Archive pour le Tag 'paix'

Pour la paix, l’Ukraine dans l’OTAN ?

Pour la paix, l’Ukraine dans l’OTAN ?

par
Anders Fogh Rasmussen

Ancien secrétaire général de l’OTAN

Andriy Yermak

Chef de l’administration présidentielle ukrainienne

L’ex-secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen et le chef de cabinet de la présidence ukrainienne, Andriy Yermak, affirment, dans une tribune au « Monde », que l’intégration de l’Ukraine dans l’architecture de sécurité euroatlantique relève de l’intérêt de tous les alliés de l’OTAN.

Au cours des seize derniers mois, la Russie a causé un niveau de souffrance humaine sans précédent en Ukraine. La destruction du barrage de Kakhovka montre une fois de plus le mépris total de la Russie pour la vie du peuple ukrainien. Le plus récent, mais certainement pas le dernier, d’une multitude de crimes de guerre commis par les forces russes. Tout au long du conflit, ces dernières ont pris pour cible des villes et infrastructures civiles, dans le but de faire de la vie des Ukrainiens un véritable enfer. Il ne s’agit pas seulement d’une guerre contre l’Ukraine. C’est une guerre contre les principes de l’Europe et les valeurs universelles que la France défend.

Face à cette barbarie, le peuple ukrainien a fait preuve d’une immense bravoure. De son côté, l’armée démontre chaque jour qu’avec les armes nécessaires elle peut et va vaincre la Russie sur le champ de bataille. Les canons Caesar et les chars AMX-10 français permettent aux forces ukrainiennes de libérer en quelques jours des zones que la Russie a mis des mois à occuper. Sans le soutien résolu du peuple et du gouvernement français, cela n’aurait pas été possible.

Les alliés de l’Ukraine doivent continuer à apporter tout le soutien nécessaire pour que l’Ukraine puisse protéger son peuple et reprendre l’ensemble de son territoire. Cependant, nous devons également préparer l’avenir et construire une architecture sécuritaire de long terme pour l’Ukraine.

Ukraine: le plan de paix chinois

Ukraine: le plan de paix chinois


Dans son plan pour résumer , la Chine appelle au cessez-le-feu et au retour aux négociations

« Il n’existe pas de solution simple à une question complexe », indique le ministère chinois des Affaires étrangères, qui ne mentionne pas explicitement les territoires pro-russes à l’est de l’Ukraine ou la Crimée dans le document

Pour « empêcher une confrontation entre blocs » et « oeuvrer ensemble à la paix et à la stabilité en Eurasie », la Chine appelle les deux parties à revenir à la table des négociations. « Le dialogue est la seule solution viable à la crise ukrainienne », peut-on lire dans le document, qui plaide pour une « désécalade » du conflit avant un « cessez-le-feu. »

La « souveraineté de tous les pays » doit aussi être respectée, assure Pékin, qui est de son côté critiqué par Taïwan en raison de ses menaces répétées contre la petite île.

La Chine veut « résoudre la crise humanitaire » en Ukraine et « toutes les mesures en ce sens doivent être encouragées et soutenues », plaide Pékin. Ces « opérations humanitaires » doivent être réalisées dans un cadre « neutre » et « ne doivent pas être politisées. »

« L’ONU devrait être soutenue dans son rôle de coordination de l’acheminement de l’aide humanitaire vers les zones de conflit », souligne le document.

« Les parties (impliquées) dans le conflit doivent se conformer strictement au droit humanitaire international, éviter d’attaquer des civils ou des bâtiments civils », plaide le ministère chinois des Affaires étrangères. La Chine encourage aussi l’échange de prisonniers de guerres entre la Russie et l’Ukraine.

Point central de la guerre en Ukraine: le nucléaire. Avec les risques autour de Zaporijjia, Pékin se dit opposé aux « attaques contre les centrales nucléaires » et apporte son soutien à l’AIEA dans le rôle qu’elle joue dans le pays pour protéger les sites sensibles.

Toujours sur le nucléaire, la Chine estime que l’arme atomique « ne doit pas être utilisée et il ne faut pas se livrer à une guerre nucléaire. Il faut s’opposer à la menace ou au recours à l’arme nucléaire. » Pékin se dit aussi opposé à la « recherche, au développement et à l’usage d’armes chimiques ou biologiques. »

« Les sanctions unilatérales et la pression maximale ne peuvent pas résoudre la question, elles ne font que créer de nouveaux problèmes », juge le ministère des Affaires étrangères. « La Chine s’oppose aux sanctions unilatérales non autorisées par le Conseil de sécurité des Nations unies. »

« Les pays concernés doivent cesser d’abuser des sanctions unilatérales afin de contribuer à la désescalade de la crise ukrainienne », plaide Pékin.

Jeudi, plusieurs heures avant la publication de ce document, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dit vouloir discuter avec Pékin du plan de paix chinois pour l’Ukraine, jugeant « positive » l’implication de ce proche partenaire de Moscou.

Guerre Ukraine : Macron pour le plan de paix de Zelensky

Guerre Ukraine : Macron pour le plan de paix de Zelensky

Emmanuel Macron a «réaffirmé son attachement au plan de paix en 10 points proposé par le président Zelensky et lui a assuré qu’il soutiendrait cette initiative sur la scène internationale lors des prochains événements diplomatiques», a indiqué l’Élysée.

Extrait du plan de pais de Zelensky:
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1 — Radiation et sécurité nucléaire
La Russie doit immédiatement retirer tous ses combattants du territoire de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. La centrale doit être immédiatement transférée sous le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique et du personnel ukrainien. La connexion normale de la centrale au réseau électrique doit être rétablie immédiatement afin que rien ne menace la stabilité des réacteurs.
Il en va de même pour les menaces folles d’armes nucléaires auxquelles les responsables russes ont recours. Il n’y a et ne peut y avoir aucune excuse au chantage nucléaire.
2 — Sécurité alimentaire
Nous avons déjà lancé l’initiative Grain From Ukraine… L’Ukraine peut exporter 45 millions de tonnes de nourriture cette année. Et une partie importante de celle-ci doit se diriger vers ceux qui souffrent le plus.
Chaque pays peut se joindre à nous avec une contribution spécifique et devenir un co-créateur de la victoire contre la faim et la crise alimentaire.
3 — Sécurité énergétique
Environ 40 % de nos infrastructures énergétiques ont été détruites par les frappes des missiles russes et des drones iraniens utilisés par les occupants.
Un objectif connexe de cette terreur est d’empêcher l’exportation de notre électricité vers les pays voisins, ce qui pourrait considérablement les aider à stabiliser la situation énergétique et à réduire les prix pour les consommateurs.
Je remercie tous nos partenaires qui ont déjà aidé l’Ukraine en lui fournissant des systèmes de défense aérienne et de défense antimissile. Cela nous permet d’abattre certains des missiles russes et des drones iraniens… Je leur demande d’augmenter leur aide respective.
Des restrictions de prix sur les ressources énergétiques russes devraient être introduites. Si la Russie essaie de priver l’Ukraine, l’Europe et tous les consommateurs d’énergie dans le monde de la prévisibilité et de la stabilité des prix, la réponse à cela devrait être une limitation forcée des prix à l’exportation pour la Russie.
4 — Prisonniers et déportés
Des milliers de nos concitoyens — militaires et civils — sont en captivité chez les Russes. Ils sont soumis à des tortures brutales.
En outre, nous connaissons par les noms des 11 000 enfants qui ont été déportés de force en Russie. Ils ont été séparés de leurs parents en pleine connaissance de cause.
Ajoutez à cela des centaines de milliers d’adultes déportés… et des prisonniers politiques — des citoyens ukrainiens qui sont détenus en Russie et dans le territoire temporairement occupé, en particulier en Crimée.
Nous devons libérer toutes ces personnes.
5 — Charte des Nations unies et intégrité territoriale de l’Ukraine
Nous devons rétablir la validité du droit international – et cela sans aucun compromis avec l’agresseur. Car la Charte des Nations Unies ne peut être appliquée de manière partielle, sélective ou selon son bon vouloir.
La Russie doit réaffirmer l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans le cadre des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale des Nations unies et des documents internationaux contraignants applicables. Il ne s’agit pas de négociations.
6 — Troupes russes et hostilités
La Russie doit retirer toutes ses troupes et formations armées du territoire de l’Ukraine. Le contrôle de l’Ukraine sur toutes les sections de la frontière de notre État avec la Russie doit être restauré. Cela entraînera une cessation réelle et complète des hostilités.
7 — Justice
Le monde devrait approuver l’établissement du Tribunal spécial concernant le crime d’agression de la Russie contre l’Ukraine et la création d’un mécanisme international pour compenser tous les dommages causés par cette guerre. Une compensation aux dépens des actifs russes est nécessaire, car c’est l’agresseur qui doit tout faire pour rétablir la justice qu’il a violée.
Nous avons déjà proposé une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU concernant un mécanisme international de compensation des dommages causés par la guerre russe. Elle a été approuvée. Nous vous demandons de la mettre en œuvre.
Nous préparons également la deuxième résolution — sur le Tribunal spécial. Nous vous conjurons d’y adhérer et de la soutenir.
8 — Protection immédiate de l’environnement
Des millions d’hectares de forêt ont été brûlés par les bombardements. Près de 200 000 hectares de nos terres sont contaminés par des mines et des obus non explosés.
Je remercie tous les pays qui nous aident déjà à déminer. Il est urgent d’augmenter le nombre d’équipements et d’experts pour ces opérations.
Des fonds et des technologies sont également nécessaires pour la restauration des installations de traitement des eaux.
9 — Prévention de l’escalade
L’Ukraine n’est membre d’aucune alliance. Et la Russie a pu déclencher cette guerre précisément parce que l’Ukraine est restée dans la zone grise — entre le monde euro-atlantique et l’impérialisme russe.
Nous devrions organiser une conférence internationale pour cimenter les éléments clés de l’architecture de sécurité d’après-guerre dans l’espace euro-atlantique, y compris les garanties pour l’Ukraine. Le principal résultat de la conférence devrait être la signature du Pacte de sécurité de Kiev. (Le Pacte de sécurité de Kiev de neuf pages publié en septembre appelle les pays occidentaux à fournir des « ressources politiques, financières, militaires et diplomatiques » pour renforcer la capacité de Kiev à se défendre).
10 — Confirmation de la fin de la guerre
Lorsque toutes les mesures anti-guerre seront mises en œuvre, lorsque la sécurité et la justice commenceront à être rétablies, un document confirmant la fin de la guerre devra être signé par les parties. Les États prêts à prendre l’initiative de telle ou telle décision peuvent devenir parties à cette convention.

Les États-Unis souhaitent la paix en Ukraine pour relancer l’économie

Les États-Unis souhaitent la paix en Ukraine pour relancer l’économie


Il semble bien que les autorités américaines tentent maintenant de peser pour parvenir à une situation de paix en Ukraine à fin de relancer l’économie médiale dont la croissance est très menacée. On souhaite donc officiellement aux États-Unis que des négociations s’engagent. Le problème évidemment c’est maintenant de convaincre l’Ukraine de stopper sa reconquête mais aussi de parvenir à ce que la Russie non seulement souscrive un accord de paix mais le respecte.

Officiellement les négociations devraient concerner l’Ukraine et la Russie. Pour autant, les deux seules puissances qui peuvent peser dans le sens de la paix sont d’une part la Chine, également inquiète de l’évolution de l’économie internationale et des débordements de Poutine d’autre part les Américains.

La secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen a estimé ce lundi que mettre fin à la guerre en Ukraine constituait le meilleur moyen de répondre aux difficultés de l’économie mondiale, dans un message apparent à la Russie avant le sommet du G20 en Indonésie.

« Mettre fin à la guerre menée par la Russie constitue un impératif moral et tout simplement la meilleure chose à faire pour l’économie mondiale », a déclaré Janet Yellen à la presse en marge d’une rencontre avec son homologue français Bruno Le Maire.

La guerre lancée il y a neuf mois par Vladimir Poutine a de profondes répercussions économiques, avec l’envolée des prix de l’énergie et des produits alimentaires.

Ukraine : la paix négociée ou la fragile victoire?

Ukraine : la paix négociée ou la fragile victoire?

 

La double contre-offensive de l’Ukraine dans le sud et dans le nord-est du pays est pour l’instant un succès. Mais a-t-elle les moyens de remporter une victoire militaire décisive et incontestable ? Par Cyrille Bret, Sciences Po

 

 

Six mois après le déclenchement de l’« opération militaire spéciale » russe en Ukraine, le 24 février 2022, le gouvernement de Kiev a engagé, fin août-début septembre, une contre-offensive dans le sud et le nord du pays. Dans la région méridionale de Kherson et dans la zone nord-orientale de Kharkiv, les soldats ukrainiens ont commencé à reprendre du terrain aux troupes russes. Remarquées pour leur rapidité, leur agilité et leur efficacité, ces deux contre-attaques inquiètent en Russie, rassurent en Occident et suscitent l’espoir en Ukraine.

En effet, les troupes russes ont quitté les villes de Balakliia, Izioum et Koupiansk dans l’est du pays. L’armée ukrainienne semble ainsi inverser la tendance : désormais, les armées russes sont en difficulté dans la région de Donetsk, pourtant sous contrôle des séparatiste pro-russes.

Malgré les succès tactiques qu’elles semblent promettre, ces initiatives suscitent toutefois plusieurs questions : pourquoi maintenant, et pourquoi précisément dans ces zones ? Comment l’Ukraine parvient-elle à bousculer les forces armées russes, en pleine réorganisation ? Surtout, cette contre-attaque présage-t-elle d’une reconquête complète des 20 % du territoire ukrainien occupés par la Russie ?

Saisir l’opportunité de la « rentrée diplomatique »

Les deux mouvements ont été lancés à un moment essentiel du calendrier stratégique international et régional. En effet, l’action sur Kherson a été déclenchée au moment de la commémoration de la fête nationale ukrainienne, le 24 août, et juste avant la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Prague, le 31 août (le fameux Gymnich). L’avancée dans la région de Kharkiv a démarré quelques jours plus tard.

Il était essentiel pour la présidence Zelensky d’éviter l’érosion de son soutien populaire à l’intérieur et de manifester sa détermination à l’extérieur. Élu le 21 avril 2019 pour cinq ans, le président Zelensky aborde en effet le dernier tiers de son mandat : face aux risques d’usure à l’intérieur et de « fatigue » à l’extérieur, il se devait de prendre l’initiative.

Son projet est également de parvenir à des résultats militaires tangibles avant la 77ᵉ session de l’Assemblée générale des Nations unies, qui aura lieu du 20 au 26 septembre 2022. L’Ukraine veut s’y présenter non seulement comme victime de la Russie mais également comme État souverain capable d’assurer sa sécurité, pour peu qu’il bénéficie des soutiens internationaux nécessaires.

L’enjeu de cette Assemblée générale des Nations unies sera triple pour Kiev :

  • premièrement, rallier des soutiens au-delà du camp occidental, car l’Ukraine dépend très largement des financements extérieurs (Banque mondiale, FMI, Union européenne, États-Unis) pour continuer à fonctionner ;
  • deuxièmement, essayer d’isoler davantage la Fédération de Russie, puisque les politiques de sanctions sont peu suivies en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud ;
  • enfin et surtout, faire reconnaître sa détermination à recouvrer son intégrité territoriale dans le temple des États-nations, l’ONU. En février 2022, le but de la Russie était en effet de faire apparaître l’Ukraine comme un « État failli » à l’identité nationale illusoire et au gouvernement incapable. Les deux contre-offensives qui viennent d’être lancées réduiront la portée de ces éléments de langage de Moscou.

Quels que soient leurs résultats militaires (durables ou fugaces, concrets ou symboliques), ces initiatives militaires démontrent que l’Ukraine a bien survécu, comme État et comme nation, à l’invasion russe. Avec ces contre-attaques, l’Ukraine saisit à pleines mains l’opportunité de la « rentrée diplomatique ». Reste à évaluer les chances de succès et, surtout, la finalité de ces actions.

Un « Valmy ukrainien » ?

Ces opérations ne répondent pas seulement à un timing soigneusement pensé, elles se déploient aussi dans des champs géographiques et à travers des modes d’action hautement symboliques. Dans les deux opérations, c’est en effet le « peuple en armes » (une armée qui compte environ 40 % de conscrits) de l’Ukraine qui reconquiert des régions essentielles du territoire national. À bien des égards, ces batailles sont comparables, dans leur portée politique, avec celle de Valmy où, le 20 septembre 1792, l’armée populaire française avait défait les troupes étrangères.

Dans les deux actions se manifestent les ressorts qui ont permis aux forces armées ukrainiennes de répliquer à la tentative de conquête russe : rapidité, agilité, utilisation des informations de terrain et mobilisation de soldats motivés. Les troupes ukrainiennes tirent en effet parti de leurs blindés pour fondre rapidement sur des nœuds logistiques essentiels de l’armée russe au nord ; pour mener la campagne du Donbass au sud-est de Kharkiv ; et enfin, au sud, près de la Crimée, pour bloquer les troupes russes qui continuent à se diriger vers la région d’Odessa. Encore une fois, les forces armées ukrainiennes ont mis en évidence la fatigue des troupes russes, le niveau discutable de leurs équipements et la qualité médiocre de leurs tactiques.

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Par-delà leur intérêt tactique, les zones dans lesquelles les troupes ukrainiennes agissent ont une valeur politique et symbolique essentielle pour les opinions ukrainienne comme russe. Contre-attaquer dans la région de Kherson, c’est, pour les Ukrainiens, tout à la fois essayer de reprendre une des villes les plus importantes conquises par l’armée russe, bloquer l’avancée russe vers la région essentielle d’Odessa (sud-ouest) et surtout tenter de débloquer un verrou vers la Crimée. Longuement préparée, cette opération n’est pas une « action surprise » à proprement parler car Kiev a toujours affiché son refus d’abandonner le sud du pays.

En revanche, la contre-offensive conduite dans le nord du pays a, quant à elle, fait jouer au maximum l’effet de surprise. Là encore, la zone a une valeur majeure à de multiples points de vue : proche de la Russie, peuplée d’un grand nombre de russophones, capitale économique du nord du pays, la ville de Kharkiv (Kharkov en russe) est un enjeu fondamental pour la Russie : si le gouvernement de Kiev réussit à renforcer ses positions dans cette région, Moscou pourrait devoir se résoudre à abandonner l’idée, sérieusement envisagée, consistant à l’annexer ou à y créer un État fantoche.

Reste à savoir si ces batailles déboucheront sur des victoires (Valmy) ou sur des points de fixation meurtriers (Verdun).

La paix ou la victoire ?

Ces contre-offensives manifestent de façon éclatante la détermination des Ukrainiens à sauver leur État, à défendre leur territoire et à préserver leur souveraineté. Mais elles sont circonscrites dans l’espace et dans leurs résultats. Elles posent donc avec acuité la question de la finalité stratégique que poursuit l’Ukraine.

Dans de nombreux forums politiques, les représentants officiels de l’Ukraine affirment que leur but est la victoire complète contre la Russie. Et ils considèrent tout compromis d’armistice et de paix comme une véritable « trahison » de l’idée nationale ukrainienne.

Autrement dit, leur objectif stratégique est de reconquérir non seulement les zones prises par les Russes depuis le 24 février 2022 mais également les régions sécessionnistes (Républiques autoproclamées de Lougansk et Donetsk) et les zones annexées (Crimée) depuis 2014.

Ces objectifs sont-ils militairement et économiquement réalistes ? L’Ukraine est-elle en capacité de mener une contre-offensive de grande ampleur pour reprendre le cinquième de son territoire actuellement occupé par les troupes de la Fédération de Russie ? Si elle est dans son droit au regard des normes internationales, l’Ukraine doit-elle s’engager résolument dans un conflit nécessairement très long pour reconstituer son territoire ? En conséquence, les soutiens de l’Ukraine doivent-ils également assumer cet objectif de « victoire » ? C’est la position que plusieurs voix influentes défendent aux États-Unis.

L’Ukraine doit-elle plutôt chercher un rapport de force militaire suffisamment favorable pour engager ensuite des négociations ? Doit-elle donc multiplier les contre-offensives pour conduire ensuite une Russie épuisée à la table des négociations ? Et les soutiens de l’Ukraine doivent-ils la soutenir dans cette stratégie comme la France et l’Allemagne l’envisagent mezza voce ?

Si les succès tactiques actuellement constatés se confirment et se multiplient, les autorités ukrainiennes seront placées devant un véritable dilemme : la victoire complète à très long terme ou la paix insatisfaisante à moins longue échéance.

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Par Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Les énergies renouvelables, garantie de paix mondiale ? (Antonio Guterres)

 Les énergies renouvelables, garantie de paix mondiale ?  (Antonio Guterres)

 

La seule solution pour assurer la sécurité énergétique de tous passe par l’abandon des combustibles fossiles polluants et l’accélération de la transition énergétique, alerte le secrétaire général des Nations unies , Antonio Guterres, dans une tribune au « Monde ».

 

Un appel intéressant pour l’abandon des énergies fossiles mais un peu court concernant la paix mondiale dont les conditions sont autrement plus complexes et plus nombreuses. Bref un appel sympathique mais un peu naïf qui pose d’ailleurs la question de l’ONU dans la période.  NDLR

 

Néron [37 apr. J.-C. - 68 apr. J.-C.] est tristement célèbre pour avoir joué du violon pendant que Rome brûlait. Aujourd’hui, certains dirigeants font pire. Ils mettent littéralement de l’huile sur le feu. Alors que les répercussions de l’invasion de l’Ukraine par la Russie se ressentent dans le monde entier, la réponse de certaines nations à la crise énergétique croissante a été de doubler la mise sur les combustibles fossiles – en injectant des milliards de dollars supplémentaires dans le charbon, le pétrole et le gaz, les matières mêmes qui sont à l’origine de l’aggravation de l’urgence climatique.

Pendant ce temps, tous les indicateurs climatiques continuent de battre des records, annonçant un avenir émaillé de tempêtes féroces, d’inondations, de sécheresses, d’incendies de forêt et de températures invivables sur de vastes étendues de la planète. Notre monde sombre dans le chaos climatique. Il est insensé de verser de nouveaux financements dans les infrastructures d’exploration et de production de combustibles fossiles. Les énergies fossiles ne sont pas la solution, et ne le seront jamais. Nous pouvons voir de nos propres yeux les dégâts que nous causons à la planète et à nos sociétés. On en parle tous les jours dans les médias, et personne n’est à l’abri.

Les combustibles fossiles sont précisément la cause de la crise climatique. Seules les énergies renouvelables constituent une réponse pour limiter les dérèglements climatiques et renforcer la sécurité énergétique. Si nous avions investi plus tôt et massivement dans les énergies renouvelables, nous ne nous retrouverions pas une fois de plus à la merci de l’instabilité des marchés des combustibles fossiles.

Les énergies renouvelables sont les garantes de la paix au XXIe siècle. Mais la bataille pour une transition énergétique rapide et juste ne se livre pas à armes égales. Les investisseurs continuent de soutenir les combustibles fossiles et les Etats continuent de distribuer des milliards de dollars de subventions pour le charbon, le pétrole et le gaz, soit quelque 11 millions de dollars (10,5 millions d’euros) par minute.

Il y a un terme pour désigner le fait de privilégier le soulagement à court terme au détriment du bien-être à long terme : l’addiction. Nous sommes encore dépendants aux combustibles fossiles. Pour la santé de nos sociétés et de notre planète, nous devons nous sevrer. Immédiatement. La seule solution pour parvenir à la sécurité énergétique, à la stabilité des prix de l’électricité, à la prospérité et pour que la planète reste habitable, c’est d’abandonner les combustibles fossiles polluants et d’accélérer la transition énergétique fondée sur les énergies renouvelables.

Politique -Fin de l’état de paix

Politique -Fin de l’état de paix

 

Spécialiste des relations internationales, le journaliste et essayiste américain Fareed Zakaria estime, dans un entretien au « Monde », que l’invasion russe signe la fin de la « pax americana ».

 

 

Fareed Zakaria est l’une des principales figures de la chaîne d’information américaine CNN, où il anime une émission consacrée à l’international. D’origine indienne, il arrive aux Etats-Unis dans les années 1980 et fait sa thèse à Harvard sous la direction de Samuel Huntington. Il débute dans le journalisme à Foreign Affairs dans les années 1990. Il collabore par la suite à Foreign Policy, au Washington Post et à Newsweek.

En 1997, il publie un article dans Foreign Affairs sur les démocraties illibérales, concept qu’il développe par la suite dans L’Avenir de la liberté (Odile Jacob, 2003), livre dans lequel il met en garde contre certains risques inhérents à la démocratie. Auteur de Retour vers le futur (Saint-Simon, 2021), Fareed Zakaria reste l’une des voix les plus influentes en matière de géopolitique aux Etats-Unis.

Nous assistons à la fin de la « pax americana ». Depuis la chute de l’URSS en 1991, les Etats-Unis ont été les garants de l’ordre international, sans que l’on arrive à une pacification totale des relations internationales. Certes, il y a eu la Yougoslavie, l’Irak, la Syrie. Mais la dynamique allait néanmoins dans le sens d’une mondialisation des échanges commerciaux et de la diffusion du modèle démocratique. L’hégémonie américaine était militaire, politique, économique et idéologique.

 

Mais, peu à peu, le mouvement s’est essoufflé. Sur le plan géopolitique, l’Irak a érodé la légitimité des Etats-Unis à exercer un tel pouvoir. La crise économique de 2008 a aussi atteint leur prestige. Et voilà que, pour la première fois, une grande puissance, la Russie, le pays qui dispose du plus grand arsenal nucléaire au monde, défie l’Amérique de manière frontale.

La réplique occidentale à l’agression voulue par le président russe Vladimir Poutine a été tout aussi frontale et a conduit à isoler l’économie russe, à un point où il sera difficile de retourner au statu quo ante. Nous avons quitté l’ancien monde dans lequel l’économie a, pendant trente ans, dominé le politique. Désormais, le politique est prioritaire.

Et la fin de la « pax americana » signifie l’entrée dans un monde multipolaire, où la concurrence entre un grand nombre de nations est constante. Ce qui signifie que le risque de commettre des erreurs est démultiplié, le danger qu’éclate un conflit augmente.

 

La redéfinition de l’équilibre international est un moment très dangereux, car les règles générales ne sont pas encore établies. A long terme, une forme de bipolarité se mettra sans doute en place entre les Etats-Unis et la Chine. Mais rien n’est encore joué.

Société-Fin de l’état de paix

Société-Fin de l’état de paix

 

Spécialiste des relations internationales, le journaliste et essayiste américain Fareed Zakaria estime, dans un entretien au « Monde », que l’invasion russe signe la fin de la « pax americana ».

 

 

Fareed Zakaria est l’une des principales figures de la chaîne d’information américaine CNN, où il anime une émission consacrée à l’international. D’origine indienne, il arrive aux Etats-Unis dans les années 1980 et fait sa thèse à Harvard sous la direction de Samuel Huntington. Il débute dans le journalisme à Foreign Affairs dans les années 1990. Il collabore par la suite à Foreign Policy, au Washington Post et à Newsweek.

En 1997, il publie un article dans Foreign Affairs sur les démocraties illibérales, concept qu’il développe par la suite dans L’Avenir de la liberté (Odile Jacob, 2003), livre dans lequel il met en garde contre certains risques inhérents à la démocratie. Auteur de Retour vers le futur (Saint-Simon, 2021), Fareed Zakaria reste l’une des voix les plus influentes en matière de géopolitique aux Etats-Unis.

Nous assistons à la fin de la « pax americana ». Depuis la chute de l’URSS en 1991, les Etats-Unis ont été les garants de l’ordre international, sans que l’on arrive à une pacification totale des relations internationales. Certes, il y a eu la Yougoslavie, l’Irak, la Syrie. Mais la dynamique allait néanmoins dans le sens d’une mondialisation des échanges commerciaux et de la diffusion du modèle démocratique. L’hégémonie américaine était militaire, politique, économique et idéologique.

 

Mais, peu à peu, le mouvement s’est essoufflé. Sur le plan géopolitique, l’Irak a érodé la légitimité des Etats-Unis à exercer un tel pouvoir. La crise économique de 2008 a aussi atteint leur prestige. Et voilà que, pour la première fois, une grande puissance, la Russie, le pays qui dispose du plus grand arsenal nucléaire au monde, défie l’Amérique de manière frontale.

La réplique occidentale à l’agression voulue par le président russe Vladimir Poutine a été tout aussi frontale et a conduit à isoler l’économie russe, à un point où il sera difficile de retourner au statu quo ante. Nous avons quitté l’ancien monde dans lequel l’économie a, pendant trente ans, dominé le politique. Désormais, le politique est prioritaire.

Et la fin de la « pax americana » signifie l’entrée dans un monde multipolaire, où la concurrence entre un grand nombre de nations est constante. Ce qui signifie que le risque de commettre des erreurs est démultiplié, le danger qu’éclate un conflit augmente.

 

La redéfinition de l’équilibre international est un moment très dangereux, car les règles générales ne sont pas encore établies. A long terme, une forme de bipolarité se mettra sans doute en place entre les Etats-Unis et la Chine. Mais rien n’est encore joué.

Fin de l’Etat de paix

Fin de l’Etat de paix

Spécialiste des relations internationales, le journaliste et essayiste américain Fareed Zakaria estime, dans un entretien au « Monde », que l’invasion russe signe la fin de la « pax americana ».

 

 

Fareed Zakaria est l’une des principales figures de la chaîne d’information américaine CNN, où il anime une émission consacrée à l’international. D’origine indienne, il arrive aux Etats-Unis dans les années 1980 et fait sa thèse à Harvard sous la direction de Samuel Huntington. Il débute dans le journalisme à Foreign Affairs dans les années 1990. Il collabore par la suite à Foreign Policy, au Washington Post et à Newsweek.

En 1997, il publie un article dans Foreign Affairs sur les démocraties illibérales, concept qu’il développe par la suite dans L’Avenir de la liberté (Odile Jacob, 2003), livre dans lequel il met en garde contre certains risques inhérents à la démocratie. Auteur de Retour vers le futur (Saint-Simon, 2021), Fareed Zakaria reste l’une des voix les plus influentes en matière de géopolitique aux Etats-Unis.

Nous assistons à la fin de la « pax americana ». Depuis la chute de l’URSS en 1991, les Etats-Unis ont été les garants de l’ordre international, sans que l’on arrive à une pacification totale des relations internationales. Certes, il y a eu la Yougoslavie, l’Irak, la Syrie. Mais la dynamique allait néanmoins dans le sens d’une mondialisation des échanges commerciaux et de la diffusion du modèle démocratique. L’hégémonie américaine était militaire, politique, économique et idéologique.

 

Mais, peu à peu, le mouvement s’est essoufflé. Sur le plan géopolitique, l’Irak a érodé la légitimité des Etats-Unis à exercer un tel pouvoir. La crise économique de 2008 a aussi atteint leur prestige. Et voilà que, pour la première fois, une grande puissance, la Russie, le pays qui dispose du plus grand arsenal nucléaire au monde, défie l’Amérique de manière frontale.

La réplique occidentale à l’agression voulue par le président russe Vladimir Poutine a été tout aussi frontale et a conduit à isoler l’économie russe, à un point où il sera difficile de retourner au statu quo ante. Nous avons quitté l’ancien monde dans lequel l’économie a, pendant trente ans, dominé le politique. Désormais, le politique est prioritaire.

Et la fin de la « pax americana » signifie l’entrée dans un monde multipolaire, où la concurrence entre un grand nombre de nations est constante. Ce qui signifie que le risque de commettre des erreurs est démultiplié, le danger qu’éclate un conflit augmente.

 

La redéfinition de l’équilibre international est un moment très dangereux, car les règles générales ne sont pas encore établies. A long terme, une forme de bipolarité se mettra sans doute en place entre les Etats-Unis et la Chine. Mais rien n’est encore joué.

Pour la paix : tous à Kiev !

Pour la paix  : tous à Kiev !

 

« Que l’ensemble des premiers ministres et des présidents des pays ayant voté pour le cessez-le-feu passent de la parole aux actes et se réunissent à Kiev afin de soutenir [...] l’Ukraine et son président Volodymyr Zelensky, propose Denis Houde. dans le « Monde »[...] Poutine a imposé son invasion et sa guerre. Il est temps d’imposer la paix et la non-violence. »

 

Le 2 mars 2022, 141 pays ont voté pour une résolution afin d’exiger un cessez-le-feu et un retrait des troupes russes d’Ukraine lors de la 11e réunion extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies. Le 15 mars 2022, les premiers ministres de la Pologne, de la Slovénie et de la République tchèque ont tenu à se déplacer à Kiev en signe de soutien à l’Ukraine et à son président.

 

Le 16 mars 2022, la Cour internationale de justice a rendu son ordonnance sur la demande en indication de mesures conservatoires présentée par l’Ukraine en l’affaire relative à des allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Puis il y a eu Boutcha, Borodianka et combien d’autres atrocités issues de cette invasion.

Pour passer de la parole aux actes, les Nations unies doivent faire respecter ce jugement et que l’ensemble des premiers ministres et des présidents des pays ayant voté pour le cessez-le-feu passent de la parole aux actes et se réunissent à Kiev afin de soutenir concrètement et massivement l’Ukraine et son président Volodymyr Zelensky, comme l’ont fait les premiers ministres polonais, slovène et chèque.

Ce pourrait être une grande conférence et une grande manifestation non-violente afin de promouvoir le cessez-le-feu, la paix et la résolution par la non-violence, conférence présidée par le secrétaire des Nations Unies lui-même. Cette manifestation pourrait justifier une protection exceptionnelle tant que les dirigeants de ces pays y siégeraient. Le ciel ukrainien pourrait être ainsi sécurisé jusqu’au retrait des troupes russes afin de protéger tous ces dignitaires. Il faut se le dire, les Nations Unies joueraient leur crédibilité sur ce coup.

 

Premiers ministres et présidents des pays du monde entier, rester dans vos bureaux, dans vos parlements, dans vos capitales et dans vos pays, c’est jouer le jeu de Poutine. Faire le jeu de la guerre, c’est jouer le jeu de Poutine.

La logique de la non-violence pourrait avoir une fois de plus raison d’une logique de guerre. C’est arrivé en Inde (Gandhi) et dans bon nombre d’ex-pays signataires du Pacte de Varsovie. Ça demande du courage, de l’humilité et une confiance à toute épreuve pour rester solidaire. Poutine a imposé son invasion et sa guerre. Il est temps d’imposer la paix et la non-violence… sans concession.

Denis Houde, Saint-Bruno-de-Montarville (Québec, Canada)

Fin de l’histoire et de la période de paix ?

Fin de histoire et de la période de paix ?

 

Selon le philosophe russe Alexandre Kojève dès 1947, la prise de conscience qu’il n’y a plus de raisons de massacrer des populations innocentes marque un achèvement pour l’humanité. Par Laurent Bibard, ESSEC

 

La difficulté majeure de la guerre faite à l’Ukraine ne tient pas à Poutine seul. Les controverses auxquelles donne lieu le conflit signalent la profonde complexité géopolitique de la situation. La difficulté tient à quelque chose dont nous sommes toutes et tous, humains, désormais responsables.

Ce que Poutine semble de toute évidence ne pas savoir, non plus que nous toutes et tous, est que l’histoire est très probablement totalement terminée. Et elle s’est sans nul doute terminée bien avant les thèses de Fukuyama sur la fin de l’histoire parues après la chute du mur de Berlin. Le compatriote de Poutine plus tard naturalisé français, Aleksandr Kojevnikov (Alexandre Kojève), né à Moscou en 1902, l’avait magistralement compris et enseigné dans un livre publié en 1947, Introduction à la lecture de Hegel.

Si ce qui précède est vrai, il faut évidemment se demander ce que cela veut dire. Car ça a l’air à première vue totalement absurde. Les événements de l’actualité mondiale donnent au contraire le sentiment que loin d’être terminée, l’histoire recommence de plus belle.

L’histoire est terminée au sens de Kojève, car nous pouvons comprendre maintenant pourquoi l’humanité se bat depuis son avènement. Ce qui n’a pas toujours été le cas, c’est le moins que l’on puisse dire. L’humanité se bat. Elle est, on le voit de plus en plus clairement, la lutte même pour ce que l’on appelle la justice et le respect des personnes. Nous savons cela depuis l’avènement de l’idée de l’État de droit, qui rend possible l’avènement des droits de l’homme au sens générique du terme. L’humanité est à la fois l’émergence, l’avènement, et autant que possible, la réalisation du respect et de la justice.

L’histoire de l’humanité est l’événement de faire advenir ici-bas le respect, la reconnaissance, de chacune et chacun. Indépendamment de nos sexes, de nos couleurs de peau, de nos âges, etc. Elle a été à la fois le théâtre et l’intrigue de ce combat archaïque constitutif pour la dignité de chacune et chacun. Pour la « reconnaissance universelle de l’irréductible individualité » de chacune et chacun comme le formule Alexandre Kojève.

Pourquoi écrire cela maintenant ? Le pari est le suivant. Si l’on prend toutes et tous clairement conscience que l’avènement de la notion d’État de droit, appuyée sur celle de droits de l’homme, est la conséquence finale de l’aventure humaine, cette prise de conscience collective est susceptible de provoquer un effet de cliquet sur notre compréhension des choses et sur nos vies. On peut parier qu’alors l’ancienne présupposition qu’il n’y a que des guerres à faire, à faire encore, à faire toujours s’oublie progressivement. Encore faut-il y mettre la main à la pâte.

Nous sommes toutes et tous assoiffés de reconnaissance. La différence d’avec le passé, est qu’aujourd’hui, nous le savons. Nous savons que la notion d’État de droit a été élaborée pour assouvir cette soif. Nous avons à notre portée, si nous voulons bien les lire et leur accorder foi, des livres essentiels de la culture universelle qui disent que l’apaisement est possible, et qui donnent quelques grandes lignes de ce qu’il faut tenter pour cela.

 

Nous avons enfin compris – en tout cas on nous a clairement dit – de quoi étaient faits les nerfs de la guerre et de l’aventure humaine jusqu’ici. Nous avons sous la main les guides qui permettent de tracer les grandes lignes d’une vie politique paisible, dotée des gardiens adéquats contribuant à garantir que ceux qui sont censés être nos gardiens, les gouvernants, le soient vraiment : Le Projet de paix perpétuelle de Kant, Les Principes de la philosophie du Droit de Hegel, etc.

Ici aussi, Le travail d’Alexandre Kojève est essentiel : il faut lire ce qu’il écrit dans son Esquisse d’une phénoménologie du Droit, écrite en pleine Seconde guerre mondiale, en 1943.

La thèse est que l’humanité est passée d’une domination de Maîtres à la montée en puissance de l’autonomie des Esclaves. Le résultat de l’histoire est le dépassement de la domination par l’avènement de Citoyens tous égaux entre eux, indépendamment du sexe, de l’origine ethnique, etc. À chaque « catégorie » correspond une forme dominante essentielle droit relative à un idéal de justice : « justice de l’égalité » (Maîtres), « justice de l’équivalence » (Esclaves), et « justice de l’équité (Citoyens).

Ce qui est très important est que la « tension » maître-esclave une fois comprise, elle se révèle en fait « éternelle » – c’est-à-dire jouée dès l’avènement de l’humanité, et donc toujours à reconquérir en direction d’une citoyenneté qui ne peut jamais être tenue pour acquise.

La conséquence majeure de ceci est que, sur le fond de ce qui précède, le geste de Poutine est un « coup » tardif. Intempestif. Dépassé. Comme tous les « coups » auxquels on assiste de nos jours (voir Bernard Bourgeois, Penser l’histoire du présent avec Hegel). Le gouvernement russe a beau revendiquer que l’Ukraine est une partie de la Russie – et tsariste et communiste -, et que son invasion en constitue la libération, le « geste » de la « reconquérir » est diamétralement contradictoire avec ce que nous savons, nonobstant ses convulsions continues, du sens de l’histoire.

On ne peut plus faire semblant de vivre une histoire authentique en reculant. En particulier après les deux Guerres mondiales du XXe siècle, dont la deuxième est due à une régression comparable à celle à laquelle Poutine voudrait que l’on assiste, il est devenu hors de question d’envisager quelque légitimité que ce soit à un geste comme celui de la Russie envers l’Ukraine.

Nous sommes à la fin de ce qu’est notre histoire, et au début d’autre chose. Mais il faut, pour ouvrir vraiment l’avenir, prendre acte du passé, seul sol solide à partir de quoi de nouveaux rêves, mus par autre chose que la soif et le manque, sont possibles.

Insistons bien sur ceci : ce qui est affirmé ici ne parle pas que de la Russie et des « autres ». Cela parle de l’humanité en son entier. Car ce mal dont Poutine et la Russie souffrent, qui provoque tous les excès, est bien universel. C’est une maladie spécifiquement humaine toute simple, qui s’appelle le désir de reconnaissance et dont l’expression se mondialise de plus en plus. Nous sommes bien à la Fin de l’histoire. Fin qui a elle-même son histoire, et dont nous sommes toutes et tous co-responsables.

Plus nous saurons reconnaître les trésors de la pensée qui s’est retournée sur l’histoire et en a extrait l’essentiel, moins nous serons vulnérables à nous abandonner à des colères devenues de pacotille.

Il n’y a décidément plus de « sujet ».

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Par Laurent Bibard, Professeur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

L’Europe n’est pas en guerre…. Mais pas en paix !

L’Europe n’est pas en guerre…. Mais pas en paix !

 

Tout en aidant l’Ukraine, les pays de l’OTAN sont déterminés à ne pas se laisser entraîner dans un conflit armé face à la Russie. Mais la limite entre paix et guerre est très ténue, explique Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde ».

La guerre en Ukraine a commencé le 24 février sans que le mot soit prononcé à Moscou. Il y est même, depuis, interdit. Le président russe, Vladimir Poutine, sait l’impact de ce terme sur ses compatriotes, abreuvés d’histoire de leurs guerres, grandes et moins grandes. Il n’était pas question de dire aux Russes que leur pays s’engageait dans une guerre contre leur voisin ukrainien, si proche, si familier. Il l’a donc baptisée « opération militaire spéciale ».

C’est pourtant bien par une guerre, totale, dévastatrice et meurtrière, que Vladimir Poutine entend soumettre l’Ukraine. Il est plus franc avec ses interlocuteurs étrangers. A son homologue français, Emmanuel Macron, il a dit plusieurs fois, et de la manière la plus crue, qu’il irait jusqu’au bout.

Depuis le 24 février, l’Europe vit au rythme de la guerre à ses portes. Elle vibre, même. Spontanément solidaires des Ukrainiens, dont 2 millions se sont déjà réfugiés chez eux, les Européens suivent cette guerre en direct, en permanence, et appréhendent naturellement qu’elle s’étende. Leurs dirigeants les rassurent : l’Ukraine n’est pas membre de l’OTAN, donc l’OTAN n’entrera pas en guerre. « Nous ne sommes pas en guerre avec la Russie », a souligné le président Macron dans son allocution du 2 mars.

Est-ce si sûr ? Comment définit-on la guerre, en 2022 ? Le faux lapsus du ministre des finances, Bruno Le Maire, contraint au rétropédalage après avoir décrit les sanctions occidentales comme « une guerre économique et financière totale livrée à la Russie », est révélateur de cette ambiguïté. Oui, des sanctions de cette ampleur sont une arme de destruction massive, même si elles ne sont pas de nature militaire. Non, il ne faut pas le dire, puisque « nous ne sommes pas en guerre ». Vladimir Poutine, lui, ne s’y trompe pas ; il a averti le 5 mars que cette panoplie de sanctions s’apparentait à « une déclaration de guerre ». Déclaration dont lui-même ne s’est d’ailleurs pas embarrassé avant d’envahir l’Ukraine… puisqu’il ne s’agit que d’une « opération spéciale ».

A la guerre visible se mêlent d’autres guerres qui ne disent pas leur nom, décrites par l’historien Thomas Gomart dans son livre Guerres invisibles (Tallandier, 2021). La cyberguerre est certainement déjà en cours en Ukraine, avec le soutien de la technologie américaine. Vladimir Poutine et son vassal biélorusse Alexandre Loukachenko sont des experts ès guerre hybride, au service de laquelle même les migrants peuvent devenir une arme. Et dans le cadre du conflit armé, quel est le seuil, aujourd’hui, de l’entrée en guerre ?

Appel de paix de de 664 scientifiques russes

Appel de paix de de 664  scientifiques russes 

Dans une lettre ouverte publiée par « Le Monde », un collectif de chercheurs et de journalistes scientifiques russes dénonce l’entière responsabilité de la Russie dans le déclenchement du conflit. Par cet acte, « la Russie s’est condamnée à l’isolement sur la scène internationale et à un destin de pays paria », estiment-ils encore.

 

 

Tribune Nous, chercheurs et journalistes scientifiques russes, exprimons ici notre protestation énergique contre les actes de guerre lancés par les forces armées de notre pays sur le territoire de l’Ukraine. Cette décision fatale causera la mort d’un très grand nombre de gens. Elle sape les fondements du système de sécurité collective. La responsabilité du déclenchement de cette nouvelle guerre en Europe incombe entièrement à la Russie. 

Cette guerre n’a aucune justification rationnelle. Les tentatives de manipuler la situation dans le Donbass et de s’en servir comme prétexte pour déclencher les opérations militaires ne dupent absolument personne. Il est évident que l’Ukraine ne représente aucune menace pour notre pays. La guerre contre elle est injuste et absurde.

L’Ukraine était et reste un pays dont nous sommes très proches. Nombreux sont ceux, parmi nous, qui y ont des parents, des amis et des collègues chercheurs. Nos pères, grands-pères et arrière-grands-pères ont combattu ensemble le nazisme. Déclencher une guerre pour satisfaire les ambitions géopolitiques des dirigeants de la Fédération de Russie, mus par des considérations historiques fantaisistes et douteuses, ce n’est pas autre chose que trahir leur mémoire.

Nous respectons l’Ukraine, voyant en elle un Etat fondé sur des institutions démocratiques qui fonctionnent. Nous comprenons le choix européen de nos voisins. Nous sommes convaincus que tous les problèmes entre nos deux pays peuvent être résolus de manière pacifique.

En déclenchant la guerre, la Russie s’est condamnée à l’isolement sur la scène internationale et à un destin de pays paria. Cela signifie que nous, les chercheurs, ne pourrons désormais plus faire nos recherches normalement, tant il est vrai que l’avancement des recherches scientifiques est impensable sans coopération approfondie avec les collègues des autres pays.

L’isolement de la Russie dans le monde va aggraver encore plus la dégradation culturelle et technologique de notre pays, tout en fermant toutes les portes de sortie. La guerre avec l’Ukraine, c’est un pas dans le néant.

C’est avec douleur que nous voyons notre pays, dont le rôle pour abattre le nazisme a été décisif, allumer en ce moment même une nouvelle guerre sur le continent européen. Nous exigeons l’arrêt immédiat de tous les actes de guerre dirigés contre l’Ukraine. Nous exigeons le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Etat ukrainien. Nous exigeons la paix pour nos pays.

Soudan : putsch condamné par les signataires de l’accord de paix

Soudan : putsch condamné par les signataires de l’accord de paix

 

Les principaux groupes rebelles auteur de l’accord de paix ont sévèrement condamné le putsch des militaires

Cette condamnation émane du Front révolutionnaire du Soudan, qui comprend des groupes dirigés par trois membres du conseil militaro-civil au pouvoir, qui a été dissous lors du putsch. Il s’agit d’Elhadi Idris et Altahir Hajar de l’Armée de libération du Soudan (SLA) au Darfour et Malik Agar du Mouvement de libération du peuple soudanais-Nord (SPLM-N).

Observons cependant certaines divisions car certains signataires de l’accord de paix de 2020, dont les chefs de groupes rebelles du Darfour, Jibril Ibrahim et Minni Minawi, se sont alignés sur la position de l’armée dans les semaines qui ont précédé le coup d’Etat.

L’armée soudanaise s’est emparée du pouvoir le 25 octobre à Khartoum après avoir arrêté le Premier ministre du gouvernement civil, une action condamnée aussitôt par la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.

L’armée soudanaise des putschistes n’a pas hésité par ailleurs attiré sur des manifestants qui s’opposaient la prise de pouvoir des militaires.

Politique–dictature chinoise une menace pour la paix mondiale

Politique–dictature chinoise  une menace pour la paix mondiale

 

A l’occasion du 100e anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois, le député européen bulgare Ilhan Kyuchyuk, interdit de séjour en Chine depuis ses prises de position contre la répression des Ouïgours, retrace, dans une tribune au « Monde », l’histoire du régime totalitaire et les erreurs des pays occidentaux à son égard.

 

Tribune. 

 

La Chine fête en grande pompe le 100anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois, créé à Shanghaï le 1er juillet 1921. Pour le peuple chinois, il y a de quoi se sentir fier : une montée en puissance habilement conçue et couronnée de succès le 1er octobre 1949, puis une continuité sans faille. A aucun moment la Chine n’aura connu d’alternance à la tête de la Cité interdite, ni même vu émerger un parti d’opposition.

Nous voyons à un bout de ce siècle le futur président Mao Zedong, simple bibliothécaire à l’origine, s’imposer d’abord comme un chef politique, puis comme un stratège militaire sans états d’âme, et enfin comme un dictateur illuminé. Il a mené son pays en alternant campagnes idéologiques forcenées et périodes de répit indispensables au redémarrage économique.


A l’autre bout de cette longue histoire, l’héritier direct de Mao, Xi Jinping, qui reprend les méthodes bien rodées du culte de la personnalité, et remet à l’honneur les méthodes honnies de la Révolution culturelle (1966-1976)telles que l’arrestation des opposants, penseurs, patrons d’entreprises trop ambitieux, au nom de la sacro-sainte stabilité sociale. Entre ces deux extrémités, combien de Chinois sacrifiés sur l’autel du parti unique ? Combien d’options divergentes qui auraient pu garantir à la Chine un développement pacifique et bienveillant à l’égard de son peuple ?

Qui se souvient de Chen Duxiu, le premier secrétaire du tout nouveau Parti communiste chinois ? Un homme qui, dès les années 1910, prônait l’adaptation à la Chine de certaines idées nouvelles venues de l’Occident, telles que le communisme, il est vrai, mais aussi le rejet du conservatisme confucéen qui avait fossilisé la Chine, et l’égalité des sexes. Il mourut dans la solitude en 1942, marginalisé et persécuté par son grand rival Mao. Suivirent tous les autres : Peng Dehuai, qui aurait voulu tempérer les ardeurs de Mao durant la réforme du Grand Bond en avant, initiative brutale qui provoqua la famine de 30 ou 40 millions de Chinois, puis le fidèle bras droit, Lin Biao, dont l’avion s’écrasa au sol alors qu’il tentait de rejoindre la Russie.

 

Xi Jinping a renoué avec cette glorieuse tradition en éliminant d’abord les proches de ses prédécesseurs, Jiang Zemin et Hu Jintao, sous prétexte de « corruption », puis les avocats défenseurs des droits civiques, qu’il fit enfermer par centaines en 2015.

N’oublions pas Liu Xiaobo, Prix Nobel de la paix 2010, mort en détention en 2017, pour avoir refusé d’oublier les victimes du massacre de la place Tiananmen en 1989. Liu nous avait rappelé dans une série d’articles les grands aveuglements de l’Occident face à la montée des dictatures du XXsiècle. Il disait dans un article posté sur Internet en 2005, et intitulé « Les quatre grandes erreurs des pays libres au XXsiècle » qu’il ne comprenait pas comment les intellectuels occidentaux avaient pu s’enticher d’un dictateur comme Staline. Pourquoi la France et la Grande-Bretagne avaient-elles si aisément accepté de faire des compromis avec l’Allemagne et l’Italie ? Après la seconde guerre mondiale, pourquoi les Etats-Unis et la Grande-Bretagne avaient-ils fait de telles concessions à l’URSS ? Dans les années 1960 et 1970, pourquoi les intellectuels européens les plus brillants se sont-ils entichés de la « pensée Mao Zedong » ?

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