France : la justice « fast-food » d’un pays en développement
La justice française ressemble de plus en plus à la justice « fast-food » d’un pays en développement ( la corruption en moins). Des milliers et des milliers de dossiers s’accumulent. C’est à toute vitesse qu’on traite les affaires sans trop faire de distinction quant à la gravité des faits. Beaucoup ne sont même pas traitées. Pour preuve, le gouvernement suggère à la justice pour se mettre à jour d’enterrer complètement les dossiers qui traînent. ( d’après franceinfo)
Exactement comme dans certains pays en développement où des centaines de dossiers doivent théoriquement être traités le même jour dans un tribunal mais dont la très grosse partie est reportée à plus tard ce qui ne fait que gonfler le solde des affaires.
Un an après la retentissante tribune publiée dans Le Monde et signée par 3 000 magistrats et une centaine de greffiers, rien n’a changé au sein du deuxième tribunal de France en nombre de dossiers, emblématique de la souffrance au travail des professionnels du droit. « On a réussi le tour de force d’aggraver encore les choses en un an », souligne même Maximin Sanson, vice-président du tribunal et représentant de l’Union syndicale des magistrats (USM). Les moyens de la justice se sont pourtant accrus : le projet de loi de finances 2023, en cours d’examen au Sénat, prévoit pour l’année prochaine une nouvelle augmentation de 8% des crédits alloués à la Justice, pour la troisième année consécutive.
Maximin Sanson, vice-président du tribunal judiciaire de Bobigny (Seine-Saint-Denis) estime qu’il faudrait « 49 magistrats supplémentaires au siège », le 22 novembre 2022.
Pour autant, les effectifs n’ont pas bougé : « On était 141 juges l’année dernière, on est 140 cette année. Il en faudrait 49 de plus et il y a toujours 59 postes de fonctionnaires des greffes vacants », relève-t-il. L’an passé, quelque 1 000 contractuels ont été appelés en renfort auprès des magistrats au civil. Mais ces « sucres rapides », comme les a désignés Eric Dupond-Moretti, « démissionnent en masse », constate Maximin Sanson. « Les gens ne veulent pas venir à Bobigny, parce que les salaires ne sont pas suffisants. Et ceux qui viennent ne restent pas, car leurs conditions de travail sont insupportables », déplore une greffière.
« Ça fait quinze ans qu’on dit qu’on est une institution judiciaire qui va droit dans le mur ! »
Assez souvent on traite les affaires en une ou deux minutes; c’est avant tout des juges et des greffiers qu’il faut recruter en urgence
« Ça fait quinze ans qu’on dit qu’on est une institution judiciaire qui va droit dans le mur ! », s’est soudainement emportée la juge Sarah Massoud, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature. Son coup de colère a brisé le calme ambiant. D’une voix forte, elle a revendiqué vouloir déplacer le débat. « Une fois qu’on a parlé des conditions de travail indignes, de la perte de sens, on a dit quoi ? On fait quoi ? Est-ce qu’un jour en France, on va s’interroger sur l’évaluation de nos politiques pénales ? », a-t-elle poursuivi.
« Personne ne vous remerciera de vous être épuisés »
Pour Sarah Massoud, la question à poser est : « Qu’est-ce qu’on juge ? » Elle estime que le temps consacré à certaines affaires, à commencer par le trafic de stupéfiants, est complètement démesuré et que « les conséquences de notre action répressive sur l’aspect sanitaire et sur la sécurité sont minimes au regard des milliards que ça nous coûte ». A côté de ça, « il n’y pas d’instructions ou si peu sur le logement insalubre, alors qu’on en compte 38% à Aubervilliers », assure-t-elle. « Soit on se réveille, on monte un groupe de travail et on essaie de comprendre pourquoi on juge mal tel ou tel contentieux. Soit on passe à côté de l’essentiel »s.
L’avocate Virginie Marques lui a emboîté le pas, estimant, en guise de conclusion de cette longue matinée, qu’il « faut s’interroger sur qui on juge et comment on juge ». Elle regrette que des « dossiers de proxénétisme aggravé soient jugés en comparution immédiate » et déplore qu’on « laisse des gens en détention provisoire parce qu’on n’a pas eu le temps de regarder correctement une décision ». « On fait des choix politiques pour faire du chiffre, de la communication », tance-t-elle.