montré la fragilité des chaînes globales de valeur, d’abord en matière de biens médicaux, mais aussi pour nombre d’autres produits dont les composants électroniques, devenus essentiels dans le nouveau paradigme productif. Une fois surmontée la phase la plus aiguë de la pandémie, la demande mondiale s’est vigoureusement redressée, rendant manifeste la fragilité de systèmes productifs nationaux de plus en plus interdépendants, marqués par une extrême concentration de la production de biens stratégiques. Réapparaissent ainsi des contraintes d’offre, sources de pression sur les prix.

Il n’est pas surprenant que l’inflation soit la plus élevée aux Etats-Unis, car le surdimensionnement des plans de soutien puis de relance laissait augurer soit un creusement massif du déficit extérieur, soit un emballement inflationniste, d’autant plus important que l’économie est très proche du plein-emploi et du fait de la générosité du soutien aux revenus des ménages américains. La croyance au caractère durable, pour ainsi dire irréversible, de la stabilité du niveau général des prix a conduit les responsables de la politique économique à considérer ce retour de l’inflation comme purement transitoire. L’inertie des représentations héritées du régime de croissance précédent a sans doute aggravé l’ampleur de l’inflation.

En deuxième lieu, le changement climatique a longtemps été perçu comme un phénomène qui ne se manifesterait qu’en très longue période. Or les deux dernières années ont été marquées par une fréquence accrue des tornades, des inondations, des sécheresses, ou encore de la désertification et des incendies. Bref, autant d’événements qui ont des répercussions directes sur la production agricole, mais pas seulement. Ainsi, la flambée du prix des aliments, antérieure même à la guerre en Ukraine, est aggravée par la tentation de bloquer les exportations agricoles, au risque d’accentuer la fragilité des flux internationaux de marchandises. En retour, l’incertitude ainsi créée inhibe l’investissement et accentue les problèmes d’offre.

Une invraisemblable pénurie de moutarde en France

Une invraisemblable pénurie de moutarde en France

 

Incroyable mais vrai, la France connaît une invraisemblable pénurie de moutarde. Nombre de grandes surfaces n’offrent plus de produits voleurs une gamme très réduite. En cause, surtout le fait que la France a largement délocalisé et depuis longtemps sa production agricole de graine de moutarde qui vient surtout d’Amérique  (Amérique du Sud et Canada surtout). En fait, la fameuse moutarde de Dijon est essentiellement fabriquée avec des graines en provenance d’outre-Atlantique

 (un article du Point, extrait)

 

Cette pénurie, qui arrive en même temps que celle d’autres produits, comme l’huile de tournesol, est une conséquence directe des changements climatiques, ainsi que de problèmes politiques et économiques de certains pays exportateurs.

Qui dit pénurie dit manque de matières premières. Ici, c’est la graine de moutarde. En cause, les événements météorologiques qui ont frappé le Canada, premier producteur mondial de moutarde et qui fournit 80 % des graines achetées que la France importe. « C’est un dôme de chaleur extrême en juillet 2021 qui a divisé la récolte par deux, poussant ainsi les autorités à limiter leurs exportations. De plus, depuis deux ans, le Canada plante deux fois moins qu’avant », explique Michel Liardet, président de l’entreprise Européenne de condiments, spécialisée dans la fabrication et le conditionnement de la moutarde, et de Fedalim, un regroupement de syndicats et de professionnels de l’agroalimentaire.

Face à ces baisses importantes de production, l’Ukraine aurait pu être une alternative en attendant des jours meilleurs, mais la guerre lancée par la Russie a presque entièrement interrompu ses exportations de graines de moutarde. En tout état de cause, l’apport ukrainien aurait été insuffisant pour fournir les 32 000 tonnes de graines de moutarde nécessaires à la production française. D’autant plus que la guerre a également bloqué l’accès aux grains du deuxième plus gros producteur mondial puisqu’il s’agit… de la Russie, désormais frappée par un embargo.

En raison de ces difficultés d’approvisionnement, les prix des grains ont été multipliés par cinq entre avril 2021 et avril 2022, tandis que le prix de la moutarde conditionnée a augmenté de 9 % sur la même période, selon l’institut d’études spécialisé dans les études de marché IRI.

Selon Luc Vandermaesen, directeur de Reine de Dijon, une entreprise fabriquant de la moutarde avec des graines 100 % françaises, une des solutions pour résoudre cette crise, « c’est le programme d’amélioration variétale » qu’ils sont en train de mettre au point et « qui permettra de créer des variétés de graines de moutarde plus résistantes aux conditions climatiques mais aussi plus productives ». L’entrepreneur Michel Liardet plaide lui aussi pour une hausse de la production française « afin d’être moins dépendant des importations. »

Depuis plusieurs années, les agriculteurs français se désintéressent de plus en plus de la production de grains de moutarde, jugés trop peu rentables et trop vulnérables aux insectes. La France interdit depuis 2019 l’épandage d’insecticides sur les grains de moutarde, une mesure jugée désastreuse par de nombreux producteurs, qui assurent que l’utilisation de ces pesticides ne nuisait pas aux insectes pollinisateurs. Aujourd’hui, Luc Vandermaesen assure « n’avoir aucune visibilité à long terme sur la production de moutarde Reine de Dijon ». La pénurie a de fortes chances de se poursuivre

La pénurie d’électricité en Chine, pourquoi ?

La pénurie d’électricité en Chine, pourquoi ?

 

La crise énergétique en Chine pose la question de sa sécurité énergétique mais aussi du rythme de la croissance économique du pays, déjà mise à mal par les récentes difficultés du secteur immobilier et les mesures réglementaires prises par le gouvernement. Par Anderson Dong, analyste crédit, Carol Liao, économiste spécialiste de la Chine, Ke Tang, analyste crédit, chez Pimco.

 

Foyers plongés dans le noir, rues non éclairées et fermetures d’usines : depuis la mi-août, la Chine connaît sa pire pénurie d’électricité depuis des décennies, ce qui a entraîné un rationnement de l’électricité dans de nombreuses provinces.

Les coupures d’électricité ont perturbé de nombreux foyers et industries dans le pays, des centres manufacturiers du Guangdong, du Zhejiang et du Jiangsu aux provinces de la rust belt du nord-est (Liaoning, Jilin et Heilongjiang). La croissance de la production industrielle du premier consommateur mondial d’énergie est retombée aux niveaux observés pour la dernière fois au début de 2020, lorsque de lourdes restrictions liées au Covid-19 étaient en place.

Des pénuries localisées toujours possibles

L’intervention politique de Pékin pour remédier à la pénurie de charbon a permis d’atténuer la pénurie d’électricité depuis octobre, mais la State Grid Corporation of China (entreprise qui gère le réseau, le transport et la distribution d’électricité dans le pays. NDLR) a prévenu que l’hiver resterait problématique et que des pénuries localisées étaient toujours possibles.

Ce n’est pas seulement la sécurité énergétique de la Chine qui est en jeu, mais aussi la croissance économique du pays, déjà mise à mal par les récentes difficultés du secteur immobilier et les mesures réglementaires prises par le gouvernement. Le produit intérieur brut (PIB) du pays a connu son rythme de croissance le plus lent en un an au troisième trimestre de 2021, avec une hausse de 4,9 % par rapport à l’année précédente, inférieures aux prévisions du marché. Il s’agit d’un frein par rapport à la croissance de 7,9 % au deuxième trimestre et de 18,3 % au premier trimestre, ce qui laisse penser que la reprise chinoise ralentit.

Dans un scénario plus défavorable, nous estimons que la pénurie d’énergie pourrait entraîner une baisse de la croissance chinoise au quatrième trimestre d’environ 0,6 point de pourcentage par rapport à notre scénario de base actuel, à 3,4 %. Toutefois, nous pensons que l’impact réel sera probablement moins grave.

Voici cinq éléments à connaître sur la crise énergétique chinoise.

1. Les pressions gouvernementales pour réduire l’intensité carbone et énergétique en sont le principal moteur.

Les pannes d’électricité sont survenues au moment où Pékin a accru la pression sur les gouvernements régionaux pour qu’ils réduisent leurs émissions carbone, conformément à l’objectif du pays d’atteindre la neutralité d’ici 2060. Avec le boom industriel post-Covid, tiré par les exportations, qui a fait exploser la demande d’électricité, l’intensité énergétique (consommation d’énergie par unité de PIB) n’a baissé que de 2 % au premier semestre 2021[1], manquant ainsi l’objectif de 3 % fixé par le gouvernement – ce qui a déclenché cette nouvelle vague de rationnement de l’électricité.

2. Les pénuries d’approvisionnement en charbon et la flambée des prix sont également en jeu.

Depuis 2016, la Chine limite les nouvelles capacités de production de charbon, tout en relevant les normes de sécurité de production et de protection de l’environnement pour les mines existantes. Jusqu’à 2020, l’offre et la demande de charbon ont été largement équilibrées, avec une croissance de la demande de charbon d’environ 5 % par an au cours des cinq dernières années, selon nos estimations. Mais l’offre – tant la production que les importations – a eu du mal à suivre la forte reprise industrielle depuis 2020.

Les plans de décarbonation à long terme de la Chine, associés à la baisse des investissements dans de nouvelles capacités de production de charbon à l’échelle mondiale en raison des pressions environnementales, ont réduit la capacité de la Chine et d’autres pays à faire face à des poussées imprévues de la demande.

En conséquence, les prix du charbon se sont envolés. Le gouvernement chinois fixant les prix de l’électricité, la plupart des producteurs thermiques sont déficitaires aux niveaux actuels des prix et ne sont donc pas incités à augmenter l’offre.

3. L’impact réel sur l’économie pourrait être moins grave que prévu.

Le rationnement de l’électricité restera probablement une contrainte pour la production et l’approvisionnement à court terme, mais il pourrait ne pas causer de dégât supplémentaire en raison d’une demande plus faible, que l’on observe déjà avec le ralentissement du secteur immobilier et les restrictions liées à la pandémie.

En outre, il semble qu’il soit possible de réduire ces tensions. Pékin a mis en place des mesures d’assouplissement, telles que l’ajustement des politiques de décarbonation, l’augmentation de la production de charbon, l’accélération du développement de nouvelles mines, l’autorisation d’importer davantage de combustibles étrangers et l’augmentation de la flexibilité des prix de l’électricité, en particulier pour les industries à forte consommation d’énergie. Compte tenu de ces mesures, nous pensons que la pénurie d’électricité pourrait être atténuée d’ici la fin du premier trimestre 2022.

Nous pensons également que la croissance de la production industrielle pourrait encore ralentir au 4e trimestre 2021. En termes d’inflation, nous estimons que l’impact sur l’indice des prix à la consommation (CPI) de la Chine pourrait être limité en raison de la faiblesse de la demande due au ralentissement de l’économie, mais que l’indice des prix à la production (IPP) pourrait rester élevé. L’IPP d’octobre a augmenté de 13,5 % par rapport à l’année précédente, soit une hausse plus rapide que celle de 10,7 % enregistrée en septembre, et le rythme le plus rapide depuis 1995 [2].

Nous nous attendons à ce que la croissance du PIB ralentisse pour atteindre environ 5 % en 2022, en raison de la modération du secteur immobilier et des exportations, et donc à ce que les restrictions dans le domaine de l’énergie ne soient plus contraignantes. Les investissements et les exportations devraient également ralentir, tandis que la reprise du secteur des services, moins énergivore, devrait se poursuivre, ce qui pourrait contribuer à rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande d’énergie.

4. Les objectifs de la Chine en matière de réduction des émissions carbone pourraient avoir des répercussions mondiales.

Si les pannes d’électricité persistent, cela pourrait freiner la forte dynamique d’exportation de la Chine et peser davantage sur les perturbations actuelles de la chaîne d’approvisionnement. Même si les exportateurs chinois n’augmentent pas les prix, on s’attend à ce que les pénuries d’approvisionnement entraînent une hausse des prix de détail et de l’inflation sur les marchés de destination.

5. Nous sommes globalement positifs sur les titres de crédit du secteur asiatique des matières premières.

Notre opinion globalement positive sur le secteur asiatique des matières premières découle de ce que nous estimons être une bonne visibilité de ses performances financières au cours des six prochains mois. Nous privilégions les entreprises qui non seulement s’attendent à bénéficier du prix élevé des matières premières, mais aussi qui, selon nous, présentent déjà des profils de crédit autonomes solides. Parmi les principales matières premières, nous sommes positifs sur l’acier, l’aluminium, le pétrole et le gaz. La production d’acier brut étant en forte baisse, nous sommes prudents sur le minerai de fer et le charbon à coke.

Face à l’incertitude économique croissante en Chine et aux répercussions potentielles dans le monde entier, les investisseurs ont intérêt à adopter une approche plus sélective de leurs investissements. Nous pensons qu’il s’agit d’un moment particulièrement crucial pour être un investisseur actif, car la politique gouvernementale et les risques idiosyncratiques accentuent la divergence entre les gagnants et les perdants.

___________

[1] Source : The State Council Information Office of the People’s Republic of China

[2] Source : National Bureau of Statistics

Pénurie de main-d’œuvre: Pas assez d’écart de revenus entre ceux qui travaillent et les autres (MEDEF)

Pénurie de main-d’œuvre. Pas assez d’écart de revenus entre ceux qui travaillent et  les autres  (MEDEF)

 

 

Le président du Medef estime que la pénurie de main-d’œuvre provient notamment de l’écart insuffisant de revenus entre ceux qui travaillent et les autres. (Interview dans l’Opinion)

 

La pénurie de main-d’œuvre menace-t-elle la reprise ?

Il existe des cas, heureusement rares, où des restaurants ferment faute de trouver du personnel. Mais en dehors de l’hôtellerie-restauration – et de l’automobile qui souffre d’ une autre pénurie, celle des composants électroniques – la reprise n’est pas en danger. En revanche, nous ne profitons pas à plein du rebond à cause des difficultés à recruter : c’est un surcroît de croissance qui nous échappe.

Emmanuel Macron a menacé la semaine dernière de suspendre les allocations chômage des « demandeurs d’emploi qui ne démonteront pas une recherche active ». La solution, est-ce de mettre la pression sur les chômeurs ?

Nous soutenons l’annonce d’un renforcement des contrôles même si, en réalité, les règles n’ont pas changé – il s’agit plutôt d’un signal donné par le Président. Nous soutenons aussi la réforme de l’assurance-chômage et nous aurions même souhaité qu’elle aille plus loin. C’est en effet un des éléments qui expliquent la situation : l’écart n’est pas toujours significatif entre revenus nets du travail et revenus du « non-travail » (allocation chômage, autres prestations sociales, parfois travail au noir). D’autant que travailler peut représenter un coût : transport, logement… Néanmoins, accroître cet écart ne résoudra pas tout. Il y a aussi un problème de mobilité de proximité (le refus de travailler à plus d’une vingtaine de kilomètres de chez soi) et une réticence à déménager pour prendre un emploi, malgré les fortes différences de taux de chômage d’une région à l’autre. Le coût de l’immobilier et des droits de mutation renforcent cette immobilité régionale. Enfin, il y a indéniablement un effet post-Covid qui frappe tous les métiers et tous les secteurs. On voit des entreprises avec des salaires dans la moyenne, des conditions de travail normales, qui peinent à recruter alors que cela n’avait jamais été le cas. Aux Etats-Unis, certains s’inquiètent d’une « grande démission »… Il est difficile de mesurer si nous en sommes là en France.

La crise sanitaire a-t-elle modifié profondément le rapport au travail ?

Ce qui est certain, c’est que dans les métiers « non télétravaillables » monte une certaine frustration : un ouvrier peut avoir l’impression d’être laissé à l’écart de la flexibilité, du confort, du gain de temps et d’argent sur les trajets que permet le télétravail . Autre phénomène que nous remontent de plus en plus de dirigeants, la « période d’essai à l’envers » : j’accepte un emploi mais si au bout d’un ou deux mois, il ne me convient pas à 100 %, je quitte l’entreprise. Il est trop tôt pour tirer des leçons définitives, mais beaucoup d’adhérents nous disent redouter un nouvel « effet 35 heures » sur l’implication dans le travail.

Essence : la pénurie comme au Royaume-Uni ?

Essence : la pénurie comme au Royaume-Uni ?

Au Royaume-Uni, un rapport de British Petroleum constate la fermeture de nombreuses stations-service en raison des difficultés d’approvisionnement.  Il y a deux nombreux facteurs explicatifs à cela. D’abord l’incurie de Boris Johnson à prévoir les conséquences du brexit  qui ont notoirement complexifier les échanges internationaux.

Ensuite il y a aussi une spéculation actuellement sur les cours du pétrole qui atteint 80 $ le baril et se dirige vers les 100 $. Enfin et peut-être surtout ce sont des dysfonctionnements de la chaîne logistique qui perturbe les approvisionnements. Le Royaume-Uni notamment éprouve de graves difficultés pour trouver des chauffeurs-routiers. Le Royaume-Uni n’avait sans doute pas observé que la plupart des routiers qui se rendent outre-Manche sont des étrangers qui désormais rechignent à faire le voyage content tenu des nouvelles formalités douanières très chronophage.

Le cours du baril de Brent a franchi le seuil symbolique des 80 dollars en séance mardi. Il faut remonter à octobre 2018 pour retrouver un tel niveau. Depuis son point bas d’octobre 2020, la référence européenne a augmenté de quelque 116%. Aux Etats-Unis, le baril de WTI suit la même tendance dépassant les 76,27 dollars, s’approchant du dernier sommet du début de l’été à 76,98 dollars le baril.

Si elle persistait, cette augmentation pourrait  ralentir la vigoureuse reprise économique mondiale, estimée à 5,5% cette année (+ 4,1% prévus pour 2022) par les experts de l’Opep ?

Essence : la pénurie comme au Royaume-Uni ?

Essence : la pénurie comme au Royaume-Uni ?

Au Royaume-Uni, un rapport de British Petroleum constate la fermeture de nombreuses stations-service en raison des difficultés d’approvisionnement.  Il y a deux nombreux facteurs explicatifs à cela. D’abord l’incurie de Boris Johnson à prévoir les conséquences du brexit  qui ont notoirement complexifier les échanges internationaux.

Ensuite il y a aussi une spéculation actuellement sur les cours du pétrole qui atteint 80 $ le baril et se dirige vers les 100 $. Enfin et peut-être surtout ce sont des dysfonctionnements de la chaîne logistique qui perturbe les approvisionnements. Le Royaume-Uni notamment éprouve de graves difficultés pour trouver des chauffeurs-routiers. Le Royaume-Uni n’avait sans doute pas observé que la plupart des routiers qui se rendent outre-Manche sont des étrangers qui désormais rechignent à faire le voyage content tenu des nouvelles formalités douanières très chronophage.

Le cours du baril de Brent a franchi le seuil symbolique des 80 dollars en séance mardi. Il faut remonter à octobre 2018 pour retrouver un tel niveau. Depuis son point bas d’octobre 2020, la référence européenne a augmenté de quelque 116%. Aux Etats-Unis, le baril de WTI suit la même tendance dépassant les 76,27 dollars, s’approchant du dernier sommet du début de l’été à 76,98 dollars le baril.

Si elle persistait, cette augmentation pourrait  ralentir la vigoureuse reprise économique mondiale, estimée à 5,5% cette année (+ 4,1% prévus pour 2022) par les experts de l’Opep ?

La Chine aussi menacée par une pénurie de main-d’œuvre

La Chine aussi menacée par une pénurie de main-d’œuvre

Un article du Wall Street Journal met l’accent sur la pénurie de main-d’œuvre qui se profile en Chine.

 

 

Une pénurie de main-d’œuvre se profile dans toute la Chine car les jeunes se détournent des emplois industriels et de plus en plus de travailleurs migrants restent chez eux, ce qui laisse présager des difficultés à venir avec la montée du vieillissement et la diminution de la population active.

Les propriétaires d’usines chinoises affirment avoir du mal à trouver des employés dans tous les domaines, que ce soit la fabrication de sacs à main ou celle de cosmétiques, alors que la demande mondiale de produits chinois ne cesse d’augmenter cette année.

Certains travailleurs migrants craignent de contracter le Covid-19 dans les villes ou les usines, malgré le nombre réduit de contaminations en Chine. D’autres jeunes s’orientent vers des emplois du secteur des services, mieux payés ou moins pénibles.

Cette tendance au déséquilibre entre emploi et main-d’œuvre trouve un écho aux Etats-Unis, où certains employeurs ont du mal à recruter suffisamment de salariés, alors que des millions de personnes qui ont perdu leur emploi pendant la pandémie restent au chômage.

Mais le problème de la Chine reflète aussi des évolutions démographiques de long terme — notamment un réservoir de main-d’œuvre qui s’amenuise —, héritage de la politique de l’enfant unique appliqué pendant des dizaines d’années dans le pays et officiellement abandonnée en 2016.

Ces tendances représentent une menace sérieuse pour les perspectives de croissance à long terme du pays. La Chine n’en aura que plus de mal à fournir des produits manufacturés bon marché au reste du monde, ce qui pourrait ajouter aux pressions inflationnistes mondiales.

« Cela fait bien longtemps que la Chine a épuisé son dividende démographique » expose Shuang Ding, économiste à la Standard Chartered Bank de Hong Kong.

Yan Zhiqiao, qui gère une usine de cosmétiques d’une cinquantaine d’ouvriers à Guangzhou, au sud du pays, n’a pas pu intensifier sa production cette année malgré une augmentation de la demande, principalement parce que son usine a le plus grand mal à recruter et à garder des employés, tout particulièrement lorsqu’ils ont moins de 40 ans.

Son usine propose une rémunération équivalente à 3,90 dollars de l’heure, ce qui est au-dessus du marché, plus les repas et l’hébergement gratuits. Les jeunes recrues ont pourtant été peu nombreuses à se présenter.

Il explique qu’il ne peut se permettre de gonfler les salaires en grande partie car les prix des matières premières ont augmenté cette année. L’autre option consisterait à répercuter cette hausse sur les acheteurs étrangers, s’ils l’acceptaient.

« Par rapport à notre génération, l’attitude des jeunes vis-à-vis du travail a changé. Ils peuvent demander de l’aide à leurs parents et ils n’ont pas beaucoup de pression pour joindre les deux bouts » 

« Par rapport à notre génération, l’attitude des jeunes vis-à-vis du travail a changé. Ils peuvent demander de l’aide à leurs parents et ils n’ont pas beaucoup de pression pour joindre les deux bouts, estime M. Yan, 41 ans. Beaucoup d’entre eux ne sont pas venus à l’usine pour travailler mais pour chercher des petits copains ou des petites copines. »

La pénurie de main-d’œuvre industrielle en Chine intervient au moment même où une autre partie de son économie fait face au problème inverse : il y a trop de main-d’œuvre pour les emplois de cols blancs. Plus de 9 millions d’étudiants chinois, un record, sortent diplômés de l’université cette année, ce qui aggrave le déséquilibre structurel du marché du travail, affirment les économistes.

Tandis que le taux de chômage urbain global en Chine est tombé de 5,7 % en juillet dernier à 5,1 % cette année, au sein de la tranche d’âge des 16-24 ans il s’élevait à 16,2 % le mois dernier, ce qui est néanmoins plus bas que le record absolu de l’année précédente : 16,8 % en juillet 2020.

Les récentes mesures prises à l’encontre du secteur des cours privés, visant à réduire les coûts de l’éducation pour les parents, risquent de faire flamber le taux de chômage des jeunes. Selon MyCOS, cabinet de conseil spécialisé en éducation, en 2019 le secteur a absorbé davantage de diplômés de l’université que tout autre.

Pour les propriétaires d’usines, cependant, ces tendances ne représentent qu’une piètre consolation. Le déclin du nombre d’ouvriers a obligé nombre d’entre eux à offrir des primes ou à donner un coup de pouce aux salaires, érodant d’autant des marges déjà sous pression à cause de l’augmentation des prix des matières premières et du transport.

Foxconn Technology Group, ex-Hon Hai Precision Industry Co. et l’un des plus gros fournisseurs d’Apple, a fait passer les primes des nouvelles recrues d’une de ses usines de Zhengzhou à 9 000 yuans — soit environ 1 388 dollars —, voire davantage, pour ceux qui acceptent de travailler 90 jours consécutifs, à en croire une annonce publiée par un département commercial de Foxconn sur WeChat. Foxconn n’a pas répondu à nos sollicitations.

Le variant delta balayant d’autres pays asiatiques, certaines usines chinoises ont vu leurs carnets de commandes se remplir à grande vitesse à mesure que les acheteurs se détournaient de leurs anciens fournisseurs, raconte David Li, secrétaire général de l’Asia Footwear Association de Dongguan. Ce qui incite certaines entreprises cherchant désespérément de nouveaux salariés à proposer des salaires plus élevés, ajoute-t-il.

« De nombreux propriétaires d’usines sont désormais en plein dilemme. Ils ne savent pas s’ils vont pouvoir faire des bénéfices en acceptant de nouvelles commandes, dit-il. Leur plus gros souci est de trouver des ouvriers. »

La semaine dernière, le Premier Ministre chinois Li Keqiang a annoncé que le pays continuerait de faire face « à une pression relativement importante sur le marché du travail » d’ici à 2025 et s’est engagé à davantage soutenir les secteurs à fort besoin de main-d’œuvre, notamment sous la forme de formations professionnelles supplémentaires.

La population active de la Chine, qui regroupe les individus âgés de 15 à 59 ans, est tombée à 894 millions l’année dernière, ce qui représente 63 % de la population totale. Ce chiffre était de 939 millions en 2010, soit 70 % de la population totale de l’époque, selon les chiffres du recensement national conduit une fois tous les dix ans.

Selon les estimations officielles, la population active chinoise devrait perdre 35 millions de personnes au cours des cinq prochaines années.

Pour les économistes, les récentes incitations du président Xi Jinping visant à revigorer les zones rurales en dirigeant davantage d’investissements vers les provinces de l’intérieur du pays ont pu contribuer aux difficultés des usines en permettant à de nombreux travailleurs qui autrefois parcouraient de grandes distances pour trouver du travail dans les grandes villes de gagner leur vie plus près de chez eux.

En 2020, le nombre de Chinois ruraux classés dans la catégorie des travailleurs migrants a chuté pour la première fois en dix ans, et ce de plus de 5 millions, pour atteindre 285,6 millions de personnes, indiquent les données du bureau chinois des statistiques, car davantage de travailleurs sont restés dans leur ville natale ou ont cherché des emplois à proximité. Beaucoup l’ont fait parce qu’ils avaient peur de contracter le Covid-19 dans les grandes villes et ils n’y sont toujours pas retournés, déplorent les industriels.

A Guangzhou, près d’un tiers de la grosse centaine d’ouvriers de l’usine BSK Fashion Bags n’est pas revenu après le nouvel an chinois, en février dernier, ce qui représente un taux de rotation supérieur aux 20 % habituels, affirme Jeroen Herms, co-fondateur de l’entreprise.

« On ne trouve quasiment pas de travailleurs parce que beaucoup d’entre eux ne partent plus de chez eux. Le Covid a accéléré la tendance », regrette M. Herms, un Néerlandais qui a fondé l’usine de sacs à main en 2011.

« Les jeunes ne veulent plus accepter n’importe quel emploi difficile. Ils attendent beaucoup plus de leur travail  » 

L’âge moyen des salariés est monté à au moins 35 ans, alors qu’il était de 28 ans il y a dix ans, complète-t-il. Pour accroître la production, l’entreprise envisage d’implanter une nouvelle usine dans la province centrale du Henan, grande source de travailleurs migrants. Elle investit également davantage dans l’automatisation.

En 2020, plus de la moitié des travailleurs migrants chinois avaient plus de 41 ans. Le pourcentage de travailleurs migrants de moins de 30 ans a régulièrement décliné, passant de 46 % en 2008 à 23 % en 2020, selon les données de Wind.

De plus en plus de jeunes considérant le travail en usine comme trop pénible, le secteur des services est devenu la source d’emploi la plus populaire auprès des travailleurs migrants en 2018, dépassant les emplois industriels et du bâtiment, révèle une enquête annuelle sur les travailleurs migrants réalisée par le bureau chinois des statistiques.

« Les jeunes ne veulent plus accepter n’importe quel emploi difficile. Ils attendent beaucoup plus de leur travail, et ils peuvent se permettre d’attendre plus longtemps d’en trouver un », relate M. Ding, l’économiste de Standard Chartered.

Pendant six ans, jusqu’à début 2020, Wang Liyou est passé d’un travail en usine à l’autre dans la ville méridionale de Dongguan.

Bien que les salaires aient augmenté et que les propositions d’emploi abondent dans les usines, il n’y est pas retourné après que la pandémie a été maîtrisée l’année dernière.

Au lieu de cela, lui et sa famille se sont installés à Pékin à la recherche d’emplois bien payés dans le secteur des services. Aujourd’hui, il est livreur pour des restaurants, ce qui lui permet de gagner environ 10 % de plus que son salaire mensuel à l’usine, qui atteignait pas loin de 1 000 dollars.

Son objectif est de finir par gagner plus de 1 500 dollars par mois, comme certains de ses amis, livreurs depuis des années.

« Je veux tenter le coup avant d’être trop vieux », explique M. Wang, 33 ans.

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Bérengère Viennot)

123



L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol