Industrie : pour une nouvelle politique…Et la participation
Dans la campagne présidentielle, les idées proposées ne sont pas à la hauteur de l’enjeu qui passe par une meilleure répartition des bénéfices des entreprises, comme le préconisait le Général de Gaule avec son idée de répartition. Par Gaël Perdriau, maire (LR) de Saint-Etienne, président de Saint-Etienne Métropole.
Depuis deux ans, la pandémie a révélé les retards structurels de la France dans de trop nombreux domaines tels la santé, l’éducation, l’enseignement supérieur, les services publics et, bien entendu, dans le dossier spécifique de l’industrie et du développement économique. Après 40 années d’une politique néolibérale, rarement remise en cause, nous payons la facture d’une société ayant fait de la maximisation des résultats financiers le credo incontournable de toute politique publique.
Aujourd’hui, la France a besoin d’une nouvelle industrialisation dont les contours restent largement à définir. Certes nous souffrons de la comparaison avec notre voisin allemand dont l’industrie, avant la pandémie, contribuait pour près de 1.900 milliards d’euros à la richesse nationale, contre environ 900 millions d’euros pour l’Hexagone, employant 6,2 millions de salariés, 2,7 millions en France et pour un investissement en R&D d’environ 54 milliards d’euros contre à peine 25 milliards d’euros de ce côté du Rhin. Globalement, l’industrie française ne pèse que 12% du PIB contre plus de 20% en Allemagne. Le constat est sans appel.
Ne peut-on pas voir dans ces données l’incapacité de notre économie à offrir des emplois stables, performants et bien rémunérés ? La nouvelle industrialisation dont la France a besoin doit reposer sur une nouvelle clef de répartition des résultats créés par les entreprises. Aujourd’hui, pour 100 euros de bénéfices disponibles, les entreprises du CAC40 en attribuent 70 euros aux actionnaires, 25 euros à l’investissement et 5 euros aux salariés. Il fut un temps où les salariés captaient 70% de ces bénéfices. Faut-il chercher plus loin la crise du pouvoir d’achat dont souffre la France depuis de longues années ?
La France, dont on ne cesse de critiquer certains travers l’empêchant de «profiter» de la mondialisation, s’est, de fait, convertie au dogme néolibéral en favorisant les actionnaires au détriment de l’appareil industriel et des salariés. Le retard accumulé est devenu abyssal et les faiblesses doivent beaucoup aux carences, en matière de formation, des salariés qui ne disposent pas toujours des options leur permettant de se former correctement tout le long de la vie.
Le débat présidentiel était l’occasion d’aborder cette question avec détermination et de manière rationnelle. Pour le moment, il n’en est rien. Nous oscillons entre les solutions habituelles faisant de l’entreprise soit la source de tous les maux ou alors une sorte de «terre promise» censée guérir une société malade d’une fragmentation que j’ai analysée par ailleurs.
Ma famille politique n’échappe pas à la règle. Encore récemment, Eric Ciotti ne déclarait-il pas, devant des chefs d’entreprise, que le rôle du gouvernement est de «créer un environnement favorable pour que les entreprises aient cette capacité de production» ? Milton Friedman, père du néolibéralisme, n’aurait pas renié ces propos ! Au lieu de réfléchir sur les évolutions même du travail, profondément bouleversé par la révolution numérique, Valérie Pécresse s’enferme dans une vision étriquée fondée sur une «fumisterie intellectuelle» : la théorie du ruissellement.
Lorsqu’on se revendique du gaullisme, on ne peut concilier le néolibéralisme avec la vision sociale et économique du fondateur de la Ve République. D’ailleurs, n’est-il pas étrange de voir une surprenante convergence d’analyse et de propositions entre Valérie Pécresse et Emmanuel Macron ?
Notre famille politique devrait, au contraire, porter le grand dessin du Général de Gaulle : la répartition. Une idée qui transcende les vieux clivages transformant l’entreprise par une nouvelle gouvernance permettant un processus décisionnel original qui associe étroitement les dirigeants, les actionnaires et les salariés.
Le Général, visionnaire économique et social, nous a légué un outil inachevé par la volonté d’une étonnante alliance entre les syndicats et le patronat et qui pourtant permet d’analyser et de répondre aux profondes mutations de notre temps : travail, défi environnemental ou justice sociale et économique.
La solution existe, pour peu que Valérie Pécresse recouvre l’indépendance intellectuelle dont elle a toujours fait montre et qui, aujourd’hui, est mise sous tutelle par un quarteron de généraux faisant passer leur intérêt personnel avant celui de la France.