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Crise : partager les risques

Crise : partager les risques

Nous vivons dans un « temps de la polycrise », un monde où les menaces s’entrelacent et les catastrophes deviennent systémiques. Dans ce contexte, l’individualisme n’est plus une option : il est essentiel de repenser notre organisation collective pour affronter ces défis. La mutualisation, un principe souvent moral, apparaît désormais comme une nécessité pragmatique face aux dérives du capitalisme. Par Jean-Philippe Dogneton, Directeur général de la Macif
Jean-Philippe Dogneton dans la Tribune.

Comment réagir en cas d’événement climatique grave, de cyberattaque ou d’épidémie ? Le gouvernement prépare actuellement un livret à destination de la population sur les pratiques à adopter pour réagir en cas de crise. Nous sommes entrés dans ce qu’Edgar Morin appelle le « temps de la polycrise », un monde où chaque menace en alimente une autre, où les catastrophes ne sont plus isolées mais systémiques. Dans cette nouvelle réalité, l’individualisme et le chacun-pour-soi ne sont plus des options viables. L’heure n’est plus au simple repli, mais à une refondation collective de nos mécanismes de protection. Or, face à ces défis, une idée souvent pensée comme morale et solidaire refait surface : la mutualisation. Non pas comme une valeur, mais comme une nécessité citoyenne et pragmatique face à l’extension des dérives du capitalisme. Parce que le chaos ne se combat pas seul, et que nous devons redécouvrir ce qui a fait la force des sociétés les plus résilientes : la mise en commun des ressources, le partage des risques et la construction de filets de sécurité collectifs capables d’amortir les chocs.

Historiquement, la mutualisation est née d’une évidence : dans un monde d’incertitudes, mieux vaut s’allier pour affronter les coups du sort plutôt que de les subir seul. C’est sur ce principe qu’ont été bâties les premières sociétés de secours mutuels, les systèmes d’assurance collective, la Sécurité sociale, ou encore les grandes infrastructures publiques qui garantissent aujourd’hui notre quotidien. Son essence ? Répartir équitablement les risques, non pas sur un mode caritatif, mais sur une logique de solidarité active : aujourd’hui pour toi, demain pour moi. Elle fonctionne parce que l’aléa frappe indistinctement et à des moments différents. Ce qui semble abstrait lorsqu’on est en bonne santé ou à l’abri des tempêtes devient une évidence lorsque l’accident survient.

Ce modèle, qui a permis à nos sociétés de traverser les siècles, est aujourd’hui vigoureusement testé par des crises inédites par leur ampleur et leur simultanéité. Le dérèglement climatique en est l’illustration la plus flagrante. Les phénomènes extrêmes se multiplient et s’intensifient : sécheresses, inondations, incendies, tempêtes… Dans ce contexte, la mutualisation prend tout son sens. La France a déjà mis en place un système d’indemnisation spécifique pour les catastrophes naturelles, mais demain, c’est toute l’organisation de la solidarité hydrique qui devra être repensée à l’échelle du territoire.

La mutualisation dépasse largement le cadre de l’assurance et se révèle être une clé pour réinventer nos modèles de société. Dans le domaine du logement, la crise immobilière et l’étalement urbain imposent de repenser notre manière d’habiter. Plutôt que de céder à la fragmentation et à l’individualisme, il devient essentiel de favoriser des espaces partagés, où la mise en commun des équipements et des services améliorent à la fois la qualité de vie et l’empreinte écologique. De la même manière, la question de la mobilité doit s’adapter aux nouvelles contraintes environnementales et énergétiques. Développer des transports collectifs, encourager le covoiturage ou la mutualisation des véhicules permettrait d’optimiser les infrastructures existantes et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Enfin, face au vieillissement de la population, la solidarité intergénérationnelle doit être renforcée : en développant des habitats partagés, en favorisant la transmission des savoirs entre générations ou en adaptant notre système de soins pour répondre aux défis démographiques. La mutualisation s’impose ainsi comme un levier incontournable, non seulement pour répondre aux crises actuelles, mais surtout pour bâtir une société plus durable, plus équilibrée et plus résiliente.

Si la mutualisation est une réponse efficace aux polycrises, encore faut-il la préserver de toute dérive marchande. Elle est un pacte de solidarité, pas un produit à vendre au plus offrant. Le risque serait de voir ce principe dévoyé par des logiques financières qui en feraient un privilège réservé à ceux qui en ont les moyens, transformant la protection collective en un marché à plusieurs vitesses. Nous devons défendre une mutualisation qui reste fidèle à ses fondements : une organisation collective au service du bien commun, capable d’allier équité et efficacité, de garantir un filet de sécurité sans pour autant brider l’innovation ou la responsabilité individuelle.

Certains y verront une valeur morale, une forme d’altruisme. Mais la mutualisation n’est pas une affaire de charité. C’est un calcul pragmatique. Une assurance face à l’avenir. Un bouclier qui protège non seulement la société, mais aussi chaque individu qui la compose. Chacun y trouve son compte, non par bonté d’âme, mais parce qu’il est plus avantageux de partager les risques que de les affronter seul. Le mutualisme réconcilie ainsi morale et performance. Il nous rappelle que la coopération est souvent plus efficace que la compétition aveugle. Que dans un monde où les crises s’enchaînent et se renforcent mutuellement, la seule réponse viable est collective et systémique. Il est temps de le comprendre et d’en faire un levier de transformation. Car si nous n’organisons pas nous-mêmes notre résilience, nous en paierons le prix fort.

______

(*) Jean-Philippe Dogneton est Directeur général de la Macif et Directeur général délégué IARD et Vie d’Aéma Groupe. Il a contribué au cahier de tendances Pour de futures mutualisations, publié en 2025 aux éditions Le Bord de l’eau, à l’initiative de la Macif et en collaboration avec la Fondation Jean-Jaurès.

Social-Partager la valeur de l’entreprise

Social-Partager la valeur de l’entreprise
L’économiste Noélie Delahaie décrit, dans une tribune au « Monde », les mécanismes qui permettent aux entreprises d’éviter d’augmenter les rémunérations.

Derrière ces mécanismes se cache évidemment l’enjeu du partage de la valeur des entreprises ; ce qui revient la rémunération du capital, au travail et au financement des investissements NDLR

 

Dans son discours de politique générale, le 30 janvier, [le premier ministre] Gabriel Attal a insisté sur la nécessité d’enrayer le phénomène de « smicardisation ». Si 17 % des salariés se trouvent aujourd’hui au niveau du smic, rappelons que ce phénomène n’est pas nouveau et il s’explique de manière mécanique par l’indexation du smic sur l’inflation, ce qui permet un relatif maintien du pouvoir d’achat du smic. En revanche, selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques [Dares] du ministère du travail, les évolutions du salaire réel mensuel de base montrent une baisse du pouvoir d’achat des salariés au-dessus du smic, de l’ordre de 3 % depuis début 2021. Comment expliquer une telle situation ?
Il convient de lire les évolutions récentes au regard des politiques de flexibilisation et de précarisation du travail déployées par les entreprises depuis plusieurs décennies. A cela s’ajoute un mouvement de diversification et de complexification des pratiques salariales qui se manifeste, à partir des années 1980, par la montée de l’individualisation puis, à partir des années 2000, par l’expansion des dispositifs d’épargne salariale, aujourd’hui rebaptisés « partage de la valeur » dans le débat public (intéressement, participation et plan d’épargne entreprise).
L’ensemble de ces évolutions a en réalité affaibli la capacité des syndicats à obtenir des augmentations significatives de salaire lors des négociations collectives d’entreprise, quand ces dernières ont effectivement lieu.

D’après la Dares, seulement 10,6 % des entreprises de dix salariés ou plus, qui emploient 51 % des salariés, ont engagé des négociations sur les salaires et les primes en 2021, et un accord a été conclu dans moins de sept cas sur dix. L’absence de négociations est par ailleurs fréquemment justifiée par l’application directe d’un accord de branche.

Alors que les pouvoirs publics excluent toute possibilité d’indexation des salaires sur l’inflation, l’alternative privilégiée, fréquemment mobilisée par le passé, consiste à encourager les employeurs à verser des primes exonérées partiellement ou totalement de cotisations sociales pour maintenir au moins temporairement le pouvoir d’achat.

Partager la valeur de l’entreprise

Partager la valeur de l’entreprise

 
L’économiste Noélie Delahaie décrit, dans une tribune au « Monde », les mécanismes qui permettent aux entreprises d’éviter d’augmenter les rémunérations.

Derrière ces mécanismes se cache évidemment l’enjeu du partage de la valeur des entreprises ; ce qui revient la rémunération du capital, au travail et au financement des investissements NDLR

 

Dans son discours de politique générale, le 30 janvier, [le premier ministre] Gabriel Attal a insisté sur la nécessité d’enrayer le phénomène de « smicardisation ». Si 17 % des salariés se trouvent aujourd’hui au niveau du smic, rappelons que ce phénomène n’est pas nouveau et il s’explique de manière mécanique par l’indexation du smic sur l’inflation, ce qui permet un relatif maintien du pouvoir d’achat du smic. En revanche, selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques [Dares] du ministère du travail, les évolutions du salaire réel mensuel de base montrent une baisse du pouvoir d’achat des salariés au-dessus du smic, de l’ordre de 3 % depuis début 2021. Comment expliquer une telle situation ?
Il convient de lire les évolutions récentes au regard des politiques de flexibilisation et de précarisation du travail déployées par les entreprises depuis plusieurs décennies. A cela s’ajoute un mouvement de diversification et de complexification des pratiques salariales qui se manifeste, à partir des années 1980, par la montée de l’individualisation puis, à partir des années 2000, par l’expansion des dispositifs d’épargne salariale, aujourd’hui rebaptisés « partage de la valeur » dans le débat public (intéressement, participation et plan d’épargne entreprise).
L’ensemble de ces évolutions a en réalité affaibli la capacité des syndicats à obtenir des augmentations significatives de salaire lors des négociations collectives d’entreprise, quand ces dernières ont effectivement lieu.

D’après la Dares, seulement 10,6 % des entreprises de dix salariés ou plus, qui emploient 51 % des salariés, ont engagé des négociations sur les salaires et les primes en 2021, et un accord a été conclu dans moins de sept cas sur dix. L’absence de négociations est par ailleurs fréquemment justifiée par l’application directe d’un accord de branche.

Alors que les pouvoirs publics excluent toute possibilité d’indexation des salaires sur l’inflation, l’alternative privilégiée, fréquemment mobilisée par le passé, consiste à encourager les employeurs à verser des primes exonérées partiellement ou totalement de cotisations sociales pour maintenir au moins temporairement le pouvoir d’achat.

« Entreprise: partager les dividendes entre actionnaires et salariés »

Entreprise:  partager les dividendes entre actionnaires et salariés

Le capitalisme du « monde d’après » doit réconcilier actionnariat et salariat dans une démarche de convergence, estiment, dans une tribune au « Monde », Eric Campos, directeur de la Fondation Grameen Crédit agricole et Bagoré Bathily, chef d’entreprise franco sénégalais.

Tribune.

 

Le choc planétaire de la pandémie du Covid-19 de 2020 montre l’absolue nécessité de repenser notre système économique. Les urgences sanitaires et climatiques ne laissent plus le choix. Sans changement structurant, les risques de tensions sociales, politiques ou environnementales deviendront chaque jour plus importants.

Nous soumettons au débat collectif l’idée d’un modèle d’entreprise socialement différent : l’entreprise à capital coopératif, une entreprise dont la rémunération du capital se partage entre l’actionnariat et le salariat grâce à un montage permettant aux salariés de percevoir directement une partie des dividendes, en cas de distribution. La détention du capital est un facteur d’exclusion des populations, notamment vis-à-vis des jeunes générations, force de travail. Si l’on souhaite construire un avenir durable et harmonieux, il est crucial de résoudre la question d’une redistribution équitable de la valeur créée par la croissance et donc par l’entreprise.

Aujourd’hui, l’actionnariat possède la propriété du capital, le salariat en fournit l’exploitation. Leurs destins sont intimement corrélés, pourtant aucun lien direct n’existe vraiment entre eux. Nous pensons possible de les réunir en instaurant une convergence de leurs intérêts, grâce à des règles nouvelles où les salariés deviennent usufruitiers d’une partie du capital de l’entreprise. Les actionnaires apportent les fonds, les travailleurs délivrent la valeur ajoutée. Et finalement, chacun mérite sa part.

L’idée est là, elle peut paraître iconoclaste mais elle est au fond réaliste : celle d’une entreprise dont les dividendes sont désormais partagés entre actionnaires et salariés de manière fondamentale par l’attribution aux salariés d’une part d’usage du capital. C’est ce que nous appelons l’entreprise à capital coopératif. Pour le devenir, l’entreprise intègre dans ses statuts une disposition particulière qui permet aux salariés de percevoir une part sur les bénéfices en cas de déclenchement de dividendes.

L’entreprise leur accorde ainsi une place d’actionnaire usufruitier. Quant à eux, les actionnaires restent porteurs des capitaux et sont propriétaires des titres, à la différence près qu’ils décident de se placer en nu-propriétaire pour une partie spécifique du capital dont ils cèdent la valeur de rendement au collectif salarial. Pour ce faire, ils acceptent une diminution de la valeur nominale de leur part – par exemple par l’effet d’une augmentation de capital en émission de titres – et en cèdent la différence à ceux qui « fabriquent la croissance », les salariés. Idéaliste ? Etonnant ? Bizarre ? Non, loin de là.

 




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