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Télécoms : France, Italie et Espagne veulent faire payer les géants du numérique

Télécoms : France, Italie et Espagne veulent faire payer les géants du numérique

La France, l’Italie et l’Espagne veulent un projet européen de réglementation garantissant que les géants du numérique contribuent au financement des infrastructures de télécommunications.

Plus de la moitié du trafic Internet est aujourd’hui monopolisée par Google, Facebook, Netflix, Apple, Amazon et Microsoft, affirme une étude réalisée pour le compte de l’ETNO. Les opérateurs estiment que cela leur coûte chaque année entre 15 et 28 milliards d’euros par an.

Et selon une autre étude publiée plus tôt, une contribution annuelle de 20 milliards d’euros de la part des géants du numérique pourrait donner un coup de pouce de 72 milliards d’euros à l’économie européenne.

Cette fois-ci, dans un document commun, dont Reuters a pu consulter une copie, Paris, Rome et Madrid soulignent que les six principaux fournisseurs de contenus numériques représentant 55% du trafic sur internet.

« Cela entraîne des coûts spécifiques pour les opérateurs télécoms européens en matière de capacité, dans une période durant laquelle ils investissent déjà massivement dans les parties les plus coûteuses des réseaux 5G et fibre », est-il écrit.

France, Italie et Espagne exhortent l’exécutif européen à proposer un projet de loi « garantissant que tous les acteurs du marché contribuent aux coûts des infrastructures numériques », est-il ajouté dans le document.

Deux représentants du gouvernement italien ont confirmé les détails du document conjoint. Aucun commentaire n’a pu être obtenu dans l’immédiat auprès des gouvernements français et espagnol.

Numérique : conseils un ministre qui n’y connaît rien

Numérique : conseils un ministre qui n’y connaît rien

 

Arrivé le 4 Juillet avec le remaniement ministériel, Jean-Noël Barrot est nommé « ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications ».

Autant le dire d’emblée, le nouveau Ministre du numérique a peu d’expérience du numérique. Tout au plus pourra-t-on noter sa proposition de plateforme des ateliers citoyens qui aurait un rôle d’ « ascenseur de revendications », et l’utilisation d’un analyseur de sentiment avec Twitter pour mesurer le bien-être des territoires.

Il devra donc se familiariser avec les dossiers en cours : reprise de contrôle sur les Big Tech (Digital Services Act, Digital Markets Act), souveraineté (identité, pass et data de santé, cyber-sécurité), protection des personnes (mineurs, harcèlement). Il devra surtout préciser la politique du numérique, en particulier pour le « métavers européen » promis dans le programme présidentiel. Les options sont grandes ouvertes. C’est le jardin de tous les possibles mais aussi de toutes les tentations.

 

La première tentation est de confondre innovation de rupture et technologie de rupture. Aucune des 12 Big Techs GAFA, BATX et NATU n’est fondée sur une technologie de rupture. Pourtant, cette confusion est à l’origine du Fonds pour l’Innovation et l’Industrie, doté de 10 milliards, dont les résultats sont sans surprise critiqués par France Stratégie.

La deuxième tentation est d’oublier la finalité de l’innovation : apporter du progrès pour tous. C’est l’erreur de la French Tech, qui a alimenté le ressentiment des gilets jaunes, et l’erreur de la Commission Villani sur l’intelligence artificielle, qui l’a opposée à l’intelligence humaine. Il faut mettre en avant la raison d’être de chaque initiative.

La troisième tentation est de vouloir combattre les Big Techs au titre de leurs monopoles. La concurrence monopolistique est le nouveau régime économique dominant, et il est inhérent à l’informatique. Il faut s’y faire. Ce qu’il faut combattre, c’est que trop de niches de monopoles soient dans les mêmes mains.

La quatrième tentation est celle de dénigrer la propriété intellectuelle, aux motifs de l’open source, de l’open data ou de la recherche au bénéfice de la science mondiale. Pendant ce temps, les GAFA moissonnent nos data et la Chine contrôle les technologies de la blockchain avec ses brevets.

La cinquième tentation est de vouloir concurrencer les Big Techs avec des initiatives publiques. Penser à une crypto-monnaie, une carte d’identité numérique, un cloud ou un métavers souverains face à la puissance de l’innovation privée n’a pas de sens. Il faut plutôt penser en termes d’infrastructure publique ouverte à l’innovation.

La sixième tentation serait de vouloir résoudre les grands problèmes avec des grandes solutions. C’est l’erreur du Forum de Davos, qui réunit l’élite économique mondiale et milite pour un « monde moins clivant, moins polluant, moins destructeur, plus inclusif, plus équitable et plus juste ». Pourtant les dix dernières années ont vu prospérer la manipulation des informations, la concentration des richesses, la concurrence déloyale, l’obsolescence programmée, le marketing de l’addiction et la surveillance de masse. Pour polliniser un champ, on n’a pas trouvé de machine plus efficace que le travail de milliers d’abeilles. Les grands problèmes ne peuvent se résoudre qu’avec une multitude de petites solutions.

La septième tentation est de vouloir imiter le modèle américain. Il est entendu que la forge de la Silicon Valley, la puissance du capital-risque, le contrôle des startups par les brevets et la capacité de rachat sans limite des Big Techs sont d’une efficacité redoutable. Mais il est illusoire de vouloir les rattraper sur leur terrain. Il faut plutôt cultiver le modèle européen, orienté vers la responsabilité sociale et environnementale, la coopération, la co-propriété, la gouvernance collective, la solidarité, la culture et la qualité de vie. Nos valeurs sont un avantage compétitif fondamental. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler la France de la deuxième révolution industrielle. Malgré son lourd retard dans les techniques, elle a développé un supplément d’âme dans les usages, ce qui l’a propulsée alors au faîte de sa prospérité et de son rayonnement dans le monde. Elle a apporté la mode aux tissages mécanisés, la cosmétique à la chimie fine, la mise en scène des grands magasins à la distribution de masse, l’esthétique à l’automobile, l’animation à la photographie.

Pour ne pas commettre ces 7 péchés capitaux, Jean-Noël Barrot devra développer un environnement favorable – subvention, allègement et stabilité réglementaire, défense de la propriété intellectuelle, labélisation – aux technologies et usages qui contribuent au modèle européen.

La blockchain permet par exemple de certifier la provenance du riz acheté en supermarché, de vérifier l’authenticité d’une information ou d’attester l’origine de chaque contribution dans un projet collectif. Les tokens mesurent les comptabilités extra-financières et garantissent la répartition équitable du prix dans la chaîne de sa production. Les contrats intelligents orientent les achats en fonction des notations des fournisseurs. Les crypto-monnaies font chuter les coûts de l’intermédiation financière, rendent solvable la vente d’une photo ou d’un micro-service à distance, favorisent une région sinistrée. La réalité virtuelle permet, grâce à un jumeau numérique en 3D, d’apprendre rapidement à réparer un moteur, de visiter un monument disparu ou de simuler l’esthétique d’une ville après rénovation. La réalité augmentée, qui superpose dans les lunettes des informations sur les objets réels, aide à gérer une panne dans une usine et à s’instruire pendant un voyage.

Aujourd’hui nous avons besoin d’un renouveau de notre vision collective, mieux enracinée dans les valeurs européennes. C’est le rôle du Ministre de fixer la politique du numérique pour impulser cette dynamique, soulever la vague française et la propager en Europe.

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(*) Tribune co-signée par (mise à jour sur le site de l’institut de l’Iconomie):

Vincent Lorphelin, Entrepreneur, Auteur et Coprésident de l’Institut de l’Iconomie

Christian Saint-Etienne, Professeur émérite au Conservatoire National des Arts et Métiers, Coprésident de l’Institut de l’Iconomie

Michel Volle, Economiste et Coprésident de l’Institut de l’Iconomie

Jean-Paul Betbèze, Professeur émérite de l’Université de Paris-Panthéon-Assas

Boris Kesler Fasano, Fondateur de Mainbot

Jordan Ietri, Fondateur de Revomon

Nouredine Abboud, Directeur Général de Novaquark

Clément Tequi, co-Fondateur de Capsule Corp Labs

Alexis Arragon, Fondateur de Skinvaders

Diaa Elyaacoubi, Directrice Générale de Monnier Frères

Stéphanie Flacher, co-Fondatrice de Logion

Casey Joly, Avocate du cabinet ipSO

Jennifer Verney Dahan, Fondatrice de Vernsther

Emmanuel François, Fondateur de Smart Building Alliance

Raphaël Rossello, Partner de Invest Securities

Alain Garnier, co-Fondateur de Jamespot

Environnement et numérique

Environnement et numérique 

 

L’impact du numérique sur l’environnement peut être fortement atténué par les entreprises du secteur, estiment les consultants Régis Castagné et Emmanuelle Olivié-Paul dans une tribune au « Monde ».

 

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié, en avril, son très attendu rapport consacré aux solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. En mars, c’est l’Arcep, le régulateur des télécoms, qui publiait le rapport « Pour un numérique soutenable » avec onze propositions pour réduire l’empreinte environnementale du numérique.

Celle-ci représente de 3 % à 4 % des émissions mondiales et 2,5 % au niveau national. Si pour l’instant la part du numérique dans l’ensemble de ces émissions semble moindre comparée à d’autres secteurs, la croissance effrénée des usages et des services numériques pourrait augmenter son impact de 60 % d’ici à 2040 au niveau national.

Les entreprises peuvent grandement contribuer à la réduction de leur empreinte environnementale en plaçant le développement durable au cœur de leur consommation numérique et de leurs investissements. Si, par le passé, nous avons fait des choix qui se sont avérés désastreux pour la planète en matière d’énergie ou de production de biens, les connaissances et technologies actuelles permettent de ne pas reproduire ces erreurs.

De plus en plus d’entreprises inscrivent l’écologie au cœur de leurs choix stratégiques et intègrent le volet numérique dans cette perspective. De l’externalisation de leurs ressources informatiques au financement de la production d’énergies vertes, en passant par le soutien d’innovations destinées à limiter le réchauffement climatique, elles peuvent dès aujourd’hui réduire considérablement l’incidence de leur activité numérique. Les leaders de la tech doivent aussi encourager leurs clients et partenaires à adopter des bonnes pratiques par des solutions plus respectueuses de la planète.

Le numérique et le cloud ne peuvent plus être dissociés. Que ce soit du point de vue du consommateur ou des entreprises, les services numériques consommés produisent des données hébergées et traitées dans le cloud et donc dans des datacentres. Les fournisseurs de datacentres ont la possibilité de pousser l’ensemble de la filière et leurs clients vers une frugalité informatique et un usage durable des ressources. La filière s’est engagée il y a longtemps à contribuer à la neutralité carbone mondiale, avec un approvisionnement en énergies renouvelables pour alimenter le fonctionnement des sites, ou encore par la mise en place de mécanismes permettant la récupération de la chaleur des sites pour nourrir les réseaux de chaleur des municipalités ou de bâtiments à proximité.

Vers un haut niveau de sécurité concernant l’identité numérique

Vers un haut niveau de sécurité concernant l’identité numérique

Les deux spécialistes du numérique Rayissa Armata et Marc Norlain expliquent, dans une tribune au « Monde », pourquoi la certification française en matière d’identité numérique est très attendue par les pays européens, en vue d’une possible harmonisation.

 

L’année 2022 marque une étape importante pour la vérification d’identité à distance. La France se dote en effet d’une nouvelle certification « prestataire de vérification d’identité à distance » (PVID), capable de garantir l’équivalence d’un face-à-face aux citoyens lorsqu’ils prouvent leur identité sur Internet.

La vérification d’identité à distance consiste à s’assurer qu’une personne est bien en possession d’un titre d’identité authentique et que ce titre lui appartient avec le même niveau de précision et de sécurité qu’une vérification en présentiel. Cette vérification intervient dans de nombreuses situations de nos vies quotidiennes : ouvrir un compte en banque, réserver une chambre d’hôtel, jouer à des jeux d’argent, louer un véhicule, se connecter à des services administratifs étatiques.

En pratique, la solution numérique demande à l’utilisateur de prendre une photo de son document d’identité puis une photo ou vidéo portrait, et enfin procède aux comparaisons nécessaires des données pour fournir un verdict. Grâce à un appareil connecté, la vérification se fait quasiment n’importe où, en un temps record (de quelques secondes) sur smartphone, ordinateur ou même en point de vente physique.

Comme dans tous les secteurs nécessitant du partage de données numériques, on observe une multitude de risques dans une identification à distance. Les fraudeurs tentent leur chance et l’usurpation d’identité demeure le risque principal. L’usurpation d’identité représente le fait de collecter les informations personnelles d’un individu et de les utiliser pour effectuer des actes, plus ou moins criminels, en simulant son identité.

Plusieurs types de fraude existent tant les fraudeurs ne manquent pas d’ingéniosité : falsification documentaire, achat de « vrais » faux documents sur le dark Web, rejeu

Il devient essentiel de redoubler de vigilance et d’engager l’ensemble des secteurs à opérer une vérification d’identité à distance encadrée avant une entrée en relation, c’est l’une des clés de voûte des législations nationales et européennes en vigueur et de la lutte contre la fraude en général mais aussi dans la lutte contre le blanchiment d’argent.

Pour y faire face et tenter de les déjouer, la France a engagé une réflexion sur l’importance de garantir le plus haut niveau de sécurité aux citoyens dans la vérification de leur identité à distance et à terme de leur identité numérique. Développée par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), cette certification PVID imposée aux prestataires de solutions de vérifications pourrait devenir la pierre angulaire dans la construction de l’harmonisation réglementaire de la preuve d’identité à distance et est d’ailleurs suivie de près par l’ensemble des pays membres.

Numérique : les priorités

Numérique : les priorités

 

Les Priorité du quinquennat par William Martin-Genier, co-fondateur de GIN PROD (Dans la « Tribune »)

 

Les Français ont renouvelé leur confiance en Emmanuel Macron le mois dernier, avec plus de 58% des voix. Ce second mandat doit impérativement marquer un tournant dans la stratégie numérique du gouvernement. Si les ambitions de souveraineté numérique et de métavers européen sont des idées utopistes et lointaines, il n’en est pas de même pour de nombreuses démarches du quotidien des Français, qui doivent être des priorités concrètes et immédiates.

1. L’éducation

L’école publique, socle de l’avenir même de notre pays, est encore trop peu préparée : manque de moyens, parc informatique obsolète ou pas toujours au point. Les démarches les plus basiques, comme la demande d’attestation de diplôme ou un simple changement d’adresse en cours de scolarité, en passant par les autorisations de sortie, doivent être rendues possibles en un clic, en ligne, pour simplifier les requêtes et éviter la fraude. Afin de réduire les inégalités de l’accès à l’information et lutter contre l’endoctrinement, chaque élève de l’enseignement public doit recevoir une tablette récente avec l’accès à des applications gratuites : kiosque numérique, bibliothèque en ligne… Et pourquoi pas un abonnement data offert pour les plus défavorisés. La fracture numérique et l’égalité des chances dès le plus jeune âge doivent être la priorité du prochain ministre de l’Éducation nationale, qui devra être un jeune, issu du numérique.

2. La jeunesse

Créer un espace de confiance pour les jeunes, et non d’anxiété sociale ou de cyber-harcèlement, est un véritable défi à relever. 20% des jeunes affirment avoir déjà été confrontés à une situation de cyber-harcèlement (étude e-Enfance). L’interdiction du téléphone à l’école équivaut à mettre un pansement sur une jambe de bois. Car la vie digitale n’est pas compartimentée comme dans un espace tangible. Il est nécessaire de tendre vers la création d’une plateforme d’accompagnement pour les jeunes en difficulté (familiale, scolaire, psychologique, sociale), avec un accès direct à des professionnels, sans besoin de passer par un référent externe (parent ou un médecin traitant, comme c’est le cas actuellement avec MonPsy).

3. La médecine

La crise liée au Covid a irréfutablement accéléré la transition numérique du domaine sanitaire. En 2020, plus de 4,5 millions de télé-consultations ont été effectuées. La plateforme Doctolib enregistre aujourd’hui plus de 60 millions d’utilisateurs. La sécurisation des données sera un enjeu primaire dans le domaine médical : dossier médical partagé conçu par le gouvernement, ordonnances stockées sur Doctolib, logiciels spécialisés pour les hôpitaux; il faudra s’assurer que les informations confidentielles ne deviennent pas la cible de cyber-attaques à différentes fins.

L’investissement dans la prévention est capital : la mise en place de cabines de télé-consultation dans les nombreuses zones de déserts médicaux sera nécessaire. Elles ne remplacent en rien un médecin, mais permettent au minimum de réduire le temps entre deux consultations. Plus de 7 millions de personnes vivent dans une commune où l’accès à un médecin généraliste est limité, soit plus d’un dixième de la population.

4. Le handicap en ligne/accessibilité

Sur les 250 démarches phares de l’État, un peu moins de la moitié est accessible aux personnes handicapées. Le gouvernement devrait développer dans le cadre de sa Charte d’accessibilité de la communication une application mobile globale accessible aux personnes malvoyantes ou sourdes, grâce notamment au retour haptique et la caméra TrueDepth, et ne pas se contenter d’options de contrastes ou de zoom sur certains sites de ministères ou secrétariats.

5. La justice et l’intérieur

Afin d’accélérer la justice et désengorger les services de prise de plainte, il est urgent de rendre possible la saisine des différentes juridictions en ligne.

Le tribunal le plus proche des citoyens, celui de proximité, ne peut toujours pas prendre de plaintes sur le site du ministère. Ce n’est pas digne de la sixième puissance mondiale ! Les demandes d’aides juridictionnelles doivent encore se faire sur un formulaire papier. Les procédures dans leur intégralité, au judiciaire ou au conseil de Prud’hommes, du dépôt de plainte à l’appel, ne peuvent être réalisées que par courrier…

Le numérique sera un des enjeux majeurs de ce quinquennat. Les préoccupations actuelles des Français ne doivent pas être oubliées, le digital doit être un point d’ancrage et de confiance pour faciliter et non complexifier le quotidien des citoyens de tous horizons.

William Martin-Genier

Numérique et décarbonation

Numérique et décarbonation 

Depuis plusieurs années, différents travaux montrent que les technologies digitales sont d’importants émetteurs de CO2. De nombreuses voix, dont celle de Gilles Babinet (*), se sont élevés pour rappeler que que celles-ci participent aussi à réduire les atteintes à l’environnement. Qu’en est il réellement et quelles sont les perspectives à moyen terme ?

 

Le numérique émet il autant de CO2 qu’on le dit généralement ? Il représente directement entre 2 et 4% de l’ensemble des émissions de CO2 soit 400 à 900 millions de tonnes de CO2 sur une base annuelle. C’est comparable à l’aviation commerciale, mais c’est très peu rapporté au temps que l’on y passe. Un film sur Netflix, ce n’est pas 1 à 3 Kg de CO2 comme on l’a parfois lu, mais plutôt moins de cent grammes et ce chiffre se réduit d’année en année.

Avant même les usages, ce qui crée du CO2, ce sont les achats d’équipement. C’est 80 à 90% de ses émissions et probablement plus encore en France où l’énergie est très décarbonée et donc l’usage très faiblement émetteur de carbone. La fabrication des sous parties électronique émet du CO2  parce qu’elle recours à des processus de production très énergivores, et que ces équipements sont majoritairement produit dans des pays à forte intensité carbone, comme la Chine, Taiwan, la Corée, la Thaïlande, etc. Avec une moyenne de 27 Kg de Co2 émis par kilo d’électronique, avoir des écrans plats partout dans sa maison n’est pas une bonne idée. Beaucoup dénoncent par ailleurs le consumérisme numérique : le fait qu’il est très facile d’acheter un week-end à Venise en avion sur internet pour une bouchée de pain. Et il est vrai que cette facilité ne nous aide pas pour l’instant à prendre conscience des externalités de nos actions en terme de carbone .

Changer de téléphone mobile dès qu’une nouvelle version sort n’est pas une bonne idée pour le climat, mais paradoxalement, changer certains équipements de datacenter à forte intensité énergétique lorsqu’ils sont amortis peut avoir un effet positif tant les gains de performance sont importants d’une génération à l’autre. C’est d’autant plus vrai s’ils sont utilisés dans des pays où l’énergie est très carbonée. Les calculs liés à l’intelligence artificielle devraient connaitre des facteurs de réduction d’intensité énergétique assez significatifs dans les années à venir du fait de nouvelles formes d’architectures et d’algorithmes. On peut aussi avoir des pratiques positives : utiliser les comparateurs de trajet pour privilégier les mobilités douces et le train plutôt que la voiture et l’avion.

Le numérique peut faire beaucoup. En premier lieu, nous aider à comprendre ce qui crée du carbone et des gaz à effet de serre, et comment éviter cela. Dans l’agriculture par exemple, qui est faite de processus très complexes et nécessitant beaucoup d’adaptation locale, le numérique permettra peut être un jour d’avoir une agriculture tout à la fois productive et captant du carbone. Dans l’industrie et la distribution, il permet aussi de considérablement améliorer les supplychains en les décarbonant. Avoir un stock plus important de pièces pour un acteur industriel peut s’avérer meilleur pour le climat que d’être en flux tendu avec ses fournisseurs l’approvisionnant par avion. Le taux d’usage pour une voiture, c’est 6% – le reste c’est du temps de parking – pour un immeuble tertiaire, le temps d’usage c’est 24%, pour une maison de vacances, cela peut être moins de 2%. Le numérique peut aider à améliorer ce taux d’usage et aider à faire fonctionner des systèmes très asymétriques, comme les réseaux d’électricité où l’offre et la demande ne s’expriment que rarement au même moment.

D’une façon plus générale, le numérique permet de mieux affecter le capital. Si vous avez des infrastructures qui sont faiblement utilisées, c’est un gâchis d’énergie et donc une émission nette de CO2. Il permet également de mettre en évidence les externalités. Or, en économie, ce qui ne se mesure pas n’existe pas.

Introduire une taxe carbone sur l’électronique serait une bonne idée. Ca redonnerait un atout compétitif à l’Europe et pousserait tout le monde dans la bonne direction. Par ailleurs développer fortement des pratiques environnementales basées sur l’intelligence artificielle pourrait être d’un apport considérable. La voiture autonome permettrait par exemple d’accroitre de façon radicale le taux d’usage évoqué auparavant.

De même, une agriculture « AIdynamique » devrait avoir un fort potentiel. Même chose dans les supplychains… Or, cette expertise est vraiment très difficile d’accès en France du fait du manque de compétences et de données ouvertes. Enfin dans la Green New Deal de la Commission européenne, il est prévu de créer des passeports numériques pour chaque objet qui comprendrait le détail des externalités que celui-ci induit : c’est potentiellement un facteur énorme d’incitation au changement.

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* Gilles Babinet est un entrepreneur dans le domaine digital. Il est contributeur de l’institut Montaigne sur les questions numériques et travaille actuellement sur les enjeux liés au numérique et aux émissions de CO2.

 

Numérique, pensée et discours

Numérique, pensée et discours 

par David Lacombled est président de la Villa numéris.

 

 

L’oral précède l’écrit. Tel un fleuve, il permet d’irriguer tous les canaux de communication que le numérique a démultiplié. Désormais, les discours se regardent aussi en télévision ou sur des chaînes YouTube, en direct ou en replay. Saucissonnée en punchlines, la parole se retrouve servie à l’envie sur les réseaux sociaux ou les messageries instantanées. Telle une cuisine de restes, rien ne doit se perdre.

Au-delà, la parole agit sans doute comme une des meilleures thérapies de groupe. A condition qu’elle ne soit pas uniquement descendante et que chacun puisse s’exprimer ou pour le moins être représenté. C’était l’intuition du président de la République quand il a initié le Grand débat national pour contribuer à mettre un terme à la crise des Gilets jaunes. Les Français ont besoin de s’exprimer et d’être écoutés. Et cette parole ne saurait être contenue dans le seul geste de déposer un bulletin dans une urne.

Il s’agit d’inventer de nouvelles agoras pour que chacun puisse s’y exprimer selon des méthodes d’intelligence collective qui ont fait leur preuve pour aboutir à des consensus

C’est tout le défi qui se présente aux décideurs publics pour renouer les fils distendus entre les citoyens eux-mêmes, d’une Nation qui ne s’aime plus, pour se parler, s’écouter, s’apprécier. Ce devra être le prélude à l’écriture d’un nouveau destin commun. Dans un monde où globalement tout va mieux, chaque injustice ou déclassement devient insupportable. Les réseaux sociaux en particulier, par leur effet de masse et d’entraînement, par leur réactivité et leur proximité – le téléphone sur le cœur, convoquent les émotions avant la raison. En cela l’esprit critique doit être encouragé. Par chance, la France a hérité de celui des Lumières.

Hâbleurs, aussi parfois, les Français ont besoin de se raconter. Le succès de la série «En thérapie» sur Arte leur offre le miroir d’eux-mêmes en quelque sorte. Ses audiences en témoignent. Plus d’un million de téléspectateurs se rassemblent devant le canapé du Docteur Philippe Dayan, acteur permanent du programme diffusé en linéaire sur la chaîne de télévision le jeudi soir. Les épisodes de la saison 2, intégralement diffusés en ligne, ont déjà été vus plus de 20 millions de fois en un mois. Comme quoi le « binge-watching », qui consiste à avaler les épisodes d’une série sans s’arrêter, n’est pas réservé au seul Netflix. La parole y convoque les faits de société. Exprimée – libérée, pour reprendre un vocable plus militant – elle guérit.

Que les Français donnent de la voix est une bonne nouvelle pour notre avenir. Si le comptoir des cafés a longtemps été le parlement du peuple, pour faire référence à Honoré de Balzac, force est de constater que beaucoup de communes se sont éteintes au fur et à mesure que leurs commerces les plus essentiels disparaissaient et que les liaisons ferroviaires se faisaient plus rares. Il s’agit d’inventer de nouvelles agoras pour que chacun puisse s’y exprimer selon des méthodes d’intelligence collective qui ont fait leur preuve pour aboutir à des consensus. Sans cela, l’opinion, chauffée à blanc par quelques irresponsables, ne pourra qu’être éruptive.

David Lacombled est président de la Villa numéris.

L’enjeu de la formation au numérique

L’enjeu de la formation au numérique

La mise sur pied de la Grande Ecole du Numérique a répondu, pour partie, aux défis de la 3ème révolution industrielle, au travers d’un label d’excellence. Mais, explique Guy Mamou-Mani, nous sommes encore loin du compte car il faudrait former 50000 informaticiens chaque année pour répondre aux besoins du marché.

Tribune

Par Guy Mamou-Mani (coprésident Groupe Open dans les « Echos  »

 

Lors des campagnes pour les présidentielles de 2012 et 2017, aucun des candidats n’avait inscrit la question de la transformation numérique au coeur de son programme ni fait de la formation un des axes forts de sa campagne.

Emmanuel Macron a pour sa part, pendant la campagne 2022, esquissé la vision de la formation avec deux idées maîtresses : l’orientation vers des filières professionnalisantes et la fin de la gratuité des formations .

Ces questions d’orientation, de professionnalisation et de financement soulevées à juste titre par celui qui était alors un président-candidat sont au coeur du malaise qui règne dans l’enseignement supérieur français. Des voix ont pu s’élever pour dénoncer sa volonté de « privatiser » l’université française, les droits d’inscription n’en jouent pas moins un rôle crucial dans la régulation du système. Leur montant explique pour une très large part les écarts qui se creusent entre les formations dispensées dans le supérieur public et le privé et leur capacité respective à former en nombre suffisant les ingénieurs dont la France a besoin.

La mise sur pied de la Grande Ecole du Numérique (GEN) répond pour une part aux défis de la 3ème révolution industrielle au travers d’un label d’excellence. 500 formations aux métiers du numérique ont été identifiées et sont aujourd’hui labellisées « GEN ». 31 000 personnes ont bénéficié de ces formations depuis 2016. Mais nous sommes encore loin du compte quand on sait qu’il faudrait former tous les ans entre 40 et 50000 informaticiens pour être en phase avec les besoins du marché.

On peut d’ailleurs légitimement se demander pourquoi l’Etat français n’a pas accru les moyens de ses meilleures écoles d’ingénieurs publiques du numérique. Elles ont vu les subventions qui leur étaient allouées s’éroder régulièrement, leur budget de fonctionnement drastiquement diminué. Quant aux droits de scolarité – qui s’élèvent aujourd’hui à 3500€/ an à CentraleSupélec et à 2800€ /an à Telecom Paris alors que l’année-élève coûte entre 15 000 et 20 000€ -, ils sont notoirement insuffisants.

Force est de reconnaître que l’université française et nos grandes écoles souffrent d’un mal endémique. Leur sous-financement chronique ne leur permet pas de dégager les ressources leur permettant de faire croître leur flux de diplômés de plus de 10% sans baisser le niveau des étudiants, ce qui serait inéluctable avec le taux d’encadrement qui est le leur. L’augmenter conduirait à creuser leur déficit.

Pour autant, toutes les écoles d’ingénieurs ne pâtissent pas des mêmes difficultés. Le malthusianisme que connaît l’enseignement supérieur public a créé un effet booster pour l’enseignement supérieur privé en général et particulièrement dans le numérique qui a vu ses écoles d’ingénieurs croître tant en nombre qu’en flux de diplômés.

L’enseignement supérieur privé est en plein essor. Une école du numérique comme l’EPITA qui garantit une formation professionnalisante à ses étudiants a vu non seulement ses effectifs croître de 40% ces dernières années mais arrive même en tête du classement 2020 de L’Usine Nouvelle devant Polytechnique (meilleurs salaires de sortie).

Il y a un rapport entre la rentabilité d’un système de formation et les effectifs. Mathias Emmerich, Président exécutif d’INSEEC U, l’a bien résumé : « la principale façon de gagner de l’argent, c’est d’augmenter les effectifs. Les pouvoirs publics seraient bien inspirés d’en tirer la leçon et d’investir dans l’enseignement supérieur public français du numérique dans l’intérêt économique du pays qui s’appauvrira sans ingénieurs.» Même si tous les candidats de la dernière présidentielle ne se sont pas saisis de ce sujet, en ont sous-estimé l’importance et n’ont pas inscrit la formation au numérique parmi leurs priorités, il y va de notre avenir !

Guy Mamou-Mani, Coprésident du Groupe OPEN, ancien président de Syntec Numérique et VP du CNNum

La monnaie numérique au service du développement

La monnaie numérique au service du développement

Agustin Carstens

Directeur général de la Banque des règlements internationaux

La reine Maxima des Pays-Bas

mandataire spéciale du secrétaire général des Nations-unies pour l’inclusion financière au service du développement

 

La reine des Pays-Bas et le directeur de la Banque des règlements internationaux recommandent, dans une chronique au « Monde », aux banques centrales de faire du numérique l’outil d’inclusion financière des plus pauvres.

 

Chronique.

Les banques centrales du monde entier débattent de la question d’émettre ou non leurs propres monnaies numériques (MNBC). Celles-ci doivent être conçues et mises en œuvre de façon à garantir aux personnes « non bancarisées » un accès aux services financiers essentiels.

Selon la Banque mondiale, 1,7 milliard d’adultes dans le monde n’ont pas accès aux services du secteur financier formel et doivent recourir à des solutions de rechange, souvent à un coût ou à un risque important. Cette exclusion financière aggrave la pauvreté et la fragilité face aux difficultés de la vie, limite les chances, étouffe l’espoir d’un avenir meilleur.
Les gens ont besoin d’un moyen rapide, sûr et bon marché de transférer de l’argent. A ce jour, les banques centrales ont largement répondu à ce besoin en fournissant la forme la plus inclusive de monnaie dont nous disposons actuellement : l’argent liquide. Mais la seule utilisation de l’argent liquide exclut les personnes non bancarisées du système financier formel et des services financiers, en particulier du crédit.

Or le paysage des paiements est en train de changer, en raison de l’adoption généralisée des technologies numériques et mobiles, une tendance accélérée par la pandémie de Covid-19. Il est donc impératif d’atténuer l’écart numérique grandissant d’accès aux services financiers.

Les services traditionnels ont des coûts et des exigences potentiellement prohibitifs, tels que les frais de transaction, les soldes de compte minimum ou les preuves d’identification formelle. Par ailleurs, certains groupes sociaux ont un faible niveau de confiance dans les paiements numériques, ou sont peu équipés de smartphones.

Les MNBC, par leur nature même, contiennent les avantages uniques d’une monnaie de banque centrale – la sécurité, la finalité, la liquidité et l’intégrité. Elles peuvent contourner de nombreux intérêts commerciaux acquis qui se sont créés autour des systèmes de paiement, et qui ont contribué à leurs coûts élevés pour les utilisateurs. Elles peuvent également réduire les risques de crédit et de liquidité inhérents à d’autres formes de monnaie numérique. Une MNBC a le potentiel de mettre à niveau et de connecter des systèmes de paiement – à la fois au niveau national et au-delà des frontières. Cela pourrait inciter les pays dont les infrastructures financières sont limitées à passer directement à une MNBC, offrant ainsi à chacun la possibilité de se connecter à un système de paiement inclusif, sûr et efficace.

Un dollar numérique sans blockchain ?

Un dollar numérique sans blockchain ?

Menés par Stephen Lynch, élu du Massachusetts à la Chambre des représentants,Les députés démocratesviennent d’introduire une proposition de loi, le Electronic Currency and Secure Hardware (ECASH) Act, qui conduirait le Département du Trésor à tester l’usage d’une « version électronique » du dollar.

Si la loi est votée (ce qui reste très incertain, les démocrates n’ayant qu’une très courte majorité législative, face à un parti républicain peu coopératif), elle entraînerait la mise en œuvre par le Département du Trésor d’un Electronic Currency Innovation Program (ECIP). Celui-ci serait ensuite chargé de superviser une série de projets pilotes expérimentant l’usage d’un « e-cash », une monnaie virtuelle émise par le Département du Trésor, qui pourrait être utilisée sans passer par l’intermédiaire des banques. Les tests seraient déployés au maximum 90 jours après le passage de la loi, et la monnaie virtuelle devrait être rendue accessible au public sous un délai de quatre ans.

Le e-cash sera conçu pour être facile d’utilisation, afin d’être le plus inclusif possible, les soutiens démocrates de la loi ayant à cœur d’en faire une monnaie accessible à tous. Deux personnes pourraient ainsi s’échanger facilement des e-cash en tapant leur téléphone l’un contre l’autre, et la monnaie devra également être facilement utilisable dans le commerce de détail, sur le modèle offert par le paiement sans contact. L’idée est aussi de permettre d’envoyer des e-cash à distance par messages sécurisés.

L’originalité du e-cash tient en partie au fait qu’il ne s’agirait pas d’une cryptomonnaie, comme le bitcoin. Ainsi, la loi stipule que le dispositif doit permettre des échanges monétaires de pair à pair « sans passer par un registre commun ou distribué »  et générer « un minimum de données transactionnelles » (là où la blockchain Bitcoin rend toutes les transactions publiques). L’idée est de conserver la confidentialité, la facilité d’utilisation et l’absence de frais de transaction qui caractérisent l’argent liquide, mais en s’affranchissant simplement du billet physique.

 

Le rouble numérique ou chimérique ?

Le rouble numérique ou chimérique ?

Le grand stratège Poutine qui politiquement a déjà largement hypothéqué son crédit en Russie,  transformé nombre de pays frères en ennemis, a trouvé encore la martingale en envisageant la création d’un rouble numérique.

L’objectif est bien entendu de contourner des moyens de paiements internationaux contrôlés par les occidentaux. Le problème est que cette proposition ne changera rien à la démonétisation d’un rouble qui va s’écrouler très durablement. Et cette tendance baissière incitera les opérateurs internationaux à demander  à être payés en devises étrangères notamment en dollars et non en monnaie  de singe qui ne cessera de perdre régulièrement de sa valeur.

Le rouble numérique s’inscrit ainsi dans la politique menée par Vladimir Poutine depuis son accession au pouvoir en 1999. Il a notamment promu un Internet 100% russe, le « RuNet », un intranet capable de couper le pays du world wide web, selon le principe de « la grande muraille numérique chinoise », que le Parlement russe a avalisé en mars 2019.

Mais le rouble numérique risque de demeurer à usage aussi uniquement interne. D’ailleurs nombres de Russes ont bien davantage confiance dans les monnaies étrangères que dans le rouble. Pour preuve,  la Russie est le quatrième pays détenteur de cryptes menées dans le monde respectivement 4ème et 18ème sur l’adoption des cryptomonnaies dans le monde, selon Chainanalysis..

La dictature numérique institutionnelle

 La dictature numérique institutionnelle

 Un papier de Serge Halimi qui dénonce dans le journal Le Monde la dictature numérique.
Conduite à marche forcée, la numérisation de l’accès aux services publics s’applique désormais à des démarches aussi indispensables qu’une demande d’état civil, le règlement d’un impôt, l’obtention d’un permis de séjour. Pourtant, l’obligation de recourir à Internet dans ces domaines et dans beaucoup d’autres liés à la vie quotidienne (voyages, réservations, tenue de comptes) réclame un effort particulier de ceux qui sont les moins en mesure de le fournir, faute du matériel requis, des savoirs informatiques, d’une assistance des proches. Pour eux, la « start-up nation » de M. Emmanuel Macron s’apparente à une peine d’exil dans leur propre pays.

Dès les premiers mots du rapport qu’elle consacre au rôle croissant du numérique dans la relation entre l’administration et ses usagers, la défenseure des droits Claire Hédon donne le ton : « Dans les permanences de nos délégués territoriaux arrivent des personnes épuisées, parfois désespérées, qui font part de leur soulagement à pouvoir, enfin, parler à quelqu’un en chair et en os (1).  » Les scènes poignantes de Moi, Daniel Blake, le film de Ken Loach dans lequel un chômeur britannique fait face à des procédures administratives d’autant plus inhumaines qu’elles sont informatisées, se rejouent quotidiennement en France. Treize millions de personnes, soit une sur cinq, y galèrent avec le numérique sans que les responsables politiques se soucient de leur existence (2).

Le profil des victimes coïncide avec les populations déjà brutalisées par l’ordre social : personnes âgées, ruraux, prolétaires, non-diplômés, détenus, étrangers. Inversement, les cadres, hauts revenus et diplômés du supérieur sont à la fois bien équipés en ordinateurs, tablettes, smartphones et recourent volontiers à l’administration numérique. En somme, plus une personne affronte une situation de précarité sociale, plus il lui est difficile d’accéder à ses droits, à ses prestations, aux services publics. L’urgence sanitaire, qui a généralisé le recours au télétravail, à l’école à distance, aux prises de rendez-vous médicaux par Internet (Doctolib), a accru cette relégation technologique des populations défavorisées. Et parfois, sans le mesurer, des formations politiques étendent au domaine de la vie démocratique la mise à l’écart des populations précaires. Ainsi, lorsque les écologistes ont organisé une consultation « ouverte à toutes et à tous à partir de 16 ans » pour choisir leur candidat à l’élection présidentielle, y participer exigeait de « disposer d’un email personnel, pour recevoir les liens de vote, d’un numéro de téléphone portable pour recevoir les codes de validation de vote et d’une carte bancaire pour valider une participation de 2 euros ».

Observant que « la situation tend à se dégrader », Mme Hédon rappelle que nul ne peut être privé de ses droits et prestations au motif qu’il ne recourt pas au numérique lors de ses échanges avec l’administration. Car pour beaucoup, insiste-t-elle, la « dématérialisation forcée » n’a pas représenté une simplification, mais « une forme de maltraitance institutionnelle ».

De la souveraineté numérique ( Bruno Sportisse, Inria)

De la souveraineté numérique ( Bruno Sportisse, Inria)

 

Une interview de Bruno Sportisse,PDG de l’ Inria dans la Tribune

 

Bras armé de la souveraineté numérique de la France, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) monte en puissance depuis 2018 et l’arrivée à sa tête de son actuel PDG, Bruno Sportisse. Très soutenu par l’argent public -notamment via France 2030- et au cœur des outils numériques de gestion de la crise Covid -notamment le très controversé TousAntiCovid-, l’Inria multiplie aussi les partenariats avec le secteur privé (Atos, La Poste, OVHCloud, TotalEnergies, Orange, Dassault Systèmes…) et ambitionne de générer 100 startups par an issues de sa recherche, contre une quarantaine actuellement. Une vraie « rupture de positionnement », qui crée des tensions en interne, mais que Bruno Sportisse justifie par la nécessité de renforcer la « jambe industrielle » de l’Inria, renouant ainsi avec son ADN historique. L’enjeu : maîtriser les infrastructures technologiques, créer les standards numériques de demain, notamment dans le logiciel, pour sortir de la dépendance aux Gafam américains.

 

 Concrètement, que fait l’Inria et quelle place occupe-t-il dans l’écosystème de la recherche et de l’innovation en France ?

BRUNO SPORTISSE - L’Inria est le bras armé de la souveraineté numérique de la France via la recherche et l’innovation. L’Inria, c’est 3.500 chercheurs et ingénieurs, dont 3.000 payées par l’Inria et 500 par nos différents partenaires publics et privés. 1.000 scientifiques entrent et sortent chaque année, donc c’est un institut dynamique. Pour comprendre qui on est, il faut un peu remonter l’histoire. L’Inria a été créé en 1967, lors du lancement du Plan Calcul qui voulait doter la France d’une souveraineté dans l’informatique. L’institut était alors sous la tutelle du ministère de la Recherche et de l’Industrie. Tout est dit : les deux jambes de l’Inria sont la recherche de très haut niveau et l’impact industriel.

Dans le détail, l’Inria gère 250 projets d’une durée moyenne de quatre ans. Quinze à vingt scientifiques sont alloués à chaque projet. Je considère que l’Inria est un institut-plateforme, dans le sens où nous fonctionnons en écosystème via des partenariats noués avec une multitude d’acteurs : des universités, d’autres centres de recherche et des entreprises privées. Leur objectif est de faire progresser la recherche dans chacune des verticales du numérique comme la cybersécurité, le cloud, l’intelligence artificielle, le calcul quantique… À chaque fois que nous lançons un projet dans une thématique, par exemple dans la santé connectée, c’est en partenariat avec d’autres experts, à l’image de l’Institut national pour la santé et la recherche médicale (Inserm) et des CHU.

Comment les projets sont-ils choisis ?

Depuis trois ans, l’Inria s’est restructuré autour de huit thèmes qui sont tous aux interfaces du numérique, et qui ont tous donné lieu à des pans du plan de relance. Il s’agit de l’intelligence artificielle, la cybersécurité, le cloud, les technologies quantiques, l’agriculture numérique, la transformation de l’éducation, la santé numérique et la mobilité numérique. Cela ne signifie pas qu’on ne travaille pas sur d’autres sujets, mais c’est dans ces huit domaines que nous concentrons l’essentiel de nos moyens. Il y a aussi, et heureusement, de la place pour des projets spontanés, issus des découvertes scientifiques de nos chercheurs. Par exemple, en 1990 le mot « web » n’apparaissait pas dans les missions de l’Inria, mais cinq ans plus tard, 20% des projets portaient sur le web parce que nos chercheurs avaient décidé de s’emparer de ce sujet.

Le but de l’Inria, c’est d’avoir de l’impact. Nous visons trois types d’impact : scientifique, technologique et industriel. L’impact scientifique, c’est produire les connaissances et « craquer » les verrous technologiques actuels, et ils sont nombreux dans le cloud, le quantique ou l’IA par exemple. L’Inria a d’ailleurs généré en dix ans 80 lauréats de bourses de l’European Research Council, ce qui est un record qui montre l’excellence de notre système

Numérique -Fibre : pas pour les ruraux qui auront droit à une prime de 150 à 300 €

Numérique -Fibre : pas pour les ruraux qui auront droit à une prime de 150 à 300 €

 

En dépit des promesses des pouvoirs publics de rendre accessible la fibre à tous les Français on se prépare un retour en arrière pour justifier le non raccordement de ruraux qui n’auront d’autre solution que de s’abonner au service de satellites et de la  5G . Bref paradoxalement ce sont les régions qui ont le plus besoin de réduire l’espace par la mobilité de l’information qui en seront privés.

Il se confirme que nombres de ruraux ne pourront prétendre être raccordés au réseau fibré . C’est ce qu’a laissé entendre en creux le premier ministre qui en compensation a promis une prime de 150 à 300 € pour se raccorder sans doute à des satellites ou à la technologie 5G.

Cette aide, lancée en 2018 en tant que dispositif « cohésion numérique des territoires », permet aux ménages et aux entreprises non couverts par les réseaux filaires de passer au haut débit sans fil, grâce à une subvention sur le coût d’équipement, d’installation ou de mise en service allant pour l’instant jusqu’à 150 euros.

L’association UFC-Que Choisir pointait dans une étude publiée fin janvier que malgré le réseau mobile 4G, 32% des consommateurs en zones rurales sont privés de « bon haut débit », à savoir une connexion internet ayant un débit supérieur à 8 Mbits/s.

Procédures-Simplification administrative ou complexification numérique

Procédures -Simplification administrative ou complexification numérique

Le gouvernement a décidé d’introduire davantage de numérique pour en principe permettre une simplification des procédures . Une manière de prendre le problème à l’envers tout en pérennisant les procédures inutiles. Sans parler du maquis que constituent l’accès et l’utilisation de nombre de sites. Or ce sont les champs d’intérêt général qui doivent  être précisés de manière prioritaire afin d’éviter ce qui caractérise la France à la fois un étatisme débordant dans tous les champs de la société.

Ce n’est qu’une fois précisées les vraies missions d’intérêt général qu’on peut se poser la question des moyens et des supports et non l’inverse. En effet dans certains cas, l’État n’a pas intervenir il n’y a donc pas besoin de moyens humains ni de procédures informatiques. Dans d’autres cas,  une activité peut justifier la tutelle publique mais sans nécessairement justifier le recours à des organismes publics et donc à des fonctionnaires (cas du transport urbain en général). Enfin certains champs d’intérêt général peuvent légitimer voire exiger l’intervention publique mais il faut distinguer les métiers qui peuvent justifier du statut de fonctionnaire et ceux  qui peuvent justifier d’un statut privé (exemple on peut admettre que les infirmières dans un hôpital public soit fonctionnaires mais pourquoi les menuisiers, les cantinières voir certains personnels administratifs).

Deux facteurs explicatifs dominants permettent de comprendre l’addiction française aux mécanismes procéduriers. D’une part la production excessive de textes législatifs, d’autre part le maintien un très haut niveau d’un nombre de fonctionnaires.

Pour des raisons existentielles davantage que d’intérêt général, le Parlement ne cesse de produire de nouvelles normes. De sorte que la France est en quelque sorte prisonnière d’un dispositif législatif de plus de 10 000 lois sans parler des décrets et autres textes officiels au nombre de l’ordre de 200 000. Notons que beaucoup de ces dispositions législatives nouvelles ne sont jamais appliquées pas plus que ne sont réalisées des évaluations régulières de la réglementation.

Les fonctionnaires de leur côté comblent le vide existentiel qui les affecte en multipliant textes, procédures, contrôle et fiscalité. Noyés dans cette mer administrative les politiques eux-mêmes sont souvent manœuvrés par une administration très corporatiste, c’est particulièrement vrai au niveau local ( ce sont les coûteuses  boites de conseil qui gèrent cette complexité et qui s’approprient en même temps les orientations , mais cela vaut aussi  aussi au plan national. L’idée consistant à imposer la suppression de deux textes à chaque sortie d’un nouveau pourrait constituer une sorte de guide pour sortir du marais paperassier trop réhabilité par l’usage du numérique.

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