Arbitrage Tapie : on se rapproche de Sarkozy
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a confirmé jeudi que l’Etat préparait un recours contre cet arbitrage, une démarche qui est de son « devoir », de l’avis de François Bayrou. Le président du Modem a en effet dénoncé « une manoeuvre » de gens qui « avaient décidé avant l’arbitrage ce que serait (son) résultat ». Une source proche de l’enquête a indiqué jeudi à l’AFP que M. Richard, poursuivi pour « escroquerie en bande organisée », avait affirmé aux enquêteurs que Bernard Tapie était présent en 2007 à une réunion à l’Elysée destinée à mettre en place cette procédure plutôt que de s’en remettre à la justice, dans son litige avec le Crédit Lyonnais sur la vente d’Adidas. M. Richard alors directeur de cabinet de la ministre de l’Economie Christine Lagarde, et Jean-François Rocchi, alors patron du Consortium de réalisation (CDR) chargé de gérer le passif du Crédit Lyonnais, assistaient également à cette réunion avec François Pérol et Claude Guéant. MM. Rocchi et Richard ont été mis en examen mercredi, après Pierre Estoup, l’un des trois juges du tribunal arbitral qui avait octroyé 403 millions d’euros à Bernard Tapie. Mme Lagarde, qui fait l’objet d’une enquête de la cour de justice de la République (CJR), a échappé à une mise en examen en étant placée sous statut de témoin assisté. Un statut provisoire qui peut à tout moment évoluer, y compris vers une mise en examen, note un connaisseur du dossier. Les enquêteurs soupçonnent son directeur de cabinet Stéphane Richard d’avoir joué un rôle clé dans la mise en place de l’arbitrage. Interrogé par la brigade financière durant 48H00, M. Richard leur a ouvert une piste : l’arbitrage a été décidé directement à l’Elysée, sous la houlette de son secrétaire général Claude Guéant et du secrétaire général adjoint François Pérol. M. Richard a raconté avoir été « convoqué » à l’Elysée par Claude Guéant le 24 ou 25 juillet 2007, a indiqué à l’AFP la source proche de l’enquête. Jean-François Rocchi avait reçu la même convocation à cette réunion dont l’objet n’avait pas été précisé, a ajouté cette source. Claude Guéant a alors tranché: « Nous allons faire l’arbitrage », a rapporté M. Richard aux enquêteurs. Lui-même et M. Rocchi ont raconté avoir été « surpris », à leur arrivée de se retrouver face à MM. Guéant, Pérol et Tapie, comprenant alors que la réunion avait pour enjeu l’arbitrage. Contacté par l’AFP, l’entourage de M. Richard n’a pas souhaité faire de commentaire. L’avocat de M. Rocchi, Me Jean-Alain Michel, n’a voulu « ni confirmer ni infirmer » l’information. M. Richard avait indiqué la semaine dernière à l’AFP avoir participé à une réunion de « validation » de l’arbitrage à l’Elysée, sans mentionner M. Tapie. Ce dernier a multiplié les interviews, laissant entendre qu’il avait pu effectivement prendre part à une telle rencontre. S’il a expliqué à l’AFP « ne pas se souvenir de cette réunion à cette date », il a jugé que sa participation « pour expliquer (sa) position » lui paraîtrait « un processus logique ». Mais une telle réunion, « six mois avant l’arbitrage », n’était pas une « réunion de validation » mais une « réunion d’information », a-t-il argumenté. Qui a pris la décision ? L’homme d’affaires, dont l’enquête a montré qu’il avait eu plusieurs rendez-vous à l’Elysée avec Nicolas Sarkozy, ne répond pas. Mais dans un entretien au Parisien, il glisse: « Rien ne s’est fait en catimini. Et ni Stéphane Richard, ni Christine Lagarde, ni Claude Guéant n’avaient le pouvoir de décider. » Placé au coeur de l’affaire, Claude Guéant, devrait être prochainement convoqué par les enquêteurs qui ont déjà perquisitionné son cabinet et son domicile. « Le prochain, c’est Guéant, c’est sûr », craint un responsable de l’UMP. Contacté par l’AFP, M. Guéant n’a pas donné suite. L’actuel président de la BPCE, François Pérol, se défend d’avoir joué un rôle: « Il n’a pas travaillé à l’Elysée sur ce dossier-là. C’était traité à Bercy », assure un proche du dossier. Très incertain, le maintien de M. Richard à la tête d’Orange sera décidé en début de semaine prochaine. M. Rocchi a de son côté démissionné de son poste de PDG du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le service géologique de l’Etat.