Immobilier- Crise du logement : « Pas de solution miracle » pour Olivier Sichel, (CDC-Banque des territoires)
Directeur général de la Banque des territoires au sein de la Caisse des Dépôts depuis son lancement en 2018, Olivier Sichel estime dans une interview à la tribune qu’il n’y a pas de miracle à attendre face à la crise du logement.
Effectivement il n’y a sans doute pas de miracle à attendre de la crise du logement comme l’indique le patron de la banque des territoires du fait de trois facteurs explicatifs dominants à savoir d’une part le manque de solvabilité des acquéreurs potentiels, la complexité réglementaire et la folie du prix du foncier en zone urbaine.
Interview
Sur le logement, les conclusions du conseil national de la refondation viennent d’être reportées alors qu’elles sont très attendues. Ne va-t-on pas assister, tôt ou tard, à des « gilets jaunes » de l’habitat ?
Lors du premier confinement, nous avons volé au secours du logement. La Banque des territoires et CDC Habitat avaient lancé un appel à manifestation d’intérêt visant à produire 40.000 logements neufs. A l’époque, les promoteurs avaient salué cette décision. Aujourd’hui, face au retour des difficultés dans le logement, la CDC envisage à nouveau une telle intervention.
Sauf que cela ne répond pas aux problèmes structurels…
La crise est effectivement bien plus grave et reste extrêmement compliquée à résoudre. Il y a une crise de l’offre, entre la raréfaction du foncier, l’inflation des coûts de construction et les contraintes liées à l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) des sols. Les maires font face à toutes ces difficultés, et ont du mal à délivrer des permis. Nous essayons de les accompagner, mais il n’existe pas de solution miracle.
Ne faut-il pas encadrer les prix du foncier, comme le recommandait déjà le député Lagleize en 2019, la commission Rebsamen en 2021 et le soulignent au moins deux rapports du CNR Logement ?
Je n’ai pas d’avis là-dessus, d’autant qu’il existe aussi une crise de la demande. Avec la remontée des taux, se pose un double problème de solvabilité des ménages et d’offres de prêt qui ne passent plus.
Une crise incompatible avec votre modèle de finance patiente et utile ?
En cinq ans, nous avons créé un écosystème financier très original qui a placé la proximité au cœur de la valeur. Nous sommes au plus proche du terrain pour coller au mieux aux situations locales et s’adapter à leurs spécificités.
Récemment, le directeur général de la CDC Éric Lombard, qui vient d’être renouvelé par le chef de l’Etat et les parlementaires, vous a demandé de conduire le projet « Vision groupe ». Qu’est-ce que cela veut dire, précisément ?
Le cœur de notre ambition, c’est la transformation écologique, la cohésion sociale et territoriale ainsi que la souveraineté économique. « Vision Groupe » c’est la vision collective que nous portons avec l’ensemble des filiales du groupe pour répondre chacun dans nos missions respectives à ces grands enjeux de société.
Du côté de la Banque des territoires, cela signifie que nous n’intervenons pas trop dans les métropoles, sauf dans les quartiers politique de la ville, mais que nous travaillons dans les villes moyennes et les petites villes – 16.000 dans le programme « Petites villes de demain ». Chacune rencontre des difficultés différentes. A Honfleur, 5ème ville touristique de France qui accueille chaque année 4 millions de touristes, le maire se demande où garer les cars et s’il faut refaire la circulation. A Joigny, grand brûlé de la désindustrialisation, les départs successifs d’un régiment, d’un tribunal et d’un centre des finances publiques, ont mis les problèmes bout à bout, mais heureusement, nous sommes là pour les résoudre !
Pour finir, pourquoi la Caisse des dépôts qui est déjà présente dans les Ephad publics a-t-elle décidé d’entrer au capital du nouvel Orpea ?
Nous avons 8 milliards d’encours sur les Ehpad publics car c’est une activité essentielle pour la cohésion sociale qui a besoin d’un capital patient. Nous sommes entrés dans Orpéa dans l’intérêt des 270.000 résidents dans une entreprise en situation financière extrêmement grave. Notre population vieillit. Aussi venir au secours du leader du secteur nous a paru une bonne idée, ne serait-ce que pour l’attractivité des métiers et le maintien des compétences. Nous voulons, en effet, en faire un nouveau référentiel de pratique.
Sauf que la rentabilité va baisser pour les actionnaires…
Effectivement, nous ne pouvons pas maintenir un taux de rentabilité de 26%. C’était sans doute trop.
De combien sera-t-il demain ?
La nouvelle cible a été fixée par le management à 20%. C’est nécessaire et raisonnable pour que le nouvel Orpea se développe et puisse investir. De même, nous allons abaisser progressivement le taux de détention de l’immobilier actuellement de 45% pour recentrer la société sur son métier : l’exploitation des EHpad.
Aux côtés de CNP, participation stratégique du groupe, pourquoi êtes-vous allés chercher la Maif et la Mascf ?
En faisant entrer la MACSF, la mutuelle des aides-soignants, nous voulons repartir d’une belle façon en adressant un message aux salariés qui ont souffert dans cette affaire.
Quitte à vous mettre à dos les petits actionnaires ?
Les administrateurs judiciaires font actuellement le tour des parties prenantes : les banques, les créanciers, l’Etat, l’Urssaf et les actionnaires… Soit dit en passant, même si ces derniers votent contre ce nouvel actionnariat, la restructuration se fera quand même, en raison des nouvelles règles des faillites dans le cadre de la directive européenne transposée dans la loi Pacte.
N’est-ce pas une nationalisation forcée ou du moins qui ne dit pas son mot ?
C’est un peu excessif de dire cela. A la fin du sauvetage, le groupe composé de la CDC, la CNP et de Maif et MACSF ne détiendra que 50,5% des parts du nouvel Orpea. Sauf à considérer que le mutualisme est public, nous restons donc dans l’univers du privé avec un capital en partie public.