Retraites : La réforme financièrement déjà obsolète
La plupart des observateurs un peu indépendants avait déjà noté que la réforme des retraites était particulièrement mal bâtie et évidemment mal conduite. Maintenant, on semble prendre conscience que cette réformette un peu tordue sera rapidement obsolète dans la mesure où l’État a surestimé la croissance et les recettes à attendre et inversement a sous-estimé des dépenses L’objectif d’équilibre des retraites en 2030 serait illusoire. En outre, le bilan ne serait pas très favorable si on prend en compte les dépenses supplémentaires du régime du chômage et de la sécurité sociale. Bref il se pourrait que le chantier des retraites doive de nouveaux être traité un peu plus sérieusement.
L’institut Rexecode révèle, en effet, que le régime général des retraites serait toujours déficitaire en 2030 malgré la réforme tant contestée. En janvier dernier, la Première ministre, Elisabeth Borne, avait indiqué que le relèvement de l’âge légal de 62 ans à 64 ans pourrait rapporter 17,5 milliards d’euros bruts aux caisses de retraite. L’objectif du gouvernement était de parvenir à l’équilibre budgétaire d’ici 2030 alors que le déficit prévu était de 13,5 milliards d’euros. Au total, l’exécutif disposait donc d’un gain d’environ 4 milliards d’euros pour financer les mesures de compensation ajoutées lors des débats parlementaires.
Or, la note de Rexecode souligne que les gains espérés par la réforme pourraient être compensés par d’autres dépenses. « Un enseignement de cette note est que si cette réforme fait baisser les dépenses, cet effet est très atténué par des mesures d’accompagnement », explique ainsi à La Tribune, Olivier Redoulès, économiste et directeur des études chez Rexecode.
Tout d’abord, la réforme a prévu de mettre en oeuvre à partir du premier septembre prochain des mesures d’exemption et d’accompagnement à l’âge d’ouverture des droits à partir de 64 ans. Le coût global de ces mesures est estimé à 5,9 milliards d’euros. Sur cette enveloppe, 3,1 milliards d’euros doivent être fléchés vers le maintien de l’âge légal de départ à 62 ans pour les personnes inaptes ou invalides. Le reste (1,7 milliard) doit servir à revaloriser les petites pensions de retraite.
La facture pourrait également grimper pour l’Unédic, l’organisme paritaire en charge des dépenses et recettes de l’assurance-chômage, et pour la caisse nationale de l’assurance-maladie. « Sur l’assurance-chômage, les dépenses vont augmenter de 1,5 milliard d’euros. Plusieurs personnes vont se retrouver ni en emploi, ni à la retraite, ni au chômage. Ces transferts sociaux représentent 2 milliards », ajoute l’économiste. Concernant les dépenses de santé, elles pourraient s’envoler en raison du coût des arrêts de travail notamment après 62 ans. Le système des retraites pourrait certes faire des économies, mais une partie des dépenses pourrait donc se reporter sur d’autres organismes.
Sur le volet recettes, le gouvernement espère que sa réforme va doper l’activité et faire bondir les rentrées fiscales et sociales. « L’effet de la réforme passe surtout par les recettes. Ce surcroît va au-delà du système des retraites. Cette réforme améliore les recettes publiques en créant de la richesse », résume, en effet, Olivier Redoulès. L’institut table sur 300.000 emplois supplémentaires d’ici 2030 et un surcroît de produit intérieur brut (PIB) de 1.1 point. Au total, la hausse du nombre d’emplois pourrait générer un gain pour les recettes publiques de 11 milliards d’euros en 2027 et de 18 milliards d’euros en 2030. Cette enveloppe prend en compte l’ensemble des prélèvements (cotisations d’assurance vieillesse, impôt sur le revenu, TVA).
Il reste que de nombreux aléas pèsent sur les projections retenues par l’exécutif. « Cette réforme ne règle pas tout. Dans l’étude d’impact, le gouvernement avait montré que l’équilibre devait être assuré d’ici 2030. L’hypothèse du chômage de 4,5% était optimiste. Si on revient sur des hypothèses plus réalistes du Conseil d’orientation des retraites d’un chômage de 7%, le déficit pourrait être plus important que prévu (7 milliards d’euros en 2030), et encore davantage avec des hypothèses de croissance plus prudentes (20 milliards d’euros) », explique l’économiste.
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