Archive pour le Tag 'outil'

ChatGPT : outil de rupture ou de domination ?

ChatGPT : outil de rupture ou de domination ?

par Marion Trommenschlager
Chercheure en sciences de l’information-communication, laboratoire PREFics, Université Rennes 2 dans the Conversation


Alors que l’impact de l’intelligence artificielle (IA) dans le monde du travail ou en matière de désinformation fait couler beaucoup d’encre, des dirigeants du secteur, dont Elon Musk, appellent à décélérer. Une intelligence artificielle ultra-médiatisée a tenu un rôle majeur dans l’ouverture de ces débats : ChatGPT. Mais a-t-elle vraiment créé une rupture ?

Il n’y a pas de réelle nouveauté technique dans ChatGPT. Son ancêtre, Eliza, date de 1966. La technique de codage, aussi sophistiquée soit-elle, s’inscrit dans une continuité des conceptions de langage de programmation. Par ailleurs, dans une approche sociologique, rappelons que nous sommes une humanité numérique, une société artefactuelle (puisque nous évoluons à travers le progrès technique), dans laquelle toute innovation s’inscrit dans une continuité.

Peut-on alors réellement parler d’innovation de rupture pour ChatGPT ?

Et s’il fallait finalement se saisir de ce raz de marée médiatique pour comprendre la fulgurance de son déploiement, et plus encore, pour comprendre où nous en sommes, nous, utilisateurs, dans nos représentations, entre fantasmes et réalités, de l’intelligence artificielle ?

Ces logiciels d’intelligence conversationnelle nous ramènent à deux grandes tendances liées à la technicisation de la société. Tout d’abord celle de la servicisation, c’est-à-dire une normalisation de l’assistance personnalisée au quotidien. Cette tendance est arrivée avec le passage d’une économie basée sur des logiques de masse, vers une autre basée sur des logiques individuelles.

Le second grand levier est la plateformisation : créés au sein d’empires numériques (entre autres GAFAM), ces logiciels sont pensés pour être infusés dans tout l’écosystème. C’est le cas par exemple de ChatGPT, amené à investir Bing, Outlook, et autres services de Microsoft.

Et pour cause, le disgracieux « GPT » dans sa version francophone, renvoie au « general purpose technologies », soit technologies à usage général. Il est donc de par sa nature, un outil conçu pour être facilement transposé et utilisé dans différents domaines. Différent d’un moteur de recherche, il répond à des questions complexes et cherche à comprendre l’intention.

Comment expliquer l’appropriation si rapide de ChatGPT par les utilisateurs ?
L’impact médiatique relève du fait de ses utilisateurs. Comme souligné par l’anthropologue Lionel Obadia, il est difficile de parler d’invention. Néanmoins, la diffusion et l’appropriation remarquablement rapide font de ChatGPT une innovation marquante. Elle peut être utilisée par n’importe qui, initié ou non, gratuitement en ligne, et entraîne de ce fait autant de nouveaux usages, de contournements, que de business potentiels.


Trois forces expliquent la rapide intégration et appropriation sociale du logiciel.

Premièrement, ChatGPT est très accessible : ce qui lui permet un passage à l’échelle, autrement dit un déploiement, très rapide. L’accessibilité de l’outil et son appropriation généralisée massifient l’usage, mais également l’intérêt pour ce qui paraît « nouveau », voire « divertissant ».

Ensuite, ChatGPT nous ressemble. Le processus de machine learning en fait un outil d’auto-enrichissement continu, comme les humains. Le dialogue lui permet par exemple d’améliorer ses réponses avec un langage naturel. Ainsi, plus il est utilisé, plus il est performant. Autrement dit, nous nous « éduquons » mutuellement.

Enfin, ChatGPT est un champ des possibles : il laisse entrevoir de nouveaux scénarios. Nous sommes, en tant qu’utilisateurs, la condition pour la réussite du déploiement de ces innovations numériques. Chose faite pour ChatGPT qui compte à présent plus de 100 millions d’utilisateurs. Nous commençons à prendre conscience de « l’après » et de l’émergence d’autres innovations issues du modèle de ce logiciel.

La philosophe Marie Robert raconte son expérience lorsque le média Brut lui propose de corriger une copie rédigée par le logiciel :

« C’est avec un certain frisson que j’ai pris mon stylo rouge pour tenter de comprendre le raisonnement élaboré par une machine. Malgré une absence de citations, un manque cruel de nuances et une structure bien trop rigide, ma première remarque fut que ce n’était « pas si mal » […] C’est donc avec un mélange de fascination et d’effroi que j’ai terminé l’exercice, me demandant sincèrement ce que nous allions faire pour le monde à venir, pour ces générations qui n’auront pas à connaître l’effort. »


Des métiers de la cognition voués à disparaître ?

Ce qui diffère vraiment avec les précédentes évolutions liées à l’innovation, c’est que ChatGPT touche les métiers de la cognition, plutôt épargnés jusqu’alors. Il est d’ailleurs intéressant de rappeler que l’un des logiciels les plus (technologiquement) complexes, l’Autopilot de Tesla, a été pour 85 % fabriqué par l’intelligence artificielle. La dynamique d’hybridation entre métiers et intelligence artificielle est de plus en plus forte. Cependant, il serait fantasmé de parler de « grand remplacement ».

L’autonomie de l’intelligence conversationnelle n’est pas totale. Par exemple, ChatGPT développé par Open AI a été construit à partir de 175 milliards de paramètres, il s’appuie sur un jeu de données gigantesque. Gigantesque certes, mais sélectionné, donc faillible.

Récemment, des échanges et lectures sur l’art du codage m’ont permis d’éclairer plus encore les limites du mythe d’une autonomie de l’intelligence artificielle. Cela notamment à travers la dimension de labellisation dans les réseaux de neurones. Dans ce processus, il s’agit d’étiqueter des données, c’est-à-dire d’associer un label (une valeur prédéfinie) à un contenu (image, texte, forme, etc.). L’objectif est d’apporter un modèle d’apprentissage aux machines. Cette pratique rappelle la nécessité de paramétrage et de supervision dans l’interprétation des données, une réalité a (re) découvrir dans la mini-série documentaire Les travailleurs du clic de Antonio Casilli. Open AI a d’ailleurs différents contrats avec des travailleurs au Kenya pour ce travail de modération.

Nous voyons donc les limites d’un fantasme autour d’une intelligence artificielle parfaitement autonome.

Bien que l’intelligence artificielle ne comprenne pas ce qu’elle dit, ces implications humaines dans la supervision de l’apprentissage des machines nous montrent que les données qui nourrissent cette intelligence, elles, ne sont pas neutres. Elles reproduisent et amplifient les biais de ceux qui la supervisent, chariant un lot potentiel de stéréotypes, de désinformation, de contenus aspirés aux sources invisibles, de censure, ou encore de complotisme (Meta en a fait l’expérience avec Blender bot 3).

La question centrale est donc : qui paramètre ? Le professeur de droit Lawrence Lessig le souligne dans son clairvoyant « Code is law » : la personne qui paramètre est la personne qui a la possibilité d’orienter un système de pensée. Un outil comme ChatGPT est principalement conçu par et pour une cible nord-américaine. Son déploiement rapide, renforcé par sa dimension ludique, conduit à la normalisation de son utilisation. Une normalisation non pas sans effet, puisqu’elle vient renforcer l’impression d’un objet politiquement neutre chez les utilisateurs.

Or, c’est loin d’être le cas, pour les raisons évoquées précédemment, mais aussi parce que l’IA est avant tout un enjeu de domination tant entre empires du numérique, que dans la sphère géopolitique.

Télévision : un outil bientôt obsolète ?

Télévision : un outil bientôt obsolète ?

Avec l’évolution des mentalités et la multiplication des outils numériques permettant l’accès à l’information et aus divertissements, la télévision prend un sérieux coup de vieux. Toutes les catégories d’âge regardent de moins en moins le petit écran. En cause, l’uniformité des programmes aussi bien concernant l’information que les programmes de distraction.

Pour l’information, on se contente de reprendre 5à 10 gros titres des grandes agences de presse. Parfois avec un radio trottoir portant sur trois interviewés. Et toujours ensuite une discussion en plateau- qui ne coûte pas cher–de supposés experts.

Pour les jeux télévisés c’est à peu près la même recette : quelques candidats, des questions dimensionnées en fonction du niveau culturel des téléspectateurs et le suspense pour savoir qui sera le gagnant du jour.

On n’y ajoute évidemment les films rediffusés 25 fois, le plus souvent des navets. Et parfois miracle, un reportage ou enquête de terrain intéressant. Bref, le rapport temp_ enrichissement est trop faible par rapport aux autres nouveaux médias mêmes s’il faut convenir que la fréquentation de ce qu’on appelle les réseaux sociaux ne contribue pas forcément à l’élévation culturelle générale.

Même les plus de 50 ans ont réduit de 15 minutes leur temps TV entre 2021 et 2022. Cette cible demeure toutefois une exception culturelle télévisuelle. Elle est en effet la seule à voir sa consommation progresser de 20 minutes en une décennie, à 5 h 23.

Face à cette bascule des usages télévisuels, «les groupes audiovisuels ne restent pas inactifs et accélèrent tous dans le streaming, chacun avec leurs spécificités éditoriales», poursuit-il. Il s’agit de faire pivoter le modèle en se «plateformisant». «Aujourd’hui, pour les chaînes de télévision, la partie se joue aussi bien en linéaire qu’à partir de leur plateforme. Le problème, c’est que la mesure d’audience actuelle de Médiamétrie n’étant pas encore unifiée, il est difficile d’avoir une vision complète de la puissance de chaque groupe, en particulier sur le digital», constate Philippe Bailly, le président de NPA Conseil.

Dans son bilan annuel des audiences, M6 met ainsi l’accent sur «6play, dont la couverture ne cesse de progresser, avec 45 millions de personnes passées sur la plateforme en 2022». Du côté de TF1, on revendique «26 millions de catch-uppers mensuels, 1 milliard d’heures de visionnage et 2 milliards de vidéos vues en 2022 sur MYTF1». Le service public, lui, assure que «49 millions de Français font le choix de France Télévisions, sur ses chaînes et ses plateformes à la demande». Les diffuseurs ne se privent pas de communiquer sur leurs audiences digitales. Mais en ordre encore très dispersé.

Le voile, outil de ségrégation (Fatiha Boudjahlat)

Le voile, outil de ségrégation (Fatiha Boudjahlat)

Par Fatiha Boudjahlat

 

À leur que Emmanuel Macron a félicité une femme se présentant comme «voilée» et «féministe»., Fatiha Boudjahlat critique dans le Figaro l’association de ces deux termes dans la bouche du président candidat.

Fatiha Agag-Boudjahlat est l’auteur de plusieurs ouvrages remarqués. Elle a notamment publié Combattre le voilement (éditions du Cerf), 2019.


La femme voilée qui a interrogé le président Macron n’était pas sur sa route par hasard ou pour lui parler écologie. Les équipes de Macron ne l’ont pas évité parce qu’il devait donner des gages à l’électorat mélenchoniste. Et pour la première fois en France, et jamais je ne pourrai le pardonner, a fortiori à un candidat de gauche, il y a eu un vote communautaire et communautariste, musulman. Alors Macron, comme Mélenchon, se tourna en direction de la Mecque pour obtenir ces voix…

 

L’échange est surréaliste, la femme voilée lui demande à lui s’il est féministe, elle avait bien appris ses gammes pour enchaîner avec la liberté des femmes de se vêtir comme elles le veulent. Il l’a coupé, une bonne chose, pour lui demander, chose stupide, si elle portait volontairement ce hijab ou s’il lui avait été imposé. Qui oserait faire un tel aveu devant les caméras…

Pegasus: un outil d’espionnage global

Pegasus: un outil d’espionnage global

 

Ilan Scialom, spécialiste du Moyen-Orient et des questions cyber, explique les enjeux qu’impliquent cette affaire d’espionnage. (Le Figaro)

 

Qui est derrière NSO ( l’entreprise israélienne qui a créé le logiciel Pegasus ) ?

Ilan SCIALOM. - NSO n’est pas une entreprise nouvelle. Elle a été fondée en 2009 par trois Israéliens, Niv Carmi, Shalev Hulio et Omri Lavie. Contrairement à ce que l’on croit, ils ne viennent pas de l’Unité 8200 (spécialisée au sein de l’armée israélienne en cyberdéfense, NDLR). Ils se sont réunis pour développer un logiciel d’identification d’objets dans des images ou des vidéos qui renvoyait ensuite les utilisateurs vers un site de vente en ligne.

Puis ils ont mis au point un outil de service après-vente pour se connecter à distance au téléphone de leurs clients (dont certains sont des pays totalitaires).

Conventions citoyennes: outil de communication politique ou de démocratie

Conventions citoyennes: outil de communication politique ou de démocratie

 

 

Antoine Denry ,directeur stratégie chez H+K Strategies Paris, professeur au CELSA et à l’Université Panthéon-Sorbonne s’interroge sur le rapport entre conventions citoyennes et démocratie.

 

Renforcer le rôle du Conseil économique, social et environnemental (CESE) est l’un des grands projets du mandat d’Emmanuel Macron, afin de promouvoir des formes de démocraties participatives et répondre ainsi à la défiance croissante qui vise les pouvoirs publics. En ce sens, les comités de citoyens tirés au sort qui émergent dans son sillage peuvent-ils remédier à la crise démocratique que nous vivons ? Ne remettent-ils pas en cause le principe même du suffrage universel et ne traduisent-ils pas in fine un mépris des élus susceptible d’aggraver encore la crise démocratique ?

Suite à la crise des Gilets jaunes, le grand débat national avait rencontré un vif succès, une loi organique a donc été adoptée le 15 décembre dernier pour prolonger ce grand élan. Elle consacre le principe de citoyens tirés au sort pour travailler avec le CESE et porter la voix de la société civile, entre le parlement et l’exécutif. Avec la Convention citoyenne pour le climat, cette ambition de rafraîchissement démocratique avait trouvé un premier débouché. Avec le Comité sur la vaccination et ses 35 citoyens tirés au sort il s’agit de pérenniser cet exercice et de faire du CESE la chambre des conventions citoyennes nationales.

L’objectif affiché de ces instances est louable : associer au processus décisionnel la parole civile au travers d’une délibération citoyenne de qualité. Néanmoins, le problème réside ailleurs. D’abord ce comité de vaccination fait partie d’un maquis déjà existant d’instances associées aux décisions sur le déploiement des vaccins : conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, comité scientifique, comité citoyen, comité des professionnels de santé, comité d’élus, comité de la société civile.

Ensuite et surtout, autant la convention citoyenne pour le climat visait à formuler des propositions, autant le comité sur la vaccination n’est lui chargé que « d’émettre des observations et d’interpeller Alain Fischer » dans un rapport remis « d’ici l’été ». C’est ce point-là qui vient mettre en exergue l’inanité du parlement et vient souligner le problème institutionnel de la Ve République depuis la mise en place du quinquennat.

Avec ce comité ou d’autres conventions annoncées, comme celle sur les discriminations, nous sommes face à un acte de communication politique qui vient en réalité pallier un problème institutionnel, à savoir la mauvaise représentation du corps électoral au sein de l’Assemblée nationale et la caducité du pouvoir parlementaire dans un régime devenu « présidentialiste ».

Les comités de citoyens peuvent-ils représenter une solution ? La participation citoyenne peut certes nourrir la délibération démocratique mais elle ne peut en aucun cas s’y substituer et venir remplacer le rôle de force de proposition et de contrôle que doit exercer le Parlement

Il est certes nécessaire que le pouvoir exécutif ait toute latitude pour gouverner mais trop d’autorité tue l’autorité, et aujourd’hui chacun sent bien que le pouvoir entre les mains du seul président de la République et du Premier ministre, l’Assemblée Nationale ne faisant que ratifier les décisions, pose problème. L’absence de réel contre-pouvoir représentatif de l’ensemble des Français est un sujet central. Le scrutin majoritaire à deux tours ne permet plus cette représentativité. Il a eu son efficacité dans le passé mais compte tenu désormais de la conjonction des élections présidentielles et législatives et des nouveaux rapports de force politique, certains courants représentant pourtant 20 % des électeurs ne sont quasiment pas représentés. Cela n’est pas sain et peut mener à des mouvements contestataires violents.

Aujourd’hui quelle réponse possible ? Une dose de proportionnelle était prévue dans l’accord électoral entre Bayrou et Macron lors de la campagne de 2017 mais il sera difficile pour le Président de tenir ses engagements compte tenu des urgences liées à la crise sanitaire. Certains pourraient y voir une manœuvre politique à l’heure où tous les yeux sont braqués sur la circulation du virus et l’approvisionnement en vaccins.

Les comités de citoyens peuvent-ils représenter une solution ? La participation citoyenne peut certes nourrir la délibération démocratique mais elle ne peut en aucun cas s’y substituer et venir remplacer le rôle de force de proposition et de contrôle que doit exercer le Parlement. Soit le peuple est consulté directement pour prendre des décisions, et cela s’appelle un référendum, soit les citoyens choisissent des personnes censées les représenter, et c’est une élection, ce que nous faisons très régulièrement, presque tous les ans même.

Et si le but est de sonder l’opinion, il faut un panel bien plus grand que quelques dizaines de personnes qui ne représentent qu’elles-mêmes. Nul ne peut prétendre qu’il n’est pas nécessaire de trouver de nouveaux modes d’expression des citoyens mais nul ne peut soutenir que le tirage au sort confère autant de légitimité démocratique, donc d’autorité et de droit à décider, que le suffrage universel.

Antoine Denry est directeur stratégie chez H+K Strategies Paris, professeur au CELSA et à l’Université Panthéon-Sorbonne.

L’intelligence artificielle: un outil de lutte contre les situations oligopolistiques

L’intelligence artificielle: un outil de lutte contre les situations oligopolistiques

Le juriste Thibault Schrepel présente, dans une tribune au « Monde », les avantages des nouveaux outils informatiques pour traquer abus de position dominante, collusions algorithmiques ou agissements illégaux des géants du numérique.

Tribune. Chaque nouvelle semaine révèle son lot de nouvelles affaires en droit de la concurrence. Ces derniers mois, Amazon, Apple, Facebook, Google – qui vient d’être condamné, mercredi 10 février, à 1 million d’euros d’amende par le tribunal de commerce de Paris pour abus de position dominante dans la publicité –, et bien d’autres encore ont fait l’objet de nouvelles procédures et allégations.

Bien souvent, ces entreprises sont accusées d’avoir manipulé leurs produits et services de sorte à diminuer la pression concurrentielle. Dans le même temps, les autorités de concurrence expriment des difficultés croissantes à détecter et analyser ces pratiques. Il faut dire que les stratégies des entreprises du numérique se complexifient au fur et à mesure des avancées technologiques.

Face à ce constat, la Commission européenne veut faire le pari d’introduire des mesures ex ante dont l’objectif est de prévenir la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles. Le Digital Markets Act (DMA) présenté le 15 décembre 2020 par les commissaires européens Margrethe Vestager et Thierry Breton relève de cette logique. Il s’adresse aux grandes entreprises du numérique et vise à interdire de nombreux comportements listés aux articles 5 et 6.

Par exemple, la Commission veut empêcher « l’auto-préférencement » (par lequel une entreprise met en avant l’un de ses produits sur sa propre plate-forme). Elle entend également interdire l’utilisation des données personnelles provenant d’un service développé par ces entreprises pour en modifier un autre, que ce soit ou non pour l’améliorer.

Dans le préambule du DMA, la Commission dit avoir suffisamment d’expérience pour établir une liste de pratiques qui n’interdise que celles qui sont néfastes. Toutefois, les pratiques d’auto-préférencement n’ont fait l’objet que d’une seule décision au niveau européen. C’était en 2017 dans l’affaire Google Shopping. Les pratiques d’association des données font quant à elles l’objet d’une enquête en cours contre Amazon. Il s’agit de la première du genre.

Aucune de ces affaires n’a logiquement fait l’objet d’un arrêt par la Cour de justice de l’Union européenne. Enfin, relevons qu’il existe des situations dans lesquelles ces pratiques, bien que généralement anticoncurrentielles, peuvent bénéficier au consommateur.

Ces géants de la tech pourraient, par exemple, utiliser leurs plates-formes et leurs agrégateurs afin de promouvoir de nouveaux produits dans les secteurs de l’automobile, des télécoms ou de la banque. Le DMA pourrait compliquer ces entrées sur le marché. En établissant une liste définitive, la Commission risque de graver dans le marbre l’interdiction de certaines stratégies qui contribuent parfois à l’innovation.

La monnaie outil de souveraineté ne peut être privée ( Banque de France)

La monnaie outil de souveraineté ne peut être privée ( Banque de France)

 

 

 

Alors que de nombreux lobbys financiers proposent de privatiser les monnaies en s’appuyant sur la technologie Blockchain  et en même temps d’en étendre le champ géographique à la planète, le gouverneur de la Banque de France rappelle que la monnaie constitue un outil de souveraineté nationale. Il est clair que la monnaie constitue le pilier d’une politique économique et sociale et que livrer ce champ régalien aux mains privées serait en quelque sorte autoriser  la domination voire l’aliénation par la finance internationale. Une  finance internationale dont l’objet est d’assurer une rentabilité des capitaux  investis et qui n’a pas à prendre en charge la problématique de l’intérêt général. La monnaie ne peut donc pas être privée, a déclaré samedi sur France Inter François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, qui considère qu’il s’agit avant tout d’un “bien public de souveraineté.

François Villeroy de Galhau a rappelé son attachement au projet européen de création de monnaie numérique européenne, l’e-Euro, soulignant que l’utilisation des billets de banque diminuait progressivement dans plusieurs pays de la zone euro, tout particulièrement dans le Nord de l’Europe.

“Ils se posent la question de savoir si demain il faut pas donner le droit au citoyen a une monnaie digitale qui n’est plus un billet physique mais qui a la même qualité c’est à dire la sécurité de la Banque de France et de la Banque centrale européenne”, a-t-il déclaré.

“La monnaie, ça ne peut pas être privé. La monnaie c’est un bien public de souveraineté. C’est une réflexion que nous commençons, parce qu’elle pose énormément de questions.”

Référendum : pas le meilleur outil de la démocratie (Dominique Rousseau, juriste)

Référendum : pas le meilleur outil de la démocratie (Dominique Rousseau, juriste)

Professeur de droit constitutionnel à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, auteur de Radicaliser la démocratie. Propositions pour une refondation (Seuil, 2015), Dominique Rousseau relativise le referendum comme outil de la démocratie (interview le Monde)

Le référendum est-il le meilleur outil de la démocratie directe ?

Non ! Il y a sur ce sujet une sorte de réflexe conditionné, pavlovien : quand je pense démocratie directe, je pense référendum. Sur ce point, les « gilets jaunes » sont très conservateurs ou peu créatifs. Ils ressortent une idée reçue sans la discuter. Or elle est discutable théoriquement et pratiquement. Puisque tout le monde se réfère à Athènes, il faut rappeler que ce qui caractérise ce moment, c’est l’agora, la délibération publique sur les affaires de la cité, c’est l’exercice public de la raison, de l’argumentation pour construire une décision. D’une certaine manière, les ronds-points sont cette agora où les « gilets jaunes » échangent leurs expériences de vie, les mutualisent, les argumentent et sortent de ces échanges des propositions normatives alternatives.

C’est la mobilisation de l’espace public qui est producteur de lois. Prenez la loi sur l’avortement : les femmes avortent en secret dans l’espace privé ; puis certaines d’entre elles le disent dans l’espace public et cela conduit les juges d’abord (procès de Bobigny en 1972) et les élus ensuite (loi Veil en 1975) à reconnaître le droit pour les femmes de disposer de leur corps.

Que reprochez-vous au référendum ?

Il n’incite pas à la délibération, il favorise les idées reçues, les idées que le système libéral a mis dans la tête des gens, et plus souvent ­encore les émotions. Il y a bien sûr des exceptions, mais quand on étudie les campagnes électorales pour des référendums, les « arguments » sont dans le registre des affects, des instincts, de la peur. Lors de la campagne ­référendaire sur la réforme de la Constitution italienne, en 2016, Beppe Grillo, le leader du Mouvement 5 étoiles, a ainsi déclaré : « Faites confiance à vos tripes et ne faites plus confiance à votre cerveau car il vous fait commettre des erreurs »… Après la victoire du non, qui a conduit au Brexit, l’ex-ministre des affaires étrangères britannique Boris Johnson a reconnu que certains des arguments qu’il avait employés étaient faux. La délibération favorise l’élévation de la conscience, le référendum conduit à son abaissement.

Référendum : un outil de raison ou de pulsion

Référendum : un outil de raison ou de pulsion

 

La question se pose de savoir si le référendum est bien l’outil majeur pour répondre à nos insuffisances démocratiques. On peut s’interroger dans la mesure où le référendum est fondamentalement un instrument à caractère binaire. C’est oui ou c’est non alors que souvent pour les grands enjeux  économiques, sociaux ou sociétaux, la réponse doit être plus nuancée si l’on tient compte de la totalité des éléments de la problématique. Le référendum par sa nature présente aussi un caractère assez simpliste. Il s’agit en général d’une question relativement courte voir un peu schématique. Un questionnement plus long et argumenté se heurte au mécanisme même du référendum. Autre aspect, celui du caractère assez tranché de cette consultation. Une fois obtenue une réponse à la question, le débat est considéré comme clos alors que souvent il nécessite un approfondissement. Le référendum fait donc partie de la panoplie des outils de notre démocratie mais il ne saurait être considéré comme la réponse à tous nos problèmes. Le référendum est davantage un outil de pulsion qu’un outil de raison. Pour preuve on répond rarement à la vraie question posée mais davantage à celui qui la pose. Le référendum devient alors un outil de contestation du pouvoir politique en place. Enfin on ne saurait gérer la démocratie à coup de référendums. D’abord pour des questions matérielles. Dans le meilleur des cas trois ou quatre référendums seraient possibles par  an et c’est encore beaucoup. Enfin et surtout parce que la complexité actuelle de nos sociétés pose des problèmes aux relations interactives qui ne peuvent être résolues par un oui un nom. L’association des citoyens à la démocratie doit être plus permanente. Des outils  d’évaluation, de concertation et de proposition doivent être mise en place à chaque échelon du pouvoir pour permettre de dégager des compromis qui surmontent les contradictions et les oppositions brutales. Certes le recours au référendum peut être utile mais il est d’une utilisation particulièrement délicate plus proche de l’instrument de pulsion que de l’outil démocratique de raison.

Création d’un outil d’évaluation des politiques publiques : enfin !

Création d’un outil  d’évaluation des politiques publiques : enfin !

 

Grande découverte, les députés découvrent l’intérêt dévaluer les politiques publiques. Cela dans un cadre disposant de l’indépendance nécessaire vis-à-vis des lobbies et de l’administration. Il s’agit d’évaluer les dispositions budgétaires mais de façon plus générale l’ensemble des décisions législatives. De fait jusque là on ajoute des lois aux lois. La France compte ainsi plus de 10 000 lois et plus de 100 décrets auxquels il faut ajouter les circulaires et autres arrêtés. Bref de quoi tuer n’importe quelle économie. Du coup faute d’évaluation, n’importe quel gouvernemenet commence par ajouter de nouvelles mesures législatives avant de vérifier l’impact des anciennes. D’où cette cathédrale législative et administrative qui paralyse l’initiative et autorise toutes les contradictions.  Des députés français de tous bords politiques, parmi lesquels Eric Woerth (LR), Eric Coquerel (LFI), Valérie Rabault (PS) et Amélie de Montchalin (LaRem), demandent la création d’un office d’évaluation des politiques publiques. Dans une tribune intitulée “Pour un débat budgétaire responsable et libéré de l’arbitraire” publiée jeudi soir sur le site internet du Monde, 14 députés plaident pour un “contrat de transparence réciproque entre les administrations et les parlementaires sur les données économiques et budgétaires”. “Nous partageons tous le constat, quelle que soit notre appartenance politique, du déficit criant de moyens d’évaluation économique et financière du Parlement, qu’il s’agisse tant des textes budgétaires qui lui sont soumis par le gouvernement que de ses propres propositions législatives”, écrivent-ils. Dans le cadre de la réforme des institutions actuellement en cours d’élaboration, ces élus demandent la naissance d’”un office indépendant de chiffrage et d’évaluation transpartisan, indépendant des lobbies et des administrations au Parlement”, a expliqué à Reuters l’entourage d’Amélie de Montchalin.

Délinquance: Un nouvel outil statistique….. pour faire baisser l’insécurité ?

Délinquance: Un nouvel outil statistique…..  pour faire baisser l’insécurité ?

 

Officiellement il s’agit de mettre fin à la course au chiffre des services de police. On reprochait jusqu’à leur des manipulations des statistiques de délinquance davantage révélatrice de l’activisme de la police que de l’évolution réelle de la délinquance. Toutefois comme on réduit le champ couvert par les nouvelles statistiques, on passe de 40 champs à neuf, il est clair que mécaniquement la délinquance apparaîtra en régression. Pas sûr que la déontologie de l’INSEE suffise à garantir la pertinence des nouvelles statistiques car tout dépendra aussi de la manière dont sont établies les données de base. Pour résumer la bataille politique d’interprétation de l’évolution de la délinquance est loin d’être terminé Le gouvernement lance mardi un nouveau service statistique de la délinquance dans un souci de « fiabilité » sur des chiffres qui ont opposé ces dernières années gouvernement et opposition.  Ce service se veut la « clé de voûte » de la réforme promise en 2012 par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, qui avait mis fin à la « politique du chiffre » de la précédente équipe de Nicolas Sarkozy. De premières données seront diffusées dès mardi matin sur le site Inter Stats spécialement créé et qui sera accessible à tous. Le nouveau Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSM) intègre les données enregistrées par la police et la gendarmerie mais « dans le champ labellisé de la statistique publique », ce qui n’était pas le cas jusqu’alors. Il a pour mission de « garantir la sincérité, la fiabilité et la rigueur de la production des données statistiques » de l’Intérieur et « un accès transparent à tous » comme « peuvent l’être par exemple les statistiques économiques », avait déclaré le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, au début du mois. Des experts et élus reprochaient à l’ancienne méthode de refléter plus l’activité des services -ce qui était sa vocation au départ- que le niveau de la délinquance. Ils dénonçaient également le « bidouillage » récurrent des chiffres sous la pression de la hiérarchie policière. Désormais, gendarmes et policiers n’ont plus à s’occuper des statistiques, qui se font automatiquement au moment de l’enregistrement des plaintes. Mais les nouveaux chiffres ne refléteront pas l’ensemble de la réalité de l’insécurité, car seuls neuf domaines ont été retenus contre une quarantaine auparavant. « Notre choix a été de ne diffuser que des chiffres fiables, représentatifs d’une tendance réelle », explique François Clanché, inspecteur général de l’Insee et chef du SSM. En conséquence, les saisies de drogue ne seront pas publiées, faute de pouvoir dire si elles montrent une plus grande activité de la police ou des délinquants. Les viols ne seront pas pris en compte non plus car « moins de 10% des victimes portent plainte », a ajouté François Clanché. Il en va de même des violences urbaines et du vandalisme.  Des criminologues ont estimé que même si le nouveau logiciel n’autorisait pas les mêmes marges d’erreur qu’auparavant, des policiers auraient toujours la possibilité de manipuler les chiffres, par exemple en classant un dépôt de plainte en main courante.




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol