Revoir la politique des territoires outre-mer
(Le Monde)
Tribune.
Lors du premier tour de l’élection présidentielle, les territoires d’outre-mer ont majoritairement voté Jean-Luc Mélenchon et, au second tour, Marine Le Pen. Dimanche 24 avril, le résultat en outre-mer a même été exactement l’inverse que le résultat global national : 58 % pour la candidate du Rassemblement national, contre 42 % pour le président sortant. L’outre-mer a-t-il basculé dans l’extrême droite et ses luttes contre les migrations, ou est-elle devenue subitement « insoumise » ?
Le plus vraisemblable est que nos outre-mer sont arrivés à une étape de leur histoire où la relation avec la métropole doit être profondément reformée. Les choix nationaux proposés lors des élections générales françaises ne correspondent plus aux aspirations des citoyens français de l’océan Indien, des Caraïbes ou de l’Amérique du Sud et aux difficultés particulières de ces territoires.
La réponse aux problèmes spécifiques de régions insérées dans un environnement bien différent de la métropole ne peut désormais venir que des territoires eux-mêmes et de leurs habitants. Y compris sur des sujets considérés comme régaliens. On pourrait commencer par les questions de sécurité, de politique migratoire ou de nationalité, ou encore la santé, mais je voudrais dans ce court espace évoquer la politique étrangère.
Il est habituel de dire que nos territoires sont une chance pour la France, porte d’entrée en Amérique latine, aux Caraïbes ou dans l’océan Indien. La réalité est toutefois beaucoup plus contrastée. Le Quai d’Orsay, en laissant largement la main au ministère des outre-mer pour l’intégration régionale de ces territoires, s’est en partie désintéressé d’une diplomatie de proximité, tandis que l’outre-mer se focalise surtout sur les questions de sécurité.
Les élus locaux, quant à eux, légitimes pour porter une ambition régionale, considèrent à raison qu’ils n’en ont pas la compétence constitutionnelle s’agissant de relations avec d’autres Etats, sauf à demander expressément, et à chaque fois, l’autorisation à Paris.
Surtout, la présence de territoires français en Amérique du Sud, dans la Caraïbe ou l’océan Indien donne malgré tout à notre pays dans ces régions l’image d’une nation dont les horloges restent réglées au siècle précédent. Ces territoires aujourd’hui pèsent donc plus sur nos relations internationales dans la zone qu’elles les servent.
Si la Communauté des Caraïbes (Caricom) est si frileuse à accepter les Antilles et la Guyane comme membres associés, c’est en grande partie parce qu’elle a l’impression qu’elle ferait entrer Paris dans cette enceinte plutôt que Cayenne, Fort-de-France ou Pointe-à-Pitre. Pour les mêmes raisons, la France n’est pas membre de l’Organisation du traité de coopération amazonienne (OTCA) par le refus des autres Etats membres, alors que son territoire en recouvre une partie avec la Guyane.