Pourquoi l’alliance Merkel-Hollande peut réussir ?
On s’attend en général à une confrontation sévère entre la doctrine allemande sur la rigueur et la volonté de Hollande de relancer la croissance. En réalité l’un a besoin de l’autre et réciproquement. Hollande a évidemment besoin de Merkel pour compléter le pacte de stabilité avec un volet croissance et Merkel, également secouée au plan politique, a besoin de Hollande pour donner à l’accord européen une perspective plus sociale. Dernier élément et non le moindre l’entente sera plus facile entre Hollande et Merkel qu’entre Merkel et Sarkozy. Pourquoi ? Parce que Hollande ne fera pas l’erreur de se prétendre le sauveur de l’Europe et du monde humiliant au passage la chancelière. En fait en dépit des apparences les relations entre Sarkozy et Merkel ont toujours été détestables car Sarkozy a trop joué solo, trop improvisé, trop valorisé son action. Il l’a payé cher quand la France dégradée pour sauver l’honneur a en fait été contrainte de s’aligner complètement sur les positions allemandes ; Merkel n’aime pas le coté bling bling, l’improvisation et la théâtralisation permanente de Sarkozy. .par ailleurs François Hollande, vainqueur de la présidentielle française, et la chancelière conservatrice n’ont d’autre choix que de s’entendre et pourraient même former un tandem harmonieux, estimait-on dimanche à Berlin. En clamant son intention de renégocier le pacte budgétaire européen durant la campagne électorale en janvier, François Hollande a terni son image en Allemagne. Des journalistes l’ont jugé « populiste ». Mme Merkel et son gouvernement y ont perçu une remise en cause de leur politique de rigueur en Europe. »Sa déclaration sur le traité budgétaire n’a pas été comprise » en Allemagne, où le sujet est sensible, reconnaît un diplomate. Mais un travail d’explication a été accompli, avec deux ou trois rencontres entre collaborateurs de M. Hollande et de Mme Merkel à Berlin ces dernières semaines. Depuis, le malentendu semble levé. François Hollande a imposé une image de social-démocrate réaliste et pro-européen. « La peur de Hollande s’amenuise à la chancellerie », titrait vendredi le quotidien Süddeutsche Zeitung. Même si l’épisode n’est pas clos, chacun s’accorde pour estimer que les deux moitiés du couple moteur de l’Union européenne n’auront d’autre choix qu’un compromis rapide, sous la pression des partenaires européens et des marchés financiers. Dimanche soir, la chancelière a appelé le nouveau président français pour le féliciter et l’inviter à venir au plus vite à Berlin, alors que celui-ci a promis de faire son premier déplacement à Berlin. »Nous devons maintenant sceller un pacte de croissance pour plus de compétitivité », a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères, reprenant l’idée d’un complément au pacte budgétaire de M. Hollande. Venu spécialement à l’ambassade de France à Berlin pour adresser ses félicitations, il a toutefois souligné que la croissance passait, selon lui, par des « réformes structurelles » et non par de nouvelles dépenses. Le goût du consensus, la capacité à forger des compromis pour rassembler, sont la marque de fabrique de Mme Merkel comme de M. Hollande. « Ils ont la même façon de préparer les décisions par de longues discussions », ce qui leur vaut des critiques similaires sur une supposée incapacité à trancher, remarque un diplomate français. « La personnalité de Hollande pourrait plutôt accommoder » la chancelière, selon lui. Son entourage aussi. Une nomination de Jean-Marc Ayrault, ancien professeur d’allemand, au poste de Premier ministre serait très bien perçue à Berlin. Angela Merkel, qu’on peut surprendre faisant ses courses dans des supermarchés de Berlin, ne renierait pas non plus l’étiquette de « dirigeant normal » revendiquée par François Hollande. Nés à quelques semaines d’intervalle durant l’été 1954, la docteur en sciences physiques d’une université est-allemande et le diplômé de l’ENA, creuset des élites françaises, sont tous deux aux antipodes du bling-bling incarné par Nicolas Sarkozy. »Hollande ne surprendra pas Merkel avec des idées improvisées » contrairement à Sarkozy, jugeait vendredi le quotidien des affaires Handelsblatt, rappelant les difficultés d’entente entre le président sortant et la chancelière. Mais « Merkel a-t-elle vraiment aimé Sarkozy? Je ne pense pas… » a reconnu cette semaine Ulrike Guérot, directrice du bureau berlinois du Conseil européen des relations internationales, dans une analyse. »La chancelière n’a rien contre Hollande personnellement, si elle préférait la réélection de Sarkozy c’est essentiellement pour des raisons de politique intérieure », souligne un diplomate à Berlin. « Une victoire socialiste pourrait redonner de l’élan aux sociaux-démocrates du SPD » avant une élection régionale clef le 13 mai en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (ouest), et à un an et demi des législatives allemandes, prévues à l’automne 2013.