Refuser le chantage des plates-formes payantes
Il se confirme que les plates-formes veulent peser de plus en plus sur les contenus mais aussi sur les conditions de diffusion des films. Face aux menaces de Disney et Netflix de retirer les films qu’ils financent des salles de cinéma, Delphine Ernotte, Gilles Pélisson et Nicolas de Tavernost, responsables de France Télévisions, TF1 et M6, réclament, dans une tribune au « Monde », l’application de l’accord organisant la chronologie de l’exploitation des films.
La vitalité du cinéma français est le résultat d’une ambition collective des éditeurs français de chaînes de télévision gratuites et payantes et des acteurs du cinéma (salles, producteurs, distributeurs), portée par les pouvoirs publics depuis plus de cinquante ans pour préserver l’exception culturelle française. Le principe est simple : en contrepartie de son investissement et du respect de diverses obligations, chaque opérateur a le droit d’exploiter pendant une durée prédéfinie, en exclusivité et sans concurrence, le film qu’il a financé ou acquis.
Les périodes se succèdent ainsi entre les supports de diffusion et les publics : salles, chaînes de télévision payantes, vidéo à la demande puis chaînes gratuites. C’est ce qu’on nomme la chronologie des médias, qui repose sur un accord entre l’ensemble des acteurs du cinéma, résultat de longues négociations et de compromis parfois douloureux, mais au service d’un bien commun : l’accès du public le plus large au cinéma le plus divers.
Les télévisions gratuites ont toujours été au rendez-vous de ce soutien au cinéma français, à sa diffusion, et à sa diversité. Chaque année, France Télévisions, M6 et TF1 proposent gratuitement à l’ensemble des Français une diversité de films, comédies, polars, drames, etc. qui contribuent à l’élaboration d’un imaginaire collectif. En 2021, elles ont investi 144 millions d’euros dans 126 films, qui n’auraient sinon pas pu voir le jour.
Au début de cette année, le nouvel accord sur la chronologie des médias a favorisé les plates-formes payantes américaines comme Netflix, Amazon Prime Video ou Disney + en les plaçant avant les télévisions gratuites. Canal+ a également bénéficié d’un avancement de sa fenêtre. Les télévisions gratuites ont joué le jeu alors même que l’arrivée de ces nouveaux acteurs à la puissance financière internationale est de nature à les soumettre à une concurrence accrue. Les chaînes ont accepté que les plates-formes payantes puissent diffuser les films avant elles malgré l’apport supplémentaire très modeste que ces services consentent – de l’ordre de 50 millions d’euros par an, soit moins de la moitié de celui des télévisions gratuites.